8-Rosalie: Investigation dangereuse

Voilà deux jours que Clara et moi sommes sans nouvelles d'Alex. Il ne répond pas au téléphone et n'est pas chez lui. Ça commence réellement à m'inquiéter. Dans quel pétrin s'est-il encore fourré?! Je n'ose pas imaginer le pire et pourtant...

Plus j'y réfléchis, plus je me dis que la probabilité qu'il ait eu à subir le courroux de l'une de ses relations «professionnelle», est plus qu'envisageable. Alex s'est fait de nombreux ennemis au sein des quartiers les plus malfamés de la Plèbe. J'essaie de me remémorer le nom de certaines personnes qui auraient pu s'en prendre à mon ami. La liste est trop longue et pour la plupart, des mafieux, trop puissant pour qu'on me laisse les approcher.

Avant de m'aventurer au cœur même de la tourmente; je préfère aller vérifier une dernière fois, au dojo; juste au cas où. Généralement, quand Alex est introuvable, c'est qu'il s'entraîne au sac de frappe ou au sparring.

J'aperçois l'imposante bâtisse désuète et y pénètre. Dans le hall d'accueil aux murs délavés, derrière le comptoir, m'observe un homme aux muscles saillants. En le reconnaissant, je lui souris.

-Tiens, une revenante! -S'exclame le jeune homme, à peau sombre.

-Coucou Ibrahim! Tu vas bien?

Il acquiesce, avec un sourire ravi.

-Est-ce que tu pourrais me dire si Alex est ici?

-Écoute, je ne crois pas; cependant il a pu enregistrer sa carte d'adhérent quand j'avais le dos tourné. Le mieux, c'est que tu ailles jeter un coup d'œil dans la salle.

Je le remercie, puis contourne le comptoirs, en direction du dojo.

En entrant dans la pièce, les souvenirs de mes séances d'entraînements, en compagnie d'Alex et Clara, refont surface. Cette odeur de sueur insoutenable, les chaussures de boxe crissant sur les tapis de sol en caoutchouc, le bruit des frappes enchaînées contre le sac gigotant tel une girouette, les haltères retombant sans ménagement sur le sol. Je suis, directement, prise d'un élan nostalgique. Je dois reconnaître que ça me manque beaucoup de ne plus venir ici.

Cependant, j'ai fait des choix et je dois les assumer; aussi difficile soient-ils. Je suis interrompue dans mes rêveries, par une voix dans mon dos:

-Rosalie?!

En me retournant; le visage aussi concentré que d'ordinaire, du Sensei Jones, m'observe avec attention. Comme l'exige la discipline des arts-martiaux, je m'incline respectueusement, face à mon professeur.

-Bonjour Sensei.

-Je suis heureux de voir que tu viens reprendre l'entraînement.

-Pas tout à fait, non.

-Alors, qu'est-ce qui t'amène?

-Je viens juste voir si Alex est là.

Sensei Jones me répond «Non», d'un signe de tête, ce qui me tétanise un instant.

-Où peut-il bien être, bon sang!

-Tu t'es renseignée auprès des commissariats?

-Vu le casier, long comme le bras, d'Alex; je préfère éviter que les Défenseurs de la Liberté s'intéressent à son cas.

Mon ancien coach s'avance vers moi et me pose une main réconfortante, sur l'épaule; en tentant d'apaiser mes inquiétudes.

-Ne t'en fais pas. Je suis persuadé qu'Alex va bien. Il s'est toujours sorti des situations les plus périlleuses, n'est-ce pas?

J'acquiesce, la gorge nouée, me pinçant les lèvres.

-Je suis sincèrement navré de ne pas avoir pu t'aider. -Me dit l'entraîneur.-

Poliment, je lui adresse un sourire bienveillant et m'incline pour le salut habituel, avant de prendre congé. En m'en allant, Sensei Jones m'interpelle:

-Je sais que ce n'est pas trop le moment, mais... quel dommage que tu aies arrêté l'entraînement, Rose. Ton potentiel aurait fini par te faire repérer par des promoteurs.

