7-Alex: Pacte avec le diable

«Plaf»! En me réveillant, complètement hébété, la mâchoire endolorie; il me faut quelques instants, avant de comprendre l'origine de ce bruit.

Assis à califourchon, sur moi; je reconnais la minuscule silhouette de Vieux-Débris. Il lève, derechef, sa main; dans l'intention de me donner une autre baffe; en beuglant:

-Réveille-toi, abruti d'être humain!

Avant qu'il n'ait le temps de m'asséner un second coup, je lui attrape la main, en plein vol. L'espace d'un instant, j'hésite à lui briser le poignet. Au lieu de ça, je décide simplement de me redresser; pour le faire déguerpir.

-Qu'est-ce que tu me veux?! -Je lui demande farouchement et avec méfiance.-

-Je viens t'aider!

-Bien sûr. Tu penses sérieusement que je vais te croire?! Je te rappelle que tu as déjà essayé de m'empoisonner, avec ta grenouille!

-Et toi, tu as voulu me jeter à la mer! Tu te souviens?

-OK, un partout! Alors; pourquoi t'es là?!

-Tu veux que tes amies viennent sur Zibaë; n'est-ce pas?! J'ai la solution!

Mon cœur s'emballe aussitôt, mais en regardant, de plus près, qui me fait cette proposition; je préfère ne pas foncer tête baissé.

-Oh là; je te vois venir! C'est quoi ce coup foireux, encore?!

-Libre à toi de ne pas me croire.

-Évidemment que je ne vais pas te croire! Tu me prends pour un bleu ou quoi?!

-Je croyais pourtant que les revoir était ce que tu désirais le plus?

Son sourire malicieux ne m'inspire vraiment pas confiance. Néanmoins, je dois reconnaître qu'il marque un point. Je souhaite plus que tout revoir Clara et Rosalie! Même enfreindre toutes les lois de cette planète, s'il le faut.

-D'accord. Je veux bien t'accorder le bénéfice du doute! Qu'est-ce que je dois faire?

-Prépare-toi et rejoins-moi dehors! Fait gaffe de ne pas réveiller le gros lourdaud!

J'avais presque oublié l'endroit où je me trouvais. En regardant autour de moi; j'aperçois Bruno, mon «colocataire», en train de dormir comme un loir.

Depuis hier soir; sur la demande des Gardiens; sa grand-mère et lui ont la gentillesse de m'héberger, le temps que l'on me construise un habitat.

Les ronflements tintamarresques de Bruno, m'indiquent qu'il est dans un sommeil plus que profond et que le peu de bruit, que je fais, ne va pas le réveiller. Reste encore la grand-mère, qui dort au rez-de-chaussé.

Je descend l'escalier en colimaçon, à pas de velours. Le grincement de la porte d'entrée me fait craindre d'être repéré; mais, immobile, quelques instants en tendant l'oreille; je m'aperçois que la voie est libre. Je me précipite dehors et j'aperçois le Farfadet; accompagné de deux dahus.

-Je croyais ces bestioles détestaient les humains?

-Tu l'as dit toi-même. Le seul dahu, haïssant les humains, est celui que j'ai dressé! -Confesse le Farfadet, en me tendant les rênes.-

En montant sur l'animal; je m'aperçois rapidement qu'il va être très difficile de garder l'équilibre dessus. Ses pattes arrières étant plus petites que ses pattes avant; mon corps à tendance à glisser vers l'arrière. Je m'accroche fermement aux rênes et tente, tant bien que mal, de garder mes pieds dans les étriers.

D'un coup sec dans les flancs; le Dahu s'élance au galop. Sa vitesse est vraiment exceptionnelle. Je sens la fraîcheur de la brise matinale me fouetter le visage.

Les rayons aveuglants, du lever de soleil, me brouillent la vue. Pour solutionner cet inconvénient; je mets ma main en visière, devant mes yeux. À ce moment; j'y découvre quelque chose d'étonnant: une espèce de reflet, dans le ciel; comme s'il y avait une vitre.

-C'est quoi ce délire; il y a une vitre, dans le ciel?

-Notre planète à la particularité d'être enfermée dans un prisme.

-Quoi?! Comment ça?

-Cela permet de cacher notre planète, de votre curiosité! Ce prisme a été fabriqué par le peuple des Farfadets. MON peuple.

-Fascinant.

Mon ironie ne semblant pas avoir été décelée par Vieux-Débris, il poursuit ses explications:

-Nous, les Farfadets, avons de très grands pouvoirs, pour concevoir divers objets et armes. Certains humains nous ont déjà assimilés aux descendants d'Héphaïstos; le dieu Grec de la métallurgie et qu'il nous aurait transmit ce don.

Le Farfadet crache au sol; avant de lâcher:

-Pour moi, ce sont des calembredaines! Quoi qu'il en soit; ce pouvoir a bien profité aux Gardiens, qui nous ont exploités à maintes reprises, pour servir leurs intérêts!

