-Nabra?! Mais... que fais-tu, ici? -Demande Arthème, déconcerté.-

L'intéressé ferme les yeux; comme si argumenter sur sa présence lui coûtait un effort considérable. Une partie de moi s'aventure d'ailleurs à penser que ça doit certainement être le cas.

-Je pense qu'il est inutile de te mentir d'avantage de temps; Arthème...

Il marque une courte pause; inspire longuement, puis reprend:

-Depuis quelques mois, vois-tu; la vérité m'est apparue comme une évidence. Une espèce d'illumination, m'ayant fait prendre conscience du chemin qu'empruntait l'univers.

-Que me racontes-tu?

Au fond de moi; je crois avoir compris ce que Nabra veut dire. De surcroît, je suis persuadé qu'Arthème le devine, également. Simplement, la réalité l'effraie trop, pour s'y confronter aussi brutalement. 

Toutefois; comme pour confirmer mes soupçons; Zephael soupire, las, en résumant brut de pomme:

-Bon, arrêtons de perdre du temps, bêtement! Ce que Nabra cherche à vous expliquer; c'est qu'il travaille pour moi!

L'atmosphère glaciale, que provoque cette révélation; semble procurer beaucoup de plaisir au Réprouvé, qui s'amuse à faire les cent pas avec grandiloquence. Le rictus sadique, qu'il affiche, en examinant nos réactions, me fait bouillir de rage.

-Depuis des mois, Arthème; ton pote se fiche de toi et t'as rien vu! -Reprend Zephael; d'un ton sarcastique.- Je me demande bien comment tu as pu obtenir un rang aussi prestigieux, au sein des Gardiens, en étant aussi naïf!

-Ne t'en mêle pas; raclure! -S'emporte Nabra.-

-Quoi?! Je ne fais qu'exposer la situation telle qu'elle est, vu qu'apparemment, tu n'y arrives pas, tout seul!

Nabra se retourne vers son acolyte aux ailes noires; le dévisage farouchement, en lui répondant:

-Tu fais erreur sur un point, Zephael. Je n'ai jamais travaillé pour toi. J'ai exécuté tes ordres, parce qu'il me paraissait judicieux d'agir ainsi. En aucun cas, je ne me laisserai influencer par un être aussi faible et vil, que toi.

Le visage du Réprouvé se tord, soudainement, en une expression de haine.

-Je vais te montrer, à quel point je suis faible et vil! -Rugit-il.-

Zephael tente d'attaquer Nabra; mais ce dernier le plaque aisément au sol. Ensuite; après avoir maintenu son opposant, à terre; il lui attrape fermement le bras, faisant jaillir une intense lumière bleue.

-Non! Ne fait pas ça, Nabra! -Tente de s'interposer Arthème, en vain.-

Je m'approche de Sibylle; lui demandant:

-Pourquoi partage t-il ses pouvoirs, avec Zephael?

-Il ne le fait pas. En réalité, ce pouvoir, faisant apparaître cette lumière bleue, comporte deux possibilités: soit, nous pouvons faire don de nos pouvoirs ou au contraire, s'emparer des pouvoirs de la personne que l'on maintient. Mais agir de cette manière n'est pas sans conséquences. Regarde!

C'est alors, qu'avec stupeur, je constate que les ailes d'argent en onyx, de Nabra, commencent à s'embraser; prenant progressivement une teinte aussi noire que le plumage d'un corbeau.

-Que lui arrive t-il?

-Agir ainsi est le déshonneur absolu, pour un Gardien. Nous avons été crée pour partager nos pouvoirs. Alors quand nous rompons ce pacte, pour accroître notre puissance; notre âme est entachée à jamais, par la honte. Nous sommes alors souillés, pour l'éternité. C'est comme ça que l'on devient... un Réprouvé!

Cependant, Nabra ne semble pas en ressentir le moindre scrupule. Au bout d'un moment; Il finit, malgré tout, par s'arrêter; en murmurant distinctement à Zephael:

-Maintenant, c'est toi qui va suivre mes ordres! Où dois-je te tuer?

Zephael, totalement tétanisé; n'arrive même pas à répondre. D'un signe de tête; il se résout, cependant, à se soumettre à la volonté de Nabra. Ce dernier se relève; passant en revue chaque personnes présentes.

