Chapitre 19: Grégor
Ça fait des heures qu'on ne se parle plus. Juste des coups d'œil, implorants, perdus, haineux parfois, il me semble. La soif intense nous désoriente. Même assis, on est assaillis de vertiges. Les maux de tête ne nous quittent plus. Izoée a le regard terne. Où s'est donc enfui le myosotis de ses yeux ? Ethanaël et Kézian paraissent fiévreux, leur respiration est rapide et saccadée. J'ai du mal à me situer dans le temps, mais si j'en crois notre état pitoyable et la course du soleil que j'essaie de suivre à travers la toile défraichie de notre abri, notre calvaire ne devrait pas tarder à prendre fin. J'ai sondé une nouvelle fois la pupille d'Izoée pour m'en assurer. C'est fou comme je manque de confiance en moi ces derniers temps. Il faut dire que les rencontres que j'ai faites n'ont fait qu'ébranler le schéma de certitude que j'avais passé des années à ériger.
J'ai hâte de rencontrer Grégor. Je ne laisserai pas passer ma chance, pas comme pour Joséphine. Je vais l'assaillir de questions. De toute façon, je ne risque rien, j'ai vu qu'on atteindrait notre destination à temps. C'est écrit. Tout ce que pourra me faire Grégor n'y changera rien.
Ethanaël bouge sur ma droite, il essaie de se redresser. Je vois le vieillard qu'il pourrait devenir: peau grise, regard éteint, yeux cernés, lèvres exsangues et sèches. J'ai l'impression qu'il a maigri aussi. Même ainsi, il me plaît, il y a quelque chose en lui qui me rassure, comme si on était fait du même bois, comme si lui seul pouvait me comprendre. Il tente de se redresser pour m'interpeller:
— Combien... combien de temps ? me demande-t-il.
C'est juste un chuchotement. Izoée et Kézian entrouvrent un œil, ils sont intéressés par ma réponse.
— Bientôt.
Je les rassure de ce simple mot, je me sens bien incapable d'en dire plus. Je n'ai plus du tout de salive, une pâte écœurante nappe mon palais et colle ma langue. Je n'arrive pas à déglutir, pourtant une boule obstrue ma gorge. Cette soif est le pire supplice que j'ai enduré de toute mon existence. Je crois que je serai prête à livrer tous les secrets, à trahir mes valeurs et renoncer à ma mission pour une gorgée d'eau. Cette pensée m'effraie. Non, c'est impossible, je ne peux pas céder. C'est littéralement impossible !
Un frôlement de la toile à l'extérieur et le bruit d'une conversation dynamique. On se redresse tous les quatre au moment même où un homme et une femme pénètrent dans notre tente. Il s'agit de Jamie et d'un de ses acolytes. À voir leurs regards ébahis et leurs bouches arrondies, ils réalisent seulement qu'ils nous ont oubliés.
— Damned ! Mais qu'est-ce qu'ils foutent encore là ?
Jamie hurle en gesticulant. Le roquet qui l'accompagne n'a pas encore refermé la bouche. La jeune femme me dévisage, je ne bronche pas, consciente du vilain spectacle que je lui offre. Je me demande même si je ressemble encore à une humaine ou si je ne suis plus qu'une peau fripée qui se craquelle.
— Soif, réclame Izoé en levant le menton vers notre tortionnaire étourdie.
Aussitôt Jamie sort de sa torpeur, se dirige vers les packs d'eau, s'acharne sur le plastique qui les maintient et dégage plusieurs bouteilles. Elle défait nos liens, nous asperge à moitié avec une première bouteille qu'elle débouche trop vite et nous en tend une à tour de rôle qu'on a bien du mal à tenir dans nos mains engourdies. Tout ça, tandis que le roquet piétine.
— Va chercher Grégor ! lui crie Jamie.
Son ton est pressant, j'y déchiffre de l'inquiétude, de l'agacement et une forme de culpabilité. Quand son regard se reporte sur moi, j'ai le temps de fendre ma pupille pour y lire son vécu des dernières quarante-huit heures et je comprends en partie la raison de son oubli, même si je ne l'excuse pas.
