Chapitre 7


Nathanaël n'avait jamais raconté son histoire, et encore moins dévoilé à quiconque l'avalanche de sentiments qu'il avait ressentis lors de sa découverte de Zéladonia. Parler ainsi de ce qui s'était produit des dizaines d'années plus tôt dans cet autre monde faisait remonter en lui un flot d'émotions qu'il avait du mal à contenir. Il avait enfoui ces secrets si profondément en lui pendant des décennies et ils jaillissaient à présent tel un volcan en éruption après des siècles de sommeil. Il s'éveillait : il reprenait vie...

— Mais alors, si je comprends bien, l'interrogea Emma qui commençait à croire sincèrement à son histoire, vous êtes arrivé complètement par hasard là-bas ? N'importe qui aurait pu trouver cet objet dans notre monde et devenir leur élu.

— C'est possible oui, cela je ne saurai le dire. Ce qui est sûr c'est que ce peuple, les Bénis, que j'ai rencontré en premier, en étaient convaincus. Quant à moi, vous vous imaginez que j'étais complètement effrayé, tétanisé même.

Le soleil s'était couché et la bibliothèque était maintenant plongée dans la pénombre, éclairée partiellement par les lampadaires du jardin dont la faible lueur traversait la fenêtre. Nathanaël et Emma étaient assis sur le rebord, aménagé de petits coussins. Elle avait relevé ses jambes et reposait son menton sur ses genoux alors que Nathanaël, lui, s'était adossé contre le mur et collait son front contre la vitre dans l'espoir de capter un peu de fraîcheur nocturne.

— Cette peur, je ne croyais plus la ressentir, mais cette journée m'a prouvé le contraire, ajouta Nathanaël sur le ton de la plaisanterie.

Il voyait en effet sur le visage d'Emma une inquiétude qu'aucune adolescente ne devait avoir à vivre selon lui.

— D'ailleurs, il est très tard, dit-il en se levant. Nous devrions reporter la suite à demain.

— NON ! répondit vivement Emma. Monsieur Parker-Scott, je vous en supplie, continuez, je ne peux pas rester comme ça. Dans l'ignorance...

— Bien, c'est d'accord, mais il faut bien qu'on mange et que je boive surtout. Il est neuf heures trente passés. Vous savez quoi ? Préparez-moi un thé vert, s'il vous plaît, et apportez de quoi grignoter dans mon bureau, je vous raconterai tout, preuve à l'appui. Mais souvenez-vous, vous ne devez parler à personne de Zéladonia. Si quelqu'un apprend l'existence de ce monde ou de la puissance énergétique de certains objets, les hommes seraient prêts à tout pour exploiter ces richesses, quitte à le détruire au passage. Et cela, je ne peux m'y résoudre. Vous connaissez la nature humaine, vous savez ce qu'il peut se passer s'ils parviennent à aller là-bas ; imaginez un Béni dans un laboratoire d'expériences ou la forêt déboisée et polluée est ma pire angoisse depuis de longues années. Nous devons protéger Zéladonia à tout prix Emma, vous comprenez ?

Elle hocha gravement la tête avant de sortir de la pièce.

Quelques minutes plus tard, Emma rejoignit Nathanaël dans le bureau avec un plateau, une théière, deux tasses et un paquet de biscuit au soja et à l'orange. Nathanaël s'était installé sur son fauteuil derrière le massif meuble en bois verni. Il fit un geste à Emma en lui désignant un canapé en face de lui. Elle posa le plateau, servit les deux tasses, en prit une et s'assit.

Nathanaël avait déjà avalé deux galettes quand elle se lança :

— Il y a quelque chose qui m'échappe Nathanaël, pardonnez-moi. Je ne comprends pas ce monde. Expliquez-moi, les Terramonts ? Les Aquers ? Ça veut dire quoi ?

— Bon, pour bien saisir Zéladonia, dit Nathanaël en attrapant sa tasse de thé, il faut vous imaginer une rosace à quatre branches, du genre que l'on fait à l'école avec un compas. Et entre chacune de ces branches, quatre autres rameaux plus petits. Zéladonia est donc composée de quatre royaumes, dont les frontières seraient les pétales de cette rosace. Tenez regardez cette carte.