L'espace d'un instant; son timbre de voix peiné, me fait ressentir de la peine pour lui.

-Je suis vraiment désolé. Je sais ce que c'est de vivre sous la coupe de tyrans.

Le Farfadet ne semble pas prêt à désirer la compassion d'un humain. D'un revers de main, il décide de changer de sujet:

-Grâce à nos pouvoirs; ce prisme rend notre planète invisible, tout en étant lui-même imperceptible; pour les humains vivant sur terre.

-Donc, en résumé; aucun astronaute, ni astronome ne peut voir Zibaë et le prisme qui l'entoure.

-Absolument. Notre barrière défensive est impénétrable! Sans oublier que ce prisme diffuse, également, l'apport en oxygène, nécessaire à notre survie, ainsi que la chaleur solaire.

Bien que je commence à trouver Vieux-Débris sympathique; au moment où Nous nous arrêtons à la bordure d'une forêt, je me décide à lui demander:

-Au fait; où est-ce que tu m'emmènes?

-Tu ne vas pas tarder à le découvrir. -Jubile t-il, en descendant de son Dahu.-

Je suis Vieux-Débris, sur le sentier étroit de la forêt. Le chemin parsemé de racines d'arbres et de cailloux est plutôt casse-gueule. Plus d'une fois, je manque de trébucher. Malgré sa petite taille, le Farfadet marche à une allure de cheval au galop, tout en évitant les obstacles qui me donnent tant de fils à retordre.

Essoufflé, je m'arrête deux minutes. Regardant les alentours, l'étrange impression d'être observé, par les arbres eux-mêmes, s'empare de moi. J'en viens même à entendre des murmures, provenant de la nature. L'atmosphère devient, soudainement, très oppressante.

Je reprend lentement la marche, augmentant ma vigilance pour parer une éventuelle menace. Un peu plus loin, le Farfadet m'attend, s'étant aperçu de mon absence. Intrigué par la situation, je lui demande:

-C'est devenu pesant, tout d'un coup, non?

Vieux-Débris ricane, de façon inquiétante.

-La forêt n'aime pas trop la présence d'humains, en son sein.

-Ouais; en même temps, je me demande bien ce qui ne nous est pas hostile, en ce monde!

Rageusement, je crache par terre. Coïncidence ou non, je suis immédiatement pris d'un vertige puissant, m'obligeant à me tenir à un tronc d'arbre. C'est comme si la forêt se vengeait de mon acte.

-J'ai l'impression que tu n'es pas le bienvenu, en ce lieu. Mieux vaut ne pas traîner. Suis-moi.

Reprenant progressivement mes esprits, je me remets en route. Une dizaine de minutes plus tard, nous sortons de cet endroit sordide, pour atterrir dans une imitation de jardin zen japonais. Contrairement à la forêt zarbi, ce jardin à un effet apaisant, en plus d'être majestueux. Je m'avance près du petit pont en pierre, en m'exclamant:

-Ce serait un super endroit pour travailler mes katas!

Le farfadet, ayant apparemment compris mon terme de karaté; lève les yeux au ciel, l'air affligé.

-Le rendez-vous à lieu ici. -Indique-t'il.-

-Je remarque, cependant, que ton pote n'est pas à l'heure!

Provenant de moi, une telle remarque est plutôt déplacée; malgré tout, je n'en éprouve aucune gène.

-Il viendra, sois en sûr.

-Il a intérêt! Sinon, c'est moi qui irai le chercher.

Derechef, Vieux-Débris lève les yeux au ciel, accablé par mon arrogance. L'attente paraît interminable. Bien que le bruit continu, de la rivière, parvient à apaiser mes ardeurs, je ne peux m'empêcher de tourner en rond, tel un lion en cage.

Mon «guide touristique» m'observe avec une expression atterrée. Au bout d'un moment, qui me semble interminable, certains signes indiquent, au Farfadet, l'arrivée imminente du Réprouvé. Notamment quand le jardin se voit recouvert d'une épaisse brume glaciale.

-Il arrive. -Annonce Vieux-Débris, davantage pour se préparer, lui-même, à la rencontre; que pour me prévenir.-

J'observe les alentours, m'attendant à tout et à rien à la fois. Au loin, sur un sentier dallé, une ombre s'approche lentement de nous. La brume se dissipe peu à peu, ce qui me permet de voir les cheveux violet, crasseux et mi-long, de mon solliciteur.

-C'est lui?! J'aime pas sa trogne.

-Si tu voyais la tienne; tu ne te permettrais pas de telles impertinences. -Rétorque Vieux-Débris.-

-Non, mais... Qu'est-ce que ça veut dire?

Mon indignation est interrompue par l'approche soudaine du nouveau venu.

-Bien le bonjour, messieurs. Mon nom est Zephael.

