*

"Les regrets ont la beauté des fleurs sur les tombes. Ils se fanent là où on les dépose."
✐ 𝐌𝐞𝐥 𝐀𝐧𝐝𝐨𝐫𝐲𝐬𝐬

DÉBUT

꧁ Analepse ꧂

Le coucher du soleil s'était entamé depuis un bon moment déjà, laissant l'obscurité s'installer progressivement dans la ville de Tokyo. À cette heure-ci, la plupart des gens quittaient leur travail pour rejoindre avec hâte leur logement.

Mais malheureusement, ce n'était pas le cas de Yuta.

Retenu dans une salle de classe par quatre adolescents au tempérament agressif, il se trouvait dans l'incapacité de rentrer chez lui. Car oui, depuis quelque temps, ces brutes prenaient un malin plaisir à l'intimider. Pire, ils comptaient maintenant passer aux violences physiques. Après que la sonnerie annonçant la fin des cours eût retenti, l'adolescent n'avait pas pu poser un pied en dehors de la salle de classe qu'elles s'étaient imposées à lui. Si les cours étaient terminés, l'enfer qu'il allait vivre ne faisait quant à lui que commencer. Yuta le savait ; il allait être condamné à les écouter se moquer de lui, à les regarder le toiser avec arrogance, et certainement à sentir leurs poings asséner des coups dans tout son corps.

À moins que...

-Ça faisait un p'tit moment qu'on s'était pas parlé, Yuta.

Adossé au mur, ce dernier sentait ses membres trembler sous l'effet de la peur.

-Arrête, laisse-moi tranquille...

Mais ses protestations eurent pour seul effet d'amuser encore plus ses persécuteurs.

-Pauvre petit ! Si tu continues tu vas finir par m'faire pleurer !

Très rapidement, la main de Yuta s'était agrippée à son bras, comme pour ériger une barrière entre son corps et la brute qui se tenait en face de lui.

-Laisse-moi, j'te dis...!!

-Ça va pas être possible, ça me demangeait depuis trop longtemps d'te tabasser !

Plus il en rajoutait, plus la pression qu'exerçait Yuta sur son bras s'intensifiait.

-Mets-toi à ma place ! Avec une tête comme la tienne, c'est dur de résister ! Allez !

-Arrête...

-Ben voyons, faut pas m'provoquer comme ça !

Tandis que ses amis ricanaient derrière lui, le chef de la bande fit un pas en direction de Yuta.

-Tu peux être sûr que ça va mal finir pour toi !

Ses grosses mains s'approchèrent de lui, faisant s'accélérer son rythme cardiaque.

-Nan, s'il te plaît !! s'écria-t-il, au bord du désespoir.

Mais comme la brute ne semblait pas prête à arrêter, il n'eût d'autre choix que de se servir de sa seule et unique protection :

-RIKA !!

-De qui tu parles ? s'enquit son bourreau, sans pour autant accorder de l'importance à ce mot.

Sitôt que son prénom eût été prononcé, la créature sortit de l'ombre. Discrètement, elle approcha ses longues mains de sa tête et les posa de sorte à lui boucher la vue. Puis elle le tira violemment en arrière, lui arrachant un cri. Elle ne mit d'ailleurs pas longtemps à réitérer l'acte avec les trois autres persécuteurs.

Quelques minutes plus tard, voilà que Yuta se maudissait d'avoir fait appel à elle. Désormais assis contre le mur, les genoux ramenés contre son torse, il laissait s'échapper depuis ses yeux des flots de larmes intarissables. « Je suis désolé » telle était la phrase qu'il ne faisait que répéter à voix haute.

À côté de lui, le casier dans lequel son fléau protecteur avait encastré ses bourreaux venait de s'entrouvrir. Progressivement, leur sang frais s'en échappait et venait déferler sur les pieds du jeune adolescent, le faisant frissonner de plus belle.

À présent, la pièce baignait dans l'obscurité. Et ici, de par sa lâcheté, Yuta Okkotsu venait de tuer quatre de ses camarades de classe.

꧁ Fin de l'analepse

Il croyait aller mieux. Oui, il était persuadé que la libération de Rika lui permettrait de faire table rase du passé, et ainsi d'avancer. Mais non, ce n'était pas le cas. Celui-ci persistait, s'accrochait à lui comme une puce avide de sang. Ce parasite, aussi minuscule soit-il, avait infiltré sa tête et y avait élu domicile, prenant soin de contaminer ce qui s'y trouvait par des bactéries du nom de "regrets". Depuis quelque temps, il le dévorait de l'intérieur.

Comme il avait l'habitude de le faire depuis plusieurs mois, Yuta s'était rendu au cimetière. Il se tenait devant la tombe de l'un des adolescents qu'il avait indirectement tués.

-C'est de ma faute, marmonna-t-il d'un ton morose. Tout est de ma faute.

Yuta n'était pas du genre à se voiler la face. Si ses persécuteurs avaient perdu la vie, c'était parce qu'il avait fait appel à Rika. C'était sa décision, celle-ci n'était que la complice de son meurtre ; un meutre qu'il regrettait terriblement d'avoir commis.

Des regrets. Toujours des regrets.

Il aurait voulu voyager dans le temps, et plus particulièrement dans le passé. Ainsi, il aurait pu laisser son amie mourir sans que son égoïsme ne la supplie de rester à ses côtés, et n'aurait pas été en mesure d'ôter la vie à qui que ce soit. Il serait devenu fort et assuré, du moins suffisamment pour faire face à ces brutes. Le sang n'aurait pas coulé, tout comme la responsabilité de celui-ci ne l'aurait pas incombé.

