16-Alex: Un Noël embrasé
Le soir du 24 décembre arrive à une vitesse folle. Comme nous ont rapporté Rosalie et Clara; des dispositifs et des décorations ont été installés, en vue de fêter l'évènement. Vers 21 heures, les premières notes musicales traversent les murs de la maison, nous confirmant le début de la soirée.
Après avoir souhaité «bonne soirée» à la grand-mère de Bruno, trop fatiguée pour se joindre à nous; on s'engage à l'extérieur. Seul Bruno, qui n'est pas à son premier Noël sur cette planète, parvient à ne pas rester sans voix, face à ce que nous découvrons. Des guirlandes lumineuses éclairent les arbres et les maisons, par une diversité de couleurs invraisemblables; des couronnes de fleurs sont accrochées à la plupart des portes; tandis qu'à chaque coin de rue, des lampions ornent les murs, leur donnant une teinte rougeâtre assez somptueuse. Des feux d'artifices explosent dans le ciel étoilé, laissant de nombreuses traînées multicolores. Tout le village semble s'être déplacé, en dehors de la mamie de Bruno.
Au centre de la bourgade, les stands d'attractions pullulent et ne manquent pas de participants. Je remarque même, la présence d'Émile et Jacky, dans un coin (les deux flics qui sont arrivés, avec moi, sur Zibaë). Il est vrai que je ne les ai pas beaucoup vus, après mon arrivé. Malgré tout; il me semble, le peu de fois où c'est arrivé, qu'ils ne s'acclimatent pas bien à cette nouvelle planète. Voir même qu'ils éprouvent une forme d'hostilité, envers leur nouvel habitat. Je ne m'en préoccupe pas d'avantage, allant retrouver mes amis, en me faufilant à travers la foule.
Nous apercevons, à quelques rangées du premier rang; une espèce de machine, à apparence humaine; jouant aux échecs, avec divers challengers, qui se précipitent en file indienne, afin de l'affronter. Plus nous progressons dans notre exploration; plus je me rends compte que, sur cette planète, Noël est également l'opportunité pour chaque humains de faire découvrir sa culture; même si cela sort un peu du cadre de la commémoration de la nativité.
-Qu'est-ce que c'est que ce truc-la? -Questionne Clara, intriguée.-
-C'est le Turc Mécanique. -Explique Bruno.- Ce n'est pas une vrai machine, un humain se cache en dessous. À l'époque, même Napoléon n'a pas réussi à le vaincre.
Excité, il se tourne face à nous, en s'exclamant:
-Il faut que j'aille tenter ma chance.
-Je t'accompagne! -Renchérit Clara, dont le sourire laisse paraître une immense curiosité.- Il me tarde d'être impressionnée par tes prouesses!
Me retrouvant seul, avec Rosalie; nous poursuivons notre chemin, examinant les différentes attractions, mélangeant tous les styles culturels imaginables. À un moment donné, nous tombons sur une démonstration de maniement de nunchakus.
La précision et la technique de ces artistes sont impeccables. Ils exécutent, avec une aisance déconcertante, une succession de mouvements complexes, que même certains habitués auraient du mal à reproduire.
-Tu pourrais aller les rejoindre. -Me suggère Rosalie, avec un sourire.- Toi aussi, tu te débrouilles bien, avec ce genre d'arme.
Ajoutant un sourire narquois à ma réponse; j'objecte, avec une assurance proche de l'indécence:
-Je ne préfère pas. Je ne voudrais, en aucun cas, leur piquer la vedette; de par mes aptitudes innées.
Elle me donne une tape sur l'épaule, en souriant.
-Vantard.
S'apprêtant à aller ailleurs, Rosalie manque de trébucher sur un Farfadet, encombré d'un énorme carton remplit de bricoles.
-Eh! Fait attention où tu mets les pieds; grognasse!
