31-Alex: La véritable mission

Lorsque j'aperçois ces deux Gardiens empoigner Arthème; je fonce sur eux pour leur faire lâcher leur prise. Cependant, d'un signe de tête furtif; mon mentor m'indique de ne pas intervenir tout en essayant de me repousser. Ma détermination a vouloir sortir le Gardien de cette situation; pousse Bruno à me retenir par la taille.

-ARTHÈME!!! -Je hurle, impuissant face à cette scène.-

Je n'ai pas le temps de me remettre de mes émotions, que j'entends la voix froide et grave de Kerskor, retentir:

-Maintenant; je demanderais, aux accusés, de me suivre; afin que je puisse leur expliquer, plus en détail, ce qui sera attendu d'eux.

Les deux autres Divinités le regardent, surpris.

-Que veux-tu leur dire de plus? -Interroge Gaïloken, hébété.- Ils sont déjà au courant de tout ce qu'il y a à savoir...

-Disons que je tiens juste à les renseigner sur la manière de procéder.

-Leur façon de procéder ne nous regarde en rien! Qu'ils se débrouillent. C'est la première fois que je te vois te faire autant de mouron; pour des accusés, Kerskor. Aurais-tu des choses à nous cacher?

L'intéressé se retourne vers son congénère; indigné.

-Je n'ai absolument rien à cacher! En revanche; si, de ton côté, tu préfères te retrouver avec une horde de Réprouvés fugitifs, sur les bras; dû à un manque de précaution de notre part; libre à toi. Ne viens, simplement, pas te plaindre, après.

-Ça suffit, tous les deux! -Intervient Zoras, en les séparant.- Kerskor, fait ce qu'il te semble nécessaire.

D'un geste de la main peu attrayant; la Divinité nous encourage à la suivre. À contre cœur, nous nous y résignons. 

Il nous conduit dans un couloir similaire à celui que nous avons emprunté, pour entrer dans le tribunal. Le trajet se fait dans un silence absolu; hormis quelques grognements, par ci par là, de la part de Bruno. 

Les questions tournent en boucle, dans mon esprit: «Que veux réellement nous dire Kerskor? Qu'à t-il vraiment en tête? Où nous emmène t-il?» Tout cela n'augure rien de bon, c'est certain. 

En apercevant l'allure fière, de la Divinité ainsi que ses subreptices regards biaiseux et hautains; je serre fermement les poings; en visualisant la tête que Kerskor pourrait faire, si je venais à me ruer sur lui en le rouant de coups! Peut-être que dans ce contexte, il comprendrait notre situation et ferait preuve de plus de compassion (bien que j'en doute fortement). 

Je sens que ma colère commence à prendre le dessus, sur moi. Au moment où je m'apprête à écouter cette petite voix tentatrice; je sens la main glacée de Rosalie se refermer sur mon poing. Lorsque mon regard rencontre le sien, je comprends, sans un mot, ce qu'elle veut me dire. «Ne fait rien de stupide. Tu ne ferais qu'aggraver la situation.» 

J'aperçois alors les yeux impassibles, de l'ancien Réprouvé, nous dévisager. Un sourire malsain déforme son visage; déjà bien monstrueux naturellement. Une étrange sensation d'être passé au rayon X s'empare de moi. 

Soudain, une effrayante pensée traverse mon esprit: «Serait-il capable de lire dans les pensées?» Je n'ai pas le temps de m'attarder d'avantage sur la question, que la Divinité ouvre une porte, en ordonnant calmement, mais distinctement:

-Entrez là-dedans.

-Ou sinon quoi?!

-Alex, je t'en prie... Calme-toi. -Tempère Rosalie.-

Derechef, Kerskor nous dévisage, avec son sourire malsain. 

Décidant de ne pas envenimer les choses, je rentre le premier, dans la petite pièce, faiblement éclairée par une bougie. 

L'endroit ressemble à une sorte de bureau mal rangé. Le ménage ne semble pas avoir été fait depuis des lustres. Je ne peux m'empêcher de lâcher:

-Quelle saleté!

-C'est tellement ironique, d'entendre une telle réflexion sortir de ta bouche! -Rétorque Clara, hilare.-

En entendant la porte se refermer; nous nous retournons unanimement, vers la Divinité.

-Bien. Maintenant que nous sommes entre nous, on va pouvoir parler plus tranquillement et sans retenu. -Déclare Kerskor. D'un air impérieux.- Pour éviter de perdre d'avantage de temps, en votre compagnie, je vais aller droit au but. Je n'ai aucun respect, pour votre espèce et à vrai dire, vous me répugnez au plus haut point.

