30.1-Arthème: Le procès

Durant les semaines qui suivent; j'enseigne à Alex à attaquer, grâce aux boules de feu; mais également à se protéger, en faisant apparaître un champ de force. Dans l'ensemble, il se débrouille plutôt bien, pour un début; bien qu'il ait encore énormément de progrès à faire.

Notamment en matière de vol; c'est à peine s'il arrive à décoller du sol. Malgré tout; je conçois, tout à fait, la difficulté que cela puisse représenter, d'apprendre à voler; surtout quand on a jamais quitté la terre ferme de sa vie.

En retombant durement par terre, après une énième tentative; Alex, perdant patience, jure en tapant du poing, sur le sol.

-Tu ne courbes pas assez tes ailes, vers le bas. -Je lui explique.- La pression de l'air y est donc inférieure; ce qui explique que tu t'écrases.

Il me regarde, complètement atterré (ce qui, pour le coup, peut être perçu, dans tous les sens du terme).

-Tu ne t'es jamais demandé comment un oiseau arrivait à voler?

-Non, désolé; je me suis jamais posé ce genre de questions! Je préférais, d'avantage, m'interroger sur la manière dont j'allais procéder, pour piquer du fric à des escrocs!

Je soupire, affligé, avant de reprendre:

-D'abord, l'oiseau s'accroupit, avant de déployer ses ailes, puis saute en les abaissant vigoureusement. Ensuite; la poussée et la portance jouent un rôle primordiales; pour réussir à voler!

-C'est quoi déjà, ça; la poussée et la portance?

-La poussée est ce qui te permet d'aller vers l'avant. En battant des ailes, cela te donne de la force, pour avancer. Ça génère, alors, un flux d'air, qui se déplace en suivant la forme de tes ailes; produisant ainsi la portance.

Je le laisse digérer l'information, avant de poursuivre:

-Quant à la portance; c'est le fait de repousser l'air vers le bas, grâce à tes battements d'ailes. La pression de l'air, sous tes ailes s'en trouve supérieure, à celle se trouvant au-dessus de toi. Ce qui compense la force de la gravité et te permet de rester en l'air.

Il me regarde, la bouche entrouverte, l'air ahuri. Je tente, vainement de lui expliquer différemment:

-Quand tu es en vol; l'air circule plus vite, au-dessus de l'aile, qu'en dessous. Cela exerce, de ce fait, moins de pression, en dessous; te donnant ainsi de l'altitude.

Je le vois, entrouvrir d'avantage sa bouche, sans parvenir à produire le moindre son. Visiblement, mes explications l'ont laissé sans voix. Sibylle, qui vient de nous rejoindre, lance alors, en gloussant:

-Arrête, Arthème, tu l'embrouilles.

-Ce n'est pourtant pas compliqué, bon sang! Quand tu es en vol...

-Écoute, Alex; dans un premier temps, essaie juste de battre le plus vite possible des ailes; le reste viendra tout seul, par la suite.

Je regarde l'Enchanteresse, déconfit par de tels conseils. Je réplique, ironiquement:

-C'est sûr qu'en lui prodiguant des conseils pareils, il va y arriver...

-Au moins; il a compris ce que je lui ai dit; moi!

-Il doit d'abord comprendre le mécanisme du vol; pour ensuite pouvoir le mettre en application!

-Ouais, c'est bon! -Intervient Alex, qui a retrouvé l'usage de la parole.- Je crois que je vais plutôt écouter les conseils de Sibylle! Ils sont plus concrets, à mes yeux!

Je le dévisage; décontenancé; pendant que Sibylle explose de rire. Je finis par répondre:

-D'accord, si tu veux emboutir tous les arbres que tu croiseras; vas-y! Ça aussi, ce sera plus concret! Mais ne viens pas te plaindre, après.

-Arthème; ne le prend pas mal. -Tempère Sibylle, avec un large sourire.-

Exaspéré; je soupire, puis finis par décider:

-Très bien; on fait une pause.

