I. Bienvenue à Astra!

 Un parfum de camomille émanant d'une tasse de thé froid. Des coussins roses pâles éparpillés sur un matelas à même le sol. Un miroir mural reflétant la lumière du soleil traversant les persiennes. Un bonzaï taillé avec soin trônant sur le plan de travail d'une kitchenette. Un appartement quasi vide.

Cela faisait déjà une demi-heure que l'alarme du réveil retentissait. Au milieu de boucles dorées, un visage d'ange, apaisant et apaisé, endormi profondément. Une deuxième alarme, d'un téléphone portable cette fois, rejoignit la première. La belle au bois dormant finit par remuer au milieu de son duvet. Alors qu'elle ouvrit péniblement les yeux et attrapa à tâtons son mobile, elle se leva d'un bond en voyant l'heure.

À toute vitesse, elle se prépara. Elle était en retard pour son premier jour de cours. La blonde savait qu'elle avait le sommeil lourd alors elle avait prévu deux alarmes. Mais sa deuxième alarme n'était pas réglée sur la bonne heure. Erreur d'inattention. Le décalage horaire qu'elle subissait n'arrangeait rien à son sommeil.

Avant de partir, elle pulvérisa sur ses cheveux une sorte de laque et les brossa, faisant disparaître instantanément ses boucles insolentes. Même en retard, la jeune femme ne supportait pas de sortir au grand jour avec ses cheveux naturels. Elle détestait ses boucles et les trouvait hideuses, pourtant beaucoup l'envierait. Pour sa tenue, la blonde avait opté pour un pantalon droit à pinces imprimé carreaux et un col roulé moulant. Elle avait rangé le nécessaire pour les cours dans une petite mallette.

En partant, elle trébucha sur sa valise qu'elle n'avait pas eu le temps de défaire. Elle se rattrapa de justesse et quitta son appartement, pressée.


Agathe était arrivée à Xyph la veille, dans l'après-midi. Il s'agissait de sa ville de naissance mais elle l'avait quittée il y avait désormais 13 ans pour suivre son père à l'autre bout de la planète pour son travail. Elle était enfin de retour dans cette grande ville cosmopolite où tous ceux remplis d'espoirs viennent tenter leur chance et réaliser leur rêve. Agathe aussi était venue concrétiser ses ambitions. Elle avait tout quitter comme ça, du jour au lendemain, et avait atterri le jour d'avant en n'ayant rien de prévu. Cela ne lui ressemblait pas, elle d'habitude si organisée. Mais c'était ce qu'il y avait de mieux à faire, car c'était ce qu'ils avaient toujours voulu.

Elle avait donc débarqué à l'aéroport, les yeux plein d'étoiles en voyant tous ces gens qui allaient et venaient de partout et de nulle part. Mais une fois l'excitation passée, elle s'était demandée : et maintenant ?

Elle était montée dans un taxi et quand le chauffeur lui avait demandé où elle allait, elle lui avait dit poliment et de façon si naïve:

- Emmenez-moi là où je pourrais louer un appartement, s'il vous plaît.

Le chauffeur fut d'abord surpris par cet itinéraire mais il lui avait expliqué qu'elle avait eu beaucoup de chance d'être tombé sur lui car il était un peu le passe-partout de Xyph qui connaissait tout le monde et que tout le monde connaissait. Alors cela tombait bien, car il avait justement l'ami de la femme de son grand oncle - attention ce n'était pas l'amant de la femme de son grand oncle, il fut ferme là-dessus -, qui avait plusieurs appartements à louer et qu'à cette heure-là il devait sûrement être chez lui devant son feuilleton préféré. Agathe l'avait écouté blablater tout le trajet sans l'interrompre. Grâce à lui, deux heures plus tard elle eut un appartement, bien situé, pas trop cher et avec une magnifique luminosité naturelle et le minimum pour équiper la cuisine. Ce qui avait fait tomber la belle blonde amoureuse de cet endroit fut la mezzanine où elle s'imagina déjà mettre son lit. L'appartement n'étant pas très grand, cette disposition lui permettait de gagner en espace. Le propriétaire fut très gentil et lui fournit un matelas. Le reste de l'appartement était vide.