-Alors pourquoi vous abaissez-vous, à nous parler en privé? -Questionne judicieusement Rosalie.-

-Car j'attends de vous quelque chose de plus important; que de déceler une évasion inexistante de Réprouvés.

Mes amis et moi échangeons des regards intrigués. Sentant que la situation va commencer à me plaire (j'ironise, pour éviter de céder à la colère); je ne peux m'empêcher de demander:

-Que voulez-vous dire? Je ne suis pas vraiment sûr de comprendre.

L'ancien Réprouvé soupire, d'un air agacé.

-En tant que Divinité, nous nous devons d'être au courant de tout ce qu'il se passe, sur Zibaë. En ce qui me concerne; mes congénères me font suffisamment confiance pour me léguer la responsabilité du courrier événementiel, qui nous ait fournit quotidiennement.

Face à nos expressions désemparées; il détaille:

-Pour faire simple; la population de ce monde s'adresse à nous, par colombogramme; pour nous faire part des problèmes qu'ils rencontrent ou d'évènements majeurs auxquels notre monde est confronté. Ensuite; c'est moi qui fais le tri parmi les informations importantes et requêtes dignes d'intérêts que je vais rapporter à Zoras et Gaïloken.

Un sourire, pas très rassurant, se dessine alors, sur le visage de l'ancien Réprouvé:

-Malgré la confiance dont ils me font l'honneur, j'ai ressenti, néanmoins, il y a quelques jours, le besoin de leur colporter une fausse rumeur. Je leur ai dis qu'un courrier anonyme nous était parvenu; mentionnant une imminente évasion massive de Réprouvés, à Fengrad.

-Pourquoi avez-vous fait ça? -Demande Clara, soudain intriguée.-

Kerskor reprend, d'un ton faussement peiné:

-Depuis plusieurs décennies, déjà; un vide s'est installé, autour de moi. La solitude s'est accaparée mon cœur; telle l'obscurité qui s'approprie le ciel, après le coucher du soleil.

Je hausse les sourcils, désabusé par ce stratagème mélodramatique, pour nous duper; Sarcastiquement, je réplique:

-Ooooh! Je serai presque à deux doigts de vous plaindre!

Rosalie me donne, discrètement, un coup dans le bras, pour me faire taire. De son côté, Kerskor me lance un regard noir; avant de poursuivre, comme si de rien n'était.

-Cela fait tant d'années que mon frère aîné n'est pas apparu, devant mes yeux. C'est à peine si ma mémoire parvint à se remémorer son visage.

-Que lui est-il arrivé? -Interroge Clara, qui, visiblement, éprouve, soudainement, une pointe de compassion, pour la Divinité.-

-Il a été envoyé à Fengrad.

Un silence morbide envahit la pièce. Le regard de Kerskor devient, subitement, vide de toute expression. Au fond de moi, je ne peux pas dire être surpris, par cette nouvelle. Je trouve cela même plutôt logique, d'un certain côté. Un murmure inaudible, empli de sarcasme, s'échappe de ma bouche:

-Oh là, là! Quelle tragédie!

-Nous avons eu certains désaccords, peu de temps avant son incarcération. Cependant, il reste mon frère et j'aimerais tellement lui dire que je l'aime. J'en ressens un besoin si intense, qu'il m'est impossible de le contenir.

J'ai rencontré tellement d'escrocs, au fil de ma vie; que je sais les reconnaître, lorsque j'en croise. Et celui-là, il m'a tout l'air d'être un champion, dans sa catégorie. 

Voir Clara qui boit le baratin de cet hypocrite, m'insupporte au plus haut point. Au moins, Bruno, lui, ne semble pas se laisser prendre à son jeu.

-Pour quelle raison votre frère s'est-il retrouvé à Fengrad? -Questionne Clara, d'un ton débonnaire.-

-À ton avis! -Je lance, en devançant Kerskor.- Parce que ses ailes étaient loin d'être immaculées; j'en mettrai ma main à couper!

Les yeux de Kerskor s'assombrissent considérablement, en me fixant farouchement. Paradoxalement, la Divinité réussit à garder un timbre de voix très calme.

-Nous avons tous commis des erreurs plus ou moins grave. Demande à Arthème; je suis persuadé qu'il sera ravi de te conter les innombrables turpitudes, dont il a été l'auteur; et qu'il tente de dissimuler, vainement, par la blancheur parfaite de ses ailes.

Face à mon expression estomaquée, la Divinité laisse apparaître un sourire machiavélique; satisfaite du coup qu'elle vient d'infliger.

-Que voulez-vous dire?

-Simplement que ton admiration démesurée pour ce Gardien, fausse ta vision de la réalité; pauvre simplet.