Immédiatement, Alex part rejoindre ses amis; en me caricaturant:

- «La portance compense la force de la gravité; te permettant de rester en l'air.» Ça veut dire quoi?! Qu'il veut que je découvre une alternative à la gravité?! Il me prend pour Galilée ou quoi?!

Rosalie, avec un sourire espiègle, renchérit:

-La gravité a été découverte par Newton; pas par Galilée. Ce dernier a, plutôt, démontré «la loi de la chute des corps».

-Ouais; super! Je m'en fous!

-Même moi, je le savais! -Intervient Clara.-

-Moi aussi! -Rajoute Bruno.-

Les laissant de côté, dans leurs chamailleries innocentes; je lance discrètement à Sibylle:

-Si tu pouvais éviter d'interrompre mon cour; ça m'arrangerais.

-Ah, oui. Pourquoi?! Tu as peur de l'ombre que pourrai te faire ma notoriété? -Me répond-elle, avec un sourire taquin.-

-Pas du tout. -Je réponds, sur le même ton plaisantin.-

Au fur et à mesure que les jours passent; cette atmosphère de gaieté s'assombrit graduellement. La tension envahit chacun d'entre nous.

Le matin du procès finit par arriver. Sibylle et moi arrivons, de bonne heure; chercher le reste de la bande, chez Madame Bellebranche. Lorsque nous pénétrons dans la cuisine, située à l'entrée de la maison; chacun est attablé, tentant d'avaler quelque chose, en vain.

Le petit-déjeuner se déroule dans un silence de mort. Même Bruno, qui a la réputation d'être un glouton insatiable, n'ingurgite quasiment rien.

-Allez, Nono; essaie au moins de manger un peu de pain d'épice. -Encourage Clara.-

L'intéressé grommelle quelque chose, du genre:

-J'ai pas faim.

La grand-mère, assise dans un coin de la pièce, sur son rocking-chair; recrache la fumée de son narguilé:

-Allons; Nono. La p'tite a raison! Tu ne vas pas tenir, le ventre vide!

Sans crier gare; Bruno se lève, en donnant un coup de poing, sur la table:

-C'est le fait de revoir Kerskor! Vous croyez que je peux manger, en sachant que je vais, à nouveau, me retrouver face à cette crapule?! Non! Alors laissez-moi tranquille!

D'un pas décidé, il passe devant Sibylle et moi, sans nous regarder; ouvrant la porte pour sortir de la maison. Clara, inquiète, se lève à son tour, pour aller le rattraper; cependant je l'arrête, d'un geste de la main, en disant:

-Je m'en occupe.

En rejoignant Bruno, dehors; je le trouve assis sur un banc, fait à base de troncs d'arbres, devant la maison.

-Tu sais; moi non plus ça ne me plaît pas de me retrouver, une nouvelle fois, face aux Divinités. -Dis-je, en prenant place à ses côtés.- D'autant plus que mes pires souvenirs sont gravés entre les murs de ce tribunal.

L'ancien catcheur se tourne vers moi; en me demandant:

-Comment fais-tu pour rester aussi serein?

-Disons que lorsque ça ne va pas; je me remémore les sages paroles qu'une amie m'a dit, il n'y a pas si longtemps.

-Quelles paroles?

- «Ne laisse pas le passé te dévorer; mais laisse le futur t'inspirer.»

Il reste me fixer, quelques instants, en silence Je me lève, en lui tendant la main.

-Sois sans crainte; je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'aucune tragédie ne découle de ce procès. Nous réussirons à surmonter cette épreuve.

Approximativement rassuré; il accepte de prendre ma main. Une fois les préparatifs terminés; chacun d'entre nous allons prendre un dahu, dans l'enclos du village.

-Bon; prêt à aller à l'abattoir? -Plaisante Alex, en antinomie avec ses espoirs.-

-Parle pour toi, -rétorque Clara, sur le même ton blagueur,- j'ai bien l'intention de m'en tirer!