La première chose qu'Agathe avait fait, ce fut d'installer son bonzaï qu'elle avait ramené avec elle. Elle lui promit de lui acheter sa propre table quand elle en aurait les moyens. Elle se sentit tout de suite chez elle avec Bonzi – c'était le nom de son bonzaï – sur son plan de travail. Après ça, elle ne pouvait plus attendre et partit toute seule visiter la ville, ne déballant pas sa valise.


La nuit était tombée. Le centre de Xyph était éblouissant. Les façades des immeubles de verre étaient quasiment toutes ornées de panneaux électroniques émettant différentes couleurs. Agathe était comme une enfant partant à l'aventure. Elle sautillait presque au fur et à mesure qu'elle découvrait les rues de la ville. Elle n'avait pas de destination précise et se plaisait à vagabonder. Les odeurs alléchantes des stands de street food lui parvinrent aux narines et la ramenèrent sur terre. Il fallait qu'elle fasse quelques courses et qu'elle rentre dormir si elle voulait être en forme le lendemain. C'est donc ce qu'elle fit. Mais une fois arrivée chez son nouveau chez elle, elle eut du mal à trouver le sommeil. Il faisait jour là d'où elle venait. Puis elle était bien trop excitée à l'idée d'enfin entrer à l'Académie des Signes.


Agathe avait candidaté quelques mois auparavant. Ayant obtenu son diplôme de fin de lycée avec des résultats impressionnants, elle avait sans surprise était acceptée. Pourtant, l'Académie des Signes n'était pas accessible à n'importe qui. Il s'agissait d'une école de renommée astrale, étant parfois même considérée comme une véritable institution. Des étudiants de tout Astra venaient y suivre les cours qui y étaient donnés. Il y avait une raison à cette reconnaissance. L'Académie des Signes formaient les meilleurs. Et les meilleurs avaient une chance d'être recruté par la Station.

La Station était une organisation astrale composée de combattants et de scientifiques. C'était une unité d'élite qui opérait à la fois sur Astra et dans l'espace. Sur Astra, elle assurait la protection des habitants de la planète contre les bêtes les plus dangereuses qui s'y trouvaient. Dans l'espace, son but était de contenir Ilios, le soleil d'Astra.

Il y avait de cela bien un siècle, Ilios avait commencé à perdre des fragments. Ses fragments se transformaient alors en météorites menaçant les planètes du système. Plus étrange encore, les fragments d'Ilios abritaient parfois de la vie. Des créatures, toujours plus puissantes, toujours plus hostiles. Alors, afin d'éviter que ces fragments n'atteignent Astra, la Station s'était installée dans l'espace. Des hommes et femmes sélectionnés y étaient envoyés pour mener des études sur Ilios mais aussi pour éliminer ces météorites. La plupart d'entre eux avaient étudié à l'Académie des Signes. Le directeur de l'Académie était d'ailleurs lui-même un ancien membre de la Station spatiale. La Station et l'Académie entretenaient donc une relation spéciale.

En ce qui concernait Agathe, elle ne voulait pas entrer dans la Station. La vérité était qu'elle ne savait pas ce qu'elle voulait devenir. Elle n'était là que pour une raison.


La voix du métro annonçant l'arrêt de l'Académie des Signes la sortit de sa rêverie. Le grand jour était enfin arrivé. Agathe eut le souffle coupé en voyant l'Académie. Elle se situait en périphérie de Xyph, sur un haut rocher au milieu d'une mer inapprivoisable. Elle était reliée à la terre ferme par un pont suspendu à une centaine de mètres de l'eau d'un bleu profond. La nature sur l'îlot n'avait pas de mal à affirmer ses droits. Une forêt plutôt sombre et fournie entourait l'Académie des Signes, mais cette dernière la dominait de sa prestance et de sa grandeur. L'Académie paraissait tel un château immense, au style plutôt gothique. Elle se démarquait par ses tuiles d'un rouge cardinal.

La blonde reprit tout de même ses esprits après avoir contemplé l'imposant édifice. Elle n'avait pas le temps pour ça. Elle entra dans l'Académie, le cœur battant, impressionnée par les lieux et l'aura solennelle qu'ils dégageaient.