Au sein de la Plèbe, aucun sportif ne devient réellement professionnel. Se faire repérer par des promoteurs signifie, surtout, finir dans des combats clandestins, au cœur des quartiers les plus malfamés; avec un agent aux allures mafieuses, te collant une prime sur la tête, dont la valeur dépend de tes résultats.

-Merci du compliment, Sensei. Cependant, je ne suis pas Alex. Je préfère gagner ma vie, autrement que par des combats clandestins.

En sortant du dojo, ma crainte ne fait que s'accentuer. Où peut bien être Alex?! Je doute qu'il se soit fait arrêter par les Défenseurs de la Liberté. Une arrestation est souvent synonyme d'exécution publique; donc je l'aurai su.

Réfléchissant aussi vite que possible, j'analyse les endroits restants, où il pourrait se trouver. J'ai bien une petite idée, mais évidemment, ce n'est pas un lieu très recommandable. Tête baissée, je décide de m'y rendre.

Dans mes souvenirs, Alex m'avait évoqué le nom d'une bande qui l'employait; avant qu'il ne se mette à travailler pour Boris. Comme à chaque fois, sa relation, avec la bande en question, s'est terminée par une entourloupe d'Alex; suivi d'un désir ardent du gang de vouloir se venger, sans toutefois y parvenir concrètement.

Par chance, je me souviens de l'adresse de leur repère, dont Alex m'avait fait part lors de l'une de nos conversations. «Rue de la toison d'or», en référence au mythe grec de Jason. Pas très difficile à retenir, étant donné qu'il s'agit du prénom de mon frère.

Arrivée à proximité des hangars, je ramasse mes longs cheveux blonds soyeux en chignon et enfile ma capuche, afin de ressembler le plus possible à un garçon. Préférant attirer le moins possible l'attention sur moi; je baisse la tête et avance d'un pas rapide.

Entendant des voix braillardes, je me faufile, discrètement, dans l'un des hangars resté ouvert. Je m'arme d'un pied de biche, que j'aperçois, en entrant dans le gigantesque bâtiment peu éclairé. Des pas s'approchent de ma cachette. Le cœur battant, je m'adosse au mur, près de la porte coulissante; déterminée à tous les assommer, s'il le faut.

Ils ne doivent pas être plus de trois ou quatre, d'après ce que je peux déduire. L'odeur du poisson m'incommode, au point de me donner la nausée. Je me couvre le nez, avec mon sweat. À quoi, se rajoute d'étranges bruits, provenant du fond de la pièce, dans une espèce de placard à balai.

«Alex, je ne sais pas dans quoi tu t'es fourré; mais si je te retrouve vivant, je peux te promettre que tu vas m'entendre te hurler dessus!»

En balayant la pièce du regard; j'aperçois, dans un coin du hangar, un miroir dépassant du fouillis environnant. Mon cœur s'accélère, espérant qu'ils ne me voient pas, dans la glace, lorsqu'ils rentreront dans le bâtiment. Les discussions deviennent compréhensibles, j'en conclus qu'ils sont juste derrière la porte. Serrant d'avantage le pied de biche, entre mes mains; j'écoute le mieux possible ce qu'ils racontent.

-Tu veux qu'on t'accompagne dans le hangar, Sammy?

-Pas la peine. Je vais juste voir comment se comporte notre gros sauvageon, puis je vous rejoins au lieu de la transaction des marchandises.

«Gros sauvageon»! Je ne serais pas étonné qu'ils aient attribué ce surnom, à Alex.

-N'oublie de le mater comme il se doit, s'il aboie trop; ce casse-cul!

-T'en fais pas pour ça! Je lui donne sa ration de cassoulet et il a intérêt à la fermer, sa gueule.

Les pas de ses compagnons s'éloignent. À cet instant, une rage immense crépite en moi. «Qu'ont-ils fait à mon ami, ces sales vauriens?!»

