10-Rosalie: Retrouvailles

En ouvrant les yeux, mon regard est brouillé par quelque chose qui me semble être du sable; tout en étant différent. Une vive brûlure m'incite à rabattre mes paupières. Je tapote mes yeux, avant de les ouvrir, à nouveau, délicatement. Ce coup-ci, j'arrive à mieux distinguer le paysage qui m'entoure.

Me redressant, la silhouette de Clara, inanimée, m'apparaît. Mon premier réflexe est d'aller m'assurer qu'elle va bien. Cependant, une voix m'interpelle:

-Ne t'inquiète pas, pour elle. Son réveil ne devrait plus tarder.

Mon regard se pose sur la personne qui vient de m'apostropher. Je reconnais la chevelure violette et crasseuse de Zephael. Ce type ne m'inspire vraiment pas confiance.

-Où sommes-nous?!

-Ne t'arrive t-il donc jamais de cesser de poser des questions?! Inspire un bon coup, profite de la beauté de l'endroit...

D'un revers de main, il indique les environs.

-Je ne suis pas là pour me prélasser, sur une plage attrayante! Je suis ici pour retrouver Alex! Alors non; je ne compte pas m'arrêter de poser des questions, aussi longtemps que j'en aurai!

Zephael soupire, apparemment exaspéré par ma personne. Heureusement, notre conversation est interrompue par les gémissements de Clara, qui reprend connaissance. Au moment où ses yeux inspectent le décor nous encadrant; son visage est tinté d'une lueur d'ébahissement. Son regard brille d'émerveillement.

-Joli paysage... Où sommes-nous?

Zephael soupire, derechef; avant de lancer:

-Bien, suivez-moi, toutes les deux. Je vais vous conduire à votre camarade.

Je jette un regard furtif, à mon amie, pour m'assurer qu'elle va bien, mais aussi pour lui indiquer ma méfiance envers notre «nouvel allié». Il nous indique de le suivre, à la lisière de la forêt adjacente. À cet endroit, quatre animaux bizarres broutent la verdure.

-Prenez, chacune, un dahu; puis emboîtez-moi le pas.

-Où nous emmenez-vous?

Le ricanement sinistre, de Zephael, me fait froid dans le dos.

-Rejoindre votre ami. Tu devrais te réjouir.

-Pas de coup en douce, compris?!

Ma voix est légèrement saccadée; ce qui n'échappe pas à mon interlocuteur, qui ricane lugubrement.

-Dépêchons-nous. -Ordonne t-il, en regardant autour de lui.- Les Farfadets doivent déjà être au courant que de nouveaux humains viennent d'arriver. Il ne leur faudra pas longtemps avant de venir ici.

-Les Farfadets?! -Je m'exclame, complètement abasourdie.-

Ne connaissant pas l'endroit qui m'entoure; je décide, à contre cœur, de lui faire confiance. Je chevauche l'une des créatures, maladroitement et dois m'y reprendre à plusieurs reprises, avant de parvenir à adopter une position moyennement confortable, sur le dos bancal de l'animal. Un sifflement aigu de Zephael suffit à faire démarrer le Dahu.

Le paysage devient flou, tant la vitesse de l'animal est hallucinante. Je prie pour ne pas foncer dans un arbre et me promets de ne plus jamais utiliser ce moyen de locomotion. Après avoir parcouru des dizaines de kilomètres, en l'espace de quelques minutes, nous nous arrêtons près d'un immense château plutôt lugubre, ce qui a pour effet de renforcer ma méfiance.

J'entends Clara déconseiller ce mode de transport:

-Quand je pense que je trouvais le métro inconfortable, avec sa vitesse excessive et ses odeurs de pisses; je crois que je commence à le regretter.

Je ne peux m'empêcher de rire, en entendant une telle réflexion.

-Le métro?! -Intervient Zephael, soudain intéressé.- J'en ai souvent entendu parler, mais je n'ai jamais eu l'occasion d'en voir, lors de mes voyages sur terre. Comment cela fonctionne t-il, au juste?!

-C'est simple. Vous voyez les bocaux de cornichons où sont entassés tout un tas de cornichons?! Ben, le métro, c'est la même chose! On y engouffre tout un tas d'êtres humains, dans un espèce de bocal géant; au point que ça en est irrespirable! Et sa fonction consiste à nous déplacer d'un endroit à un autre.

L'explication dévalorisante du métro, faite par Clara, n'a pas l'effet escompté sur Zephael. Au contraire, il semble même de plus en plus intrigué.