-Nabra... pourquoi? -Demande Arthème, affligé.-

-Voyons. Tu le sais aussi bien que moi! L'humanité est mauvaise. Ils n'ont de tendance que pour le pêché. Guerres, cupidité, égocentrisme... Les humains sont tous pareils, il n'y en a pas un pour relever l'autre. J'ai fini par comprendre que dévouer notre existence à la protection d'une espèce aussi abjecte, était voué à l'échec.

-Tu te trompes... Ils ne sont pas tous comme ça!

Nabra, ferme les yeux; peiné par cette réponse.

-Je comprends ton acharnement, à vouloir croire en eux; Arthème! Moi aussi, j'y ai cru. Du plus profond de mon cœur; sois-en convaincu.

Un sourire amer se dessine, alors, sur son visage.

-Mais, tôt ou tard, il faut bien se rendre à l'évidence. Ils sont néfastes! Pas seulement pour leur planète, mais également pour la nôtre! C'est pour cela que nous devons agir, avant qu'il ne soit trop tard! Avant qu'il ne détruisent nos terres, nos animaux et même, qu'ils ne NOUS détruisent.

Je perçois, soudain, sur le visage d'Arthème, le doute qui commence à s'immiscer. Dans le même temps; Nabra lui tend la main, en l'incitant avec conviction:

-Je t'en supplie; Arthème. Mon ami de toujours, mon frère d'arme; rejoins-moi! Ensemble, nous parviendrons à restaurer l'équité et la justice, de cet univers en perdition.

Observant scrupuleusement le visage d'Arthème; j'aperçois des gouttes de sueurs perlées sur son front; à proximité de son regard vide. Nabra en profite, pour continuer sa rhétorique malsaine:

-L'instabilité et la souillure humaine ne viendront plus troubler l'existence, de qui que ce soit. L'ordre sera rétablit! Un ordre pacifique où argents et vanités seront bannis de toutes les pensées.

Arthème reste sans réponse, la bouche entrouverte, ne sachant quoi penser. Nabra est parvenu à s'immiscer dans son esprit. 

Face à son manque de réaction; Clara répond, à sa place; en s'adressant à Nabra:

-Parce que vous pensez que vous valez mieux que nous; à vouloir éradiquer les humains?! Vous savez ce que vous êtes?! Un eugéniste... non; un génocidaire, plutôt!

-Euh, Clara... Je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moyen de le calmer... -Intervient Bruno, pas très convaincu par cette méthode.-

-Quoi?! Il faut bien lui dire ce qu'il est! Au moins, il y aura peut-être une chance pour qu'il se fasse soigner ses troubles comportementaux!

La franchise téméraire de Clara, a toujours eu quelque chose d'amusant. Cependant, dans un contexte comme celui-là; ça relève presque de l'inconscience. 

Le visage de Nabra reste, néanmoins, indéchiffrable.

-Une humaine aussi juvénile, en proie à l'immaturité; ne possède pas les compétences requises pour comprendre les lois universelles, qui influent sur le monde ou bien, même, les décisions qui régissent la destinée.

Clara hausse les sourcils, entrouvrant la bouche; ne sachant quoi penser d'une telle réflexion. Elle parvient simplement à murmurer:

-Il me prend pour une débile ou quoi, celui-là?

Le Gardien, fraîchement Réprouvé, se tourne, à nouveau vers Arthème:

-Je te le propose, une dernière fois. Choisis ton camp, mon ami. Je te connais mieux que quiconque; voilà pourquoi je sais que tu prendras la bonne décision.

D'une voix tremblante; Arthème finit par s'exprimer:

-Lorsque je cherchais à savoir où Alex avait fugué, l'autre jour et que tu menaçais Vieux-Débris de le punir sévèrement, avant que nous l'interrogions; en réalité c'était pour qu'il garde le silence face à nous, que tu lui disais ça. Ensuite, quand Rosalie, Clara et moi t'avions surpris, en train de sermonner le Farfadet; c'était justement parce qu'il nous avait tout avoué, que tu le réprimandais! D'ailleurs, c'est aussi toi qui l'incitais à envoyer des humains, aux Réprouvés!

