19-Rosalie: Partie de bonneteau et confidences nocturnes
La nuit est déjà bien entamée, lorsque nous parvenons à trouver une auberge au milieu d'une grande place déserte.
À première vue, l'endroit ne paraît pas du tout accueillant, pour ne pas dire complètement louche. Rien que le nom est dissuasif:
«La taverne de non-retour».
C'est comme si l'imposante bâtisse nous intimait de partir, que nous ne sommes pas les bienvenus. Au fond de moi, je n'en doute pas.
En temps normal; c'est le genre de lieu où Alex aurait été capable de me donner rendez-vous, tant il affectionne les endroits malfamés.
Sibylle jette un rapide coup d'œil à l'édifice; comme pour s'assurer qu'aucun piège ne nous sera tendu lorsqu'elle touchera la poignée de la porte.
-Eh ben! -Lance Clara, en reluquant l'endroit, avec répugnance.- Lorsque je chercherai un endroit où crécher, pour mes prochaines vacances; rappeler-moi de ne surtout pas réserver ici!
La pancarte affichant le nom de l'auberge, ne tenant plus que grâce à un clou, au-dessus de la porte; voit son équilibre mis à rude épreuve lorsqu'une légère rafale intervient. Unanimement, nous nous protégeons la tête, juste en prévention.
-Mémé ne serait pas fière, de me voir à la porte d'un endroit aussi glauque. -Annonce Bruno.-
Nous regardons tous l'ancien catcheur; étonné qu'un gabarit aussi impressionnant puisse être aussi obéissant envers une vieille dame; c'en est humoristique, d'un certain côté.
Une fois que le vacillement, de l'écriteau, se stabilise; Sibylle se résigne à ouvrir la porte et nous incite à la suivre, à l'intérieur.
Contrairement à la façade extérieur, le lieu paraît conviviale. Les gens rient, bavardent, avec animation, trinquent de bon cœur, chantent... enfin; jusqu'à ce qu'ils s'aperçoivent de notre présence.
À ce moment précis, un silence total se fait, dans l'auberge et tous les regards se braquent sur nous. J'analyse furtivement les environs, du regards. En voyant une tête d'ours, accroché au-dessus de la cheminé; je manque d'avoir un haut-le-cœur. J'ai horreur que l'on fasse du mal aux animaux.
Néanmoins, je retiens mes émotions; déjà pour ne pas sembler faible face à tous ces yeux nous observant, mais également, car je devine que Clara est plus affectée que moi, en voyant l'animal empaillé. Je lui effleure la main, en lui susurrant à l'oreille:
-Ne t'inquiète pas. Tout va bien se passer.
N'étant, moi-même, pas convaincue par ce que je viens de dire; je doute fortement être parvenue à réconforter mon amie. Cependant, elle renchérie avec un sourire subreptice, pour me remercier.
Sibylle s'approche du comptoir et interpelle le barman:
-Excusez-moi?
En guise de réponse, l'aubergiste dévie le regard et commence à essuyer un verre, sur le comptoir.
L'Enchanteresse hausse les sourcils, avant d'afficher un sourire mielleux, puis redemande:
-Excusez-moi?
L'aubergiste continue d'astiquer son verre, déjà très reluisant.
Sibylle donne un coup de poing, si violent, sur le comptoir, que plusieurs verres, qui s'y trouvent, tombent dans un vacarme infernal. Surpris, il se retourne vers elle.
Sibylle reprend, alors:
-Voilà, maintenant que j'ai votre attention; mes amis et moi-même désirons une chambre, pour la nuit.
L'individu renifle dédaigneusement et répond d'une voix bourrue:
-Ça va pas être possible. On accueille pas les Enchanteresses et leurs amis.
-Je crois que vous ne m'avez pas comprise. Je souhaiterais, s'il vous plaît, une chambre, pour la nuit.
L'aubergiste vient se poster, devant elle et lui répète d'un ton plus hostile:
-C'est plutôt vous, qui ne m'avez pas bien compris, ma p'tite dame. J'ai dit: nous ne louons pas de chambres aux Enchanteresses et à leurs amis. Alors, maintenant, fichez-moi le camp, avant que je ne m'énerve.
L'appellation «Ma p'tite dame» ne plaît, de tout évidence, pas du tout à Sibylle. L'Enchanteresse efface, immédiatement, son sourire hypocrite, pour laisser place à un regard excessivement glaciale.