Un avant-poste de son clan a été attaqué. Les assaillants ont fait cinq prisonniers, dont trois jeunes enfants. Ils ont voulu les monnayer contre de la nourriture. Mais la règle du groupe, c'est: « zéro négociation ». Les ennemis n'ont pas apprécié. Les otages ont été retrouvés morts tous les cinq, poignardés. Jamie ne déculpabilise pas. En l'absence de Grégor, c'est elle qui a suivi le protocole. Elle aimait beaucoup le petit Théo et son frère Hugo qui font partie des victimes.
J'entends les bruits de gosier de mes compagnons qui boivent avidement. Izoée s'étouffe, elle crache. Ethanaël et Kézian avalent de grandes lampées, avant de reprendre leur respiration. Quant à moi, j'ai l'impression d'être un puits percé, j'ai déjà avalé les trois quarts de ma bouteille et je ne me sens pas rassasiée.
L'ouverture de la tente s'écarte soudain et laisse passer un homme brun, jeune, imposant. Grégor. Le même que celui qui a rencontré Joséphine dans les souvenirs que j'ai volés à Michaël. Il semble n'avoir pas vieilli. Si, son regard, peut-être. Son regard a changé. Ce n'est plus celui d'un jeune homme perdu et hystérique, mais celui, décidé et incisif, d'un homme mûr.
— Jamie, explique-moi ! lance-t-il aussitôt à la jeune femme qui se décompose devant nous.
— Ils... ils rôdaient autour du campement. Tu n'étais pas là. Alors... on les a entreposés ici, comme le protocole l'exige et puis... il y a eu toute cette histoire. Je les ai oubliés, finit-elle par admettre.
Grégor secoue la tête, agacé. Il pousse Jamie et se plante devant nous.
— Alors à qui avons-nous affaire ? tranche-t-il d'un ton mauvais.
Il nous balaie du regard et une étincelle, soudain, anime sa prunelle.
— Je n'y crois pas ! Vous ?
Il a un mouvement de recul. Son visage se décompose, j'y lis la surprise, la peur, la colère peut-être aussi. Ses lèvres tremblent, ses poings se serrent, mais en quelques secondes, il se ressaisit et se recompose un visage.
— Nous sommes en code OC7 ? System 32 ?
On est interloqués, on ne comprend rien à son charabia, mais on devine à l'intonation de sa voix qu'il nous teste. Devant notre mine effarée à tous les quatre, on le voit se détendre et petit à petit, il est secoué de soubresauts avant de laisser son hilarité éclater. Un rire sonore de libération. Mes compagnons le fixent, puis me regardent. Ils attendent ma réaction, mais il faut bien dire que, pour l'instant, je suis submergée par l'émotion de cette rencontre et incapable de reprendre le fil de mes pensées. Trop d'interrogations, je n'ai pas l'habitude. Grégor se calme peu à peu et se recompose un visage sérieux. Il m'observe en secouant la tête, puis il s'intéresse à Ethanaël et Kézian et repart dans un fou rire qui me semble assez hystérique. Il n'accorde qu'un bref regard à Izoée avant de se calmer. Jamie et son second ont l'air aussi interloqués que nous. On attend tous que Grégor s'explique.
— Je savais que j'allais vous rencontrer bientôt, mais je n'imaginais pas vous retrouver dans ces circonstances. Ah ! Mes amis, on vieillit, on s'use. Notre innocence des premiers jours est loin. Vous avez sans doute déjà rencontré Wit... Joséphine ?
Son hésitation sur le prénom me fait tiquer, mais machinalement j'acquiesce d'un signe de tête et termine ma bouteille pour me laisser le temps de la réflexion.
— Qui es-tu ? je finis par demander.
Une question qui plonge une nouvelle fois Grégor dans un état d'hilarité incompréhensible.
— Nous en sommes là, cette fois. Tu as vraiment tout oublié ? finit-il par me demander. Te souviens-tu au moins de notre mission ?
Je suis méfiante, veut-il m'extorquer des informations ? Puis-je me fier à lui ? Je fends ma pupille et plonge dans ses yeux sombres, mais je me noie dans l'obscurité de mon ignorance.