Il montra du doigt l'image étendue derrière lui sur sa droite, à côté de la fenêtre.

— Voilà, au Nord-Est, il y a Aquaregno, et sa capitale est ici, Infectio. Vous voyez les côtes là, les rivières au nord et la mer au nord-est ? C'est un royaume qui vit de pêche et de culture de plantes. Ils sont très proches de la nature. L'eau est omniprésente, et ils se servent de cet élément comme un atout. Ils sont forts pour produire des médicaments, ou même des poisons. Les Aquers sont un peuple fier et respectueux de ce que l'environnement leur a donné, mais ils sont aussi très malins, et peu enclins à partager leurs richesses et leurs connaissances. Ils ne sont pas très sportifs mais, ils ont l'esprit vif et acéré. Quand je pense à eux, j'imagine des joueurs d'échecs ; toujours en train de prévoir leur prochain coup, leur récolte à venir.

— Je vois.

— Ensuite, au sud, il y a le royaume Aersiccum, et la capitale, enfin, si on peut appeler ça une capitale, on va dire la ville principale est Respyr, juste ici. Aquaregno et Aersiccum sont séparés par une frontière naturelle ; les marais où il règne une puanteur infernale et très peu sont ceux qui osent s'y aventurer. Ce royaume est assez pauvre, les habitants ont une culture de nomade et de marchands ambulants. Les Aercers sont des survivalistes, très économes, d'après mes souvenirs. Avec eux, rien ne se jette, tout se recrée. Le territoire est composé de plaines arides. Il vaut mieux éviter de s'y balader sans guide, car on n'est jamais à l'abri de tomber dans une profonde crevasse ou sur des brigands, ou même de se faire ensevelir par une tempête de sable. Et voyez, plus on se dirige vers l'ouest, plus les terres deviennent stériles et désertiques.

— Oui, acquiesça Emma sans quitter la carte des yeux.

— Et enfin, on arrive ici, au sud-est à la frontière de roches noires avec Ignis Ardentem, un royaume assez explosif si je puis dire, car il est situé sur un volcan en sommeil. Ici, c'est Fort Ardentem, une capitale créée sous la montagne. Par un habile procédé, les Ignis ont réussi à creuser la pierre et à vivre au cœur même du volcan, faisant de leur cité une forteresse imprenable en dessous de la surface du monde. Ils ne voient pas beaucoup la lumière du jour et on dit que c'est pour ça qu'ils sont un peu dérangés, colériques et hargneux. Ils sont très forts pour miner et forger des armes ; ils ont un savoir-faire peu commun dans ce domaine qui surpasse tous les autres royaumes.

— Et ce que j'ai aperçu, Nathanaël, le coupa Emma, ça n'avait rien à voir avec tout ça. Le château, la cascade ?

— Oui, vous êtes bien impatiente. Laissez-moi finir demoiselle ! J'y viens, j'y viens. Regardez, là, la frontière commune entre Ignis Ardentem et Terramont, les grottes : des kilomètres et des kilomètres de réseaux souterrains, certains naturels créés par le temps et le vent, et d'autres creusés par l'homme à la pioche. Un véritable labyrinthe de roches et de pierres. Pour arriver enfin au royaume du nord : Terramont.

Nathanaël prit une profonde inspiration avant de continuer.

— Terramont est le royaume des montagnes, et Fort Cataracta est sa capitale. Nul besoin de te décrire la grandeur du château ou la splendeur de la cascade accolée. C'est un grand-duché riche et puissant. Les Terramonts sont doués en tout. Ils maîtrisent de nombreux arts tels que la chasse, la tannerie, la couture, le combat, la construction... Ils savent faire de belles choses, de beaux vêtements, de belles maisons. Leur frontière avec Aquaregno n'est autre qu'un long domaine agricole dont les deux pays se partagent les récoltes. Il s'agit de la campagne Aqualiter Nubila, dont la terre est assez riche pour nourrir largement les habitants du monde. Bien que les Aquers n'aiment habituellement pas collaborer, la gestion d'Aqualiter Nubila est différente. Elle allie la force des Terramonts pour s'occuper de la terre et l'agilité des Aquers pour dispenser l'eau et les nutriments nécessaires pour faire pousser leurs récoltes. Je ne dis pas qu'il n'y a jamais aucune dispute entre les deux peuples, mais c'est une logistique intelligente et productive de ce que la nature leur offre. Est-ce que vous y voyez plus claire Emma ?

