Chapitre 21

Normalement, en cas d'incendie, nous sommes censé sortir de chez nous et nous rapprocher des points d'eau, même si la plupart du temps tout le monde va voir le feu de plus près. Moi je vais aller au cœur, je vais le retrouver. Je n'ai aucune certitude que ce soit de sa faute, mais la vitesse de propagation additionnée aux événements de tout à l'heure me font dire que c'est bien lui. Ni une ni deux, je sortis de la maison en emportant au passage une serviette et une bouteille d'eau dans mon sac. Je fis un détour par le garage pour prendre le vieux vélo et dévalais la route pour arriver au plus vite.

Je passais par le port, faute de connaître d'autres routes, les promeneurs me regardant passer avec étonnement -parmi ceux qui n'étaient pas parti voir l'incendie. Ils n'ont jamais vu une personne à vélo ? Ou bien était-ce la vitesse à laquelle j'allais qui les surprenait... C'est vrai que je commence à souffrir au niveau des cuisses et des mollets, mais c'est pas le moment de ralentir, qui sait ce qu'il peut lui arriver dans un tel brasier ardent...

En moins de dix minutes, j'étais sorti du port et avançais désormais sur une route tout sauf lisse, qui me ralenti considérablement. Fort heureusement, la forêt était juste devant moi, ce qui me fit sauter du vélo pour continuer directement en courant. Il y avait un barrage de monde qui étaient venu voir avec horreur la magnifique forêt brûler. Je me frayais un chemin à travers la foule, bousculant tout le monde sans scrupule. Je m'en fiche après tout, la seule chose qui importe c'est de retrouver Fukano au plus vite !! Pourvu que je n'arrive pas trop tard, pitié, faites que je n'arrive pas trop tard... Je ne me le pardonnerai jamais...

Alors que j'émergeais de la foule et avançais vers les flammes, une main se posa sur mon épaule et me tira en arrière. Je me retournais et fis face à un homme d'un âge avancé qui me dit, l'air paniqué :

-Hé gamin, t'es fou d'aller là-dedans !? C'est dangereux, tu peux brûler vif !!

Je lui jetais un regard déterminé qui voulait tout dire et me dégageais d'un coup d'épaule avant de foncer droit sur le brasier. Je sortais la serviette que j'humidifiais avec la bouteille d'eau et la plaqua sur ma bouche avant de pénétrer au cœur des flammes, ignorant les appels du vieil homme désemparé...

Vu de l'extérieur, c'était impressionnant, mais ce n'est rien comparé à ce que je vois depuis l'intérieur du bois. Au-dessus de moi, les branches étaient en feu et leur grincement indiquaient clairement « Attention, on va tomber... ». Tout autour, l'herbe était noircis, les fleurs avaient totalement disparu et les troncs d'arbres complètement défigurés ressemblaient à des visages hurlant de douleurs. J'avançais prudemment mais sûrement à travers la haie de flammes, écrasé par la chaleur ambiante et frôlé à tout instant de cendres incandescentes. Rassemblant mon souffle, j'ôtais la serviette et criai :

-Fukano !!

Je continuais à marcher tout droit devant, l'appelant à intervalle plus ou moins irrégulière et évitant les troncs au sol et les branches tombées.

Au bout d'une certaine durée de recherches -j'avais arrêté de compter après dix minutes-, malgré la serviette humide, ma gorge et mes yeux commencèrent à piquer et je mourrai littéralement de chaud. Cela faisait plusieurs fois que je toussais en criant, ma voix abîmée par la fumée et par mes appels vains. Je finis par déboucher sur une clairière cernée par le brasier, semblant avoir été pour l'instant épargnée. Je m'y arrêtais un instant, tentant naïvement de reprendre un souffle normalement avant de me rendre compte que la fumée, elle, n'était pas limitée aux arbres. Mes poumons me brûlaient, je peinais à respirer et menaçais à tout moment de m'effondrer au sol d'épuisement. Fuka... où es-tu... Si ça se trouve, ce n'est pas lui qui a provoqué tout ça et il est tranquillement en train de marcher dans la ville... Quel idiot j'ai fais... J'ai été aveuglé par mon amour pour lui et j'ai suivi mon cœur... Est-ce que, pour une fois, j'aurai dû suivre la voix de la raison ? Peut-être... De toute façon, si personne ne vient, je m'étoufferais ici et mourrai à petit feu au milieu des flammes flamboyantes jusqu'à ce qu'elles ne recouvrent mon corps sans vie qu'on retrouvera dans plusieurs heures, complètement carbonisé et méconnaissable. On essayera de l'identifier, puis une fois fait on ira l'annoncer à mes parents qui regretteront toute leur vie d'être venu ici et qui pleureront à mes funérailles entourés du reste de ma famille en larmes. C'est négatif comme vision, mais je n'arrive plus à faire un pas de plus et je tousse sans discontinuité. Quelques secondes plus tard, me voilà à genoux au sol, me tenant la gorge qui me brûlait, mourant littéralement de chaud. En espérant que ça m'aiderai à tenir, j'avais bu un peu d'eau mais son effet bienfaiteur s'est vite dissipé et je m'étais abstenu de recommencer pour ne pas vider d'une traite cette source miraculeuse qui pourrai potentiellement me sauver la vie si un pompier passait par-là. Enfin, voilà que ma vie va s'arrêter ici même, au cœur de l'incendie, sans avoir pu aider Fuka... Mon seul regret est de partir sans qu'on ne se soit réconcilié... Il n'est peut-être même pas inquiet pour moi après tout, pour lui je l'ai traité de monstre... Je basculais inconsciemment sur le côté, me retrouvant allongé au sol dans l'herbe rendue sèche par la cendre volatile. Mes yeux se fermèrent malgré ma lutte pour continuer à voir ce qui m'entourait puis je sentis mes muscles se relâcher petit à petit. Ma main tomba mollement sur le sol et heurta les clé du bateau que je n'avais jamais quitté. Elles avaient dû tomber de ma poche dans ma chute, j'aurai peut-être mieux fait de les laisser chez moi. Des larmes tentèrent de se former au coin de mes yeux mais la chaleur ambiante les fit s'évaporer avant même que je ne les sente glisser le long de la courbe de mes joues. Peu à peu, je semblais sombrer dans l'inconscience : les bruits des flammes crépitantes et riantes de mon sort devinrent un simple petit grésillement en arrière plan, une vague de froid parcourra toute ma colonne vertébrale sans me procurer le moindre bonheur et je ne parviens plus à penser correctement. Ça y est, c'est la fin... Les sons que j'entendais diminuèrent encore de volume et, avant de ne plus rien sentir du tout, une dernière phrase me revint en mémoire :

« Je te protégerai toujours désormais, je te le promets... »

J'ai failli à ma promesse... Je ne pourrai plus le protéger, je ne serai plus là pour essuyer ses larmes ni pour le réconforter... Fukano... Pardonne-moi de te laisser seul dans ce monde cruel et impitoyable...

Une lumière blanche apparu soudainement devant mes paupières fermées. Ce fus d'abord un simple point pâle, puis de plus en plus grand et lumineux, dévoilant un paysage enchanteur où la paix semblait être le maître mot. C'est donc ça, le paradis ? C'est plus beau que je ne l'imaginais... Il était loin de moi, mais en même temps tellement accessible... Par une simple envie d'y aller, je me sentais avancer le long de ce couloir sombre, je vais le rejoindre, juste regarder comment c'est à l'intérieur... Et peut-être qu'un jour je reviendrai... Pour lui...

~La fin approche... Épilogue au prochain chapitre...~

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