-Je te félicite, d'avoir tout compris aussi rapidement; même si je n'en attendais pas moins, de toi. Néanmoins, en ce qui concerne le dernier point, il n'avait pas vraiment besoin de moi, pour ça. Même sans ma pression; son dégoût de la race humaine l'aurait poussé à agir ainsi. Malgré tout; ce procédé nous aura permis d'évaluer le degré de résistance des humains, face à la tentation du mal. Pour la plupart d'entre eux, cela s'est avéré être un échec; reconnais-le.

-Tu as permis aux Réprouvés de passer les protections, le soir de la fête!

-Je n'avais pas le choix. Ton acharnement, à vouloir protéger ton descendant se révélait beaucoup trop dangereux, pour notre peuple. Zephael avait une dent, contre ton protégé. Je l'ai donc aidé, espérant qu'il me débarrasserai définitivement de cet humain insipide!

-Mais ça ne s'est pas passé comme prévu, n'est-ce pas?

-En effet. Je ne pensais pas que tu irais aussi loin; Arthème. Tu as préféré être fait prisonnier; à la place de ton descendant. Bien entendu; cette hyène de Zephael a, immédiatement, saisi l'opportunité de faire grimper les enchères

Nabra jette, subrepticement, un regard dédaigneux au Réprouvé. Je vois Arthème frémir de rage:

-Tu es immonde! -Rugit-il.- Jamais je ne te rejoindrai, dans ta pure folie! Tu m'entends?! Jamais!

Nabra ferme les yeux, répondant d'un ton affligé:

-Bien. Tu as fait ton choix, aussi décevant soit-il. Comme c'est regrettable; il semblerait que je ne te connaissais pas aussi parfaitement que je l'espérais. Mais peu importe. Ta crédulité signifiera ta perte, sur le champ de bataille!

Aussi vif que l'éclair; il dégaine son épée, faisant siffler l'air, par le tintement de sa lame. Aussitôt, Zephael; dont j'avais oublié la présence; s'extasie, explosant de rire:

-Voilà, enfin, le moment que j'attendais! Fini la parlotte; place à l'action!

Il sort, à son tour, l'arme de son fourreau; avant de se jeter sur moi, volant à ras du sol. Rosalie m'attrape, alors, par les épaules, en m'attirant vers elle; m'écartant ainsi de la trajectoire de mon assaillant. Je me retourne vers mon amie, en lui disant avec un sourire reconnaissant:

-Merci. Je te dois une fière chandelle, on dirait...

-Tu me remercieras plus tard; car j'ai l'impression que notre copain n'en a pas fini, avec nous!

Le visage de Zephael est soudain déformé par une rage intense et un désir sanguinaire irrépressible. 

D'un autre côté; j'aperçois furtivement, les jumeaux s'attaquer à Bruno et Clara, pendant que Tendaï s'en prend à Sibylle. Dans le même temps, Zephael s'avance dangereusement vers nous. Arthème tente de s'interposer pour le bloquer, mais est repoussé par Nabra, qui s'en mêle à son tour. 

Ce dernier lui lance, dans le même temps:

-Inutile de me fuir, en essayant de secourir ton petit protégé! Ton adversaire, c'est moi; pas Zephael!

La situation revenue à son point de départ; le Réprouvé aux cheveux violets s'approche de plus en plus. Rosalie s'empare d'une pierre et ambitionne de la lui balancer en plein visage. Le réprouvé fait exploser la pierre, d'une boule de feu. J'entends mon amie pousser un juron. Zephael reporte alors son regard, vers elle; avant d'aller dans sa direction. 

Pris d'un élan d'audace; je saute pour attraper la branche d'un arbre, à proximité. Je m'en sers, ensuite, comme balancier; afin d'envoyer mes deux pieds, dans la figure du Réprouvé. Ce dernier atterrit quelques mètres plus loin; le nez ensanglanté. 

Rosalie me gratifie d'un sourire, en me disant:

-Il semblerait qu'on soit quitte.

Néanmoins, nous n'avons pas le temps de nous reposer sur nos lauriers, que notre ennemi est déjà en train de revenir vers nous. La colère déformant ses traits, je devine qu'il n'a pas très bien pris le fait d'avoir été frappé par un humain. 

Lorsque Rosalie tente de s'interposer, entre lui et moi; le Réprouvé la repousse sans ménagement. Elle se prend les pieds dans les racines d'un arbre, la faisant chuter. Je reste figé, quelques secondes, le temps de me repasser cette scène en tête. 

