6-Zephael: Révélations et manigances
Avachi sur le trône, une jambe posée négligemment sur l'accoudoir, ma tête reposant sur la paume de la main; je me prélasse d'observer tous ces esclaves se démener pour moi. En voyant un Farfadet se précipiter, dans le hall; je lui lance sèchement:
-Eh, microbe; j'attends toujours mon vin!
Il acquiesce instinctivement, avant de se remettre à courir. «C'est si bon de se sentir traité, tel qu'on le mérite», me dis-je. J'entends, au loin, le tintamarre des cuisines; où tous ces nigauds me préparent, aussi parfaitement que possible, la ribambelle de mets, que j'ai exigé.
Oubliant toute manière et sans aucune élégance, j'engouffre une poignée de raisins, située dans la coupelle de fruits; sur la table se trouvant à ma gauche. Je ferme les yeux, un instant, visualisant ma splendeur. Qu'est ce que je peux m'admirer! Surtout quand les autres me reprochent ma cruauté. La jubilation que j'éprouve, en cet instant me donne envie d'être encore plus exécrable. Rien ne peut venir troubler mon excellente humeur.
BANG! Du moins, je pensais que rien ne pouvait venir la troubler, jusqu'à ce que j'entende l'immense porte, s'ouvrir avec fracas. En ouvrant les yeux, j'aperçois trois de mes semblables, dans l'encadrure de la porte à double battants. Agacé, je tonne:
-On ne vous a jamais appris à frapper, avant d'entrer?!
-Les bonnes manières ne sont appropriées qu'avec des personnes respectables! Ce qui n'est pas ton cas, Zephael! -Rétorque l'un des jumeaux.-
Dédaigneusement, en pointant successivement les deux frères, de mon index long et fin, je les nargue:
-Tu es lequel des deux, toi, déjà?! Je n'ai jamais su vous différencier.
-Cesse ton impolitesse, scélérat! -intervient le second frère- Comment oses-tu souiller le trône de notre glorieux maître, avec ton ignoble postérieur?!
J'éclate d'un rire railleur, puis rétorque:
-Je te signale, au passage, que «notre glorieux maître», comme tu l'appelles si bien; a dû prendre quelques congés forcés, il y a plusieurs décennies de cela! De ce fait, il est capital que quelqu'un d'autre prenne sa place!
-Et tu crois que ce quelqu'un, ça doit être toi?! Quel toupet te permet de prétendre à un titre d'une telle grandeur!
À cet instant, mon regard se pose sur la femme qui escorte les jumeaux. Elle accompagne sa remarque d'un regard courroucé. Je reconnais instantanément l'allure singulière de Tendaï.
Depuis toujours, pour une raison inconnue de tous, elle cache la partie inférieure de son visage, par un foulard, tel une gangster. Un sujet tabou, que personne n'ose aborder, avec elle. J'ai horreur de ne pas être omniscient! Je ferai tout ce qu'il y a en mon pouvoir, afin de découvrir son secret. Absolument rien ne me sera caché, j'en fais le serment. D'autant plus que cette femme m'a toujours fasciné. Sa dévotion exorbitante, qu'elle voue à notre maître. Comme l'exige ma répugnante morale, je vais, évidemment, l'attaquer, sur son point faible.
-Peux-tu me le redire, en enlevant ton foulard, cette fois; que je puisse profiter de l'entière expression de ton visage.
Elle me répond par un geste obscène, de la main. Ses ailes s'embrasant intensément de flammes noires, évoquant sa rage actuelle, contre moi.
Comme si de rien n'était, des Farfadets déboulent de la cuisine; m'apportant les plats demandés. Face à cette scène, trop blasphématoire, à leurs yeux; le trio ne peut contenir sa rage.
-Dégagez d'ici! Vous tous!
Devant la fureur, émanant de la voix de Jared ou Chad (je ne sais pas lequel des deux); les Farfadets s'immobilisent, avant de prendre la fuite.
Dans leur précipitation, ils ont oublié de rapporter les mets en cuisine. Je profite donc de cette omission, me servant de plats en plats.
Soudain, une pomme, que je m'apprêtais à croquer, explose brutalement, dans le creux de ma main. En relevant la tête, j'aperçois, à l'autre bout de la pièce, l'un des jumeaux; de la fumée sortant de son poing.
Je devine qu'il vient de me lancer une boule de feu. Ma stupéfaction me laisse le dévisager d'un regard agacé; la bouche entrouverte, toujours prête à accueillir la pomme.
-Déguerpis de ce trône ou mon frère et moi, on se charge de ton cas!
Sachant que tous jumeaux Gardien a le pouvoir de combiner sa force avec celle de son frère, je préfère éviter l'affrontement, dès lors qu'ils sont ensemble.
À contre cœur, je m'arrache de mon siège, en les foudroyant du regard. «Ce n'est que partie remise; ne vous enflammez pas, mes agneaux!», me dis-je. Alors que je m'apprête à tourner les talons, un serviteur accourt, dans la pièce.
-Seigneur Zephael, un Farfadet demande à vous voir, urgemment.
