chapitre 2
Je n'ai pourtant pas oublié de désactiver mon réveil mais, malgré ça, je suis debout à huit heures le lendemain, avec moins de sept heures de sommeil derrière moi.
Tant que Cap ne nous appelle pas, c'est que nous sommes techniquement en congés, ce qui dure rarement – jamais - bien longtemps...
Je devrais sûrement en profiter pour me reposer mais je ressens le besoin de me dépenser, maintenant que le nuage de sommeil qui entourait mon cerveau s'est dissipé.
Je pourrais aller courir dans le parc à deux minutes de chez moi pour m'aérer l'esprit. Hmmm. Non. Décidément, rien ne rivalise avec l'immense salle d'entraînement du QG de Zodiac.
J'enfile une brassière et un jogging, fourre une tenue de rechange dans un sac de sport et passe la lanière sur mon épaule. J'attrape un morceau de pain avant de sortir de chez moi mais je me casse les dents dessus tellement il est sec alors je le jette aux canards, ravis, en passant devant le parc.
Dans le taxi, je sens mon téléphone vibrer dans la poche du sac. Et bien, les vacances auront été de courte durée !
Je décroche, m'attendant à la voix autoritaire de Cap m'expliquant à toute allure que je devais ramener mes fesses fissa. Au lieu de ça, le vide.
« Allô ? » Répété-je plusieurs fois, et tout ce que j'ai comme réponse sont des sortes de bruits de respiration saccadés, comme un rire ou des pleurs étouffés.
Je fronce les sourcils en raccrochant. Nos téléphones sont sécurisés et seul Capricorn ou un autre membre de l'équipe est censé pouvoir nous appeler. Est-ce que c'était Aqua, Gem, Scorpio ou Libra ? Ça m'étonnerait, et pourtant ce n'était clairement pas Cap.
Je change de position sur la banquette arrière de la voiture, dérangée par un mauvais pressentiment.
Je pousse les portes de verre, passe à travers de nombreux portiques de sécurité - légèrement plus sophistiqués que ceux des aéroports, il faut le dire – et me dirige vers les ascenceurs. Une fois au bon étage, je me rends dans la salle d'entraînement. En chemin, je suis étonnée de tomber sur Li, ses cheveux épais et lisses qui lui tombent au creux des reins, lâchés, alors qu'elle les relève toujours en queue de cheval, et pas maquillée, comme si elle venait de se réveiller. Je la salue et lui demande d'où elle vient.
« On a tous dormi au QG après s'y être rassemblés hier. Il était vraiment tard et on était crevés. Tu aurais du venir, on a passé un bon moment. » M'explique-t-elle en ayant l'air vraiment déçue - mais pas étonnée - que je n'ai pas voulu me joindre à eux après la mission. Je lui fais un sourire d'excuse et lui propose de m'entraîner avec elle lorsqu'elle serait prête. Je me fais toujours un plaisir de faire du corps à corps avec Li. Ses talents en arts martiaux font d'elle une adversaire de taille – que je préfère savoir dans mon camp que dans le camp adverse, soyons clairs.
Ça fait bientôt deux heures et demie que je suis dans la salle de sport. J'ai commencé par faire un peu de boxe et de musculation et j'ai ensuite passé une heure à m'entraîner avec Li. Ma fatigue musculaire commence à se faire sentir alors je décide de ne pas trop pousser et m'en tiens là. Après une rapide douche dans ma salle de bain attitrée – nous avons chacun une chambre, une salle de bain et un petit salon personnels – je me change et me rends dans la salle de tir.
Je suis surprise de voir que Scorpio a eu la même idée que moi vu qu'il est lui même en train de décharger son pistolet sur une cible mouvante. Il vient visiblement de se lever (qui vient s'entraîner au tir au sortir du lit?) étant donné ses cheveux en bataille sous son casque anti-bruit et son t-shirt froissé. Savamment froissé ceci-dit puisqu'il dessine tout de même légèrement la musculation pas légère de son torse. Je n'en reviens pas, on dirait qu'il le fait exprès !