— Oui, un petit peu. Mais alors, là où vous êtes arrivé, où se trouve cette forêt ? Dans les montagnes de Terramont ?

— Non, regardez tout au centre de la carte. La forêt est au milieu de la rosace. Elle n'a pas de nom, c'est juste « la forêt ». Elle est le cœur vivant des quatre royaumes. Le lien indéfectible qui les unit malgré eux. D'aucuns n'osent s'y aventurer, à part ceux qui y vivent déjà et qui sont considérés comme un peuple à part  : les Bénis. Traverser la forêt est interdit depuis toujours pour les autres populations, non pas parce qu'il s'agit d'une vieille loi qui veut les contraindre à rester dans leur royaume respectif, mais pour protéger les habitants. Qui s'y hasarde, n'en revient jamais. Les Bénis, eux, peuvent aller et venir, mais, car ils sont différents. Ils ne sortent de leur environnement naturel que très rarement ; la forêt produit tout ce dont ils ont besoin pour vivre. Ils ne se mêlent pas de politique et ne peuvent en aucun cas prendre parti lorsque des conflits apparaissent entre les pays. Il arrive que certains Bénis quittent la forêt pour saluer le couronnement d'un nouveau roi, ou fêter la naissance d'un héritier. Leur présence est signe de prospérité, mais les humains sont souvent mal à l'aise, et par superstition, ils préfèrent ne pas les approcher.

— D'accord, je vois, c'est eux qui vous ont soigné et nourri quand vous avez débarqué. Mais j'ai encore une question, pourquoi les individus disparaissent au moment où ils entrent dans la forêt ? D'après ce que vous dites, les Bénis ont l'air plutôt pacifiques. C'est eux qui attaquent ceux qui pénètrent sur leur territoire ?

— Alors, avant tout, sachez que les Bénis ne considèrent pas la forêt comme leur domaine, d'ailleurs je pense que la notion même de frontière leur fait défaut. Ils vivent là, c'est tout. Et non, ce n'est pas eux qui agressent les aventuriers qui s'introduisent dans la forêt. Ils sont les gardiens des éléments des royaumes. Ils préservent la vie qui existe grâce aux éléments. Pour les disparitions, j'ai ma théorie là-dessus, mais se serait brûler les étapes de mon histoire que de vous dévoiler ceci. Dans tous les cas, Zéladonia a une manière de fonctionner très particulière. Le temps n'a pas de prise sur ces royaumes. Ils vivent selon un cycle naturel, respectent leur élément dominant, eau, terre, air ou feu, et les générations s'enchaînent et se ressemblent, naissent et meurent en contribuant au bien-être de leur pays.

— Et qu'est-ce qu'il s'est passé ensuite ? Les Bénis vous ont formé ?

— C'est exact. Pendant les années qui ont suivi, ils m'ont enseigné tout ce que je viens de te raconter. À mon grand regret, à mon réveil, les Sages étaient partis et je suis resté avec Zenku et Zeyna. Ils m'ont appris à chasser, à me déplacer sans bruit, à construire de mes mains des abris. Ils m'ont inculqué l'herboristerie, la cueillette. Chaque jour je devenais plus fort. Même si les Bénis ne se mêlent pas de politique, ils sont au fait de tout ce qui se passe dans chacun des royaumes. C'est ainsi qu'ils m'ont enseigné les généalogies des familles royales, l'histoire de chaque peuple, les guerres qui avaient eu lieu, les affinités qui s'étaient créées. C'est tout cela que je mets par écrit chaque jour, enfermé ici. J'essaie de me souvenir de chaque plante, de chaque arme, de chaque bijou, et de chaque visage...

— Attendez, je dois vous couper ! Des années ?! Vous êtes resté des années là-bas dans la forêt ?