-Vous mentez! Arthème n'est pas comme vous! Il a du cœur, lui!

Kerskor explose de rire. Un rire glacial qui me provoque un frisson. C'est la première fois que je me sens aussi tétanisé, face à quelqu'un. 

Une sensation de toute-puissance émane de lui. C'est à ce moment que je prends conscience qu'il ne s'agit pas d'un simple Gardien, mais d'une Divinité.

-Ah oui, vraiment?! -Reprend la Divinité.- Je crois, au contraire qu'Arthème et moi, nous nous ressemblons plus que tu ne l'imagines. T'as t'il déjà fait part du déshonneur, qu'il a, lui-même, infligé à son propre frère?

-Quoi? Arthème a un frère?! De quel déshonneur me parlez-vous?!

-Apparemment, il ne t'as pas raconté toute son histoire. Quelle tristesse, de voir une si belle amitié, entachée par un manque de loyauté.

Face au doute qui commence à m'assaillir; les mots me manquent et je ne trouve plus la force de rétorquer quoi que ce soit. 

Serait-il possible que je me sois trompé, à ce point, sur Arthème?! Non, ce n'est pas possible! Que je me fasse berner, comme ça... C'est impensable. 

Même si c'est vrai que je connais Arthème depuis peu de temps...

-Bien. Maintenant que ce sujet est clos; revenons-en à notre petit arrangement. -Reprend Kerskor, d'une voix réjouie.- Quand vous serez, à Fengrad, votre véritable mission sera de retrouver mon frère, Barox et de le libérer.

-Quoi?! Mais, si on fait ça, Arthème sera...

-Ne vous souciez pas de ces formalités. J'ai suffisamment d'influence pour le faire libérer ou, au contraire, pour le condamner à mort, sur le champ.

Le message est on ne peut plus clair. Un large sourire démoniaque apparaît, sur le visage de Kerskor. 

Je ressens un profond mépris envers la Divinité et comprend mieux la mise en garde de Madame Bellebranche. 

Soudain, Clara, prise d'un coup de sang, s'exclame:

-Et pourquoi vous n'allez pas le délivrer vous même; votre putain de frère?! Derrière vos airs de croque-mort dépressif et autoritaire; n'essayeriez-vous pas plutôt, par cet intermédiaire, de nous dissimuler votre lâcheté colossale?!

Tous les regards se braquent sur elle. Son visage a perdu toute trace de compassion. Telle que je la connais; Clara n'a pas dû apprécier se sentir menacée et a immédiatement sorti les griffes, pour contre-attaquer. 

Bien que dans ce contexte; je suis d'avis qu'il aurait mieux valu s'abstenir de ce genre de commentaire (pourtant, je ne suis pas le dernier à aimer chercher les embrouilles). 

Kerskor s'avance sèchement vers elle. Je devine, en voyant l'expression moins confiante de mon amie, qu'elle regrette déjà sa provocation; bien qu'elle soutienne le regard sombre de l'ancien Réprouvé.

-Pauvre petite sotte. Une misérable humaine qui ose insulter une Divinité de lâche! Pour un tel outrage, je pourrais te faire exécuter, sur le champ.

Il tourne, telle une hyène, autour de mon amie. En guise de bouclier, je me place devant elle.

-Mais tu as de la chance, -Finit-il, par lui dire, en la fixant, par-dessus mon épaule-, c'est mon jour de bonté. Je vous recommande vivement de réussir la tâche que je vous ai confié ou je me montrerai sous un jour un peu moins charitable. Sachez que je n'oublie jamais une impertinence.

Il s'écarte de notre passage, puis désigne l'encadrure de la porte; nous intimant de quitter la pièce:

-Maintenant, disparaissez! Je ne veux plus vous voir!

Une fois la Divinité hors de portée de vue; Bruno s'exclame, avec véhémence:

-Quel gros connard, ce gars; alors!

-J'suis entièrement d'accord! -Rajoute Clara.- C'est une véritable raclure!

-Vous savez que, si ça se trouve, il n'est pas loin et peut vous entendre. -Intervient Rosalie, d'un ton réprobateur.-

Juste au cas où, Clara regarde derrière elle; quant à Bruno, il s'écrit:

-Bah j'espère bien, qu'il nous entend! Au moins, comme ça; il saura ce que l'on pense de lui; cet enfoiré!

Rosalie, dépitée par tant de frivolités, les laisse dans leurs enfantillages. Désireuse d'une discussion plus sérieuse; elle se tourne vers moi, en me demandant:

-Qu'est-ce que tu penses de tout ça; Alex?

D'un ton maussade, je réponds simplement:

-Quelque chose me dit que nous sommes dans de beaux draps!


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