-Bon et si on allait ailleurs? -Suggère Bruno.-
Mais rien n'y fait. Sibylle, fixant, toujours, le barman, finit par répondre, à la provocation de ce dernier:
-Je ne sortirai pas, tant que je n'aurai pas eu satisfaction de ma demande.
Le gérant des lieux ricane malicieusement, posant son verre et son chiffon, puis s'accoude au comptoir en bois.
-Bien. Si vous désirez tant que ça l'une de mes chambres; il faudra la gagner. La qualité de mon service se mérite et je ne l'offre pas à n'importe qui.
-Surtout pas aux Enchanteresses! -Hurle l'un des clients, en brandissant une bouteille en verre.-
-D'accord, alors comment puis-je obtenir une chambre?
L'aubergiste désigne un client vêtu comme un cowboy, installé au fond de la pièce. L'homme est avachie, sur sa chaise; les jambes étendues sur la table. Sa posture nonchalante me fait penser directement à celle qu'Alex a coutume d'adopter.
-Ce Gardien, -reprend l'aubergiste,- est invaincu aux jeux. Remportez deux parties, face à lui et vous aurez vos chambres.
-Quels genres de jeux? -Demande Alex, avec méfiance.-
-Bonneteau! -Déclare le cowboy, dont les yeux sont recouverts par son couvre-chef, aux bords très larges.-
Je vois Alex jubiler. Effectivement, c'est un jeu qui lui est familier. Je me rappelle, pendant notre adolescence; Alex nous traînait, en douce, Clara et moi, en dehors de l'orphelinat. Soit pour aller s'entraîner au dojo, soit pour nous montrer ses talents au bonneteau (puis l'argent récolté, au cours des parties gagnées, servait à nous payer le sport).
Ce jeu d'arnaque de rue n'a absolument aucun secret pour lui. Alex est la quintessence même, de ce qu'un escroc peut redouter.
Nous nous rapprochons de la table de l'individu; sous les regards acerbes de la foule. L'homme pousse son chapeau à lanière dans son dos, révélant de magnifiques yeux marrons.
Il retire, de la table, ses ravissantes santiags en cuir, couleur cacao. Au passage, les franges de son chaps orangé font valser d'innombrables miettes de pains, de la table.
-Bien; mon nom est Billy; mais vous pouvez m'appeler Connor! -Se présente le cowboy.-
-Connor? -Je demande, surprise d'un tel pseudo.-
-Ouais. J'ai toujours eu un faible pour les prénoms irlandais. De surcroît, on me compare trop à Billy the Kid, sinon. Je tiens à préciser que je n'ai rien contre ce célèbre hors-la-loi, d'autant plus que j'en suis un, moi aussi; mais je tiens à mon authenticité!
Le dénommé «Connor» caresse sa barbe de trois jours; le regard dans le vide. Ses yeux dégagent un certain malice. Il me fait penser, de plus en plus, à Alex. Connor n'a pas l'air bien méchant; mais semble aimer traîner dans les endroits douteux et participer à certains trafics louches. Je pense que dans une partie de bonneteau, mieux vaut l'avoir à l'œil.
L'aubergiste apporte trois gobelets et une pièce.
-Alors, les mômes; lequel d'entre vous va avoir le privilège de se faire plumer, contre moi? -Lance le cowboy.-
-J'accepte le challenge. -Décrète Alex, sans même nous concerter.-
Sibylle le regarde, estomaquée.
-Attend, tu es sûr de vouloir faire ça?! Sans vouloir te vexer, je pense être plus à même de l'affronter.
-Ne te méprends pas. Je n'en suis pas à ma première partie de bonneteau. Je sais que je peux le battre.
Connor sourit, affectionnant l'audace d'Alex.
-Tu me parais bien sûr de toi. -Lui dit-il; une lueur sournoise imprégnant son regard.-
Je m'approche de mon ami, en lui susurrant:
-Ne le sous-estime pas. J'ai un mauvais pressentiment.
Pour me rassurer, Alex effleure mes doigts, avec les siens; en me souriant d'un air taquin. C'est un code entre nous, lorsque je m'inquiète de trop; voulant me dire qu'il sait ce qu'il fait.
-Parfait! Que la partie commence! -Annonce Connor; en posant deux gobelets vide, de chaque côté de la pièce de monnaie.- Tu vois la pièce, elle est là! Essaie de la retrouver!
Il cache la pièce sous le troisième gobelet. D'une dextérité et d'une fluidité déconcertante; Connor mélange les trois gobelets; en bredouillant sa tchatche d'arnaqueur:
-Alors; elle est où la pièce?! Tu l'as bien suivi du regard?! Sous quel gobelet peut t-elle bien se trouver?!