J'aurais préféré être seule pour pouvoir me concentrer pleinement mais bon, dans la vie, on n'a pas toujours ce qu'on veut. Je soupire mais fais vite le vide en moi-même lorsque je sens le poids familier de l'arme dans ma main.
Autant que les arts martiaux sont le truc de Li ou que l'informatique est celui de Gem, tirer est mon truc. J'ai commencé quand j'avais dix ans avec une carabine et des plombs. C'était un moment qu'on adorait partager avec notre mère, mon frère et moi.
A ce souvenir mon bras flanche et je manque totalement la cible alors que les cinq balles précédentes étaient allées se ficher au centre. J'en perds ma concentration et reconnecte avec le monde. Du coup, je ne loupe pas le haussement de sourcil amusé de Scorp au vu de mon loupé tandis qu'il quitte la salle. Je lui fais une grimace. Bon vent.
Quand vient l'heure du déjeuner, et même si je meurs d'envie de rentrer tranquillement chez moi, je reste pour manger avec l'équipe. Je leur ai déjà fait faux-bond hier et il est rare que nous ayons le temps de profiter d'un repas tous ensemble, alors je me dirige vers le self.
En fait, le QG n'est pas seulement le point de rassemblement de notre moitié d'unité Zodiac. Évidemment, nous ne partageons pas les même locaux que l'équipe B qui est localisée plus à l'ouest du pays, même si aucun de nous ne sait précisément où, à part Cap. En revanche, d'autres unités de renseignements secrets et d'espionnage sont également basées ici, au QG. Nous évitons de nous côtoyer ; il n'est pas vraiment recommandé de se mêler des affaires des autres dans ce métier. A part des affaires d'État, bien sûr...
Je pose mon plateau sur la table et passe au dessus du banc pour m'asseoir entre Gem et Aqua, en diagonale de Li et en face de Scorpio. Gem pianote à vive allure sur le clavier de son ordinateur, posé en face de lui, qui passerait plus pour une extension de son bras tellement il l'emmène partout.
« Tu sais, la NASA peut attendre, Gem, t'es pas obligé de passer ton temps a essayer de la pirater, surtout quand on peut profiter d'une telle qualité de repas. Lui fait remarquer Aqua en bavant devant son énorme hamburger. L'intéressé (Gem, pas le hamburger) lève les yeux au ciel.
- Pourquoi perdre son temps à pirater la NASA ? Cap m'a filé les dossiers de certains des clients de Barajas qu'on a trouvé sur les clefs. Ils utilisent très rarement leurs vrais noms et paient en cash donc il est compliqué de les retrouver. J'essaie d'en choper le plus possible pour que l'équipe B puisse aller plus vite avant qu'ils ne se volatilisent tous.
- Tu ne peux pas utiliser la reconnaissance faciale ? Suggère Scorp, sa fourchette d'épinards à mi-chemin entre son assiette et sa bouche.
- C'est ce que je fais, mais je n'ai pas la photo de tout le monde et quand je ne sais pas au moins à peu près où ils résident ou les lieux où ils ont l'habitude de faire leur trafic, je ne peut pas hacker toutes les caméras de surveillance de toutes les villes du monde entier !
- Petit joueur. Réplique Scorp, les yeux rieurs.
- Aquarius, si tu mâches encore une fois la bouche ouverte je te promets que je te fais avaler le reste ton hamburger tout rond. Assène Li qui en a visiblement marre de contempler l'intérieur de la bouche de notre cher collègue tandis qu'elle mange ses frites à la fourchette. Et pour que Libra soit si vindicative, il faut qu'Aqua ait vraiment mis du cœur à la mastication.
- Oui oh, ça va, excuse moi, madame la reine des bonnes manières. Articule-t-il en ouvrant ostensiblement sa bouche pleine, ce qui lui vaut un regard noir de Li.
- La vraie question est : y a t-il vraiment un moyen élégant de manger un hamburger ? Demande Gem sans quitter son écran des yeux.