Le soleil venait d'achever son endormissement, alors Yuta se hâta de faire ce qu'il avait prévu en venant au cimetière : il piocha des roses, une par une, dans le bouquet qu'il tenait entre les mains, et vint les poser délicatement sur chacune des quatre tombes.

Je leur dois bien ça.

Puis il tourna les talons, avec pour dessein de rentrer chez lui sans se perdre dans l'abysse de la nuit tombante.

***

꧁ Analepse ꧂

-C'est pour toi Yuta ! déclara-t-elle. J'te souhaite un bon anniversaire !

Cet après-midi-là, le soleil d'été offrait à Tokyo ses rayons les plus lumineux. Rika et Yuta, âgés d'une dizaine d'années, profitaient du beau temps en s'amusant dans le bac à sable du parc.

-Oooh merci c'est trop gentil !! s'exclama le petit garçon. Est-ce que je peux l'ouvrir ?

-Vas-y !

-T'es certaine ?

-Vas-y j'te dis !! s'impatienta-t-elle.

Un rire s'échappa de la bouche de Yuta, puis il ouvrit la boîte que son amie lui avait offerte. Il y découvrit un joli bijou, qu'il prit du bout des doigts.

-Tu m'offres une bague ? s'étonna-t-il.

-C'est une bague de fiançailles ! rectifia-t-elle.

-De fianquoi ?

Doucement, l'auriculaire de Rika vint s'entremêler avec celui de Yuta, sous le regard émerveillé de ce dernier.

-C'est une promesse, ajouta-t-elle. Cette bague en est le symbole. Une fois qu'on sera grands, j'voudrais qu'on se marie toi et moi !

Sur ces mots, elles lui adressa un tendre sourire.

Un sourire qui, malheureusement, ne parvint pas à égayer la journée de Yuta. Pourquoi ? Parce que celle-ci s'acheva d'une façon on ne peut plus tragique.

Il commençait à se faire tard, c'est pourquoi les deux amis avaient pris la décision de quitter le parc pour rentrer chez eux. Mais alors qu'ils traversaient la route, une voiture arrivant à toute allure renversa violemment Rika, sous les yeux horrifiés de Yuta. Ce dernier, qui ne s'était quant à lui pas encore élancé sur la voie, vit une marre de sang frais s'étaler sous les lambeaux de chair de sa meilleure amie.

Traumatisé par cette scène et par tout ce qu'elle signifiait, il ne pouvait se résoudre à accepter la mort de Rika. Elle était son unique amie, la seule personne au monde avec qui il arrivait à être lui-même, et il était persuadé qu'ils avaient encore plein de choses à vivre ensemble. Mais par-dessus tout, ils avaient conclu une promesse - celle de se marier lorsqu'ils seraient plus âgés - et Yuta voulait à tout prix la tenir.

C'est pour cette raison qu'il la maudit, bien qu'inconsciemment. Il la condamna à rester à ses côtés pendant six ans, à sévir autour de lui sous la forme d'un redoutable fléau, avant qu'il ne comprenne ce qu'il avait fait et parvienne à la libérer une bonne fois pour toutes.

꧁ Fin de l'analepse ꧂

Yuta se réveilla en sursaut, avant de lâcher un profond soupir. Il se trouvait dans son lit et, comme toujours, son passé venait de refaire surface au beau milieu de son sommeil.

Il se redressa et jeta un œil à son réveil.

3h27.

Il soupira de nouveau. À l'évidence, sa nuit venait de prendre fin. Cela faisait plusieurs mois - depuis la libération de Rika, encore une fois - que ses nuits s'écourtaient au bout de quelques heures seulement. Et comme Yuta n'arrivait pas à s'endormir plus tôt, il lui était impossible de remédier naturellement à ses insomnies.

Et soudain, il y repensa. Il repensa à la solitude qu'il avait ressentie suite à la mort de Rika, celle qui s'était de nouveau imposée à lui dans ce rêve. Il se souvint du sentiment d'être abandonné par la seule personne qui comptait pour lui ; ce même sentiment qui l'avait poussé à la garder auprès de lui pendant toutes ces années.

Rika avait beau lui avoir assuré qu'elle ne lui en voulait pas le moins du monde pour cette histoire de malédiction, lui n'arrivait pas à faire de même - et ce n'était pas seulement en raison de toutes les victimes que celle-ci avait causées. En effet, s'il ne se sentait déjà pas bien quand elle était fléau à ses côtés, son mal-être s'était aggravé lorsqu'il l'avait délivrée. Il avait incorporé la morosité.

Yuta avait terriblement envie que son amie revienne auprès de lui, et cette pensée redondante avait le don de le dégoûter de lui-même.

Dans un geste mou, Yuta s'extirpa de son lit et se rendit dans la cuisine de sa maison. Ressentant le besoin de boire un coup, il se questionna sur le choix de la boisson. Comme Satoru lui avait appris quelques jours plus tôt - lorsqu'il avait aperçu les cernes qui flottaient sous ses yeux - que le lait aidait à s'endormir, l'adolescent opta pour cette option. Il sortit un verre d'un des placards, ouvrit le réfrigérateur pour attraper son remède quand soudain, il entendit un bruit de pas. Il se stoppa net, puis tendit l'oreille.

Au vu du faible volume et de la légèreté qui en émanaient, cette personne se trouvait probablement en dehors de la maison.