Moi qui ai pourtant, souvent, assistée à ce genre de jeux; Je reste bouche bée. Connor est bluffant. Ses mouvements sont d'une rapidité si étonnante; que je n'ai pas réussi à suivre le gobelet des yeux.
Je regarde le visage d'Alex; tentant de déchiffrer son expression, voir si, contrairement à moi, il a une idée d'où se trouve la pièce.
À première vue, je dirais le gobelet de droite; de surcroît, j'entends Clara et Bruno murmurer la même hypothèse:
-C'est celui de droite.
Seule Sibylle reste de marbre, fixant Alex; d'un regard inquiet, les bras croisées. Ce dernier, cependant, sourit de son air espiègle, en annonçant son choix:
-Facile. C'est celui de gauche.
-Hein?! -S'exclame Clara, ahurie.- Mais Alex, t'es fou ou quoi?!
Connor explose de rire, soulevant le gobelet sélectionné; révélant la pièce se trouvant dessous.
-Il est doué ce petit gars.
Le cowboy replace les gobelets; après avoir fait un étrange clin d'œil à Sibylle; en murmurant:
-Un à zéro, pour toi. Mais ce n'était que l'échauffement. Maintenant, les choses vont se corser.
Derechef, il montre sous quel gobelet il cache la pièce; avant de les mélanger, avec vivacité.
J'observe furtivement l'Enchanteresse, attendant sa réaction, après l'attitude surprenante qu'a eu le cowboy, envers elle, mais rien. Elle reste imperturbable, focalisée sur la partie.
Je ne sais pas comment fait Alex, pour supporter la pression. Il a toujours eu un sang-froid hors du commun. Personnellement; je n'aurais pas tenu le coup.
Tenter de deviner, d'instinct où est la pièce; étant donné qu'à ce jeu, on ne peut pas se fier à nos yeux; tout en supportant le bagout infernal de Connor; c'est une véritable épreuve de nerf qu'endure mon ami, actuellement.
-Alors; elle est où la pièce?
-Gobelet du milieu. -Annonce Alex, en désignant le godet.
Le cowboy ricane, malicieusement, en ôtant le gobelet choisi: vide.
C'est la première fois que je vois Alex se tromper, à ce jeu. D'ailleurs, il ne peut cacher sa stupéfaction face à ce résultat inédit. Preuve que son adversaire est d'une férocité redoutable.
Malgré tout; Alex se ressaisit aussitôt. Le connaissant; je suis persuadée qu'il a deviné où était son erreur.
-Un partout. -Annonce gaiement Connor; satisfait de son retour dans la partie.- Le prochain point sera déterminant, gamin.
Il réitère les mêmes mouvements; déplaçant les gobelets, d'une vitesse plus impressionnante que les deux fois précédentes, au point qu'ils en deviennent flous.
Son baratin à, sur moi, l'effet escompté. Je suis totalement perturbée et ai perdu le fil. Au bout d'un moment, il s'arrête; en demandant:
-Sais-tu où se trouve la pièce? Dans quel gobelet est-elle?
Alex affiche un rictus intimidant. Essaie t-il de bluffer?! Je connais mon ami; ce qui me fait d'autant plus peur; car c'est l'impression qu'il me renvoie. Il ne sais pas où est la pièce, je le sens.
Mon ami lève son index; s'apprêtant à désigner son choix. Je reste complètement abasourdie, lorsque je l'entends dire:
-Elle n'est dans aucun des trois gobelets! La pièce se trouve... dans la poche de votre chemise!
Un silence assourdissant survient, rendant l'ambiance de l'auberge aussi froide que celle d'un cimetière.
Les palpitations de mon cœur retentissent dans ma poitrine; tellement violemment, que la douleur que j'en ressens devient insoutenable.
L'expression de surprise de Connor, se transforme en un éclat de rire tonitruant.
-T'es pas banal, toi! Qui te dit que mes poches ne sont pas, justement, remplis de pièces, comme celle-ci?
-Très bien. Alors laissez une main innocente révéler ce qu'il y a sous chaque gobelet. Je suis persuadé qu'aucun d'entre eux ne contient quoi que ce soit.
Le visage de Connor s'assombrit; lorsque l'aubergiste se dévoue à soulever chacun des godets. Alex ne peut s'empêcher de lancer, en désignant ce dernier:
-Ce n'est pas vraiment l'idée que je me fais, d'une main innocente; mais bon, je suppose qu'on a pas le choix.