Et là, c'en était fini de nous. Aqua a commencé à nous raconter pour la millième fois cette fameuse mission pendant laquelle il nous attendait tranquillement dans la voiture en mangeant un énorme menu Mac Donalds, que nous étions arrivés en trombe et sans prévenir, qu'il avait dû conduire (comme un dieu selon ses dires) tout en mangeant son cheeseburger avec une immense classe puisque le magnifique cuir de la voiture était resté immaculé.
Il en est au moment où nous claquons les portières, un peu à la manière de la sortie de l'hôtel particulier d'hier, quand je décide que tout le monde a eu sa dose.
- Pas que ton épopée ne soit pas intéressante, Aqua, mais ne m'en veux pas si je te dis que je risque de vomir, comme cette fois là où tu as conduis... tout en douceur, rien qu'à t'entendre raconter encore cette histoire ! Fais-je d'une voix mielleuse en lui adressant un sourire de menace. Les autres rient à ce souvenir, et aussi à cause de la tête que tire notre pilote, déconfit parce que je l'ai privé de son heure de gloire. Ou alors horrifié parce que j'avais bel et bien rendu mon déjeuner ce jour-là. Ou peut-être les deux.
Lorsque nous avons terminé de manger, mes collègues commencent à se lever pour aller débarrasser leurs plateaux. Gemini leur fait signe qu'ils les rejoindra plus tard, trop absorbé par son travail. Je saisis donc cette occasion pour enfin poser la question qui me taraude.
« Dis-moi Gem, tu es sûr que les numéros de nos téléphones sont sécurisés ? Que nous sommes les seuls à les avoir et à pouvoir nous appeler ?
-Oui, à 200 %. Je les ai moi même configurés avec les informaticiens du QG. Les numéros sont spéciaux et tu as ensuite besoin d'un code qui est inscrit dans ta carte sim pour y avoir accès, enfin je t'épargne les détails techniques. Me répond-il du tac au tac sans s'arrêter de pianoter.
Une seconde passe, puis il paraît se rendre compte de l'étrangeté de ma question. Il marque une hésitation, se tourne vers moi avant que je n'ai eu le temps de fuir et demande : « Pourquoi ? »
Je hausse les épaules en prenant l'air dégagé. Il n'est pas dupe et paraît embêté que je ne lui dise pas la vérité mais n'insiste pas, ce que j'apprécie. Li ou Aqua m'auraient très certainement harcelée pour que je leur fournisse une excuse valable. Quant à Scorp, je crois qu'il n'en aurait rien à battre, pour parler poliment.
C'est marrant quand j'y pense, à mes débuts dans cette unité, il n'y a pas si longtemps finalement, Scorpio n'était pas si renfermé. J'ai l'impression qu'il a pris de la distance dernièrement, et surtout avec moi. Étant donné que moi aussi je garde une distance - de sécurité, disons - entre moi et chacun, inutile de vous décrire la nature de mes relations avec Scorpio.
Au moins, les autres essaient, Libra surtout. Elle a un esprit très convivial et protecteur, je sais qu'elle a gardé un contact plutôt étroit avec sa famille alors que généralement les agents tentent de l'éviter au maximum pour ne pas mettre en danger leurs proches. Je crois que c'est plus fort qu'elle. Et malgré ça, elle considère l'équipe comme une sorte de famille de substitution, ce qui, j'en suis persuadée, est extrêmement dangereux.
Par ailleurs, nous sommes les deux seules filles alors je pense qu'elle aimerait qu'on se serre encore plus les coudes. A mon arrivée dans l'unité, la repousser sans cesse me faisait vraiment mal au cœur, surtout pendant cette période où j'avais désespérément besoin d'une attache. Mais c'était pour mon bien sur le long terme et Libra a fini par comprendre qu'elle ne pourrait pas attendre plus de moi.
Le lendemain, je me réveille à dix heures après avoir enfin réussi à aligner neuf heures de sommeil d'affilé. J'ai pourtant mis du temps à m'endormir, mon cerveau n'arrêtant pas de chercher toutes les explications possibles à ce satané coup de fil que j'ai reçu dans le taxi d'hier. Gem a été formel, seuls les membres de notre équipe ont accès à ce numéro. Il est sécurisé, impossible que cela ait été une erreur. Je ne supporte pas de ne pas comprendre, surtout quand je sens clairement que quelque chose m'échappe.
