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Trois jours plus tard, Zayn était déjà à sa table de travail lorsque le sergent Harry Styles entra à son tour dans le bureau qu'ils partageaient. Détournant les yeux de l'écran de son ordinateur, il lança un regard noir à son ami et, en guise de bienvenue, maugréa d'un air renfrogné :
- Tu es en retard.
- Tu crois que je suis bon pour le peloton d'exécution ?
- Arrête, je ne suis pas d'humeur à plaisanter Harry.
- À vos ordres, sergent-artilleur Malik, pouffa Harry en faisant mine de se mettre au garde-à-vous.
- Ferme-la.
- Oh, mais qu'est-ce que tu as, mon vieux ?
- Rien, soupira Zayn.
- Vraiment ? Tu m'inquiètes !
- Je t'assure, ça va très bien.
S'asseyant à son bureau, Harry se laissa aller sur le dossier de son fauteuil, un sourire aux lèvres.
- Allons crache le morceau, dit-il.
- Je ne sais même pas de quoi tu parles.
- Est-ce que ce ne serait pas une histoire de voisins, par hasard ?
- Je ne vois pas ce qui te fait dire ça, marmonna Zayn.
- Il y a des signes qui ne trompent pas. Tu as tout à fait l'air d'un homme qui vient de passer une nuit blanche à repasser ses déboires amoureux.
Zayn connaissait déjà Harry quand celui-ci avait épousé Louis Tomlinson, et il se souvenait très bien de la nervosité de son ami au cours de ses premières années de mariage. Ironie du sort, il se rappelait aussi lui avoir plus d'une fois affirmé qu'aucune personne ne méritait qu'on se mette dans des états pareils !
Bien sûr, la situation de Zayn était complètement différente. D'abord, il n'était pas marié et encore moins en couple. Et zut ! Il n'était même pas sorti une seule fois avec celui qui le rendait dingue. Cette seule pensée suffit à ressusciter son énervement.
- J'ai peut-être une sale mine, dit-il, fusillant Harry du regard, mais je ne vois toujours pas ce qui te permet d'affirmer que j'ai des problèmes avec mon voisin.
- Tu oublies que j'ai vu comment tu regardais Liam Payne, l'autre jour... et comment lui aussi te regardais. Alors, raconte-moi la suite. J'ai assisté au premier round, mais y en a-t-il eu un deuxième ces derniers jours ?
L'amusement qui se lisait sur le visage d'Harry irrita davantage Zayn, qui s'exclama alors :
- Je me demande comment un homme aussi magnifique que Louis a pu choisir d'épouser un type comme toi.
- Parce qu'il voulait le meilleur, tout simplement.
- Le pauvre, il a dû être déçu !
- Hé, n'essaie pas de changer de sujet, dit Harry pointant l'index en direction de Zayn. Espèce d'orgueilleux, tout ça parce que tu ne veux pas reconnaître que tu as enfin rencontré un homme qui résiste à ton charme.
- Tu dis des conneries.
- Ce ne sont pas des conneries. Sais-tu que les paris sont déjà ouverts sur la base ?
- Les paris ?
- Oui, et je peux même t'avouer qu'ils vont de bon train.
- Tu veux dire que... Qu'il y aurait des gars pour parier sur une éventuelle aventure entre Liam et moi ?
Tout naturellement, Zayn regarda en direction du couloir qu'il apercevait par la porte ouverte de son bureau. Combien de ses collègues et soi-disant « amis » étaient dans le complot ? Combien de marines s'amusaient ainsi à ses dépens ? Et surtout, par qui avaient-ils été informés de l'existence de Liam ? se demanda-t-il, pointant vers Harry un air soupçonneux.
- Il y en a plus d'un qui aimerait que tu te casses les dents, pour une fois ! Après tout, c'est humain. Un type qui a autant de chance que toi que ce soit avec les hommes ou les femmes suscite un peu d'envie, c'est bien normal.
- Et, bien entendu, tu as trouvé aussi normal de parler de Liam Payne à tout le monde ?
Harry étouffa un rire.
- Après la scène de l'autre jour, je n'ai pas pu m'en empêcher.
- Et qu'est-ce que tu fais du serment de solidarité des marines ? « Fidèles jusqu'à la mort », tu parles ! s'écria Zayn en levant les yeux au ciel.
- Au combat, d'accord. Mais, en manière d'amour, c'est chacun pour soi.
- Je crains bien malheureusement de ne pas avoir grand-chose à te raconter à ce sujet.
- Où en es-tu ?
- Nulle part et c'est bien le problème, dit Zayn en se remémorant sa soirée avec Perrie.
Un véritable fiasco !
Dès qu'il était arrivé, comme le dîner n'était pas prêt, la jeune femme avait suggérer qu'ils prennent un peu de bon temps ensemble. Et, pour être tout à fait claire, elle avait assorti sa proposition de quelques œillades qui ne laissaient planer aucun doute sur ses intentions !
Bien décidé à se prouver à lui-même que rien, dans sa vie, n'avait changé, Zayn avait accepté avec enthousiasme. Mais, au milieu de ce qui aurait dû être un délicieux baiser, il s'était mis à imaginer que la femme qu'il tenait dans ses bras était un homme... Bref, même les nombreux charmes de Perrie n'avaient pas réussi à lui faire oublier Liam ! Il avait alors annoncé à sa compagne, qu'il avait changé d'avis. Accablé et énervé, il était rentré directement se coucher.
- Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? demanda Zayn comme Harry se contorsionnait.
Tiens, il n'avait jamais remarqué combien le rire de son ami était agaçant.
- C'est toujours drôle de voir quelqu'un de fort se casser la figure, dit Harry, pouffant de plus belle. Mais, tout compte fait, les choses pourraient tourner bien mieux que je ne l'espérais. Tout cela pourrait finir par une histoire d'amour, sergent-artilleur.
Une histoire d'amour ? ... Ce pauvre Harry délirait !
- Mon vieux, je crois que les chaînes de l'amour ont eu raison de ce qui te restait de bon sens. Je connais à peine cet homme...
Et, pour donner plus de poids à son propos, faisant une croix sur son amour-propre, Zayn ajouta :
- ... et il refuse même de sortir avec moi.
- Oh, mais c'est encore mieux ! s'exclama Harry.
Zayn se releva d'un bond et se mit à faire les cent pas dans le bureau.
- Merci de t'inquiéter pour moi, dit-il, mais sache que je ne suis pas amoureux et que je n'ai pas l'intention de l'être.
- Personne ne programme jamais cela.
- Certains savent tout de même mieux se maîtriser que d'autres, ricana Zayn pas mécontent de pouvoir envoyer une pique à son ami. Pour être franc, j'aimerais bien que tu cesses de me mettre dans le même panier que toi et les types de ton peloton.
- Moi et les types de mon peloton ?
- Oui, les marines prisonniers, qui ont un fil à la patte en base, sont maintenant condamnés à traîner derrière eux femme et enfants... à se préoccuper du déménagement de leurs meubles et de leur vaisselle... à s'inquiéter de problèmes d'écoles, de médecins et Dieu sait quoi d'autre, encore.
Fixant ostensiblement la photo de Louis qui trônait en bonne place sur son bureau, Harry lança. :
- Tu ne sais même pas de quoi tu parles.
- Si, je le sais. Bon sang, qu'est-ce que vous avez tous ? On dirait qu'il y a une épidémie de mariages sur la base. Depuis quelque temps, j'ai l'impression qu'on a perdu plus d'hommes qu'à Pearl Harbour !
Harry se leva à son tour comme s'il était monté sur un ressort et, les deux mains à plat sur son bureau, se planta face à Zayn.
- Regarde-moi ! Pour un marine « prisonnier », je me porte plutôt bien, non ?
- N'empêche que Louis t'a visé et qu'il ne t'a pas raté. Tu n'as même pas vu la flèche venir. J'aime beaucoup ton homme, tu le sais bien, mais je persiste à penser que tu as été la cible d'un tireur d'élite.
- Arrête avec ça, c'est ridicule, dit Harry. Louis n'est pas une femme et ne le sera jamais.
- Non, toi arrêtes. Ne crois pas que je vais me laisser entraîner dans la même galère que toi. J'aime la vie que je mène et je ne veux rien y changer, s'énerva Zayn en élevant le ton. Je veux pouvoir faire mon paquetage n'importe quand et m'en aller sans me retourner. Je veux être toujours prêt à accepter n'importe quelle mutation à l'autre bout du monde. Et je veux n'avoir de comptes à rendre à personne que ce soit homme ou femme.
Après cette longue tirade, Zayn prit une profonde inspiration. Un silence pesant avait soudain envahi le petit bureau. Harry avait le visage fermé, mais au bout de quelques instants ses traits se détendirent et il reprit la parole.
- Qui penses-tu convaincre ainsi ? Moi ? ou toi ?
- Je n'ai pas besoin de me convaincre, dit Zayn d'une voix posée, tandis qu'il retournait s'asseoir à son bureau. De temps à autre, j'ai juste besoin de me remémorer un peu les choses. Merci de m'en avoir donné l'occasion.
- Ravi d'avoir pu te rendre service, dit Harry, se rasseyant lui aussi.
La querelle était close. Qu'avait à faire de ces stupides histoire d'amour un marine responsable d'un armement suffisant pour venir à bout de la troisième guerre mondiale, songea Zayn en se replongeant dans ses dossiers. Après quatre semaines passées à rêvasse comme un adolescent obnubilé par un homme qui ne faisait pas plus attention à lui que s'il était transparent, il était grand temps qu'il se remettre au travail quant à son temps libre, il n'aura aucun mal à l'occuper : son agenda contenant plus de noms féminins que ceux de tous ses copains réunis ! Liam Payne ne voulait pas de lui ? Et alors ! La belle affaire ! Cette ville regorgeait d'autres beautés qui ne demandaient qu'à réchauffer son lit !
Des images de ses futures conquêtes tourbillonnaient déjà dans sa tête lorsque son téléphone sonna.
- Sergent-artilleur Malik, annonça-t-il machinalement dans le combiné.
Une voix féminine se fit entendre... Une voix étrangère...
Dès les premiers mots, Zayn sentit ses forces l'abandonner. L'air lui manquait. Le vertige le gagnait. En un instant, les bruts familiers autour de lui s'évanouirent et son univers se réduisit bientôt à cette seule vois qui, à l'autre bout de la ligne, lui tenait des propos terribles.
Une voix inconnue qui menaçait sérieusement l'équilibre qu'il venait à grand-peine de recouvrer...
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