— Oui, je ne saurais dire exactement combien de temps j'ai demeuré là-bas. Les lunes ont des cycles bien particuliers de la nôtre, bien plus de vingt-huit jours. Et la rotation de la Terre autour du soleil ne se fait pas en trois cent soixante-cinq jours comme chez nous. Zeyna a essayé de m'apprendre l'astrologie Zéladonienne, mais ça ne m'a jamais intéressé.

— Donc vous avez passé des années seul avec ces gens dans la forêt. Sans voir personne d'autre ?

— Nous rencontrions parfois d'autres Bénis, mais oui, nous vivions entre nous. Zenku est devenu le père que je n'avais pas connu. Il était fort, bourru, sévère, mais il débordait d'amour et de passion dans chaque chose qu'il entreprenait. Quant à Zeyna, elle était parfaite dans son rôle de professeur ; la patience incarnée et la douceur même. Les Bénis ne vieillissent pas comme nous ; ils prennent de l'âge, changent, mais ne flétrissent pas. Ils évoluent. Au fil du temps, Zenku était devenu plus trapu, et plus grand. Zeyna, elle, s'était arrondie et son caractère léger et tête en l'air avait laissé place à des manières plus terre-à-terre. Ses capacités à entendre le vent se sont estompées. Par contre, elle s'est mise à lire la terre comme personne. J'ai compris par la suite que les aptitudes des Bénis étaient très « influençables ». Selon le lieu où ils vivaient dans la forêt, ils adoptaient les caractéristiques dominantes des peuples à proximité, ou plutôt les spécificités de l'élément principal du royaume. C'est la raison pour laquelle ils ne construisaient jamais d'abris solides au même endroit, mais uniquement des huttes éphémères. Les Bénis bougent sans arrêt au gré des envies de la forêt. Or, il s'avère que nous sommes restés pas mal de temps près de Terramont et Zenku et Zeyna ont donc épousé des attributs particuliers liés à ce peuple : physiquement et psychiquement. Leur personnalité demeurait intacte, mais ils étaient influencés.

— Lire la terre ? osa timidement Emma en levant le doigt.

— Oui, répondit Nathanaël en souriant, ça veut dire décrypter sur un sol ce qui s'est produit avant à cet endroit, les animaux qui y ont marché la veille, les courants qui l'ont traversé les printemps précédents, les réunions de Bénis qui s'y sont déroulées l'année antérieure. Zeyna pouvait déchiffrer la terre jusqu'à plusieurs siècles avant sa propre naissance. Un jour nous avons même découvert qu'à une époque les Bénis avaient un temple de pierre près de l'emplacement où je suis arrivé. Tout cela grâce à des cailloux et une végétation légèrement différente. Cela ne devrait pas t'étonner, des ordinateurs radars sont aussi capables de faire ça de nos jours dans notre monde.

— Mais comment c'est possible ? interrogea Emma alors qu'elle ouvrait un deuxième paquet de biscuits.

— La connaissance, la patience. Zeyna disait que nous avons tous ce pouvoir en nous, Bénis ou humains, mais seuls ceux qui prennent le temps de regarder peuvent voir. Et bien évidemment, ceux qui prennent le temps d'apprendre possèdent le savoir. Zenku a déclaré une fois qu'elle était douée pour les sciences, car elle était née près d'Aquaregno. Je pense juste qu'elle aimait son univers et le découvrir à travers ses sens ; son ouïe lorsqu'elle écoutait le vent, ou la vue, quand elle lisait la terre. C'était sa façon d'honorer son peuple et sa forêt. Avec moi, elle était convaincue de sauver l'âme de Zéladonia et elle m'a tout donné, son savoir, sa confiance et son amour. Je n'ai jamais osé demander pourquoi ils n'avaient pas d'enfant, mais j'étais bel et bien devenu leurs fils. Je sentais la fierté dans leur regard quand je réussissais. Je percevais leur bonheur lorsque je montrais que j'étais content de moi, et par-dessus tout, je savais à quel point ils croyaient en moi et en mes capacités. Au fil du temps, ils ne me voyaient plus comme l'élu, mais comme leur enfant Béni.