Je suis en train de faire un peu de ménage dans mon grand appartement – et de ruminer – quand mon téléphone sonne. L'appréhension monte tandis que je retourne dans ma chambre pour répondre.
« Allô ? Fais-je, hésitante.
- On a du nouveau, saute dans un taxi. » Je reconnais avec soulagement la voix de mon patron tandis qu'il raccroche. Je m'habille en vitesse, attrape mes clefs et laisse mon ménage en plan. Je vérifie deux fois que j'ai bien fermé ma porte et me voilà en route pour le QG. Le taxi me dépose quinze minutes plus tard et je continue à pied. Je donne à chaque fois une adresse différente pour éviter d'éveiller les soupçons et je finis le chemin en marchant. Voilà pourquoi je me maudis actuellement d'avoir mis des sandales à talons – ce sont les premières chaussures que j'ai trouvées.
J'ai enfin réussi à me coiffer convenablement au moment où je débarque dans le hall.
Lorsque j'arrive dans la salle où nous faisons habituellement le briefing avant chaque mission, tout le monde est déjà installé, sauf Cap qui n'est pas dans la pièce. Je m'assois dans un fauteuil confortable au moment où nous voyons notre boss bien aimé arriver, presque en courant, à travers les parois de verre. La salle de réunion possède des murs tout en verre sans tain, ce qui fait que nous voyons l'extérieur mais que l'extérieur ne nous voit pas. Ceci-dit, il y a quand même d'immenses stores de notre côté, prêts à être dépliés au cas où nous ne voudrions vraiment pas être distraits.
« J'étais au téléphone avec Virgo à l'instant et mon intuition se confirme. L'autre partie de l'unité va avoir besoin de nous pour arriver à démanteler tout le réseau de clients de Barajas. Oh et, bonjour à tous. S'interrompt Cap, retrouvant son ton posé au fur et à mesure qu'il s'explique.
- Enfin, techniquement, ils ont déjà fait appel à notre aide. Fait remarquer Gem avec une moue en désignant son ordi du menton.
- Oui certes, d'ailleurs ton aide a été précieuse. Virgo ne l'a pas dit clairement mais je la connais, ça a facilité la tâche de son équipe.
Donc je disais : présentement, ils ont réussi à localiser la moitié des individus à peu près, ils sont déjà intervenus hier et ont coffré un des plus gros clients, ce qui est excellent. Ils ont également réussi à avoir des renseignements sur des transactions. Cependant ils rencontrent un problème : deux clients différents ont chacun prévu une transaction au même moment et l'équipe B ne peut pas se dédoubler. C'est là que nous entrons en jeu. La première, celle que nous allons « déranger », dit Cap dans un demi-sourire, s'effectue à dix-neuf heures ce jeudi et la seconde a lieu à vingt-trois heures. Don...
- Quoi ? Mais quatre heures séparent les deux rendez-vous, ils ne sont pas capables de les gérer tout seuls ? Réagit Scorp en fronçant les sourcils.
- C'est bien trop risqué. De plu... Tente de reprendre Capricorn.
- Pourquoi, tu as quelque chose de mieux à faire ? Demandé-je en me tournant sur mon fauteuil pour regarder Scorpio droit dans les yeux.
Je n'ai pas pu m'en empêcher, c'est sorti tout seul et je sais déjà que je n'aurais pas dû. Mais mon dieu que ses remarques condescendantes m'énervent ! Il me rend mon regard, les deux sourcils relevés. Puis il esquisse un sourire étrange, presque amusé, et me répond : « Du tout » avec une moue innocente.
- Bon, c'est quand vous voulez. Nous rappelle Capricorn, légèrement agacé. Je détourne le regard pour me concentrer sur ce qu'il est en train d'afficher sur l'énorme tableau numérique qui prend toute une largeur de la pièce rectangulaire.