C'est pourquoi Yuta s'avança en direction de la porte d'entrée, abandonnant alors son verre vide et sa brique de lait sur la table de la cuisine. Il l'ouvrit avec prudence, sortit de chez lui et se mit à faire le tour de sa maison, en laissant ses pieds tremblotants s'appuyer sur le parquet de l'extérieur.

-Il... il y a quelqu'un ? s'enquit-il d'une voix peu assurée.

Pas de réponse.

Il continua son petit tour, la peur s'emparant progressivement de lui. Qui pouvait bien se pointer chez lui à une heure pareille ? S'agissait-il d'un cambrioleur ? D'un assassin ? Mais si c'était le cas, pourquoi ce dernier rodait-il autour de la maison sans chercher à la pénétrer ?

Et s'il cherchait justement à m'attirer dehors ?! réalisa-t-il.

Persuadé de s'être embarqué dans une situation périlleuse, Yuta sentit ses tremblements s'exacerber.

-Yuta ! l'appela une voix.

Cette dénomination subite le fit sursauter.

Qu'est-ce que...?

Instantanément, son angoisse s'envola comme un ballon dont il aurait perdu la ficelle. Ayant compris d'où cet appel provenait et qui en était à l'origine, il s'élança en direction de la forêt qui bordait le terrain de sa maison. Il s'y engouffra, se faufila entre les arbres jusqu'à atteindre la clairière, où il se stoppa net.

Elle était là, à quelques mètres de lui. Sa silhouette très fine - semblant presque fragile - se tenait devant Yuta. Il redécouvrait ses longs cheveux bruns aux reflets roux, son sourire aguicheur ainsi que son envoûtant regard oburne. En revanche, il s'étonnait d'autant plus de la voir aussi grandie. La petite fille qu'il avait connue semblait être devenue une adolescente du même âge que lui.

-R-Rika...? bredouilla-t-il, ébahi.

-C'est moi !

Yuta avait beau avoir reconnu sa voix, il s'attendait à ne rien trouver dans cette forêt - encore moins une personne supposée être décédée depuis six ans - et se rendre compte qu'il avait halluciné.

-Qu'est-ce que... Comment tu...

-Ne pose pas de questions, l'interrompit-elle calmement. Je suis là ! C'est tout ce qui compte, non ?

L'adolescent aux cheveux de jais aurait voulu lui répondre "Oui, tu as raison" pour ensuite la prendre dans ses bras ; mais à place, il demeura silencieux, submergé par un océan d'interrogations qu'il ne serait à priori jamais en mesure d'assécher.

-C'est... c'est toi qui rodait autour de chez moi ? demanda-t-il tout de même.

-Oui, haha. Je voulais te voir mais j'osais pas entrer, alors... je t'ai attiré dehors !

-Ah, d'accord...

Un ange passa.

-Tu comptes retourner te coucher ? s'enquit-elle.

-Eum... non, répondit-il presque aussitôt. Je n'arriverai pas à me rendormir, de toute façon.

Il se mit à fuir le regard de Rika afin de parvenir à poursuivre :

-Et puis, comme tu es là... j-je préfèrerais passer du temps avec toi.

Cette réponse eut pour effet de faire naître un nouveau sourire sur le somptueux visage de l'adolescente.

-Parfait. Dans ce cas, j'te propose d'aller faire un tour ! suggéra-t-elle en s'approchant vivement de lui.

Cette proximité soudaine déstabilisa encore plus le jeune homme qu'il ne l'était déjà.

-Si... si tu veux.

Sitôt qu'il eut accepté son offre, la main de sa meilleure amie plongea dans la sienne, resserra sa prise et l'entraîna avec elle.

***

Ça faisait une trentaine de minutes qu'ils marchaient côte à côte. Venant d'achever leur traversée de la forêt toute entière, les deux adolescents s'aventuraient désormais dans l'une des sombres rues de Tokyo.

-Ça faisait longtemps que j'étais pas venue traîner ici, fit-elle remarquer. Ça n'a pas changé !

Depuis le début de la balade, Rika faisait la conversation toute seule. Son ami aux cheveux de jais la suivait sans piper mot.

-Oooh, regarde ! s'exclama-t-elle après avoir levé la tête. Le ciel est constellé d'étoiles !

Mais Yuta n'imita pas son geste. Il se contenta de marcher à la même vitesse qu'elle, encore et toujours, le regard vide comme le néant.

-Ça va pas, Yuta ? finit-elle par lui demander, avec inquiétude.

L'intéressé cessa brusquement d'avancer.

-Écoute, Rika... Je suis vraiment content de te savoir en vie...

Ses yeux croisèrent ceux de la jeune fille, et c'est à ce moment-là que cette dernière découvrit la lueur de frustration qui y siégait.

-...mais si tu crois qu'on peut tout reprendre sans que tu me donnes la moindre explication, tu te trompes.

Cette fermeté eut le don de la surprendre, d'autant plus qu'elle venait de lui.

-Il y a six ans, je t'ai vue mourir sous mes yeux après que tu te sois faite renverser par la voiture. Puis je t'ai regardée disparaître quand je t'ai libérée de la malédiction, il y a quelques mois...

Au moment où il prononçait le nom de ces événements, ceux-ci lui revenaient douloureusement en mémoire.

-...alors comment c'est possible que tu sois en vie ? l'interrogea-t-il en plongeant son regard sérieux dans celui de la jolie brune.

Étrangement, cette dernière ne parvint pas à le soutenir très longtemps.