— Qu'essaies-tu de faire ? m'interroge-t-il ? Tu crois vraiment que tu es capable de lire en moi ? Essaie tes tours de passe-passe sur ces deux-là, me dit-il en désignant Jamie et l'autre freluquet qui l'accompagne.
Je secoue la tête pour me ressaisir. Je dois comprendre ce qu'il se passe. Pourquoi Grégor, comme Joséphine, Kézian et Ethanaël me sont-ils inaccessibles ? Qu'est-ce qui les lie ?
— Te voilà muette ? Ce n'est pas coutumier, se moque Grégor. Mais je compatis, j'ai connu ton état. J'ai la chance d'en être sorti avant toi. Ne t'inquiète pas, je ne suis pas dangereux. Du moins, je ne le suis plus.
Il regarde Kézian et prend une mine contrite.
— Toi, je t'avais repéré à Rennes. Mes hommes étaient chargés de te capturer, mais apparemment tu as affiné tes dons, ils m'ont dit que tu t'étais volatilisé. Finalement, c'est une bonne chose qu'ils ne t'aient pas ramené ce jour-là, j'étais encore dans une phase de colère qui aurait pu t'être fatale. Rassure-toi, j'en suis plus là. J'ai réussi à accepter les deux parts de mon être cette fois, j'ai trouvé un équilibre. Il m'a fallu du temps...
— Mais bon sang, c'est quoi ce charabia ? s'agace Izoée, la seule qui ait retrouvé sa verve. On vient de passer des heures à croupir sous cette tente sans nourriture ni eau. Et vous nous narguez avec vos énigmes ? Qu'est-ce que vous allez faire de nous ? On est vos prisonniers ?
— Oh là ! Du calme, ma belle ! s'amuse Grégor. Désolé, on n'a pas été présentés. Je connais tes compagnons de voyage, mais toi, tu sembles avoir un sacré caractère, ça ne m'étonne pas qu'ils t'aient enrôlée. Il faut avoir une grande force mentale pour les suivre sans rien savoir de sa destinée, non ?
Il lui adresse un clin d'œil qui la fait enrager et Kézian sort pour la première fois de son mutisme.
— Tu te calmes, mon gars avec tes insinuations. Et tu nous expliques ton rôle. Tu dis que tu voulais me capturer, mais je te connais même pas. T'es juste un grand malade.
— Oui, malade de toute cette folie, je l'ai été longtemps, mais ça va mieux. Pour répondre à ta copine, je ne cherche absolument pas à vous retenir, bien au contraire. Vous êtes libres et je vous conseille d'ailleurs de partir au plus vite, sinon vous allez louper votre rendez-vous. Tu te souviens du rendez-vous, n'est-ce pas ? me questionne-t-il en se retournant soudainement vers moi.
Toujours muette comme une carpe, je hoche la tête. Je n'arrive pas à comprendre, j'ai un bug. Quelque chose m'a grignoté le cerveau ou quoi ? Rien n'est cohérent. Je pensais prendre l'avantage sur ce Grégor, le cuisiner et lui soutirer les informations qui me manquaient, mais son attitude me laisse perplexe. Je ne trouve rien à dire.
— Zax, ça va ? me demande Ethanaël qui s'est rapproché de moi et s'étonne de mon attitude si apathique.
— Zax ? Tu te fais appeler Zax, cette fois ? Ça te va bien, commente Grégor. Et toi, Neftal, quel nom as-tu choisi pour cette période ?
Il s'adresse à Ethanaël. Celui-ci reste interdit et secoue la tête.
— Mais, il va vraiment pas bien, ce type, s'empresse-t-il de dire.
Je sens que quelque chose l'a troublé. Il a les sourcils froncés et il passe machinalement une main sur ses lèvres.
— Grégor, si c'est bien ton nom, je commence, pourrais-tu nous expliquer plus clairement qui tu es et pourquoi tu nous connais ?
J'essaie de rester très calme, de paraître posée pour montrer que je maîtrise la situation, autant pour mes compagnons d'aventure qui croient en moi que pour me donner le temps d'accepter cette nouvelle condition.