-Voici la cible. Déclare-t-il, tandis que l'image d'une femme d'âge moyen s'affiche sur l'écran. Son visage n'a rien de particulier, si ce n'est qu'elle a des cheveux d'un rouge sang. Cap reprend : elle se fait appeler Red Hood, c'est d'ailleurs grâce à la couleur de ses cheveux qu'on a réussi à l'identifier. On s'occupera de sa transaction parce qu'elle à lieu le plus près de notre QG, au sud du Texas. Je vous envoie tout de suite l'itinéraire. Il faut bien que vous compreniez que c'est elle la cible, le client avec lequel elle fait l'échange est secondaire, nous le laisserons à la police locale. Vous devez revenir ici avec Red Hood, son homme de main, qui serait susceptible de reprendre les affaires de Barajas si on n'arrive pas à l'inculper avant, et l'objet de l'échange : elle va refourguer de la drogue qui ne vient pas du mexicain, certes, mais si nous la prenons en flagrant délit, cela suffira pour lui faire passer assez longtemps à l'ombre. A ce moment-là, on pourra l'interroger. Bien, maintenant que ça c'est clair, j'ajoute que vous devez impérativement être les plus discrets possibles. Pas de vagues. Si on se loupe, ça pourrait fragiliser les positions de l'équipe B et le but ici est de les aider, pas de leur mettre des bâtons dans les roues, vu ?
On hoche tous la tête et Cap continue en donnant des détails supplémentaires sur notre équipement notamment. Je suis en train d'écouter la question d'Aquarius (sur le type de voiture qu'il va pouvoir conduire) quand je sens que mon portable vibre par intermitances dans ma poche.
Je sursaute discrètement. Numéro privé. Je ne suis quand même pas folle, nous sommes bien d'accord que toutes les personnes susceptibles de m'appeler sont en ce moment même avec moi dans la pièce et aucun ne touche son téléphone.
Je pensais que personne n'avait remarqué mon trouble mais Gem à côté de moi me regarde d'une drôle de façon. Pourvu qu'il n'ait pas remarqué que mon téléphone vibrait parce que ça, plus ma question d'hier au self, ça va commencer à faire beaucoup. Et la dernière chose dont j'ai besoin maintenant, c'est d'un interrogatoire en règle. Alors je souris à mon voisin, me compose aussitôt un visage neutre et retrouve ma concentration.
« Bon, je vous laisse mijoter là-dessus. Que tout le monde réfléchisse à la stratégie qu'il adopterait pour aborder la mission Red Hood et je veux entendre chacun de vous demain, à la première heure. Je veux quelque chose de réglé au millimètre. Jeudi est après-demain, ça devrait nous laisser un peu de temps en plus pour nous préparer. Aqua, une réplique du fourgon que tu vas devoir conduire t'attend dans le parking sous-terrain. Je compte sur toi pour te familiariser avec l'engin, en comptant évidemment que tu transporteras six passagers en plus de toi le jour-J. Il ne devrait pas y avoir d'autre urgence, je vous transmets les fiches de vos deux cibles et vous êtes libres pour la journée. Celui qui est retard demain matin ne participe pas à la mission. Parce qu'il est renvoyé. Bonne journée à tous ! » Déclare-t-il tout sourire. Classique Cap.
Nous nous levons dans un léger rire et sortons de la pièce un à un, au fur et à mesure que les notifications d'envoi des dossiers nécessaires à la mission se font entendre.
Je décide de rester un peu au QG pour éplucher les informations et essayer d'établir un plan « d'attaque ». Capricorn est très attaché à ce que les choses soient carrées, même si on rencontre toujours des variables. En même temps, si ça dégénère plus ou moins lorsqu'on prépare une intervention à fond, je n'ose pas imaginer ce qui se passerait si on y allait à l'improviste. Ceci dit, on n'est pas des débutants, ni des bras cassés, donc je suis convaincue qu'on s'en sortirait bien. Mais ce n'est pas moi le chef et je n'ai pas le moitié de l'expérience de Capricorn alors...