D'un coup-de-pied dans le flanc; les dahus s'élancent au galop. En moins de quelques secondes; nous quittons le village, franchissant la lisière d'une petite forêt obscure.

Je profite du trajet, pour leur expliquer le déroulement du procès:

-Nous allons comparaître devant l'Héliée. En résumé, ce tribunal se charge de tous les gros procès: que ce soit les affaires de guerre; les crimes et les violations de lois, par les humains.

Je me recroqueville sur mon dahu; afin d'éviter une branche d'arbre, qui frôle ma tête. Je reprends, ensuite, mes explications:

-L'assemblée qui compose ce tribunal est répartie en trois sections:

«d'abord, il y a l'Ecclésia. Composée majoritairement de Gardiens, de fées et de Farfadets, son rôle consiste à apporter des arguments en faveur ou à l'encontre de l'accusé. Dans certains cas, ils peuvent même suggérer les peines à infliger à l'accusé. Le verdict des Divinités se base beaucoup sur l'avis donné par l'Ecclesia. Voilà pourquoi il est si important de réussir à les convaincre de notre bonne foi.

«Puis, vient les Flamines. Ce sont des Prêtres-Gardiens, vouant un culte aux Divinités. Les Flamines sont élus par les Divinités, à partir de leur sagesse. Leur rôle consiste à maintenir l'ordre spirituel et terrestre ainsi que le bon déroulement du procès.

«Enfin; il y a les Divinités; qui ont pour mission de mettre un point d'honneur à l'affaire. Ce sont les magistrats, en somme. Ils ont le droit de vie ou de mort, sur leur terre. Convaincre l'assemblée ne sera pas une mince affaire.

En sortant de la forêt; nous pénétrons, instantanément, au sein d'une immense cité. Immédiatement, je reconnais l'endroit: Divinélia, la capitale de notre territoire. Mon cœur s'emballe. «Ça y est; nous y sommes!» -Je me dis, en commençant à suer à grosses gouttes.-

À l'autre bout de la ville, sur la plus haute colline, je perçois l'acropole; qui est la citadelle la mieux gardée de la ville. Un peu plus loin; à sa droite, je distingue l'agora:, la place principale où se situe le tribunal, l'endroit où va se dérouler le procès en somme.

Nous cheminons la ville; à travers la très dense foule, majoritairement composée de Gardiens et de Farfadets.

-Allez, les flâneurs; libérez le passage! Laissez passer votre roi! -S'exclame Alex; les bras en croix, pour amplifier l'importance qu'il se donne.-

-Alex! -Sermonne Rosalie, en le foudroyant du regard.-

Malgré les regards noirs ou surpris qui lui sont lancés, par les passants; il jubile de sa facétie, tout en les ignorant.

-Waouh! Ça semble gigantesque! -S'émerveille Clara, en scrutant les alentours.-

-Et encore, t'as rien vu! -Intervient Bruno. - Si on s'en sort; je te promets qu'un jour je te ferai visiter cette ville!

Elle lui répond d'un sourire affirmatif. Comme à son habitude; Alex ne peut s'empêcher de rajouter son grain de sel, s'écriant maladroitement, mais intentionnellement:

-Rosalie et moi, aussi, nous aimerions que tu nous fasses visiter cette bourgade; si c'est pas trop te demander!

Qualifier de «bourgade»; la ville sacrée des Divinités, lui attire, derechef des regards courroucés, de la part de certains passants.

Une dizaine de minutes plus tard, nous arrivons à destination.

Avant de rentrer dans le tribunal; nous prenons soins d'enfermer nos dahus, dans l'enclos mis à disposition. En pénétrant à l'intérieur, nous nous retrouvons dans cet atrium froid et hostile, dont je me souviens.

Une quantité exponentielle de Gardiens et de Farfadets déambulent et se bousculent de toutes parts. Je me rappelle avoir foulé cet endroit, quelques siècles auparavant. Rien que d'y penser, j'en éprouve un frisson.

