22-Zephael (plus tôt dans la journée): Les machinations du crapuleux
L'aube venant d'apparaître; je vagabonde dans les couloirs déserts du château, en sifflotant un air crée sur le tas. J'inspecte les alentours, en quête d'une inconduite à réaliser.
«Autant profiter que tous les autres Réprouvés prennent leur petit-déj; pour manœuvrer secrètement et judicieusement», me dis-je, en jubilant.
Très vite, je vois mon vœu se concrétiser. J'aperçois, au fond du corridor, la chambre de Tendaï, laissée ouverte. «Cette petite idiote ne s'est même pas méfiée», me dis-je, avec un rictus, me déformant les traits du visage. Surexcité par ce que je m'apprête à faire; je triture frénétiquement la ceinture de ma robe de chambre magenta.
Me décidant, sans aucun scrupule, à passer à l'action; je pénètre à l'intérieur de la pièce, en espérant y trouver un indice sur le secret qu'elle cherche, avec tant d'acharnement, à préserver.
Je constate que sa chambre n'est pas très spacieuse, néanmoins, elle a, tout de même, trouvé la place nécessaire pour accrocher un imposant tableau de notre maître. Je trouve sa dévotion presque comique; surtout quand je pense que, bientôt, le prochain maître qu'elle devra sublimer, ce sera moi.
Je passe en revue les affaires éparpillées, sur son bureau. J'ouvre tout ce qui me tombe sous la main: placards, tiroirs... Rien! Absolument rien! Cette petite sotte a bien dû laisser un indice quelque part.
Soudain, mes yeux se pose sur son lit.
-Suis-je bête! -Je m'exclame, en me tapant le front, d'un air navré.-
Je m'en approche, puis soulève l'oreiller. Bingo! Là, se trouve un petit carnet bordeaux, que je m'empresse de prendre et de feuilleter.
-Voilà exactement ce que je cherchais. Alors, petite Tendaï; que nous caches-tu?!
Dès les premières lignes, je suis captivé par ce que j'y apprends:
C'est devenu presque routinier. Ce matin, encore, j'ai eu connaissance de ce qu'elle a fait. Plus le temps passe, plus elle devient instable. Ses actes vont finir par me rattraper. J'ai peur que ma nouvelle famille découvre que je suis sa sœur. De surcroît; bien que je sois de trois ans son aînée; elle me ressemble comme deux gouttes d'eau, aussi déconcertant que si elle était ma jumelle. Je ne supporte plus de voir son visage, chaque fois que je me regarde dans la glace. J'aimerais tellement en changer; ne pas avoir à lui ressembler. Le dégoût qu'elle m'inspire n'a d'égal que l'admiration que je voue à mon maître. Que puis-je faire pour mettre fin à sa folie?! Si je venais à me mettre en travers de sa route; je sais qu'elle me tuerait sans une once de remord. J'espère, néanmoins que l'avenir m'apportera la réponse que j'attends, m'amenant ainsi à la délivrance de ce cauchemar sans fin.
-Qu'est-ce que tu fais?! -Intervient une voix, derrière moi.-
Je me retourne, avec un immense sourire; remuant le petit carnet bordeaux, entre mes doigts. Sans surprise, Tendaï se tient face à moi, n'arrivant pas à dissimuler l'inquiétude qui domine son regard. Je m'approche d'elle, en me dandinant grotesquement, fier de ma trouvaille.
-Tu ne nous avais pas dit, que tu avais une sœur jumelle... Tu as sans doute oublié.
Mon ironie me gratifie d'un regard haineux, de la part de mon interlocutrice, qui s'empresse de m'arracher le carnet, des mains.
-Ça ne te regarde pas, ordure!
-Erreur monumentale. Absolument tout me regarde, très chère Tendaï. Alors, qui est, exactement, ta sœur?
-Va te faire foutre!
Je tourne autour d'elle, histoire de l'exaspérer, en poursuivant mon interrogatoire.
-Il y a tout de même une chose qui m'échappe?! Nous t'avons transformé en Gardien, donc le reste de ta famille doit, logiquement être humain; s'ils n'ont pas été transformé à leur tour, ce dont je doute fortement. Alors, comment se fait-il que tu craignes ta sœur, à ce point?
Son regard se dérobe, face au mien. Je jubile de cette situation de force, que j'exerce sur elle.
-Qui plus est, tu as choisi le camp des Réprouvés, ce qui signifie que tu as commis d'innombrables méfaits. Pourtant, tu écris être choquée par les actions de ta sœur. Pourquoi?! Qu'à t-elle fait de si horrible pour que tu en sois si bouleversée?