Immédiatement, je reconnais la voix rocailleuse de Vieux-Débris. Mon amie hausse les sourcils prête à rétorquer; mais, au dernier moment, elle est rattrapée par son bon sens et préfère plutôt agripper mon poing, de sa main froide et douce. Sans son réflexe je me serais jeté sur cette crapule et ça, Rosalie le sait parfaitement. Préférant ne pas provoquer de bagarre, surtout ce soir, elle s'est focalisée sur l'apaisement de ma colère, au lieu d'écouter son instinct revanchard.
Une caractéristique que j'admire beaucoup, chez mon amie, et envers laquelle je suis profondément reconnaissant; c'est qu'elle se soucie d'avantage pour Clara et pour moi, se faisant systématiquement passer au second plan. Un peu plus loin, elle me murmure:
-Ne prête pas attention à lui. Inutile de causer un scandale pour si peu.Ce nouveau monde est l'occasion de tirer un trait sur tous les problèmes qu'on avait sur terre, alors n'allons pas nous en créer de nouveaux.
Sentant que ses paroles réussissent un peu à me rasséréner; j'évite de lui répondre que les ennuis, c'est comme une seconde famille, pour moi; tant j'y suis habitué (et ça, elle le sait mieux que quiconque).
Il faut peu de temps, pour que mon humeur soit, à nouveau, mit à l'épreuve. Parmi la cohue, je distingue Arthème qui, en me voyant, se dirige directement vers moi.
-Oh non, pas lui! -Je peste.-
-Chut. Reste calme. -Tempère mon amie.-
-«Reste calme»; t'en as de bonnes! C'est pas après toi, qu'il accourt. Sinon, je mettrais ma main à couper, que ça t'emmerderait autant que moi!
-N'oublie pas qu'il nous a sauvé la vie.
-C'est vrai. Mais ça ne l'empêche pas d'être méprisant et insupportable!
-Bonsoir à vous. -Me coupe la voix énigmatique du Gardien.-
N'ayant que faire, de savoir s'il m'a entendu; je me retourne en répondant, d'un air indifférent:
-Salut.
-Vous passez une bonne soirée?
-Jusqu'à présent, ça pouvait aller.
Ignorant ma réflexion, il me lance:
-Pourrais-tu me suivre?! J'ai quelqu'un à te présenter.
-Ça ne peut vraiment pas attendre demain? Je suis avec ma meilleure amie, là.
-Alex! -Me sermonne cette dernière.-
Je vois, à l'expression indignée de Rosalie, qu'elle me trouve particulièrement grossier.
-Bon d'accord, je vous suis! -je réponds, tout en lâchant un énorme soupir protestataire.-
Le Gardien m'entraîne en dehors du village; à travers d'épaisses broussailles, débouchant sur un chemin sombre et sinueux.
-Qui est-ce que je vais rencontrer, alors?
-Tu ne vas pas tarder à le découvrir.
-Merci pour cette information. Ça m'aide beaucoup.
Au loin, je discerne de petites lumières, comme des lucioles; éclairant une silhouette gracieuse, vêtue d'une robe immaculée. M'approchant d'avantage, le visage d'une femme m'apparaît. Une couronne de laurier orne ses longs cheveux châtains bouclés.
C'est au moment où les petits points lumineux arrêtent de danser autour d'elle, que je constate qu'il ne s'agit pas de lucioles mais des espèces de fées.
-C'est donc toi, Alex. -Me dit-elle, d'un ton courtois.- Arthème m'a beaucoup parlé de toi. C'est un honneur, pour moi de te rencontrer. Je suis Sibylle, reine des Enchanteresses.
Ne sachant quoi répondre, je reste stoïque, dévisageant mes deux interlocuteurs.
-Euh... je suis censé dire quoi, là?
-Rien, en particulier. -Dit Arthème, de son air détaché.- Je tenais simplement à ce que tu rencontres Sibylle, afin que tu saches que tu pourras toujours compter sur elle.
-Heureux de l'apprendre.
Ma désinvolture semble amuser l'Enchanteresse, à ma grande surprise.