Je passe d'abord dans mes « quartiers personnels » comme on les appelle pompeusement. J'entre dans ma chambre qui est toujours nickelle puisque je ne l'utilise presque jamais, je laisse seulement des habits de rechange dans les placards. J'abandonne sur le sol mes sandales que je passerai chercher plus tard et enfile des chaussettes. J'attrape des baskets basses puis me ravise. Je vais aller travailler dans le salon que nous avons en commun parce que les canapés sont plus confortables que dans mon petit salon adjacent. Cependant, il est réservé à notre unité et tout le monde devrait être à la cantine maintenant, alors moi me baladant en chaussettes dans les couloirs ne devrait choquer personne. Je remets un peu de rouge sur mes lèvres bien dessinées pour compenser et sors de la chambre, mon ordinateur sous le bras - il sera plus simple de lire les dossiers sur un plus grand écran que mon smartphone. Je passe le couloir des chambres, en espérant ne croiser personne qui en sort, et me dirige vers le grand salon, qui possède aussi une petite cuisine, à côté de la salle de briefing ou de réunion, c'est selon. Une fois entrée, je me dirige vers le réfrigérateur dans l'espoir de trouver de quoi me faire un sandwich. Normalement c'est Cap qui doit se charger de réapprovisionner mais on a décidé de se relayer pour faire les courses. Cette semaine, je crois bien que c'était le tour d'Aqua alors c'est quitte ou double. Soit il n'y a rien parce qu'il a oublié, soit il y a de quoi nourrir un régiment et on va devoir en jeter la moitié parce que personne ne mange autant ici, et qu'il y a quand même un self au rez-de-chaussée. Malheureusement pour moi, je tombe sur la première option : lorsque j'ouvre le frigo, je ne trouve que les restes de ce que j'ai acheté la semaine dernière puisque c'était alors mon tour. Je dégote un morceau de beurre, des restes de charcuterie qui ne demandent qu'a être mangés et, Dieu merci, il me reste un de mes yaourts préférés.
Mon mini-repas enfin prêt, je m'installe sur le canapé - je « m'enfonce » serait plus exact en vérité - et installe l'ordi sur mes genoux, repliés à côté de moi. Je me lance dans l'étude assidue des dossiers, j'aime connaître mon sujet et je veux avoir une stratégie qui se tienne à proposer demain. Et puis me concentrer me permet d'éviter de me demander comment et pourquoi un.e inconnu.e m'appelle et plusieurs fois. Je devrais en parler à Cap. Bon, concentration sur Red Hood et son second.
Un peu plus d'une heure plus tard, je suis tellement concentrée que je sursaute quand Gemini entre dans la pièce. Il sursaute lui aussi, ne s'attendant sans doute pas à ce que je sois ici. Nous rions de notre bêtise et il s'excuse :
« Je suis désolée, je savais pas que tu travaillais là. D'ailleurs je ne savais pas que tu étais restée, tu aurais dû nous le dire, on t'aurait attendu pour aller manger en bas.
Je désigne du menton l'assiette vide devant moi.
- Pas de soucis, je voulais vraiment me pencher sur les dossiers et j'ai réussi à trouver de quoi me faire un en-cas. C'est koh-lanta dans le frigo, Aqua a encore oublié d'aller faire les courses. Lui réponds-je en souriant.
- Ça ne m'étonne pas, dit-il en se servant un café, adossé sur le comptoir en face de moi, et puis là, inutile de lui demander quoi que ce soit étant donné qu'il doit être en train de s'amuser comme un fou sur le parking...
- Sacré phénomène celui-là. Fais-je, pensive.
Quelques minutes de silence passent. Gem sirote son café, préoccupé, et je me repenche sur les dossiers. Je vois bien qu'il veut me parler du téléphone mais je fais mine de rien et évite de croiser son regard. Cependant, n'y tenant plus, il finit par me demander d'un ton nonchalant en désignant l'objet :
« Il se passe quelque chose avec ton téléphone ? »
J'envisage un instant de nier ou de sortir un mensonge du tac-au-tac mais me ravise. Après tout, ça pourrait mettre en danger la sécurité de l'unité et il serait bien égoïste et peu professionnel de ma part de garder ça pour moi.