Apparemment, je viens de toucher un point sensible. Ses yeux commencent à être embués de larmes. Je souris machiavéliquement, en concluant:
-Une chose est sûre; j'ai vraiment hâte de rencontrer cette charmante personne.
L'expression d'effroi, dans les yeux de Tendaï, disparaît et est immédiatement remplacée par de l'effarement. D'une voix, à la fois saccadée et fulminant de rage, elle réplique:
-Crois-moi; si tu venais à exhausser ce souhait; ce serait certainement la dernière erreur, que tu commettrais durant ta misérable existence! À peine tu croiserais son regard, que tu regretterais cette action; car ma sœur, c'est la mort incarnée! Alors, je t'interdis de parler de choses que tu ne comprends pas! Fais-moi confiance, elle te tuerait sans la moindre hésitation et sans la moindre difficulté, pauvre fou!
Mon sang se glace, aussitôt que ces paroles parviennent à mes oreilles. Mes pensées devenant confuses, mon corps se mettant à trembler sans raison apparente; je me laisse ronger par une fureur démentielle.
La peur me fait devenir incontrôlable. Je presse mes mains, violemment, sur les épaules de Tendaï et la plaque brusquement contre le mur, en hurlant:
-QUI EST-ELLE?! QUI EST TA MAUDITE SŒUR?!
Plongeant mes yeux dans les siens, j'aperçois, subitement, dans son regard une lueur dure et froide, qui me fige. Un horrible pressentiment traverse, alors, mon esprit. Ce regard, qu'elle a... Une seule personne, à ma connaissance, en possède un semblable.
Je crois avoir deviné qui est sa sœur; cependant, j'espère vraiment me tromper... Il faut que j'en ai le cœur net! Le cœur battant, je m'apprête, soudainement, à lui arracher son foulard; quand l'un des jumeaux surgit du corridor et me repousse sans ménagement.
-LAISSE-LA TRANQUILLE, ZEPHAEL!!!
Je me retiens de coller une raclée écrasante à cette vermine, lorsque j'aperçois son frère, dans l'encadrure de la porte. Devant les regards hostiles, de mes semblables; je m'autorise une dernière menace, à l'adresse de Tendaï:
-Je finirai bien par percer les mystères qui t'entourent. Et en supposant que les réponses, que j'ai à découvrir, doivent m'être défavorables; je te conseille, fortement, de t'exiler le plus loin possible de moi.
Je m'éclipse furtivement, pressé de passer à autre chose. Traversant le couloir, en ruminant, souhaitant que rien d'autre ne viennent incommoder ma journée; je suis interpellé par un Farfadet:
-Maître Zephael; S'il vous plaît?
-Quoi? -Je réponds, avec agressivité.-
Le nain, effrayé, recule de plusieurs pas et baisse la tête, en bégayant:
-Deux... deux humains sou... souhaitent v... vous voir...
Je soupire, exaspéré. À contre cœur, je m'y résigne et suis le Farfadet, qui me conduit dans la salle du trône.
À l'intérieur; j'y rencontre les deux humains, accompagnés par Vieux-Débris. Comme si de rien n'était; je m'installe sur le trône, nonchalamment, comme s'il m'était déjà acquis.
-Que voulez-vous? -Je demande, sans détours; ne dissimulant pas mon impétuosité circonstancielle.
L'un des deux humains; le plus costaud des deux, s'avance pour prendre la parole:
-Voilà euh... monsieur; nous nous appelons Émile et Jacky. Nous étions, sur terre, deux Défenseurs de la Liberté très respectés. Notre travail était reconnu de tous et...
-Venez-en au fait!
-Depuis que nous sommes arrivés sur cette planète; nous nous sentons méprisés et n'avons pas la renommée que nous méritons.
«Nous, nous, nous...» Je vois très bien le caractère égocentrique de ces deux hurluberlus. Encore des nigauds facile à duper. Le petit poursuit la requête de son collègue:
-C'est alors que ce nain, ce Farfadet ou je ne sais pas comment l'appeler... cette chose, quoi (Il désigne Vieux-Débris. Ce dernier lui répond d'un regard courroucé.); est venu nous voir. Il nous a apprit que sur votre territoire; les règles étaient différentes. Il nous a dit que nous nous amuserions plus et que...
-Blablablablabla... Ça va; j'ai compris! La rengaine des humains est toujours la même! Moins de règlements pour plus de plaisirs! Vieux-Débris va se charger de vous faire escorter jusqu'à Arkbat; la capitale de notre territoire. Vous y trouverez votre confort, là-bas.