-Je... je te promets de tout te raconter, répondit-elle. Vraiment.

Elle laissa échapper un soupir, puis reprit :

-Mais est-ce ça peut attendre la fin de la journée ? S'il te plaît.

-Mhm... d'accord.

Quoique le sourire de Rika s'apprêtait à faire son grand retour, il fut stoppé par la vue d'une expression peu convaincue sur le visage de son meilleur ami.

-Il y a autre chose ? s'enquit-elle de nouveau.

L'adolescente le dévisagea longuement, attendant patiemment qu'il daigne cracher le morceau.

-Je... je voudrais m'excuser, lâcha-t-il dans un souffle.

-Pour quelle raison ?

-Pour t'avoir maudite...

Cette réponse ne la surprit pas tant que ça.

-Je ne t'en veux pas, Yuta, répliqua-t-elle sincèrement.

-Pourtant, il y a de quoi...

-Ce n'était pas de ta faute.

-Si, parce que c'est moi qui ai choisi de t...

-Tu n'en avais pas conscience, à ce moment-là. Donc non, tu n'y es pour rien !

Son attitude pleine de certitude et de positivité contrastait gravement avec la culpabilité et la perplexité que Yuta éprouvait.

-Mais j'ai... je t'ai... forcée à tuer des personnes...

Lorsqu'il avait formulé à voix haute ce qui le tracassait tant, sa voix s'était brisée. Et ça, son amie l'avait remarqué. C'est pourquoi elle s'approcha de lui pour le prendre délicatement dans ses bras.

-Tu as commis des erreurs, mais rien ne t'oblige à les laisser te hanter jusqu'à la fin de ta vie, dit-elle d'une voix douce. Tu peux les laisser derrière toi et recommencer à avancer.

-Mais comment est-ce qu'on fait ? Elles me... elles me collent à la peau.

-Il faut que tu arrives à te les pardonner, Yuta. C'est le premier pas vers la guérison.

Cette étreinte était d'une douceur inouïe. L'adolescent se sentait bercé par l'odeur de la chevelure de Rika, tandis que sa chaleur corporelle contribuait à le réconforter, au delà des mots. Il ressentait toute la bienveillance qu'elle souhaitait lui apporter, et son corps se délectait de cette belle sensation.

-Ensuite, tu devras te fixer l'objectif de devenir une meilleure personne. Désormais, ces erreurs ne seront plus qu'un lointain souvenir qui ne servira qu'à te rappeler le chemin que tu as parcouru.

La profondeur de ses paroles était inattendue, venant d'une fille supposée être simple et ne pas se prendre la tête. Il fallait croire que Yuta ignorait encore beaucoup de choses à son sujet. Manifestement, la vie les avait séparés trop tôt.

Mais maintenant qu'elle nous a de nouveau réunis, on va pouvoir apprendre à mieux se connaître...

Depuis quelques secondes déjà, l'adolescente s'était détachée de lui. Bien que son corps le suppliait de lui réclamer un nouveau câlin, Yuta demeurait silencieux. Il observait minutieusement le visage de Rika, dont les traits semblaient avoir été dessinés par un artiste de renom. Il ne pouvait pas s'empêcher de la trouver sublime, et cette opinion ne fit que s'accentuer lorsqu'elle se remit à marcher avec une grâce ainsi qu'une finesse sans pareille.

-Allez, viens ! reprit-elle avec entrain. On va épier l'intérieur des immeubles !

***

Après trois heures de balade, nos deux amis avaient décidé de se rendre chez Yuta. Le long moment qu'ils avaient passé à regarder les habitats à travers leurs fenêtres tout en discutant de tout et de rien les avait mis de bonne humeur ; même l'adolescent torturé par ses fautes semblait mieux se porter.

-Où sont tes parents ? demanda Rika, qui n'avait pas entendu le moindre bruit depuis qu'elle avait pénétré sa maison.

-Ils sont en voyage d'affaire depuis le début de l'été, expliqua-t-il.

-Et ta petite sœur ?

-Ils l'ont envoyée dans une colonie de vacances juste avant leur départ.

-Attends attends... Ça veut dire qu'on a la maison pour nous tout seuls ?

-H-Hum... oui.

Moment de gêne.

-Allons dans ta chambre ! déclara-t-elle subitement.

À nouveau, elle lui prit la main et l'entraîna avec elle vers... la bonne porte.

Elle se souvient vraiment de l'endroit où se trouve ma chambre ?!

-Très jolie chambre ! commenta-t-elle une fois qu'elle y fût entrée.

D'une aise déconcertante, elle se jeta sur le lit trônant dans la pièce.

-Ça te dit de jouer à Anonystoire ? suggéra-t-elle, étalée de tout son long sur la couette de Yuta.

-Anonystoire ? répéta ce dernier. Qu'est-ce que c'est ?

-Un jeu super drôle à faire à plusieurs !

-Eet... en quoi ça consiste ?

La jeune fille se redressa vivement dans le but de lui faire face.

-En fait, ça consiste à écrire une histoire ensemble sur une feuille, développa-t-elle. Chacun son tour, on va écrire une ou deux phrases dessus, puis plier la feuille avant de la passer à l'autre. Comme ça, celui-là ne sait pas ce qui a été écrit juste avant et l'histoire n'a aucun sens ! C'est ça qui est marrant !

-Je suis pas sûr d'avoir tout saisi... mais on peut essayer.

Sitôt qu'elle eût hoché la tête avec enthousiasme, Rika lui demanda où est-ce qu'elle pouvait trouver une feuille et un stylo. Sur la réponse de Yuta, elle se les procura puis plaça la feuille devant elle.