La porte coulissante du hangar s'ouvre, faisant pénétrer un gigantesque éclat de lumière, m'aveuglant. Je plisse les yeux, essayant de m'adapter rapidement à la clarté. Les pas, de Sammy, résonnent dans la pièce. Apercevant sa silhouette, déambulant dans le halo de lumière; je n'hésite pas un instant et lui envoie un violent coup de pied de biche, dans les tibias. Le chef de bande pousse un cri de douleur assourdissant, en s'étalant, à plat ventre, sur sol bitumé.

Dès qu'il se retourne, pour faire face à son agresseur, je plaque mon genou sur son sternum, pour l'empêcher de se relever. J'arme mon pied de biche, prête à lui fracasser le crâne, si nécessaire; tout en espérant ne pas avoir à employer des méthodes aussi radicales.

-T'es qui, toi? -Me crache t-il, d'un ton hargneux.-

-Qu'avez-vous fait à Alex?

Il me regarde avec des yeux ronds.

-Qui ça?

-Fais pas le malin! Tu sais très bien de qui je parle! Où est Alex?!

-Attend... Tu fais référence à Joval?! Cette sale petite vermine!

-En effet! Alors, où est-il?!

-Pourquoi?! Il lui est arrivé quelque chose?

En posant cette question, Sammy ne peut retenir un sourire malveillant, révélant une dentition mal entretenue, dont certaines aurifères.

-Quoi qu'il lui arrive, j'y suis pour rien! En revanche, sache que je bénis le saint homme qui fera souffrir ce parasite!

De rage, je renforce la pression de mon genou, sur son sternum; lui faisant pousser un léger cri endolori.

-Si ce n'est pas toi, alors qui est le «gros sauvageon» à qui tu dois donner une ration de cassoulet?!

-TA SŒUR, RACLURE!!!

Juste à temps, mon regard est attiré par un éclat lumineux, apparu subrepticement dans la glace du miroir. Je comprends immédiatement de quoi il s'agit. Le reflet de la lame d'un couteau; que Sammy essayait, discrètement, de prendre au niveau de sa ceinture. Aussi vive que l'éclair, je lui décoche un violent crochet du gauche dans la mâchoire, lui faisant cracher une dent en or. Le devançant, je m'empare du couteau, qu'il dissimulait dans sa ceinture et lui plaque la lame sous la glotte, en le menaçant:

-Alors, à qui dois-tu donner une ration de cassoulet?! Je te conseille de répondre!

-Au chien, enfermé dans le placard à balai...

Je me relève, pointant la lame du couteau, dans sa direction et armant mon pied de biche, au dessus de mon épaule.

-Très bien, alors va ouvrir le placard à balai. Et pas de coup en traître, sinon...

Je laisse ma phrase en suspend, espérant que je n'aurai pas besoin d'y apporter des détails plus concrets. Il se lève, me lançant un regard haineux, puis se dirige, boitillant, vers le placard.

-Tu ne sais pas à qui tu t'en prends!

-Tais-toi et avance.

Je colle la pointe du couteau au niveau de ses omoplates et reste vigilante au moindre signe suspect. J'observe le moindre de ses gestes, lorsqu'il décadenasse la porte.

Dans l'étroit placard, sombre et humide, se trouve replié sur lui-même, un gros pitbull beaucoup trop grand pour un tel endroit. Je me sens mal à l'aise d'avoir agit aussi précipitamment.

-Alors, rassuré?! -Crache Sammy.-

-Oui.

-Ben, tu ne devrais pas! Brutus, attaque!!!

Le chien surgit du placard et se rue droit sur moi. Instinctivement, je lui envoie un coup de pied de biche dans la tête. Je regrette immédiatement mon geste, mais je n'avais pas le choix. Le pauvre animal va s'étaler brutalement sur le sol.

La scène qui vient de se dérouler me met hors de moi. Je lance un regard plein de haine, à Sammy, puis, en désignant le placard à balai, je lui ordonne:

-Rentre là-dedans!

-Quoi?

Brandissant le pied de biche, prête à m'en servir, à nouveau; je répète, d'un ton plus autoritaire:

-RENTRE LÀ-DEDANS!

Contre son gré, il s'exécute. Je referme la porte, puis la cadenasse.

-À ton tour, d'apprendre ce que s'est d'être enfermé dans un placard à balai.


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