— Non, Zax, je ne peux pas. Je ne veux pas éveiller tes souvenirs ni les leurs. Sachez juste que je ne suis pas votre ennemi, mais plutôt un très vieil ami avec lequel vous avez eu quelques querelles. Je ne suis plus d'accord avec vous, alors j'ai décidé de faire bande à part, comme celle que vous appelez Joséphine.
— Mais qu'est-ce que tu racontes, on ne te connaît pas, s'agace Kézian. C'est quoi ton délire, mec ?
— Mon pauvre ami, on n'a jamais vraiment été sur la même longueur d'onde tous les deux. Il faut dire que l'on est aux antithèses. Cela n'est pas notre faute, ça a été voulu ainsi. J'ai décidé d'arrêter de me prendre la tête avec toi. Mon chemin s'arrête ici et je te souhaite une réussite dans le tien, même si, selon moi, votre entreprise est vouée à l'échec.
— Zax, m'interpelle Kézian, tu y comprends quelque chose ?
Je secoue la tête et décide de reprendre la main. Il faut que je me ressaisisse et que j'obtienne des réponses. Je ne veux pas partir frustrée comme je l'ai été après notre contact avec Joséphine.
— Si tu connais ma mission, je tente, en m'adressant à Grégor, tu dois venir avec nous.
Son regard s'assombrit d'un coup, sa voix devient tranchante.
— Non, c'est non ! Je ne recommencerai pas un cycle. Tu sais que ça nous détruit ! D'ailleurs comment vont tes yeux ?
Sa question me glace. Ce type n'est pas un fou, il me connaît vraiment. Comment peut-il savoir pour mes yeux ?
Il m'observe attentivement, comme un médecin, il étudie mes pupilles.
— Hum, il semblerait bien que la cécité se rapproche encore plus rapidement que la dernière fois. Ça serait dommage de ne pas pouvoir voir tes compagnons lors des adieux, tu ne trouves pas ?
Je n'arrive vraiment pas à le cerner. Parfois, j'ai l'impression qu'il compatit, il semble triste, même ému et à d'autres instants, comme maintenant, il paraît éprouver une satisfaction morbide à m'asséner des horreurs. Une chose est sûre, il sait des choses sur moi que j'ignore.
— Bon, lâche-t-il soudain, c'est pas tout ça, mais j'ai une vie à mener, moi. Il me reste encore de belles années rien que pour moi et je n'ai pas envie de gâcher plus de minutes avec vous. Je vous dis adieu et je ne vous cache pas que ça me serre un peu le cœur, mais cette fois, j'ai les rênes en main.
Il balaie du regard la pièce, s'attarde sur chacun de nos visages, secoue la tête quand il arrive à Izoé et me regarde tristement.
— Tu vas souffrir encore cette fois, je ne sais pas combien de temps tu vas tenir et jusqu'à quand ces deux-là vont te suivre. Une belle réussite que cette programmation-là, apparemment. Adieu les amis.
Il nous tourne le dos, donne des indications à Jamie et à l'homme qui l'accompagne et sort de la tente.
Finies les résolutions et la belle maîtrise de moi-même que j'affiche depuis le début, je ne veux pas qu'il parte, je ne veux pas en rester là avec toutes ces questions qui me picorent le cerveau, alors je hurle.
— Grégor !
Le pan de la toile d'entrée de la tente frémit, deux doigts y sont agrippés.
Je perçois l'hésitation, mais il part malgré les cris que je pousse encore. Je me lève pour le rattraper, mes jambes ankylosées me portent à peine. Je suis vite arrêtée par Jamie et son acolyte.
— Stop ! m'ordonne la jeune femme. Grégor en a fini avec vous, mais il va vous faire un cadeau d'adieu.
Elle sort de la tente, nous laissant en compagnie du roquet bien campé sur ses jambes, visiblement prêt à nous remettre à notre place si l'on tente quoi que ce soit.
Dépitée, je me laisse glisser au sol après avoir débouché une autre bouteille d'eau que je bois tout aussi avidement que la première.