Soudain, une énergie nouvelle s'empare de moi, comme si mon corps se transcendait, que je devenais quelqu'un d'autre. Je me rappelle avoir déjà ressenti ça: lorsque j'ai assisté à l'incendie criminel de mon immeuble, pendant l'épreuve du désert de l'expiation. 

Sans difficulté, j'esquive le coup que Zephael projetait de me donner. Mon regard croise celui de Rosalie, qui paraît soudain effrayée. Je l'entends, sans trop y prêter attention, me dire:

-Alex... tes yeux...

Toute mon attention n'est portée que sur une seule personne: l'affreuse pourriture aux cheveux violet, qui a osé toucher à Rose. D'une voix beaucoup plus grave que d'ordinaire; je grogne:

-Personne ne touche à mes amis!

Zephael semble troublé, l'espace d'un instant; mais essaie néanmoins de garder la face, en laissant apparaître un horrible rictus.

-Je savais que tu étais plus spécial que t'en avais l'air!

Ignorant sa remarque, je me jette sur lui. Toutes les tentatives du Réprouvé s'avère être un échec. Je finis par l'envoyer au sol, l'aspergeant d'une salve de coups-de-poing dévastateurs. 

Devenu une véritable bête féroce incontrôlable, il me faut l'intervention de Rosalie pour me stopper, dans ma fureur.

-Alex, arrête! -M'intime t-elle, effarée par ce que je semble être devenu.-

Son visage angélique, d'une blancheur de craie, réussit brièvement à me calmer. Malencontreusement, pas très loin de nous; un autre évènement attire mon attention: la voix de Jared s'élève, lançant rageusement à Bruno:

-Je vais te faire regretter de m'avoir cassé le nez; l'autre fois!

À quoi l'ancien catcheur répond, avec un aplomb déconcertant:

-Repense à ton ancienne gueule; tu t'apercevras, alors, que tu ferais mieux de me remercier!

N'appréciant guère cette remarque; la main de Jared commence à devenir rouge vive. Je devine qu'il s'apprête à lancer une boule de feu, à Bruno. 

Ma rage revient alors. Tel un automate, je me dirige vers eux (Rosalie n'essaie même pas de m'en dissuader), j'attrape Jared par les épaules, le décolle du sol et l'envoie valser contre l'arbre le plus proche. 

La détonation que produit l'impact, lorsque Jared percute le tronc, est si brutale; que Rosalie est même prête à aller s'enquérir de l'état du Réprouvé, après un tel choc.

-JARED! -S'exclame son frère, ayant aperçu la scène.-

Clara profite de ce moment de distraction, pour projeter son adversaire au sol; puis tente de l'immobiliser à l'aide d'une clé de bras, mais ce dernier parvient à s'en défaire aussitôt et à son tour, envoie mon amie au tapis.

-Tu vas regretter ce que tu viens de faire, sale petite humaine! -Crache Chad, en préparant une boule de feu, dans le creux de sa main.-

Alors que je m'apprête à poursuivre mon travail de destruction, je suis devancé par Bruno, qui s'empare de la batte de baseball, attaché à sa ceinture; puis vient fracasser la tête de Chad, qui ne l'a pas vu arriver. 

Clara, ne comprenant pas immédiatement ce qu'il vient de se produire, fixe successivement son assaillant puis son sauveur. Peu à peu, un immense sourire de fierté se dessine sur son visage et ses yeux se remplissent d'admiration, pour le catcheur. 

Sans crier gare, elle se jette au cou de Bruno, en lui murmurant:

-C'est la deuxième fois que tu me sauves la vie! Ça devient une habitude, on dirait!

Depuis les bras de Bruno, où elle est allée se blottir, Clara me lance, lorsqu'elle croise mon regard:

-Je ne savais pas que tu t'étais mis à porter des lentilles, Alex.

Décontenancé par ce qu'elle vient de me dire; toute la fureur que j'avais en moi, disparaît aussitôt, tout comme cette énergie, par laquelle je me sentais transcendé, jusqu'alors. 