-C'est moi qui vais commencer l'histoire, alors je te laisse faire ce que tu veux jusqu'à ce que j'ai fini ! expliqua-t-elle.

-D'accord...

Ce fut au tour de Yuta de s'allonger sur le lit, laissant son regard scruter le plafond comme il avait l'habitude de le faire. À force, l'adolescent avait fini par connaître par cœur chacun de ses recoins.

-C'est bon, lâcha-t-elle au bout d'un moment. Maintenant, c'est à ton tour de faire une phrase !

Yuta se redressa.

-Je peux écrire tout ce que je veux ? s'enquit-il. Ou il y a des règles à respecter ?

-Ah oui, il faut juste que je te donne le genre du personnage principal que j'ai créé ! J'avais oublié, haha. Du coup, c'est une fille.

-Ok.

Ainsi, il commença à rédiger la suite de l'histoire en y allant à l'instinct.

-J'ai faim, lâcha Rika. T'as des trucs à grignoter ?

-Hum... on doit avoir des chips dans la cuisine, répondit-il tout en restant concentré sur les lettres qu'il traçait. Va voir dans l'étagère à côté de la porte d'entrée.

-D'acc ! J'reviens.

Lorsqu'il eut terminé, Yuta attendit patiemment que son amie se ramène avec la nourriture pour lui confier la feuille, où la phrase qu'il avait écrite avait été pliée afin de rester cachée.

Pendant une dizaine de minutes, ils ancrèrent tour à tour leurs idées sur le papier. Les mains plongeaient de temps en temps dans le paquet de chips, le stylo se mouvait constamment sur la feuille, tandis que l'espace de cette dernière décroissait progressivement - il en était de même pour le contenu du paquet de gâteaux apéro.

-Et hop, c'est fini ! déclara Rika, qui venait de remplir la dernière étendue blanche disponible. Il ne nous reste plus qu'à voir le résultat !

Sur ces mots, elle s'affaira à déplier le papier. Avec le dynamisme dont elle faisait preuve, il ne lui fallut pas longtemps pour effectuer cette tâche et démarrer sa lecture :

Rika : Il était une fois une mamie qui aimait faire ses besoins dans la gamelle de ses chats.

Cette seule phrase suffit à écarquiller les yeux du garçon.

Yuta : Un soir, alors qu'elle venait de passer la pire journée de sa vie, elle décida de s'asseoir devant sa cheminée et de laisser ses yeux se perdrent dans la couleur écarlate des flammes.

Rika : Depuis quelques mois, mamie n'arrivait plus à faire caca. Elle alla donc voir un médecin, qui lui dit :

Yuta : Quelle vie de merde. Elle n'avait aucune issue, elle était piégée sous cette avalanche de problèmes.

Rika : Mais mamie ne voulait SURTOUT PAS changer son régime alimentaire ! C'est pourquoi elle prit une décision radicale :

Yuta : Elle s'approcha du feu crépitant dans la cheminée. La mort l'appelait comme si sa place à ses côtés. Que devait-elle faire ?

Rika : Elle prit sa voiture et décida de la conduire avec ses pieds. Mais sur le chemin, elle renversa une poubelle pailleté. MAIS CE N'ÉTAIT PAS UNE POUBELLE, EN RÉALITÉ, C'ÉTAIT...

Yuta : Une brioche à moitié dévorée. Voilà tout ce qu'il restait de ses parents, morts aujourd'hui dans un accident de la route.

Rika : Mamie Poulette Salami Poutine Raisin Sec ne s'attendait pas à trouver ça devant sa belle voiture CASALINI SULKY. Elle décida de ramasser l'objet et...

Yuta : Soudain, les flammes se jetèrent sur elle avec une fougue sans pareille. Elle se mit à hurler, hurler et hurler, si fort que...

Rika : BOOM !!! Un illuminati lui tomba sur la tête. Mamie tomba amoureuse et décida de se marier avec lui (je parle de son popotin). Le jour du mariage...

Yuta : Son mari vint à sa rescousse. Il s'empara de l'extincteur le plus proche et arrosa sa femme jusqu'à ce que le feu s'éteigne. Pour son plus grand bonheur,

Rika : Le magnifique fessier de l'illuminati se mit à projeter de la lumière partout tel une boule disco ! Mamie réussit à chier de nouveau dans une gamelle, mais cette fois, elle n'était pas pour ses chats.
FIN !
Morale : Mouchez-vous dans votre médecin, puis jetez le dans une poubelle pailletée.

Les yeux de Yuta n'avaient jamais été aussi ronds.

Je m'attendais pas à... ça.

-T'as une imagination débordante, dis voir...

-Haha, je sais !!

Rika semblait on ne peut plus fière d'elle.

-En tout cas, j'adore le résultat !! ajouta-t-elle sur le même ton.

-C'est vrai que ça rend bien, approuva Yuta. Et en même temps, ça n'veut pas dire grand chose...

-Ouais, mais c'est ça qui est hilarant !

Son sourire pouvait s'apparenter à un rayon de soleil, tant il illuminait son visage.

-Au fait, Yuta... tu écris merveilleusement bien, sache-le.

Le garçon ne s'attendait pas à un tel compliment, c'est pourquoi il balbutia :

-A-Ah bon, tu trouves ?

-Oui, vraiment ! confirma la belle adolescente, dont les yeux étaient imbibés d'émerveillement. Tes phrases sont hyper profondes, et tes formulations magnifiques !