En jetant un coup d'œil à Sibylle, je constate qu'elle n'est pas plus ravie que moi, de revenir ici. Le reste du groupe contemple, ébahis, chaque recoin de ce décor splendide et singulièrement déboussolant. Très rapidement, nous sommes interpellés par une voix braillarde:

-Eh; regardez qui voilà! Mes vieux camarades!

En me retournant, je fais face à un Gardien à l'allure désinvolte, habillé en cowboy. Au vu des ragots, dont j'ai eu vent, je devine dès lors, de qui il s'agit. Connor est une véritable célébrité, surtout en ces lieux. Mes cinq compagnons le salut charitablement, avant de me présenter à lui.

-Alors, Connor; tu viens dans la même salle d'audience, que nous? -S'enquit Rosalie.-

-Certainement pas! Certes, je commets des délits; mais pas au point d'être vu comme un criminel.

Cette remarque lui vaut quelques regards en coin; de la part d'Alex, Clara et moi-même.

-Non, non, non. -Reprend-il, sans remarquer sa gaffe.- Moi, j'ai à faire aux Juges des Dèmes

-Les juges des Dèmes?! Qu'est-ce que c'est?

-Trente juges chargés de régler les affaires de moindres importances. Vu le Gardien, face auquel je me retrouve, j'ai comme l'impression que le verdict de ce procès est déjà tombé et qu'il ne sera pas en ma faveur.

Cette éventualité ne semble pas le contrarier le moins du monde; au contraire; il explose même de rire. Ça l'amuse tellement, que s'il n'avait pas été interrompu par l'arrivée d'un Farfadet, je suis persuadé que le cow-boy se serait encore boyauté pendant plusieurs minutes.

-Tiens, t'es encore là, toi?!

-Juge Pot-De-Vin; quelle bonne surprise! -S'exclame Connor, en se retournant, pour se confronter à celui qui vient de l'interpeller.- Alors, comment ça va, ma poule! Il était bon, le litron que je t'ai ramené?

-Chut! Pas ici!

Connor s'esclaffe, puis s'accroupit, pour se mettre à la taille du Farfadet, avant de se prendre mutuellement dans les bras et de se donner des tapes dans le dos.

-Ça va, ça va. Je suis chargé de mener ton procès! Je ferai parti des trente juges!

-Oh, bah tout va bien, alors! C'est dans la poche.

Connor, immédiatement rassuré, se relève et commence à effectuer une espèce de danse bizarre, pour fêter la nouvelle. Malgré le ridicule de la situation, je suis d'avantage frappé par autre chose: le juge Pot-De-Vin.

Ses yeux rouges et son haleine insupportable, laissant présager qu'il a... bu.

-Ouais, enfin, calme-toi! T'as vraiment fait le con, Connor! Voler un Gardien aussi notoire; mais qu'est-ce qui t'est passé par la tête!

-Mais c'est pas ma faute...

-Oui, oui; je connais la sérénade! Je vais faire au mieux pour plaider ta cause, mais je ne te garantis rien! Quoi qu'il en soit, c'est la dernière fois que je te couvre!

Sur ces paroles, le juge s'en va, d'un pas titubant; allant même jusqu'à se cogner contre l'une des colonnes jonchant le hall et s'excusant, en pensant avoir malencontreusement percuté une dame.

-Bon, ben voilà! Pour moi, c'est dans la poche!

-Ne te réjouie pas trop vite, Connor! Tu as entendu ce que t'a dit le juge?! C'est la dernière fois qu'il te couvre!

La remarque de Clara a pour effet de faire sourire le cowboy, qui s'empresse de répliquer:

-Ne t'inquiète donc pas! C'est la je-ne-sais-pas-combientième-fois, qu'il me la sort, sa rengaine! Je l'ai connu lors de mon douzième procès; il faisait, là aussi, parti des trente juges! J'avais rapporté de l'alcool, du territoire des Réprouvés, introuvable sur le territoire des Tutélaires; et je me suis fait prendre.

-Je ne comprends pas.