-Intéressant. Je crois que je devrais en installer un, dans le château. Les employés sont si lents, lorsque je leur commande des mets; ça en est insupportable! Au moins, avec un métro; je patienterais beaucoup moins longtemps! Voilà une idée très ingénieuse.

Il se gratte le menton, l'air songeur, avant de demander:

-Rassurez-moi; ça ne prend pas trop de place, un métro?

Clara, estomaquée, reste la bouche entrouverte; fixant Zephael avec d'immenses yeux ronds.

Décidant de passer à des sujets plus sérieux; j'interromps leur discussion.

-Pardon de vous couper dans votre extase, sur l'utilité du métro; mais je vous rappelle que nous sommes là pour Alex.

Zephael semble ennuyé de devoir mettre un terme à sa discussion sur le métro. À contre cœur, il se résigne à nous désigner le château.

En avançant de quelques pas, je manque de me faire percuter par une gigantesque boule de feu violacée. Je me fige; regardant au-dessus de moi; pour tenter de voir d'où provient le tir. Je finis par apercevoir une sentinelle; dans la guette (cette petite tourelle située dans le donjon); nous observant, en hurlant:

-Présentez-vous ou je vous fais brûler vif; au nom du seigneur par intérim: Zephael!

Je sens, dans mon dos, que Zephael s'approche; en répondant d'un air offusqué:

-Abruti! Je suis le seigneur Zephael! Et qu'entends-tu par «seigneur par intérim»?!

La sentinelle paraît, soudain, décontenancée. Il se confond en excuse, en bégayant:

-Pa...Pardonnez-moi, maître Zephael. Je... je ne vous avais pas reconnu. Je vais faire ouvrir le pont-levis.

-C'est ça. Libère-nous le passage; imbécile!

Peu de temps après, le pont s'abaisse sur le fossé; nous permettant d'accéder à la forteresse. J'aperçois la grille métallique de l'entrée, nommée la herse, s'élever devant nous.

-Waouh! Vous avez l'air d'avoir de l'autorité, ici! -S'exclame Clara, en s'adressant à Zephael.-

-Détrompe-toi, humaine. -Intervient une voix féminine.- Son pouvoir n'est aucunement légitime. Je dirais même qu'il est irrecevable.

Une femme, dont la partie inférieur du visage est dissimulée par un foulard, s'avance vers nous. Son regard perçant mitraille Zephael. Ce dernier semble amusé par cette animosité.

-Ma chère Tendaï. Toujours en train de contester ma souveraineté. Quand le comprendras-tu?! Désormais, c'est à moi que vous devez vouer allégeance.

-Je te rappelle que tu t'autoproclames comme étant notre nouveau seigneur. Il n'y a jamais eu de vote, pour élire un nouveau maître. Alors, peut-être que certains Réprouvés, trop lâches pour te tenir tête, ont fini par se faire à cette idée, que tu étais leur guide. Cependant, pour les Réprouvés tel que Jared, Chad ou moi, il n'y a et il n'y aura toujours qu'un seul véritable souverain, envers lequel nous vouerons une dévotion infini.

Zephael s'approche de Tendaï et difficilement, j'arrive à entendre ce qu'il lui susurre à l'oreille:

-Je reconnais que, pour l'instant, ma souveraineté n'est basée que sur ma jactance ainsi que quelques menaces proférées à l'encontre des plus vulnérables; mais bientôt; je te promets que tout le monde, toi inclut, se soumettra à ma volonté; de gré ou de force.

Cette remarque ne fait que me confirmer quel genre de personnage est Zephael. Comme je m'en doutais, il n'est absolument pas digne de confiance. Quelle idée stupide a encore eu Alex, de s'allier avec un type pareil.

-Maintenant, si tu le permets, Tendaï; je souhaiterais accompagner mes invités, à l'intérieur de notre grande forteresse.

Il nous intime de le suivre, d'un geste de la main. Ces derniers évènements m'encouragent à redoubler de vigilance. Je marche les poings serrés fermement; me préparant à un éventuel piège.

Nous traversons plusieurs cours et corridors, aussi vaste les uns que les autres. Je vois dans le regard de Clara qu'elle ne cherche même plus à se situer; car ce dédale de couloirs l'a complètement perdue. Nous finissons par arriver face à une gigantesque porte à double battant.

Zephael se retourne, alors, en nous fixant d'un regard malsain.

-Vous vouliez revoir votre ami?! C'est chose faite.

Il pousse, sans fournir d'effort, la grande porte; dévoilant une immense salle bondée. Immédiatement, je m'y faufile; en jouant des coudes. Bien que la foule soit dense, il ne me faut pas longtemps avant de trouver Alex.