Ces sincères éloges touchèrent son ami, faisant rosir ses joues.

-Oh, et ben... merci !!

Une douce chaleur se manifesta dans le creux de son ventre.

-De rien, fit Rika. Tu as un don, j'te jure ! Il faut à tout prix que tu l'exploites !

-Je vais y réfléchir...

Et si elle avait raison ? Et s'il possédait véritablement un talent pour l'écriture ?

C'est seulement à ce moment-là que Yuta se rendit compte de la chance qu'il avait de connaître cette adorable fille, aussi charmante qu'agréable.

Cette même fille qui provoquait en lui de délicieuses sensations de bien-être, dont il ignorait l'origine.

***

Le serveur leur souhaita un bon repas, puis s'éloigna avec son plateau dans les mains.

-Tu... tu vas vraiment tout manger ? s'enquit Yuta, ahuri par la montagne de nourriture - commandée par Rika - qu'il vit posée sur la table. T'as littéralement dévoré le paquet de chips qu'on a sorti tout à l'heure...

-Les vrais gloutons ont toujours faim ! rétorqua-t-elle fièrement, avant d'attaquer son entrée.

L'adolescent aux cheveux noirs laissa échapper un petit rire - c'était le premier depuis un bon bout de temps.

Soudain, un bâillement franchit la barrière de ses lèvres. Voilà ce qui arrivait lorsque la vie faisait de nous une personne insomniaque : le sommeil sévissait tout au long de la journée - au même titre que les regrets, finalement. Quoique, depuis que son amie d'enfance avait réintégré sa vie, le moral du jeune homme avait tout de même augmenté d'un cran.

-Fatchigué ? lui lança-t-elle, la bouche pleine.

-À peine, répondit-il avec une pointe d'ironie.

Sous son regard amusé, il prit sa première bouchée.

Le repas fut très long. Non pas car le garçon avait mis du temps à s'y mettre, mais parce que Rika avait effectué une commande plus grosse encore que les cernes de Yuta. (NDA : Dsl, il fallait que je la place celle-là) Tandis que ce dernier avait terminé son dessert depuis un bon moment, elle était toujours en train de se délecter de son plat principal, à savoir trois gros bols de Ramen.

-Eh, salut Yuta !

L'intéressé tourna vivement la tête vers les nouveaux arrivants.

-J'me demandais quand est-ce que t'allais enfin te décider à sortir de ton trou, lança Maki.

-Maki, t'y vas un peu fort là ! l'interpella Panda.

-Saumon, renchérit Toge.

-Je ne fais que dire la vérité.

Elle se tourna de nouveau vers Yuta :

-Ça sert à rien de s'enfermer soi-même dans une prison. Si tu veux guérir, il faut au moins faire l'effort de te lever.

-Maki !

-Mais j'vois que tu l'as fait, alors bravo.

Son regard se posa ensuite sur la fille qui accompagnait Yuta.

-Au fait, c'est qui elle ? le questionna-t-elle d'un air suspicieux.

L'adolescent aux cheveux ébouriffés déglutit. Comment lui expliquer ?

-Euh... et ben... c'est...

-Je suis sa p'tite sœur ! répondit Rika à sa place.

-Oh, t'as une petite sœur Yuta ? s'étonna Panda. Je savais pas !

-Oui, haha ! Et c'est normal... À vrai dire, je ne vous en avais jamais parlé.

-Ça doit être pour ça, oui !

Un ange passa.

-Au fait, pour en revenir à ce qu'a dit Maki... reprit-il. On a remarqué que tu ne te sentais pas bien, ces derniers temps. Le souci, c'est qu'on n'a pas osé t'en parler !

-Ah...

Ils s'inquiètent pour moi ? réalisa-t-il. Vraiment ?

-En tout cas, sache qu'on est là pour toi ! poursuivit Panda d'un ton amical. Si jamais t'as besoin d'aide, tu peux compter sur nous !

-Saumon !

-Ouais, mais c'est surtout pour éviter que tu te terre dans ton coin et que tu t'apitoies sur ton sort comme un lâche, ajouta Maki. Va pas t'imaginer autre chose.

-Makiiiii... soupira l'incarné mutant en levant les yeux au ciel.

Un léger sourire se dessina sur le visage de Yuta. Ces paroles lui faisaient chaud au cœur.

-Sur ce, on va vous laisser, reprit l'adolescente à la queue de cheval verte. On a des choses à faire, nous.

-Ouais ! confirma Panda. À plus, Yuta et sa sœur que je ne connais pas !

Toge, quant à lui, se contenta de leur adresser un signe de la main.

-Saluut ! répondirent les deux amis, avant de se remettre à manger.

***

Une vingtaine de minutes plus tard, Yuta quitta le comptoir - où il venait de payer la nourriture - et retrouva l'adolescente.

-C'est bon, j'ai terminé !! déclara-t-elle enfin, massant son ventre à priori rassasié.

Un soupir s'échappa de la bouche de Yuta, puis il demanda :

-On peut y aller, du coup ?

-Ouais !

Elle se leva de sa chaise.

-Quoique... attends !

Ni une ni deux, Rika s'empara des bouteilles de sauce soja qui se trouvaient sur la table et s'enfuit du restaurant en courant. L'adolescent aux cheveux de jais n'eut d'autre choix que de la suivre, essayant d'adopter la même vitesse qu'elle.

-RIKA !!!

Celle-ci traversait la rue à toute allure, et ce en ricanant.