-Et après... Je fais quoi, de cette information?
-J'ai conscience du nombre de mystères qui doivent occuper ton esprit. Cependant, je ne pense pas que tu sois prêt à accueillir la vérité.
-Ça valait la peine, de faire ce détour, juste pour ça.
-Il était impératif que je te fasse rencontrer Sibylle. Car dans un avenir proche, qui sait; il est fort à parier que tu ais besoin de ses services, tout comme elle, pourrait avoir besoin des tiens.
De mon point de vue, cette entrevue fut totalement inutile. Je tourne les talons, décidant de partir, de mon plein gré; quand une phrase, émise par Sibylle, retient mon intention:
-Arthème; même si tu ne le penses pas suffisamment prêt; je pense que nous devrions, tout de même, essayer de lui raconter son histoire.
-Que voulez-vous dire par me «raconter mon histoire»?
Le Gardien soupir, pas très enthousiaste par cette idée; mais finit par acquiescer. L'Enchanteresse me sourit chaleureusement, se tortillant les mains; avant de me dire, de but en blanc:
-Voilà Alex; les seuls êtres humains pouvant voir les ailes des Gardiens... ce sont ceux qui descendent des Gardiens.
Moi qui avais espéré que Bruno me faisait marcher; je reste un moment abasourdit, la bouche légèrement entrouverte, en espérant ne pas gober l'une des fées-lucioles.
-Vous vous payez ma tête ou quoi?! Je suis censé rire, vous prendre dans les bras, danser la salsa...
-Je t'avais dit, qu'il n'était pas prêt! -Soupir Arthème, en s'adressant à l'Enchanteresse.-
Ignorant sa remarque, je poursuis mes sarcasmes:
-Et puis d'abord; je croyais que les Gardiens avaient interdiction de procréer?! Alors qu'est-ce que c'est que ces foutaises, sérieusement?
Sibylle, d'une voix doucereuse, tente de reprendre ses explications:
-Alex, c'est une histoire qui remonte à plusieurs siècles. Laisse moi le plaisir de te la racon...
Elle n'a pas le temps de terminer sa phrase, qu'un cri glaçant retentit, depuis le village. Sans attendre, nous nous précipitons vers la source de cette exclamation.
«Que ce passe t-il encore?!», me dis-je. Soudain, mon esprit se met à imaginer Rosalie et Clara, agonisant au milieu d'un bain de sang. Mes membres se contractent et mon cœur s'accélère, priant pour que cette vision ne soit que le fruit de mon imagination.
En approchant du village, une épaisse fumée recouvre le ciel nocturne. Je me précipite aussi vite que possible, là où les festivités avaient lieu, quelques instants auparavant. Au milieu de la place, les villageois courent dans tous les sens. Un désordre colossal a remplacé les illuminations et les décorations. C'est comme si un éléphant avait tout dévasté, sur son passage.
Aussitôt, après que cette pensée m'ait traversé l'esprit, un immense mur de flamme jaillit de nulle part, m'encerclant. Je pivote sur moi-même, espérant trouver une issue, mais je suis complètement bloqué. Au moment où je me dis que tout est fini, Arthème surgit de ce mur de flamme, faisant apparaître, comme par magie, une espèce de bouclier bleuté.
Dès que les flammes viennent lécher ce bouclier, elles disparaissent comme par enchantement. Arthème enchaîne de multiples mouvements complexes; déplaçant le bouclier d'un bout à l'autre du mur. J'ouvre de grands yeux ronds; impressionné par ce que je vois.
Alors que je crois que la catastrophe est terminée; un gigantesque dragon aux écailles rouges vives, apparaît au milieu de la voûte céleste. La créature se met à cracher un jet de flamme, qu'Artème réussit, de justesse, à bloquer, grâce à son bouclier. Les rugissements du dragon retentissent aussi effroyablement qu'une craie crissant sur un tableau.