C'est quand je reprends mon souffle que mes compagnons m'assaillent de questions.
— Alors, tu y as compris quelque chose ? me demande Ethanaël.
— On est vraiment libres de partir, tu crois ? s'inquiète Kézian.
Izoée repousse les boucles rebelles de mon front et me regarde droit dans les yeux.
— Zax, j'ai l'impression que tu ne contrôles plus rien. Tu sais où tu nous emmènes et pourquoi ?
Je me dégage de sa tendre emprise et bois le fond de ma bouteille pour me donner le temps de reprendre mes esprits. Mes chers compagnons de voyage, comme cela me fait mal de vous mentir, surtout à toi mon Izoée adorée. Je ne sais pas ce qu'il me pousse à agir ainsi, cela vient du fond de mes entrailles. Un ordre auquel je ne peux en aucun cas
désobéir. Un ordre terrible dont les conséquences vont me détruire.
Je me force à sourire et mes lèvres sèches se fendillent laissant perler une goutte de sang.
— Je sais où je vais, mon Izoée, ne t'inquiète pas. C'est vrai qu'il y a des événements que je ne contrôle pas, mais notre but n'a pas changé.
Comme je la vois soupirer, apaisée ; comme le bleu de ses yeux scintille, la culpabilité m'étrangle et je crois bon d'ajouter dans un souffle:
— Par contre, je ne pourrais pas t'emmener jusqu'au bout.
Ça fait des jours que j'ai envie de faire sortir ces mots, mais qu'ils restent coincés dans ma gorge meurtrie. Ça y est c'est dit, mais j'en suis à espérer qu'elle n'ait pas entendu.
— Quoi ! s'étouffe-t-elle.
Ses yeux effarés prennent Kézian et Ethanaël à témoin, mais ils n'ont pas entendu ce que j'ai chuchoté juste pour elle.
— Zax ? m'interpelle-t-elle.
Elle ne peut plus parler, la peine lui entrave les cordes vocales. La bouche ouverte, une main tendue vers moi, elle attend des explications qui ne viendront pas. Je la serre très fort dans mes bras, je pleure dans ses cheveux soyeux, j'ai mal comme si mes tripes ne formaient plus qu'une boule dure et inextricable.
— Pardonne-moi, pardonne-moi, s'il te plait, pardonne-moi, je la supplie.
Des paroles au creux de son oreille, juste pour elle et moi. Kézian s'est approché, il a vu le malaise de sa « chérie ». Il tend l'oreille, il veut comprendre ce que l'on mijote, ce que je mijote. Les sourcils froncés, il lit le visage d'Izoée et m'interroge du regard, tandis qu'Ethanaël crispe les mâchoires en secouant doucement la tête.
Lui, c'est le plus perspicace de tous. Il a flairé quelque chose.
Je n'aurais pas besoin de chercher midi à quatorze heures pour leur trouver des explications à tous, car pour une fois la providence m'offre la diversion idéale.
Jamie est de retour avec un sac plastique souillé. Elle me le tend.
— Tiens, dit-elle, Grégor pense que ça te sera utile, là où tu vas !
Je sais ce que c'est, je l'ai vu dans sa pupille lorsqu'elle m'a donné le sac avec dégoût. Elle a aidé Grégor à la déterrer. Il l'avait caché dans un tas de fumier. Sacré choix de cachette. Il ne pensait sans doute pas devoir la sortir de là un jour, il voulait l'oublier.
Ethanaël, Kézian et Izoée sont penchés sur le sac et découvrent en même temps que moi la pierre souillée, mais luisante. C'est un triangle sombre, aux arêtes ébréchées, un sommet luit particulièrement, il est recouvert de platine comme la clé que j'ai volée chez Anton et Dents Jaunes.
— C'est quoi ce truc ? demande Kézian en se pinçant le nez.
Il exagère l'odeur du fumier qui imprègne le triangle de pierre, n'est rien à côté de nos odeurs corporelles mêlées. Les bienfaits de la douche chez Joséphine sont bien loin.
— Une clé, je lui réponds. Ta clé.
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