-Attends-moi !!

Arrivée au bout, elle pivota sur la gauche pour entrer dans une ruelle.

Elle est aussi gourmande qu'infatigable, cette fille !!

Lorsque Yuta la pénétra à son tour, il fut soulagé de trouver son amie en arrêt, adossée contre le mur pour prendre le temps de soupirer.

-C'est le Ramen qui te rend aussi...

Il peinait à reprendre son souffle.

-...folle ?

Rika ne lui répondit pas tout de suite, préférant entreprendre de marcher jusqu'à lui.

-Yuta... commença-t-elle d'une voix étrangement suave.

Elle s'approcha petit à petit, ses pas s'enchaînant lentement sur le sol comme pour venir y marquer irréversiblement leur présence.

-La seule chose qui me rend folle...

Il avait beau être à plusieurs dizaines de centimètres de lui, Yuta pouvait apercevoir une leur quelque peu ensorcelante dans ses splendides yeux oburne.

-...c'est toi.

Son cœur loupa un battement.

Qu'est-ce que... qu'est-ce que ça veut dire ?

Lorsqu'elle remarqua son air éberlué, Rika fit un pas en arrière et fit instantanément disparaître ce regard voluptueux.

-Dis, tu veux toujours qu'on se marie ?

-Qu-que... quoi ? bredouilla-t-il, toujours aussi hébété.

-Moi, j'aimerais vraiment qu'on tienne cette promesse...

Encore bouleversé par ses précédentes paroles, le garçon n'arrivait pas à faire fonctionner ses neurones. Qu'avait-elle insinué à l'instant ? Qu'elle l'aimait ? Si oui, était-ce réciproque ? Yuta avait-il envie de devenir plus qu'un ami pour elle ? Se sentait-il d'aller jusqu'au mariage ? N'étaient-ils néanmoins pas trop jeunes pour ce genre d'unions ?

Toutes ces questions se bousculaient dans la tête de l'adolescent, le rendant incapable de répondre.

-Enfin, pas un vrai mariage !! se reprit-elle, ayant décelé la confusion. Je te parle d'un mariage intime, juste entre toi et moi...

À en juger par là façon dont elle le scrutait, Rika attendait une réponse de sa part. Yuta le réalisa au bout de quelques secondes de silence.

-Euh... et ben... si tu veux ! finit-il par dire.

Le sourire de la brune n'avait jamais été aussi rayonnant.

***

-Tu veux faire ça ici ? la questionna-t-il, lorsqu'ils furent arrivés à destination.

-Absolument !!

Main dans la main, ils avancèrent en direction de la mer, sentant leurs pieds entrer en contact avec le sable chaud.

En effet, après avoir passé un après-midi d'enfer à visiter une multitude de musées et à rigoler ensemble, Rika avait conduit son compagnon à la plage dans le but d'achever en beauté cette journée - la plus belle qu'il avait passée depuis une éternité.

Une fois qu'ils furent installés, elle sortit de la poche de son short deux sublimes bagues de fiançailles qui ne lui étaient pas inconnues.

-Ce sont celles que tu m'as montrées quand on était enfants ? s'enquit Yuta avec surprise.

-Ouais, confirma-t-elle.

-Tu les as gardées tout ce temps ?

On aurait dit qu'ils avaient été projetés dans le passé, tant cette scène lui rappelait des souvenirs.

-Bien sûr. Je comptais tenir ma promesse quoiqu'il arrive, tu sais !

Yuta n'en revenait pas.

Doucement, la jeune fille saisit sa main pour lui faire enfiler l'anneau, puis fit de même avec le sien.

-À présent, nous sommes liés pour l'éternité.

Son sourire étant affreusement contagieux, il déteignit sur Yuta.

Soudain, leurs regards se croisèrent à nouveau. Mais cette fois, ils ne se détournèrent pas. Ils étaient comme ancrés l'un dans l'autre, impossible de les séparer. Les doigts de Rika se frayèrent un chemin jusqu'à ceux de son compagnon, avec lesquels ils s'entremêlèrent lentement. Puis ce fut au tour de leurs visages de se rapprocher, instinctivement. Dans un geste tendre et inconscient, leurs lèvres se scellèrent. À cet instant, des frissons parcoururent de haut en bas le corps de Yuta. Des frissons de surprise, d'émerveillement, d'extase.

-Je t'aime.

Cette phrase, elle la souffla à quelques centimètres de ses lèvres.

-Je... moi aussi, répondit Yuta sur le même ton.

Il n'avait qu'une envie : qu'elle rompe à nouveau l'espace qui les séparait.

Heureusement pour lui, son vœu fut exaucé ; l'attirance était si intense qu'ils n'avaient pas résisté à la tentation. Les voilà qui laissaient leurs bouches se mouvoir l'une contre l'autre, savourant le goût de leur amour. Quant à leurs mains, elles s'aventuraient sur la joue, le cou, dans les cheveux, le dos, et finissaient sur la taille.

Ils se retirèrent au bout de quelques secondes, à bout de souffle. Tandis que les battements de son cœur tentaient de se calmer, la température de leur corps revenait progressivement à la normale.

Yuta posa délicatement sa tête sur les genoux de sa partenaire, ce qui invita cette dernière à lui caresser les cheveux.

-Dis-moi, Yuta...

Sa main se faufilait entre ses mèches telle une fourmi au milieu des feuilles.

-...comment tu te sens ?

Avant de répondre, le garçon prit le temps de choisir ses mots.

-Et bien... je dirais que je me sens mieux. Mieux qu'avant.