Étourdis par ce son strident; je me bouche les oreilles, ne lâchant pas des yeux cet espèce de «lézard volant».
-Où es Nabra?! -Rugit Arthème.- Il était sensé superviser la protection du village et le bon déroulement de la soirée!
Aussi vif que l'éclair, profitant de ce moment d'inattention, la bestiole envoie un coup de queue féroce, au Gardien; qui est propulsé brutalement contre le mur d'une maison.
-Arthème! -Je m'époumone inutilement.-
Mon hurlement est occulté par les grognements du dragon, sans compter que mon allié semble totalement hors-combat, après ce terrible assaut. Je me retrouve, désormais, seul face à ce monstre de fables. Mon corps tremble, impuissant et dépassé par les évènements. Tétanisé, je regarde le dragon craché une boule de feu, dans ma direction.
«C'est la fin» me dis-je. À cet instant; Sibylle s'interpose, entre cette énorme sphère de feu et moi. Tout comme Arthème, quelques minutes auparavant, elle fait apparaître un étrange bouclier bleuté, ressemblant à un champ de force. Le projectile s'abat violemment sur le bouclier, avant de se désintégrer.
Des flèches, sorties de nulle part, transpercent la peau cuirassé du dragon. Poussant un grognement de douleur, le monstre s'envole et disparaît; au milieu de ce ciel cramoisi.
Pour comprendre ce qu'il vient de se passer, je me retourne, puis aperçois une horde de femmes ailées vêtues de la même robe laiteuse que Sibylle. Elles abaissent leurs arcs, jusqu'alors dirigés vers le ciel.
-Que faites-vous ici? -Demande Sibylle, d'un ton faussement réprobateur.- Je croyais vous avoir demandé de rester dans la forêt.
L'une des Enchanteresses s'approche, en s'inclinant face à sa reine.
-Tu es notre meneuse; Sibylle. Sache que nous ne t'abandonnerons jamais; quoi que tu puisses nous ordonner.
L'intéressée sourit, reconnaissante envers cette loyauté indéfectible.
-Merci à chacune d'entre vous. Je ne saurai exprimer ma gratitude, pour ce que vous venez de faire. Sans votre aide, ce dragon nous aurait carbonisé.
À mon tour, je m'incline subrepticement; avant de me précipiter vers Arthème, toujours inconscient. Je le secoue légèrement, pour le réveiller. Le voyant battre des paupières, je lui demande doucement:
-Est-ce que ça va?
Il acquiesce d'une façon peu convaincante et me tend la main, afin que je l'aide à se relever. Voyant que le Gardien peine à tenir sur ses jambes; je le soutien, en lui passant un bras autour de ses hanches.
-Merci. -Me dit-il, en me gratifiant d'un sourire.-
-Pour le coup, ce serait plutôt à moi, de vous remercier.
J'observe le ciel, espérant ne pas voir le dragon revenir.
-Que s'est-il passé, au juste?
-Un dragon a attaqué le village. -Ironise Sibylle.-
-Au risque de te surprendre; j'avais parfaitement compris cette partie-la de l'histoire. Ce que j'aimerais savoir, c'est si cela est fréquent, sur cette planète ou au contraire, devons-nous nous inquiéter?
-L'inquiétude découle de la culpabilité! -Intervient une voix, que j'espérais ne plus entendre de si tôt.-
Sans surprise, en faisant volt-face, je me retrouve face à Zephael, accompagné d'une dizaine de Réprouvés.
-Joyeux Noël! -S'exclame t-il, narquoisement.- C'est le Père Zephael qui vient vous apporter d'innombrables cadeaux, au pied d'un bon feu crépitant, allumé par un dragon! Ha, ha, ha! Oh, que je suis drôle!
Les autres Réprouvés rient d'un air forcé, sans nul doute pour éviter de froisser leur chef. Moi, ce qui, d'un côté, me donne envie de rire, c'est sa dégaine ridicule: coiffé d'un bonnet de lutin, pour l'occasion, qui lui fait perdre toute crédibilité.