L'aubergiste s'exécute, en dépit du regard offusqué qu'il darde subrepticement à mon ami.
Je reste ébahie de stupeur, en constatant qu'Alex avait raison. Aucun d'entre eux ne contient la pièce.
-Escroc! -S'écrie l'un des clients, à l'égard de Connor.- Tu m'as raflé toute ma mise, la dernière fois!
- «Escroc»; mais c'est précisément mon second prénom; andouille! -Rétorque Connor, en aucun cas offensé.- Vous croyez quoi?! Que le bonneteau est un jeu basé sur l'honnêteté?! Ce n'est pas de ma faute, à moi; si votre naïveté contient plus de richesse à exploiter, que toutes vos bourses réunies.
Les protestation s'accentuent, contre le cowboy; jusqu'à ce que l'aubergiste tente de tempérer la situation:
-Du calme! Du calme! Connor va vous rembourser l'intégralité des gains; qu'il vous a insidieusement subtilisé.
-Qu'est-ce qui nous le prouve! On ne peut pas faire confiance à ce roublard! -Intervient l'un des clients, apparemment victime de la fourberie de Connor.-
-Je m'en porte garant! -Assure l'aubergiste.-
Connor soupire, dégoûté de s'être fait prendre. Il lance subrepticement un regard réprobateur, à Alex; qui lui répond d'un sourire amusé.
Plus tard; après que l'aubergiste nous ait donné, à contre cœur, les clés de nos chambres; nous nous installons à une table, près de la cheminée. Bien que Clara soit mal à l'aise d'avoir la tête d'ours empaillée, juste au-dessus d'elle; le repas se passe agréablement. Oubliant les regards de travers, qui nous sont régulièrement destinés, on parle de tout et de rien, se réchauffant près du feu crépitant dans la cheminée.
Même le repas s'avère être un régal, contrairement à ce à quoi je m'attendais. Le poulet au tikka masala est si délicieux, que je ne peux m'empêcher de me resservir. L'aubergiste a beau être bougon; c'est un vrai cordon bleu.
Le temps passe et au fur et à mesure, la salle se vide. L'atmosphère devient moins conviviale et la fatigue s'invite même à notre table. Clara ne peut s'empêcher de bailler ouvertement.
-Pouah; je suis crevée! -Dit-elle, en posant sa tête sur mon épaule.-
-Vous devriez aller vous reposer. -Déclare Sibylle.- Demain s'annonce plus éprouvant qu'aujourd'hui.
-D'accord. Mais qui est l'ami que tu dois rencontrer? -Interroge Alex.-
-Vous le verrez demain.
L'Enchanteresse paraît, soudainement, un brin gênée; comme si ce sujet la mettait mal à l'aise.
Un peu plus tard, après avoir pris une douche dans la salle de bain commune de l'auberge (qui était vraiment crade, au passage); je surprends Sibylle, dans le couloir, en grande conversation avec un visage familier, que je reconnais immédiatement: Connor.
«Que fait-elle avec lui?» je me demande aussitôt.
Instinctivement, je me cache dans la salle de bain; tentant de mettre à profit un éventuel talent d'espionne.
Même en tendant l'oreille le plus possible; je ne parviens pas à entendre le moindre mot de leurs messes-basses. Rapidement, ils finissent par partir chacun de leur côté, me laissant bredouille et frustrée.
Une fois de retour, dans la chambre; je décide de ne pas parler, à mes amis, de la scène à laquelle je viens d'assister. Inutile de les inquiéter avant d'aller dormir; on aura tout le temps de dénouer ce mystère, demain.
Je les retrouve assis par terre, en tailleur; faisant le point sur cette journée plus qu'étrange. Je prends place à côté d'Alex et de Clara.
-Une chose est sûre, -annonce Bruno,- plus jamais je ne remets les pieds dans ce foutu désert.
Cette allusion m'est désagréable, bien que je sente les larmes me monter aux yeux, je me ressaisis, refusant de m'effondrer devant mes amis.
Devoir affronter l'évènement le plus douloureux de son existence, en essayant de n'éprouver aucune colère, n'est pas quelque chose de facile, ni d'agréable.
Bruno soupire, puis se lance dans un récit, qui lui tient, visiblement, à cœur:
-Durant l'épreuve du désert; j'ai revu mes parents... le jour où ils m'ont reniés de leur famille.
Tous les trois, nous le regardons, surpris.