-Ces deux territoires étant en conflit, il est interdit de transiter de la marchandise de l'un à l'autre. Bref, pour en revenir à mon histoire; le juge Pot-de-Vin, amateur de bon cognac, fut intéressé par mes talents de contrebandiers et on s'est mis d'accord, en cachette. Je lui rapporte discrètement de l'alcool du territoire des Réprouvés, tandis que lui, se charge de plaider ma cause, lors de mes procès.

Clara le regarde avec des yeux ronds ébahis, l'air totalement subjugué par ce récit rocambolesque.

-Donc, depuis; ça fait presque trente procès qu'il te couvre?

-Tu as tout compris!

Soudain, un Gardien (certainement un autre des trente juges), apostrophe Connor.

-Bon; il semblerait que je doive y aller! Souhaitez-moi bonne chance! -Nous lance t-il, avec légèreté; en croisant les doigts.-

Une fois Connor éloigné; le reste du groupe prend place sur des sièges, en attendant. Pendant ce temps; je vais montrer notre convocation, à un guichet, tenu par un Farfadet.

Ce dernier semble complètement blasé, les paupières à moitié fermées derrières ses lunettes rectangulaires, sa tête tenue par la paume de sa main.

-C'est pourquoi?! -Demande t-il, sèchement, en se redressant; apparemment agacé que je vienne le déranger.-

Sans un mot, je lui tends la convocation. Après l'avoir scruté du regard, le Farfadet se met à ricaner sinistrement, puis déclare fièrement:

-Oui, j'ai entendu parler de votre affaire. Mon neveu m'en a parlé. Il sera dans les tribunes et se fera un plaisir de plaider en votre défaveur; ha, ha, ha!

J'arque les sourcils, surpris; en demandant:

-Ah oui?! Qui est votre neveu, si ce n'est pas indiscret?

-Oh, mais vous le connaissez très bien! -Répond-il, en baissant la voix, voulant escamoter sa réponse.- Il s'agit de Vieux-Débris. C'est un Farfadet très impliqué et très apprécié, au sein de notre majestueux tribunal!

Je soupire, affligé par cette nouvelle, mais ne répond rien.

-Vous pouvez partir! -Me congédie le Farfadet, d'un signe de main dédaigneux.- Je vais transmettre, de ce pas; votre convocation, aux Flamines. Un Gardien va venir vous chercher, d'ici peu.

Je retourne auprès de mes amis, l'air désabusé. En m'approchant, j'entends Alex demander:

-Pourquoi s'habille t-il toujours en cowboy?

Il n'est pas difficile de deviner qu'il fait référence à Connor.

-Tout simplement parce que s'en est un. -Répond Sibylle.-

-Quoi?! Mais alors, ça veut dire que...

-En effet. C'est un humain qui a été transformé en Gardien. Je crois que c'était vers 1878.

Face à cette nouvelle, Alex reste subjugué, avant de reprendre:

-Je croyais qu'un humain n'avait pas le droit de devenir un Gardien?!

-C'est une loi récente. Elle doit dater d'il y a, à peu près, cent ans...

-Pourquoi?

-Les représailles d'un conflit. -Élude Sibylle.- Mais cette loi n'applique que notre territoire. Les Réprouvés, étant affranchis, ne sont pas concernés.

-Quoi?! -S'exclame Alex, scandalisé.- Ça veut dire que si j'avais laissé Zephael me transformer; je ne me saurais pas retrouvé dans ce pétrin?!

La colère d'Alex est compréhensible; cependant, vu l'état dans lequel il se met; je me dois de le raisonner. Malencontreusement; à notre tour, un Gardien vient vers notre groupe, nous intimant de l'accompagner.

-Bon, je vais vous attendre dehors. -Annonce Sibylle, contrite.

-Tu ne viens pas avec nous? Pourquoi? -S'étonne Clara.-

-Je n'ai pas été convoquée à l'audience. Donc, il m'est interdit d'y assister.