-Le dragon, c'était toi?!
Me doutant de la réponse; j'ajoute:
-Bien sûr que oui, c'était évident.
Il me sourit, satisfait de ma vivacité d'esprit.
-Tu aurais pu empêcher cela, Alex. C'est entièrement de ta faute. Si tu avais tenu tes engagements, je n'aurais pas été contraint d'agir ainsi. Crois bien que je le regrette.
Son ton vaniteux, ne laissant place à aucun scrupule, en réalité; me donne envie de le rouer de coups. Mais aidant Arthème à garder l'équilibre, je suis forcé de contenir ma rage, pour l'instant.
-Attend; tu es un Drăculea?! -S'exclame Sibylle, d'un air estomaqué.-
En guise de réponse; Zephael lui offre un horrible sourire, qui me glace le sang.
-Un quoi? -Je demande, perdu.- Un Dracula? C'est vrai qu'en y regardant de plus près; je confirme qu'il a une vrai tronche de vampire!
-Non, tu n'y es pas du tout! -Renchérit l'Enchanteresse.- Littéralement, Drăculea signifie, en roumain médiéval, «Fils du Dragon». Dans notre monde, nous désignons, par ce terme, les Gardiens ayant la capacité d'apprivoiser les Dragons!
-Ce n'est pas donné à tout le monde de le faire, je suppose?
-C'est pire que ça! Les Dragons sont des créatures sanguinaires, aimant la destruction! Ils ne se laissent approcher que par des êtres ayant aussi peu de scrupules qu'eux! En clair, seuls des êtres complètement déshumanisés sont capables d'une telle chose.
-Vous comprenez, maintenant, comment j'ai pu accéder au trône, aussi facilement?! La menace du dragon est toujours très efficace. -Fanfaronne le Réprouvé, avant de reporter son attention sur moi.- Je te laisse une dernière chance, mon jeune ami. Laisse-moi te transformer en Réprouvé et je te garanti qu'il n'y aura pas d'autres représailles.
-Non! -S'exclame Sibylle, en s'interposant entre nous.-
Le Réprouvé l'ignore, décidant de se focaliser, uniquement, sur moi.
-J'ai accepté de t'aider! J'ai amené tes amies sur Zibaë, pour que tu te sentes moins seul. J'étais là au moment où tu en avais besoin. Maintenant, c'est à toi de me rendre la pareille, comme convenu. N'oublie pas que tu n'es plus sur terre. Ici, tu dois, en permanence, affronter les conséquences de tes actes.
Il me tend la main. Mon cœur s'accélère. Au fond de moi, mon seul désir est de lui coller une bonne rouste. Mais je sais quelle est la meilleure chose à faire, pour protéger le village. Je serre les dents, pour m'empêcher de céder à ma fureur, tout en dirigeant ma main, pour empoigner la sienne.
Je n'ai pas le temps de finaliser cet acte, qu'Arthème s'exclame:
-Attend!
Les regards se tournent vers lui. L'effort que lui coûte cette épreuve, déforme les traits de son visage, en une expression de dégoût.
-Prend-moi, à la place d'Alex.
-Arthème, ne fait pas ça! -Je m'exclame.-
Sibylle se plaque la main sur la bouche. Zephael jubile, en se dandinant comme un coq, devant nous.
-Voyez-vous cela. Le pêcheur repenti, prêt à se sacrifier pour protéger sa descendance... Comme c'est émouvant.
Je les dévisage, tour à tour; en murmurant:
-Alors ce n'était pas une blague... Je suis réellement un descendant de... de Gardiens?!
-Aussi incroyable que cela puisse paraître, mon jeune ami! Qui l'aurait cru; qu'un jeune écervelé comme toi, puisse descendre d'une race aussi noble que la notre!
Le flot de sarcasmes de Zephael est de plus en plus insupportable. Je serre les poings, désirant plus que tout ne pas céder à ma colère.