À l'intérieur, un mélange de moderne et d'ancien cohabitait. Des étudiants et des professeurs de tout âge circulaient dans les couloirs. Le discours de bienvenue du directeur venait de s'achever et tous se rendaient dans leur classe. Agathe était complètement perdue au milieu de cette foule. Elle ne connaissait ni son emploi du temps, ni sa classe. En fait, elle ne savait rien et se sentit soudainement très stupide.

Un homme au visage fin, vint vers elle, serrant un tas de dossiers d'un bras contre son torse. Il portait ses lunettes au bout de son nez. Cela lui donnait un style sévère. Il l'interpella, d'un ton qui montrait un fort agacement :

-Vous. Vous êtes en retard pour votre premier jour. Les retardataires doivent passer dans le bureau du Directeur. Selon son humeur, il y a peut-être encore une chance pour qu'il accepte de vous garder.

Agathe n'eut pas le temps de répliquer que l'homme, âgé d'une vingtaine d'années s'engouffra dans un couloir. Tout en marchant d'un pas rapide, il ouvrit un dossier qu'il lut à voix haute :

- Agathe Green, 18 ans. Sagittaire.

La jeune femme le suivit aussi vite qu'elle put, un poil surprise que cet homme eut trouvé son dossier aussi vite.

L'Académie avait une politique zéro concernant les retards, surtout ceux dès la rentrée. D'ailleurs, il semblerait qu'Agathe était la seule à ne pas être au courant de cette règle d'or étant donné qu'elle fut la seule à se retrouver devant les portes immenses du bureau du directeur. L'homme à lunettes qui l'accompagnait et semblait être une sorte de secrétaire toqua avec assurance sur une des portes. L'écho de ses coups résonna tout le long du couloir jusqu'à disparaître dans l'immensité de l'Académie. Une voix terriblement grave et ferme ordonna d'entrer. Le secrétaire entra le premier.

-Monsieur, il semblerait que nous ayons une retardataire cette année.

Agathe n'entendit pas de réponses, mais vit l'homme à lunettes lui faire signe de la tête d'entrer. Agathe s'avança avec la forte impression d'entrer dans l'antre d'un monstre.


La pièce du bureau du directeur s'étendait sur la longueur. Devant la blonde se trouvait d'abord deux canapés face à face autour d'une table basse. Puis, à l'autre bout de la pièce se trouvait le bureau déjà enseveli de paperasses. La seule lumière pénétrant dans cet antre était celle passant par la fenêtre se trouvant derrière le bureau, faisant face à l'entrée. Dans l'encadrement de la fenêtre se dessinait une silhouette à contre jour. Quelqu'un se tenait debout, les bras dans le dos, regardant vers l'extérieur. Sa posture était droite. Ses épaules larges indiquaient une carrure imposante. Sans même se retourner, il parla d'une voix posée et naturellement autoritaire :

- Mademoiselle. Venez vous asseoir.

Alors que la jeune femme s'approcha de façon intimidée, le secrétaire disparut. Elle avait déjà entendu parler du Directeur. Elle savait que c'était un Lion et qu'il était monté à la Station. Il était célèbre pour avoir détourné de sa seule force un fragment d'Ilios. Une fois redescendu, l'ancien Directeur de l'Académie insista sur son lit de mort pour que ce soit lui qui prenne sa place. Cela faisait désormais une dizaine d'années que ce surhomme occupait le poste.

Plus Agathe s'approchait, plus les traits du Directeur qui venait de s'installer à son bureau devenaient discernables. Quand son visage lui apparut enfin, Agathe prise d'une sensation étrange, lâcha sa mallette. Pendant un instant, elle resta immobile, les yeux grands ouverts à scruter cet inconnu qui soutenait son regard. Rien ne se lisait sur le visage du Directeur. Il était froid et fermé. C'était un homme d'une quarantaine d'années, à la barbe taillée court tout comme ses cheveux. Il était châtain et ses yeux étaient d'un brun profond. Une petite cicatrice marquait sa pommette gauche. Il portait une chemise noire, assortie aux teintes sombres qui régnaient dans cette pièce. Il dégageait une aura puissante. Il incarnait l'autorité.

Mais ce n'est pas cela qui perturba Agathe. Cet homme. C'était lui qu'elle voyait dans ses rêves. 

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