L'Enchanteresse s'empresse de quitter ce lieu qui l'oppresse, nous adressant, au passage, un regard d'encouragement. Clara s'approche de moi, me demandant:

-Comment ça se fait qu'elle n'est pas été convoquée?! Elle était pourtant là, quand tu as transformé Alex.

-Disons que ce tribunal évite, dans la mesure du possible (hormis cas extrême), d'impliquer des Enchanteresses dans des procès.

-À cause de leur chant?

-Non, les Divinités en sont immunisées; il n'ont absolument rien à craindre d'elles.

-Alors, pourquoi?

-C'est une histoire compliquée. Je ne suis pas le mieux placé pour te la raconter.

D'un pas réticent, nous suivons le Gardien; s'impatientant. Nous empruntons le couloir qui contient l'écriteau: «TRIBUNAL DE L'HÉLIÉE».

L'écho de nos pas, au milieu de ce couloir sombre et glacial, ne fait que renforcer l'angoisse de l'épreuve qui nous attend. Notre mutisme prouve que nous n'en menons pas large. Au bout du corridor commence à nous parvenir les clameurs de la foule; qui semble nous attendre, avec une impatience presque vulgaire.

Au fur et à mesure que j'avance, de désagréables souvenirs me reviennent en tête. Je revois, alors, la dernière fois où j'ai dû emprunter ce couloir, que ce même tumulte insupportable déchirait mes tympans.

Lorsque je me suis retrouvé face à ce tribunal autoritaire et froid comme la glace. Je m'arrête, en fermant les yeux, puis souffle un bon coup afin de me ressaisir.

--Eh, Arthème; tu es sûr que tout va bien? -Me demande Alex, apparemment soucieux de mon état.-

Le Gardien qui nous sert de guide; se rendant compte de la scène, lance d'un ton impérieux:

-Pressons-nous, je vous prie. Le temps des Divinités est précieux, alors n'en abusons pas inutilement.

N'écoutant que sa fougue; Alex répond farouchement:

- «Abuser inutilement»?! Putain, mais tu vas fermer ta gueule, toi?!

-Pardon?! -S'offense immédiatement le Gardien.-

Avant que la situation ne s'envenime d'avantage, j'interviens:

-Non, ne faites pas attention. Ça lui a échappé, il le regrette déjà.

-Quoi?! Mais t'as entendu ce qu'il a dit, Arthème?! Regarde dans quel état tu te trouves! Évidemment que je ne regrette pas un traître mot de ce que...

D'un geste de main, je le fais taire, puis lui affiche un sourire réconfortant, tentant de lui dissimuler mon état tourmenté.

Cependant, je vois, à son regard, qu'il a compris que ce n'est que de la façade. Je lâche une phrase qui a d'avantage pour but de me rassurer, que de le convaincre:

-Ne t'en fait pas... Je vais bien.

Je me redresse, difficilement, garantissant à notre guide que ça va mieux. Ce dernier fixe Alex, d'un air menaçant, en prévenant strictement:

-Très bien; mais ne me parlez plus jamais sur ce ton, sinon...

Alex se redresse, en le regardant d'un air défiant; tout de suite prêt à se battre. Le guide laisse sa phrase en suspend, tout en soutenant le regard du jeune effronté.

-Je croyais que le temps des Divinités était précieux! -Intervient Clara, d'un ton grandiloquent.- J'aimerai préciser que le mien aussi; sans vouloir paraître irrévérencieuse.

Le Gardien la regarde, d'un air ahuri; alors que nous autres parvenons difficilement à cacher notre amusement.

Le tunnel finit par déboucher sur la gigantesque salle à ciel ouvert, dont je me souviens. Le Gardien nous fait signe d'y pénétrer, faisant comprendre qu'il ne nous accompagnera pas plus loin.

"Ça y est, nous y voilà", me dis-je, le cœur haletant. Soufflant un bon coup et prenant mon courage à deux mains, je m'avance le premier; tel un condamné rentrant dans la fosse aux lions.


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