Les deux simplets se ravissent d'une telle nouvelle. Leur euphorie prévisible, m'insupporte et me dépite.
-Bon, maintenant que ça s'est fait; hors de ma vue!
Les deux loufoques quittent la pièce; enchantés par ce qui leur arrive. J'entends le costaud, dire à son camarade:
-T'as vu; il a l'air cool, lui au moins!
Après qu'ils soient partis; je demande sèchement à Vieux-Débris:
-Qu'est-ce que tu fais encore là; toi?!
Il s'incline de manière exagérée; avant de me tendre une enveloppe:
-Je devais également vous remettre cette lettre, de la part de votre agent.
En prenant ce qui m'est destiné, je fais signe au Farfadet de partir. Une fois seul; je défais le cachet écarlate de l'enveloppe et en extrait la lettre. Seule deux phrases y sont écrites:
J'ai besoin de parler, impérativement, au prisonnier. Je passerai en fin de matinée.
Je m'empresse de froisser le papier, d'un air exaspéré; puis je lance la boulette à l'autre bout de la pièce.
«Enfin au calme.» -me dis-je, épuisé, en laissant ma tête retomber sur le dossier du trône.- Je repense à Tendaï, à son visage traumatisé lorsque je lui ai parlé de sa sœur. Je revois les jumeaux, qui n'ont de cesse de se mettre en travers de mon chemin. Si je veux officialiser mon accession au trône; il est grand temps que je me débarrasse de quelques-uns de ces parasites.
Pour apaiser les tensions qui tourmentent mon esprit; je triture la ceinture de ma robe de chambre, les yeux fermés. Alors que je commence à me relaxer; un bruit infernal retentit, faisant trembler les murs du château. Je ne peux m'empêcher de hurler:
-Qu'est-ce que c'est encore que ce vacarme?!!!
Un farfadet accourt, quelques instants plus tard, dans la salle du trône. Il s'agenouille, devant moi, puis tente de reprendre son souffle.
-Seigneur Zephael...
-C'est moi!
-...Une horde de dragons viennent d'attaquer le château!
Fulminant de rage, après la matinée désastreuse que je viens de passer, j'espère avoir mal entendu. Je me lève, le regard menaçant et m'approche doucement du Farfadet, en susurrant délicatement:
-Que viens-tu de me dire?
-Une horde de... dragons; seigneur. Ils viennent... d'attaquer le...
-J'AI TRÈS BIEN COMPRIS CE QUE TU VIENS DE ME DIRE!!!
Je ne peux me retenir de lui envoyer un coup-de-pied, l'envoyant valser plusieurs mètres plus loin. C'est là que je me dis que le lancer de Farfadet devrait être une discipline olympique; en voyant le côté humoristique de la scène. Il s'écrase violemment contre le mur, avant de s'étaler pitoyablement par terre.
Il ne manquait plus que ça: des dragons colériques. Le Farfadet se relève, douloureusement; avant de me proposer:
-Voulez-vous que je vous apporte votre armure de combat, maître?
-Évidemment que je veux que tu me l'apportes! Je ne vais pas aller combattre, en robe de chambre, une horde de dragons enragés! Réfléchis un peu, imbécile!
Aussitôt, le nain sort de la pièce, en courant. Pendant ce moment de solitude, propice à la réflexion; une question me vient à l'esprit: «Comment se fait-il que les dragons nous attaquent; alors qu'il ne sont censés n'obéir qu'à mes ordres?» Je vais devoir éclaircir ce mystère.
Quoi qu'il en soit; quand ils sont dans un tel état de fureur; que je sache leur parler n'a aucune importance, car la colère les fait devenir tout bonnement incontrôlables.
Peu après; plusieurs Farfadets viennent me vêtir de mon armure. Une fois équipé de tout mon attirail; je me dépêche de me rendre sur le lieux de l'incident.
Déboulant dans l'atrium du château; j'ai la malchance d'y croiser les jumeaux et Tendaï. D'un ton impérieux, je leur lance:
-Hors de ma route; je n'ai pas de temps à perdre avec vous! J'ai des dragons à combattre!
Cependant; Tendaï parvient à retenir mon attention, en me répondant:
-Tu n'as donc toujours pas compris que les dragons n'étaient qu'un leurre! C'est une embuscade, espèce de vaniteux!
Je me fige immédiatement, devinant alors l'origine de ce guet-apens.
-Vous avez été voir comment va le prisonnier?
-Nous nous y rendions, justement! -Me répond Jared.-
-Parfait, alors allons-y ensemble!