-Qu'il entre!
Mon ton impérieux, accompagné d'un geste grandiloquent de la main, n'a pas l'air d'être ce qui surprend le plus mes congénères. En effet, j'entends Tendaï murmurer aux jumeaux:
-Il ose se faire appeler «Seigneur»! Ce type me révulse.
Immédiatement, le visiteur entre, à son tour. Je reconnais instantanément le visage malsain et hideux de Vieux-Débris. Ce dernier s'agenouille, puis s'incline jusqu'au sol.
Ce Farfadet me sert d'agent double et me rapporte des informations utiles, sur les Gardiens. Un véritable traître, auquel je n'accorderai jamais entièrement ma confiance. Impatient, je lui demande:
-Quelle est l'origine de ta venue?
Le farfadet relève la tête, en expliquant, de sa voix rocailleuse:
-Nobles Réprouvés; de nouveaux humains sont arrivés, sur Zibaë. L'un d'eux a une requête, qu'il souhaiterait voir se réaliser.
Déconcerté, je hausse les sourcils.
-Et alors?! Je me fiche pas mal des caprices d'humains gâtés. La moralité, trop exigeante, des Gardiens, conduit, généralement, les humains à nous rejoindre. Je n'ai donc pas à me soucier de ses requêtes futiles. Il finira, très certainement, par adhérer à notre cause, au final. Si c'est tout ce que tu avais à me dire; ce n'était pas la peine de te déranger.
Je décide de prendre congé, lorsque Vieux-Débris m'interpelle:
-Mis à part que, ce garçon-là, est capable de voir les ailes des Gardiens.
Mon sang ne fait qu'un tour, en entendant ces mots. Brusquement, je fais volte face.
-Répète!
-Ce garçon est capable de voir vos ailes.
Pris d'un excès de fureur, je hurle, en lui envoyant un coup de pied dans le ventre:
-TU N'AURAIS PAS PU ME LE DIRE PLUS TÔT, IMBÉCILE!!!
Comme si j'avais tiré dans un ballon, le Farfadet est propulsé dans les airs, laissant échapper un petit cri pittoresque; avant de s'étaler violemment sur le sol, quelques mètres plus loin. Ne décolérant pas, je lui ordonne:
-VA ME LE CHERCHER, SUR LE CHAMP! Amène-le moi, demain, au Jardin Zen; quand le soleil atteindra son zénith.
-Et s'il refuse de venir? -Demande timidement, Vieux-Débris, en se tenant le ventre.-
-Eh bien, dans ton intérêt, comme dans le sien; il serait préférable qu'il ne choisisse pas cette option! Maintenant va t'en.
Une fois notre visiteur parti; les regards perplexes, des jumeaux et de Tendaï, se tournent vers moi.
-Tu crois qu'il s'agit de la descendance, originaire du péché?- Me demande l'un des jumeaux.-
-S'il est capable de voir nos ailes, alors ce n'est pas qu'un simple humain. Dans ce cas, c'est plus que probable qu'il soit l'héritier de ce péché, commis il y a plusieurs siècles.
-Nous ignorons tout, de l'étendue de ses pouvoirs, à supposer qu'il en ait. Alors qu'allons-nous faire? -Demande le deuxième frère.-
-Vous? Rien. Je me charge de cette affaire.
-Toi?! -S'exclame Tendaï, en me désignant du doigt.- Tu voudrais, peut-être, qu'on te fasse confiance?!
-Comme si vous aviez le choix!
Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire, narquoisement.
-Vous oubliez; involontairement j'en suis sûr; que je suis la seule personne intelligente, dans cette pièce.
Je poursuis mon autolâtrie, décidant d'ignorer les regards farouches, de mes acolytes.
-À chacun son rôle, Tendaï. Retournez, tous les trois, faire vos prières futiles, à notre défunt maître; pendant que moi, je déplace les pions de l'échiquier, comme il se doit.
-Notre maître n'est pas mort, je te rappelle! Il est juste... indisponible, pour le moment.
Je ne peux m'empêcher de ricaner, face à une remarque aussi farfelue.
-Et dans notre guerre, contre les Tutélaires; je suppose qu'un être aussi «intelligent», que toi, a un plan?! -Me lance l'un des jumeaux, en me toisant avec dégoût.-
-Pour qui me prends-tu?! Évidemment que j'ai un plan. En ce moment même, un espion d'une très grande importance, m'informe de tout ce que les Tutélaires projettent de faire! Ils n'ont absolument aucun secret pour moi.
-Un espion?! J'espère que tu ne fais pas référence à ce misérable Farfadet de Vieux-Débris?!
-Ne me sous-estime pas, Tendaï. Tu le rencontreras bien assez vite; ne t'en fais pas. -Je réponds, en jubilant.- Sur ce; bien que votre compagnie soit très... «distrayante»; je me vois dans l'obligation de prendre congé. Des affaires plus importantes m'attendent.
Je laisse derrière moi mes acolytes, en train de vitupérer sur mon compte; sans pour autant qu'ils ne s'aperçoivent que je m'empare discrètement du pouvoir.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top