Sentant la présence de Rosalie, à côté de moi, je m'empresse de lui demander ce qu'il m'est arrivé. La seule explication qu'elle parvient à me fournir, c'est que je suis entrée dans une espèce de colère démentielle incontrôlable et que mes pupilles ont pris une teinte dorée assez étrange. Bel et bien comme la dernière fois, où j'avais aperçu ces yeux jaunes intrigants, dans le reflet de la vitre. 

Trouvant ça bien trop mystérieux, je préfère laisser de côté toutes les questions qui naissent dans mon esprit et me concentrer sur les combats restants. 

J'aperçois Sibylle qui, de son côté; résiste avec une détermination immensurable, dans son combat qui l'oppose à Tendaï; esquivant admirablement le boulet métallique que cette dernière lui envoie à de multiples reprises, en faisant tournoyer la chaîne de son kusarigama dans les airs. Je me fais du souci pour elle; cependant, mes craintes deviennent plus fortes en voyant Arthème. 

Il est complètement dépassé par la puissance de Nabra. Je m'apprête à aller l'aider; quand je suis propulsé au sol, par un souffle flamboyant qui me torréfie littéralement le flanc.

-Alex! -S'exclame Rosalie, aussi déconcertée que moi.-

L'intense brûlure, qui me lancine, m'empêche de trouver une position confortable. Roulant par terre, d'un côté, puis de l'autre, je suis tenaillé par cette douleur ardente qui me cuit la chair. La souffrance est telle, que je commence à voir des étoiles. 

J'entends, derechef, la voix de Rosalie, s'écrier mon nom. Néanmoins, mon regard flou distingue les contours d'une autre silhouette. Une apparence moins amicale, arborant des cheveux violets mi-longs.

-Tu ne pensais pas réellement te débarrasser de moi, aussi facilement?! -Me réprimande la voix cynique de Zephael, dont le visage; devenu méconnaissable par toutes les plaies béantes dont je suis à l'origine; est déformé par la haine, au-delà de l'imaginable.-

Je le vois dégainer son épée et la pointer dans ma direction. Le cri de Rosalie, qui parvient à mes oreilles, a le don de me donner du courage et de la force. 

De justesse, j'esquive l'assaut de Zephael, puis me relève. Ma brûlure au flanc me lance vigoureusement; mais j'essaie d'en faire abstraction. Sans lâcher des yeux mon adversaire; je rejoins Rosalie. Cette dernière me demande, en susurrant:

-Comment allons-nous nous débarrasser de lui?

-En nous battant jusqu'au bout!

Le Réprouvé ricane. Moi qui pensait, avant que je ne le défigure, qu'il ne pouvait pas être plus affreux; je dois reconnaître que je me suis surpassé, pour obtenir un tel résultat.

-C'est la phrase la plus absurde qui m'ait été donné d'entendre, de ta bouche, mollusque. Tu veux te battre? Regarde ça!

Il déploie ses imposantes ailes noires et fait naître plusieurs rafales de vents successives; jusqu'à former un tourbillon noir s'abattant droit sur nous.

-Ayez l'honneur de mourir par la force de mon coup spécial! -Se réjouit le Réprouvé.-

Je sens la main de Rosalie saisir fermement la mienne. 

Au moment où je me persuade que tout est fini, pour nous; Zephael est percuté par une gigantesque silhouette, tombant du ciel. À cet instant; le tourbillon se volatilise, comme par magie. Rosalie et moi restons interdits. J'en conclus qu'ayant été perturbé dans sa manœuvre, Zephael n'a pas pu déployer intégralement son coup spécial; d'où sa subite interruption. 

L'étrange silhouette se relève, tout en récupérant son chapeau, tombé quelques mètres plus loin.

-Connor! -S'exclame Rosalie.-

Le cowboy, fixant le ciel, avec insistance, bafouille:

-Je savais que je n'aurais jamais dû attirer ce foutu dragon, vers le désert...

Ne comprenant pas de quoi il parle, je tente de lui demander:

-Mais, qu'est-ce que tu...

Un rugissement strident retentit dans le ciel. Rosalie et moi tournons, simultanément, la tête vers la voûte céleste. Le spectacle que nous découvrons est juste hallucinant. Au milieu des étoiles, se battent un dragon et une manticore. Tellement abasourdi, je lâche:

-C'est quoi ce délire?