Il se tourna légèrement afin de poser son dos sur les genoux de Rika, de sorte à pouvoir la voir.

-Depuis que tu es revenue, j'ai l'impression de... de revivre. Si tu ne m'avais pas invité à jouer à Anonystoire, je n'aurais jamais découvert le plaisir de... d'écrire. Et si tu ne m'avais pas forcé à me rendre au restaurant, je n'aurais jamais su que mes camarades s'inquiétaient pour moi... Cette journée était sans doute la plus belle de ma vie, et je... je ne te remercierai jamais assez pour tout ça.

De cette tirade s'ensuivit un silence. Un silence doux, qui permettait aux mots de s'envoler, d'éclore, de faire effet.

-Je suis contente de t'être venue en aide, Yuta.

Ces paroles s'évaporèrent dans le calme de cet agréable instant, comme le changement d'état de l'eau de mer qui s'effectuait imperceptiblement.

C'est seulement à cet instant que Yuta réalisa.

-Attends, Rika... tu...

Lentement, il vit sa partenaire s'effacer. Elle avait toujours ce beau sourire scotché aux lèvres, ce regard profondément envoûtant dont elle seule avait le secret, mais sa présence s'estompait.

-Oui, je suis revenue parce que tu avais besoin de moi, avoua-t-elle, une once de tristesse se révélant dans sa voix. Mais maintenant que tu as retrouvé le sourire, je n'ai plus ma place ici. J'ai accompli ma mission.

-Mais... mais... et mes sentiments ? Tu y as pensé ? À moins que tu... tu inventais avec depuis le dé...

-Non, j'ai toujours été sincère avec toi. Je te le jure.

Pour autant, ça ne le soulagea pas.

-Je veux pas que tu partes... pas encore...

À mesure qu'elle devenait transparente, les yeux du garçon se remplissaient de larmes.

-On se retrouvera, Yuta. N'en doute pas.

-Mais... je...

-En attendant, je ne te demande qu'une chose : vis. Parce que jusqu'ici, tu t'es contenté d'exister.

-Non... répliqua-t-il, la gorge serrée. pas sans toi...

-Tu n'es pas seul. Maki, Panda, Toge et Gojo, ils sont là pour toi.

Les larmes se mirent à ruisseler sur ses pauvres joues.

-Tu vas me manquer... lâcha-t-il d'une voix brisée.

-Toi aussi.

À cet instant, Rika n'était plus qu'une silhouette cristalline flottant au dessus du sable.

-Au revoir, Yuta.

Une silhouette qui disparut alors, ne laissant plus rien là où elle était censée se dresser.

Juste lui. Lui et ses larmes dévalant ses joues, lui et sa tristesse que rien au monde ne semblait pouvoir consoler, lui et ce manque que personne ne paraissait en mesure de combler...

...mais surtout, lui et cet encouragement à vivre, la seule chose qui lui restait d'elle. Malgré tout, il tenait à le suivre. Car il avait beau crouler sous le chagrin, cette journée passée à ses côtés lui avait ouvert les yeux.

Il n'était pas condamné à s'accabler de reproches, parce qu'on lui avait donné le droit de laisser ses erreurs derrière lui. Il n'était pas forcé de se haïr toute sa vie, parce qu'il se pouvait qu'il ait des choses à offrir au monde. Il n'était pas astreint à rester cloîtré chez lui, parce qu'il y avait des proches pour l'aider à s'en sortir. Et il ne pouvait pas se permettre de flancher maintenant, car la fille qu'il aimait le plus au monde lui avait demandé de se battre pour son bonheur.

Grâce à cela, Yuta Okkotsu se sentait à nouveau capable d'aller de l'avant. Désormais, l'espoir habitait une partie de lui. L'espoir de s'en sortir.

Après tout, pourquoi Rika aurait-elle pris la peine de venir s'il n'avait aucune chance de guérir ?

-Bonne nouvelle, Yuta !

L'adolescent essuya ses larmes, puis il fit volte-face pour découvrir Gojo, debout à quelques mètres de lui.

-Tu vas aller étudier en Afrique avec Miguel !

Les yeux humides du garçon s'ouvrirent en grand.

Qui sait, peut-être que ce voyage allait faire de sa vie une histoire un peu plus gaie ?

FIN

_____________________________

NDA : Et voilà, ma participation au concours de ackioshi s'achève ici !

Je sais pas trop quoi en penser... À la fois, j'aime bien mon OS et en même temps j'ai l'impression d'avoir un peu raté mon coup 😭 Quoique, en même temps, faire un truc hyper développé en un seul chapitre c'est pas évident...
Dites-moi, qu'est-ce que vous en avez pensé, vous ?

C'était difficile de finir dans les temps, mais je me suis donnée un bon gros coup de pied au cul et ça a visiblement fonctionné 😂

La morale de cette histoire, c'est qu'il ne faut pas baisser les bras. Car même si la vie semble s'acharner sur vous, il y a une issue qui n'attend que d'être ouverte. Et cette issue, ça peut être des personnes comme un évènement qui ne va pas tarder à se produire. Alors résistez, patientez, et votre jour de chance finira par se présenter !

PS : J'me suis rendue compte qu'une de mes musiques du moment collait PARFAITEMENT avec mon scénario, genre wtf ? Du coup je l'ai mise en médias, si vous voulez l'écouter :b


Nombre de mots : 6647

Sur ce, cœur sur vous <3

ᴍᴇ́ʟᴀɴᴇ

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top