-Mon père est l'un des banquiers les plus respecté, parmi les Patriciens. Il côtoie les personnes les plus riches de la planète. Toute sa vie, il espérait que moi, son unique fils, je reprenne le flambeau. Cependant, tout ce qui concerne l'administratif, la politique et ce genre de conneries; ça m'a toujours fait chier... enfin, je veux dire ennuyé. Alors, quand mon père a appris que je voulais devenir catcheur professionnel; il m'a coupé les vivres, espérant que je revienne sur ma décision.
Face à de telles révélations, je reste bouche bée, avant de poser la question suspendue à mes lèvres:
-Et alors; que s'est-il passé ensuite?
-J'ai refusé de renoncer à mon rêve. Il a ensuite décrété que la responsable de ma déchéance, n'était autre que mémé. Aux yeux de mon père; mémé symbolise la honte de la famille. Autant dire que je ne vaux pas mieux, depuis ce jour. Il s'est empressé de faire marcher ses relations, pour nous bannir du territoire des Patriciens et nous envoyer dans la Plèbe.
-Bruno; je suis vraiment désolée, de ce que ton père t'a fait. -Tente de le réconforter Clara, en lui frottant affectueusement l'épaule.-
Après de tels confidences; je le perçois différemment. Bruno m'apparaît soudain comme étant quelqu'un portant les cicatrices de son passé, comme chacun d'entre nous; et non plus comme l'imposant gabarit fonçant sans réfléchir. J'ai honte d'avoir eu un tel préjugé.
Prenant son courage à deux mains, inspirant un bon coup; Clara décide alors de lui raconter, à son tour, le drame qu'elle a dû revivre, dans le désert.
-Il y a six ans de cela; j'ai dû affronter la plus grande tragédie de mon existence. C'était un 15 novembre; je m'en souviens comme si c'était hier. Je revois mon père, au volant, concentré comme à son habitude. Ma mère, à côté, lui parlant de tout et de rien. J'étais à l'arrière, attendant patiemment d'arriver à la maison. Nous rentrions d'une réunion interminable, à laquelle mes parents avaient dû participer, pour leur boulot. Ils n'avaient pas les moyens de me payer une baby-sitter, alors pour éviter ce genre de frais, c'est pour cela que leur patron avait fini par accepter qu'en rentrant de l'école, je reste à les attendre sur leur lieu de travail.
Elle marque une courte pause, sentant sa voix s'enrouer et ses yeux s'embuer de larmes. Désirant aller jusqu'au bout, mon amie reprend:
-Il pleuvait à torrent, ce soir-là. C'est alors, qu'un connard, avide de vitesse, nous a dépassé en trombe, avant de nous faire une queue de poisson. Mon père, prit au dépourvu, à freiné, mais cela a provoqué un effet d'aquaplaning. On a eu un grave accident de la route. Miraculeusement, je m'en suis sortie indemne; malheureusement, mes parents n'ont pas eu autant de chance... Depuis cette tragédie, ils sont dans le coma et je ne sais pas si je pourrai, un jour, les revoir sur leurs deux jambes.
Je ne peux retenir quelques larmes de couler. Pour me réconforter, je me blottis contre Alex. Clara conclue son histoire:
-Mais, de cette tragédie, découle ma rencontre avec Alex et Rosalie, à l'orphelinat. Ils m'ont vraiment aidée à trouver une certaine paix, en moi; au lieu de me laisser sombrer dans le chagrin. Ils sont devenus mes meilleurs amis. Je leur suis infiniment reconnaissante, de me rendre meilleure, chaque jour qui passe.
Je regarde Clara, reconnaissante par ses paroles touchantes à notre égard.
Préférant éviter de fondre d'avantage en larmes, devant tout le monde, et ne souhaitant pas relater l'évènement le plus traumatisant de mon existence; je m'étire, en lâchant:
-Bon; c'est pas tout ça, mais demain, une dure journée nous attends, de ce que j'ai entendu dire.
Alex me sourit, en répondant:
-Tu as raison. Reposons-nous. Qui sait quels dangers nous attendent encore.
Je lui lance un regard complice, renchérissant:
-Le danger, c'est plutôt excitant!
J'entends alors mon ami se marrer de ma réplique, avant qu'il ne souffle sur la lampe à huile.
Lorsque je ferme les yeux; je me sens heureuse que la sonorité de son rire suave; que j'affectionne tant; résonne encore dans ma tête; réussissant ainsi à tempérer mes émotions.
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