Je le trouve, assis nonchalamment (comme à son habitude), les jambes étendues sur la table. Il se balance inlassablement, sur sa chaise; buvant goulûment une boisson ressemblant fortement à du vin.

Irritée face à une attitude aussi déplacée; d'un revers de main, j'envoie valser son verre à pied doré, déversant un peu partout le liquide cramoisi qu'il contenait. En levant les yeux vers moi; Alex enlève ses jambes de la table et s'assied normalement.

-Tu n'as pas honte, de te mettre dans un état pareil?! -Je lui lance, outrée.-

Son regard vitreux et son haleine avinée, me confirme qu'il n'en était pas à son premier verre et que le vin n'a pas été l'unique boisson.

-Rose... Tu sais que tu m'as manquée! Sans toi et Clara, la vie est aussi terne que l'infini néant de la galaxie.

Je lève les yeux au ciel atterrée par son état. Même si d'un certain côté, je compatis à sa souffrance, quand je repense à son enfance. Il tente de se lever, titubant pittoresquement. Je le retiens de justesse, en lui agrippant le bras.

Nous sommes rejoints par Clara. Comme à l'accoutumé, elle profite d'être témoin des conneries d'Alex; pour en faire sa propre éducation.

-Bah alors, sac à gnôle; t'as commencé l'apéro sans nous?! T'es gonflé, quand même! -charrie t-elle, en lui donnant une tape amicale sur l'épaule.-

Cette légère bourrade le déséquilibre considérablement, tant il est ivre. Derechef, je dois le rattraper, pour lui éviter la chute. Regardant autour de moi; je tente de voir où le mettre à l'écart. Ne tenant plus debout, Alex se laisse tomber sur la chaise. J'émets, alors, une suggestion à Clara:

-Je vais essayer d'aller trouver Zephael, pour faire sortir Alex, d'ici. Pendant ce temps, toi, tu gardes un œil sur notre ami!

Elle acquiesce. Je tourne les talons; en apportant une dernière précision, qui me semble capitale:

-Et surtout, s'il veut boire; tu lui dis «non»! De surcroît, je t'interdis, à toi aussi, Clara, de toucher à l'alcool! On a déjà assez à faire, comme ça, avec une personne bourrée!

Dans mon dos, je l'entends soupirer vigoureusement; mais du moment qu'elle respecte mes consignes, je n'y attache pas la moindre importance.

Je m'empresse de quitter cette orgie. En traversant le long corridor, qui se présente à moi. Je m'époumone à appeler:

-Zephael?! On a besoin de votre aide, s'il vous plaît!

J'essaie de me raisonner, en me disant qu'en si peu de temps, il n'a pas pu partir bien loin. Soudain, au détours d'un couloir je suis interpellée par l'écho d'une voix froide et perfide:

-Tu fais ce que je te dis; compris?!

-Mais... seigneur Zephael, je... je ne peux pas faire une chose pareille, voyons. -Répond faiblement une petite voix aiguë.-

Discrètement, je me cache derrière un mur en pierre; tendant l'oreille. Je n'arrive pas à les voir, cependant, les paroles me suffisent amplement.

-Vous me demandez quand même d'empoisonner le repas...

-L'aconitum napellus n'est pas un poison, pour les Gardiens! Il l'est uniquement pour les humains! Mais ne t'en fais pas; car, au moment où nos invités humains s'apprêteront à rendre leur dernier souffle, je les transformerai en Réprouvés, les empêchant de mourir! Tu vois; il n'y aura donc aucune victime, au final.

-Je ne sais pas si je peux...

-Tu tiens réellement à subir mon courroux?

-Non... Bien sûr que non, seigneur Zephael...

-Alors exécute mes ordres!

Un minuscule individu détale, alors, de l'endroit où avait lieu la discussion; l'air totalement paniqué. Surprise par la taille de l'homme que je viens d'apercevoir, je reste stoïque quelques instants. Jamais, auparavant, je n'ai vu de personnes aussi petites. Je n'ai absolument rien contre les nains; en revanche, celui-ci bat tout les records.

Me remettant de ma stupeur; je reprends conscience de la situation. Aussi vite que possible, je fonce rejoindre mes amis; à l'endroit où je les ai laissés. En les retrouvant, dans la salle où se déroule l'orgie, je me rue sur Clara, en lui intimant d'une voix essoufflée:

-Zephael prévoit de nous tuer! Nous devons nous barrer d'ici, et vite!


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