Nathanaël fit une pause, des sanglots coincés dans sa gorge. Il reprit alors :

— Il est très tard, je suis désolé Emma, mais malheureusement, je n'ai plus l'âge à faire des nuits blanches. De plus, j'imagine que pour vous ça fait beaucoup à encaisser. Allons nous reposer et je vous en dirai plus demain.

— Attendez, je vous en prie. J'ai encore une question. C'est essentiel. C'est à propos de cet objet. Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle en se retournant pour contempler la boule de cristal.

— Oui, ça. J'appelle ça un transporteur, même si je pense que ce n'est pas le mot idéal puisqu'il ne transporte plus grand-chose depuis des années. Les Bénis nommaient ça l'Abud.

— Et comment ça marche ?

— Alors ça, je n'en ai pas la moindre idée. Cet objet est rattaché à notre monde, mais il reste connecté à Zéladonia. C'est bien ça que j'ai vu briller au fond du Vieux-Port. Ce qui est certes très étrange, car il ne scintille pas habituellement...

— Non, le coupa-t-elle, enfin, oui il rayonnait un peu quand je suis entrée dans la pièce cette après-midi. C'est pour cette raison que je l'ai touché. J'ai cru que c'était un gadget dernier cri genre I Phone 18, ajouta-t-elle timidement.

Emma s'arrêta en voyant le visage de Nathanaël se décomposer.

— Ça va ? J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

— Non, non, c'est juste que ça me fait penser à quelques vers de la prophétie des Bénis. Attendez, je vais chercher.

Nathanaël profita de ce moment de pause pour retrouver ses esprits. Il ouvrit un tiroir à sa droite et en sortit plusieurs liasses de papier. Après avoir farfouillé plusieurs minutes dans ses documents, il tira un écrit écorné et se mit à lire dans un murmure :

Pour l'élu désigné, l'Abud brillera,

La Quête achevée, l'Abud s'endormira,

Mais guerre déclarée, l'Abud s'éveillera,

Enfin l'élu véré, l'Abud reviendra.

Nathanaël posa le papier devant lui et fixa longuement Emma.

— Je n'ai jamais trop compris ce passage, car l'Abud se trouvait ici. Il n'a jamais été à Zéladonia, donc quand les Ignis ont déclaré la guerre, on pensait que terminer la mission allait être la réalisation de ce verset. J'étais venu à croire que celui qui a noté ces mots avait inversé les deuxième et troisième vers, ou qu'il avait manqué sa traduction.

Nathanaël contempla ses mains quelques secondes puis ajouta d'un air détaché :

— Donc, en bref, c'est un objet supposé faire voyager les gens de notre monde vers là-bas. Uniquement dans ce sens. Et il ne fonctionne plus pleinement depuis la dernière fois que je m'en suis servi quand j'avais à peu près votre âge. Il ne marche plus avec moi. Quant à vous, le transporteur a embarqué votre esprit, mais pas votre corps. Cela aurait pu avoir des conséquences très graves, car notre essence de vie réside à la fois dans notre esprit et dans notre enveloppe corporelle et c'est cette union qui fait ce que nous sommes. Je pourrais m'épancher sur la nécessité de respecter cette harmonie naturelle de l'être, mais cette fois-ci, Emma, je dois vraiment me reposer.

Emma allait encore insister pour poser d'autres questions, mais elle vit les rides creusées sur le visage du vieillard et comprit qu'il avait réellement besoin de sommeil. Elle se leva du fauteuil alors que Nathanaël lui-même tirait un grognement au moment où il entreprit de quitter son siège.

— Vous pouvez utiliser une des chambres d'amis si vous le souhaitez. Si vous avez bien fait votre travail, j'imagine que celles-ci sont exemptes de toute trace de poussière. Si vous préférez rentrer chez vous, soyez prudente sur la route, s'il vous plaît, ajouta-t-il en sortant du bureau et en l'invitant à faire de même.

Emma se dirigea vers la porte à regret, car elle aurait voulu regarder la grande carte de Zéladonia de plus près.

— J'accepte votre invitation, je vais rester dormir. Si je rentre, ça va me reconnecter avec la réalité et une partie de moi ne supporte pas encore de quitter... tout ça.

— Je comprends, dit Nathanaël en fermant la porte.

— Bonne nuit.

— Bonne nuit à vous également...


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