- J'ai reçu deux appels d'un numéro privé. Hier et aujourd'hui, en réunion. Je ne sais pas si c'était le même à chaque fois mais il est certain que ce n'était pas vous. Hier, j'ai pu décrocher, il n'y avait personne au bout du fil. Ou en tout cas, je n'ai rien entendu. L'informé-je, gênée maintenant de ne pas le lui avoir dit plus tôt. Il se pince les lèvres et paraît réfléchir à tout allure.
- C'est... La seule explication serait que quelqu'un de notre équipe ait donné ton numéro à quelqu'un d'autre en plus du code secret que je suis le seul a connaître puisque c'est moi qui l'ai créé. Quoique, certains gars en informatique doivent savoir aussi mais il est impossible que ce soit eux. Tu es certaine que tu ne connaissais pas ton interlocuteur ?
- Ce matin oui, évidemment, vu que nous étions tous dans la même pièce et hier, c'était très étrange, aucun de vous ne m'aurait appelée pour ne rien dire comme ça. Lui réponds-je, me mettant à réfléchir à mon tour.
- J'ai beau tourner ça dans tous les sens, ça serait la seule option possible, donner le code et le numéro de téléphone. C'est plutôt inquiétant. Il faudrait demander à Capricorn de tout reprogrammer et de changer les téléphones de tout le monde, dans le doute. Déclare Gem, très sérieux.
- Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée de l'inquiéter maintenant, alors que la mission approche et qu'il aide Virgo à coordonner l'équipe B. Lui fais-je remarquer.
- Oui. Oui, tu as raison. En attendant, si ce numéro te rappelle, viens me voir. On pourra peut-être tenter d'en savoir plus. »
Je hoche la tête mais je n'ai pas l'intention non plus de rester 24h/24 au QG. Cela dit, je n'ajoute rien et il jette son gobelet en carton dans la poubelle avant de sortir de la pièce. D'ailleurs, j'ai presque fini de mettre au point une sorte de stratégie et je commence à avoir des fourmillements dans les jambes à force de rester immobile. Je ferme l'ordinateur, le pose à côté de moi et m'étire comme un chat. Une fois que j'ai retrouvé l'usage de tous mes membres, je débarrasse mon assiette. Je sors ensuite à mon tour du salon en me triturant une mèche de cheveu, préoccupée cette fois par le déroulement de la mission de jeudi. Au bout du couloir, je tourne à gauche pour rejoindre les chambres et croise Scorpio qui arrive en face de moi. Il me détaille de haut en bas de son regard perçant et s'arrête au niveau de mes pieds, un sourire en coin. Je fronce les sourcils et baisse la tête à mon tour. Oh. J'avais oublié.
Je lui rends son sourire et je me moque en passant à côté de lui :
« Ce sont des chaussettes, elles ne vont pas te manger, relax. »
Je sens qu'il s'arrête derrière moi, tandis que je continue mon chemin tranquillement, pensant que la discussion était close.
« C'était quoi cette pique, ce matin au briefing ? » Lance-t-il dans mon dos.
Alors là, je m'attendais à tout, sauf à ça. Je fais volte face pour le trouver adossé au mur, bras croisés sur le torse, visiblement décidé à entendre une explication de ma part.
« Ta remarque m'a énervée. Lui réponds-je tout à fait honnêtement en haussant les épaules.
-Oh, rien qui change de d'habitude alors. » Conclue-t-il en décroisant les bras aussitôt et en reprenant son chemin, le plus normalement du monde.
Je reste un instant sans bouger, interloquée, tandis qu'il s'éloigne dans le couloir. Incompréhensible. Je secoue la tête et continue ma route jusqu'à ma chambre, sans plus chercher à comprendre.
* * *
Et voici la suite de Zodiac, en espérant qu'elle vous plaise ;)
Encore une fois, je suis curieuse de connaître votre avis, donc n'hésitez pas dans les commentaires !
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