Tous les quatre, on se précipite vers les cachots. Empruntant des raccourcis que seuls des réprouvés de notre rang peuvent connaître. Le donjon n'est bon que pour ceux envers qui nous n'avons pas entièrement confiance.
Durant le trajet; nous pouvons constater les dégâts effectués par les dragons. En arrivant dans le souterrain où sont répartis les cellules; Tendaï s'exclame:
-Où se trouve le garde?!
D'une boule de feu; j'enfonce violemment la porte de la cellule. À l'intérieur, le garde, surpris, tourne son regard vers nous. Immédiatement, je hurle:
-OÙ IL EST?! OÙ EST LE PRISONNIER?!
Le garde, terrifié par ce qui risque de lui arriver; me répond d'un ton hésitant:
-Euh... eh bien, je n'ai pas pu les empêcher... Ses amis sont arrivés et m'ont...
Sans attendre la fin de sa phrase; prit d'un soudain excès de rage; je prend le garde, par la tête et l'envoie percuter le mur de pierre de la cellule.
Tel un dément, je pousse un hurlement de fureur. Je sors en trombe des cachots. Mes trois acolytes ne tentent même pas de me retenir. Le château n'ayant qu'une sortie de connu, pour ceux qui n'y sont pas familier; logiquement, je m'y rends directement.
En arrivant dans la cour; je vois au loin le petit groupe d'humains, accompagné de l'Enchanteresse. Avec eux, se trouve mon prisonnier. Mon sang ne fait qu'un tour. Aussi vif que l'éclair, je prends mon envol et les rattrape en deux secondes; à la lisière de la forêt, en les interpellant:
-C'est ici que tout se termine pour vous, bande d'idiots!
Leurs visages se décomposent, en me voyant. Je ne peux retenir un rictus macabre. J'entends alors le mollusque soupirer:
-Oh non; pas lui!
Le plus exaspérant, c'est qu'en le disant, il ne semble pas particulièrement effrayé. Cependant, ça ne saurait tarder. D'un ton ayant perdu toute raison; j'exige:
-Rendez-moi mon prisonnier et il ne vous sera fait aucun mal!
Le plus grand d'entre eux; un gars au physique de catcheur; explose de rire.
-Ah ouais?! qu'est-ce que tu vas nous faire?! Nous sommes six et tu es tout seul! T'as aucune chance de rivaliser!
-Erreur de calcul! -Intervient l'un des jumeaux, nous rejoignant avec son frère et Tendaï.-
Bien que nos ennemis soient en supériorité numérique; c'est eux qui se retrouvent encerclés.
Nos intrus commencent, peu à peu à se resserrer entre eux; lorsque Tendaï dégaine son kusarigama, une arme de combat qu'elle affectionne tout particulièrement. Pour ma part, je n'ai jamais compris ce qu'elle pouvait bien trouver à cette espèce de faucille, reliée par une chaîne à un boulet métallique. Mais après tout, qu'importe; le principal, c'est que nos opposants soient prisonniers de la toile que nous venons de tisser autours d'eux.
La seule solution qui leur reste, c'est de nous rendre le prisonnier. D'une voix mielleuse; je propose froidement:
-Je reformule ma requête, une dernière fois: remettez-nous le prisonnier et il ne vous sera fait aucun mal... enfin, pas trop.
Le «petit» Joval s'avance, avec arrogance, vers moi; puis, me fait un geste obscène de la main, en rétorquant:
-Tu sais où tu peux te le mettre, celui-là?
Je sens que je ne peux contenir, d'avantage de temps, la rage qui grandit en moi. Cela fait depuis trop longtemps, que ce jeune impertinent me cherche, sans en subir la moindre conséquence. L'heure des représailles est arrivé.
Je vais lui montrer ce qu'il en coûte de se payer ma tête. Je m'apprête à lui décocher une boule de feu, en plein dans le thorax; lorsqu'une voix, dans le ciel, retentit:
-Ça suffit!
Le nouvel arrivant se pose entre Joval et moi. Je reconnais alors mon agent double. Celui qui m'informait des manœuvres des Gardiens.
J'avais oublié qu'il désirait passer en fin de matinée, pour parler au prisonnier. C'est alors, que sur les visages de mes ennemis; l'incompréhension se dessine immédiatement. Ils ne comprennent pas encore ce que leur prétendu allié vient faire ici.
Sa queue-de-cheval, remuant au gré du vent, à l'arrière de son crâne chauve, à l'image de la girouette qu'il est; Nabra est sur le point de révéler ses véritables intentions à ces simplets.
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