Sans attendre, le Farfadet s'agenouille en inclinant sa tête, jusqu'au sol. En ce qui me concerne, je ne me laisse pas intimider par l'imposante armure éclatante que revêt Zephael, ni même par ses ailes flamboyante d'une noirceur de corbeau. Je préfère garder mon attitude décontractée.

-Salut! moi, c'est Alex.

J'accompagne ma présentation, d'une tape sur l'épaule. Ma familiarité le déconcerte subrepticement, puis se reprend et s'adresse à Vieux-Débris.

-C'est lui, le garçon dont tu m'as parlé?

Offensé d'être montré du doigt, si dédaigneusement, par cet inconnu, ma réponse devance celle du farfadet:

-Ouais, c'est moi! Pourquoi; il y a un problème avec ça?!

Son regard pénétrant soutient le mien. N'aimant pas, que ce genre de gars hautain, me tienne tête; je serre les poings, prêt à lui en décocher une, en plein visage; indifférent au fait que Zephael ait une épée, rangée dans son fourreau. Voyant la tension grimper, Vieux-Débris intervient:

-En effet, seigneur Zephael. C'est le jeune homme dont je vous ai parlé. Il...

D'un signe de main, Zephael le fait taire, puis me toise avec convoitise, comme si j'étais un trophée à remporter.

-Intéressant. -Souffle t-il, fasciné.- Alors comme ça, tu arrives à voir les ailes des Gardiens?

-Ouais.

-Es-tu conscient d'être l'un des rares mortels... euh, je veux dire, l'un des rares «humains»; à détenir un tel don?

-On me l'a déjà expliqué.

-Bien.

Le Réprouvé se met à me tourner autour, me détaillant de la tête aux pieds. J'ai horreur d'être analysé, comme ça. Je retiens difficilement une réplique cinglante.

-Vieux-Débris m'a fait part que tu avais une requête à me demander. Je suis tout ouïe.

-Parfait! Enfin quelqu'un de raisonnable, sur cette planète!

Il me dévisage intensément. Je décide de ne pas y prêter attention.

-Voilà, je souhaiterais que mes amies, Rosalie et Clara, sachent où je me trouve et que si elles le désirent, elles aient la possibilité de me rejoindre.

Le Réprouvé explose de rire, ce qui a le don de m'agacer. Je m'attends déjà à un refus catégorique, de sa part, à lui aussi. Si tel est le cas, je ne pourrais pas contenir ma colère, cette fois.

Mes amies ont le droit de savoir, peu importe ce que ces créatures en pensent. Zephael retrouve enfin son sérieux, avant de répondre:

-Face un tel souhait; pas étonnant que les Tutélaires aient décliné à le concrétiser.

-Et vous?! Allez-vous m'aider?

-Venir en aide aux humains est ce que je fais de mieux.

Son sourire malsain ne m'inspire pas confiance. Néanmoins, il représente mon seul espoir de retrouver Rosalie et Clara, alors s'il peut m'aider, évidemment que je vais accepter.

-Hypocrite. -Murmure Vieux-Débris, en parlant de Zephael.-

Nos deux regards se tournent en direction du Farfadet, dont on avait presque oublié la présence.

-Ne te préoccupe pas de lui, -me souligne Zephael- il parle souvent pour ne rien dire.

-Ouais, j'avais remarqué.

-Pour en revenir à notre sujet principal; tu as conscience que ce ne sera pas gratuit?

-Je m'en doutais un peu. Que devrais-je faire, en échange?

-Accepter que je te transforme en Réprouvé!

Je ne peux retenir un sourire fougueux. Je n'ai aucunement l'intention de devenir l'une de ces créatures et de m'impliquer dans leur conflit ridicule.

Je sais que ce n'est pas très fair-play, mais je ne compte pas tenir cette partie-là de l'engagement. Zephael me jauge intensément, avant de me demander:

-Alors; avons-nous un accord?

-Il semblerait, oui.

Le Réprouvé me tend une main, recouvert d'un gantelet en acier. Je me résous à la lui serrer. Une petite voix, au fond de moi, me susurre que je fais une énorme erreur. Je n'y prête aucune intention; trop déterminé à retrouver mes amies, coûte que coûte.

D'autant plus que ce n'est pas la première fois que je fais affaire avec des gens à la personnalité plus que douteuse et jusqu'à présent, je m'en suis toujours sortie, alors il n'y a pas de raison que ça change. Du moins, c'est comme ça que je tente de me persuader que tout ira bien.

-Maintenant suis-moi. -Me dit Zephael.- Je vais te conduire aux château des Réprouvés. Tu seras mon invité d'honneur.

Je lui emboîte le pas; jetant un dernier coup d'œil à Vieux-Débris. Ce dernier me fixe, d'un regard mauvais; en se frottant les paluches, d'un air jouissif. Il semble satisfait de se débarrasser de moi. Maintenant qu'il a accompli sa mission; le Farfadet repart dans l'autre sens; me laissant seul, entre les mains de Zephael.


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