«Tien bon! Encore un petit effort!» Me répétant interminablement cette phrase réussi faiblement à apaiser ma colère. «C'est toujours ça.» Me dis-je.
-Bien. -Reprend le Réprouvé, en fixant Arthème, avec énormément de convoitise, tout en gardant une certaine méfiance.- Pourquoi devrai-je te prendre toi, plutôt que lui? Cet humain recèle, peut-être, en lui, d'innombrable pouvoirs; qui lui sont encore inconnus! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai usé de stratagèmes aussi réfléchis; au lieu de le transformer par la force, comme j'aurais pu si bien le faire.
-Regarde-le, vraiment! -Soupire Arthème, d'un air presque dépité.- Tu trouves vraiment qu'il a l'étoffe de quelqu'un possédant un quelconque don?
Le Réprouvé me jauge aussi négligemment que si j'étais de la poiscaille, vendu à l'étalage sur un marché; renforçant ainsi ma rage.
-Non, pas vraiment. -Finit-il par déclarer, en accentuant sa réponse d'une moue mécontente.- Cependant, ça ne veut rien dire; il ne faut jamais se fier aux apparences!
-Arrête de te voiler la face! Moi aussi j'y ai cru! Mais il n'y a rien à faire! Ce n'est qu'un gamin buté, tout juste bon à collectionner les problèmes! Tu n'obtiendras rien de lui, si ce n'est une pléthore de frustrations. Tu n'es pas stupide, au point de faire un aussi mauvais choix?!
-Non, mais ça va, oui?! -J'interviens, vexé par les propos d'Arthème.-
M'ignorant complètement, les deux énergumènes continuent de parlementer sur moi, comme si de rien n'était:
-Je suis sûr que tu dis ça, parce qu'il est ton descendant est que ton unique objectif est de le protéger!
-Alors, embarque-le et tu verras bien! Mais ne viens pas dire que je ne t'aurais pas prévenu.
-Non mais ça va pas?! -Je me mêle derechef.- Cette raclure n'embarquera personne, d'accord! Ni toi, ni moi, ni qui que ce soit d'autre!
-Tu as raison. -Renchérit Zephael, à l'adresse d'Arthème.- Je ne vais prendre aucun risque, tout bien réfléchis. Tu feras tout aussi bien l'affaire, après tout. Dire que j'ai failli m'aventurer, aléatoirement, à prendre ce mollusque (il me désigne grossièrement, d'un geste de la main); finalement, je vais repartir avec une perle à la rareté inestimable!
-Le mollusque t'emmerde; sale cafard!
Face à ma réflexion, Zephael tourne les yeux vers moi, d'un air menaçant.
-Ne la ramène pas trop, Joval. Tu sais, les dragons ne manquent pas, là d'où je viens. D'autant plus qu'ils n'obéissent qu'à mes ordres.
-J'ai l'habitude de ce genre d'intimidations. Crois-tu sincèrement que nous allons te laisser emmener Arthème, sans réagir?!
-Ne t'en mêle pas, Alex! -Intervient le Gardien, toujours à moitié inconscient.-
La sévérité de son regard ne laisse place à aucune contestation. Même Sibylle, derrière son air désabusée, ne cherche pas à réagir.
-Emparez-vous de lui, mais faites attention à ne pas trop l'amocher durant le vol.
Deux Réprouvés exécutent les ordres de Zephael; saisissent Artèmes, puis prennent leur envol. Avant que Zephael ne s'envole, à son tour, je l'apostrophe:
-Je te conseille de surveiller tes arrières, ordure! Car je te promets une chose; je vais te retrouver et je te tuerai, t'as capté?!
-Bien. Dans ce cas, laisse-moi te souhaiter bonne chance, le mollusque.
Aussitôt, il décolle du sol en me jetant dédaigneusement son bonnet de lutin (que je rattrape en plein vol), puis disparaît au milieu de ce ciel ténébreux, avec Arthème et le reste de son armée.
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