-Je viens de te le dire! -Reprend Connor.- J'ai commis l'erreur d'attirer le reptile vers le désert! J'avais juste oublié que les relations qu'entretiennent les dragons et les manticores sont quelques peu... tendues!

Il fixe un instant le ciel, avant de reprendre:

-Les rugissements du dragon ont réveillé la manticore du désert et les deux bestioles ont commencé à me pourchasser, tout en se foutant sur la gueule. Ne sachant pas où aller, bah, me revoilà, ici!

Nous observons, avec ébahissement, le combat, entre les deux monstres, se donnant de terrifiants coups de griffes et se mordant. 

Toutefois; aussi vif que l'éclair; la manticore envoie sa queue de scorpion, entre les deux yeux du dragon. Ce dernier s'écroule sur le sol; à quelques mètres de nous.

-Ouh la, la! -S'exclame Connor.- Le venin de manticore; c'est radicale!

Néanmoins, l'affreuse créature ne semble pas en avoir fini. Elle atterrit, à côté de notre groupe; nous fixant de son air menaçant; avant de se reconcentrer sur le dragon. Zephael, dont j'avais oublié la présence, rugit soudain, en se relevant:

-Que viens-tu de faire à mon dragon; sale monstre?!

Il brandit son épée, avant de se jeter sur la manticore. Cette dernière, à l'aide de sa queue de scorpion, lui transperce le sternum et le décolle du sol. Un flot de sang jaillit de la poitrine du Réprouvé; tel un geyser à haute pression. 

Le monstre exhibe ses trois rangées de dents, en poussant un rugissement inhumain. Au même moment; le dragon, agonisant; réussit, dans un dernier souffle, à dégorger un véritable torrent de feu; carbonisant, au passage, la manticore et Zephael. 

Juste à temps; Connor nous attrape, en plein vol; évitant que l'on se retrouve grillés sur place.

-Merci! -lui dis-je, en même temps que Rosalie.-

Le cowboy nous gratifie d'un clin d'œil malicieux; lorsqu'il nous repose, sur le sol. Je vois les jumeaux toujours assommés; espérons qu'ils le restent encore un moment. 

Nous allons rejoindre Bruno et Clara, qui visiblement, n'ont rien vu de la scène; trop occupés à se tourner autour. En m'approchant d'eux; j'entends le catcheur réciter son couplet de compliments, à mon amie:

-Lorsque mes yeux se posent sur toi; mon cœur, lui, n'écoute plus que ta loi. Aucun soleil ne pourra briller d'avantage, que celui que tu as fait naître en moi.

À quoi mon amie, devenue aussi rouge qu'une tomate, répond:

-Oh, Bruno; c'est si mignon, si touchant. Je...

Arrivé à leur hauteur, les dévisageant tour à tour; je leur lance avec désinvolture:

-Ça va; on vous dérange pas trop, tous les deux?

-Bah si, un peu quand même! D'ailleurs, si vous pouviez faire moins de raffut; ça nous permettrait de...

Bruno n'a pas le temps de terminer sa réplique que Clara le repousse négligemment en s'apercevant de ma présence; puis elle me regarde d'un air gêné, son teint devenant encore plus cramoisi.

-Oh, Alex... Tu es là? Ce n'est pas ce que tu crois; je...

-Alex; laisse-les tranquille, voyons! -Me sermonne Rosalie, en m'attirant ailleurs.- C'est si beau un peu d'amour, au milieu de toutes ces monstruosités!

En cours de route, je remarque que Sibylle est parvenue à triompher de Tendaï. Cette dernière s'enfuit, prenant son envol. 

Promenant d'avantage mon regard, à travers le champ de bataille; je finis par tomber sur une scène qui me glace le sang: Arthème à la merci de Nabra. Ce dernier, pointant son épée vers le cœur de son opposant; déclare farouchement:

-En stratégie, tu étais peut-être le meilleur; mais en combat; tu ne m'as jamais surpassé. Comment as-tu pu espérer qu'aujourd'hui, le résultat pouvait être différent?!

Il lève son arme; se préparant à la planter dans la poitrine d'Arthème Voyant la tournure que prend les évènements; je me dis alors que je ne peux pas laisser faire ça et que mon intervention s'impose. Au même moment, je sens, à nouveau, l'énergie transcender mon corps.