(Rejet)
Elle rejoignit Ulu dans leur chambre, elle se sentait beaucoup mieux, l'infusion de rose avait fini de tout traiter. Le jeune garçon se mordait les lèvres et tentait de masquer un sourire. Yuki pencha la tête, incrédule. Brusquement, Ulu se jeta sur elle, ils tombèrent à la renverse sur le lit de la jeune fille. Elle sursauta, poussa violemment le garçon et roula dans ses draps, le poids d'Ulu sur elle lui rappelait son rêve :
- Yuki ! Félicitation ! Je n'y crois pas !
Il la prit dans ses bras. La jeune fille cligna des yeux, elle ne comprenait absolument rien :
- J'ai envoyé Radgis espionner votre discussion, alors comme ça, Ylen t'a choisi ?
Yuki fronça les sourcils, espionné ? Décidément, rien ne le fera changer. Elle soupira, releva la tête et sourit. Le garçon la serra dans ses bras avec affection, il était tellement heureux pour elle qu'il la souleva dans les airs et la fit tournoyer. Doragon, allongé sur le lit grogna, jaloux. Ulu reposa son amie au sol :
- Tu vas mieux ?
- Oui ne t'en fais pas !
Yuki s'écroula sur son lit et attrapa son gros reptile. Ce dernier frotta son museau contre la joue de sa protégée en couinant. Ulu s'assit près de son ami, Radgis allongé sur son épaule se nettoyait les pattes. Un grand silence s'installa, Ulu se frictionnait la nuque, il ne supportait pas cette quiétude pesante :
- Tiens, ce soir c'est le passage au troisième mois, c'est au clan du Lapin d'assurer la protection de la cité !
Yuki soupira de soulagement, enfin, elle n'aurait plus à supporter la neige des Tigres :
- Tu as vu Calokas, l'esprit du maître ? Il paraît qu'il ne la fait sortir que dans le jardin du Singe.
La jeune fille hocha la tête, elle ne l'avait pas vu. Doragon et Radgis s'évaporèrent et retournèrent dans la poitrine de leurs protégés, fatigués.
Massy fit irruption dans la chambre, les mains posées sur les hanches elle annonça aux deux novices que le dîner était prêt. Yuki sourit, apparemment l'inquiétude que la grande servante avait à son égard avait vite disparu. Les deux amis se levèrent et suivirent l'adolescente dans la cuisine. L'air chaud et irrespirable embaumait déjà la pièce. Trois autres serviteurs se trouvaient autour de la table. Camille, une servante, tout comme Massy, mais un peu plus âgé que cette dernière. Elle était d'une maigreur accablante et portait son horrible chevelure grasse et marron foncé en chignon duquel s'échappaient plusieurs mèches sombres. Chris le jardinier et Mathy le préposé aux eaux sales. Yuki avait pitié de ce dernier, il avait une méchante cicatrice qui lui barrait le sourcil et son visage était toujours crasseux et mal odorant. Camille et Massy se placèrent le plus loin possible de Mathy. Ulu les observa d'un œil noir, on aurait dit qu'elles se prenaient pour des nobles. Yuki s'installa devant le préposer aux eaux sales et lui sourit. Le garçon détourna le regard en rougissant, il était tellement gêner de voir à quel point, cette petite fille était aimable avec lui. Caligan déposa un plateau remplit de petit pain encore chaud, Ulu voulut se jeter dessus, mais le cuisinier posa violemment un grand bol devant le garçon. Le récipient contenait une soupe remplie d'oignons, de carotte et toutes sortes de légumes, un parfum délicat de viande s'en exhala. Le novice se lécha les lèvres, des ramènes, son plat préféré. Il saisit ses baguettes et les plongea dans la soupe. Caligan soupira de soulagement, au moins, il n'aurait pas à refaire trois fournées de pain à cause de ce goinfre. Ulu sortit ses baguettes du bol, de longues nouilles pâles, baignant dans la soupe, émergèrent, soutenues par les baguettes. Le garçon les fourra dans sa bouche sans attendre ou même souffler dessus. Il lâcha ses baguettes et trépigna sur son banc en bougeant la tête et les mains dans tous les sens :
- Chaud ! Chaud !! bafouilla-t-il la bouche pleine
Yuki sourit, amusée, Camille et Massy soupirèrent en soufflant sur leurs propres nouilles. Mathy baissa les yeux en retenant tant bien que mal un sourire. Le cuisinier jeta un vieux morceau de pain rassis et dur sur Ulu en le traitant de crétin.
Yuki plongea son regard dans ses ramènes, elle eut comme un malaise, une vague nausée s'empara d'elle. Posant une main discrète sur son ventre elle grimaça, elle qui raffolait des ramènes, tout comme Ulu, elle ne comprenait pas d'où venait son vertige. Elle plongea ses baguettes dans le bol et en sortit les nouilles, son ventre se tordit, sa gorge se noua et elle lâcha ses tiges en bois. Elle prit un petit pain, en découpa un bout et le mit entre ses lèvres. Elle mordit avec lenteur dedans, brusquement, sa tête tourna et son ventre se contracta. La jeune fille se plia en deux son front heurta violemment le rebord de la table. Ulu faillit s'étouffer en buvant sa soupe, le bol collé aux lèvres il le posa prestement. Mathy se leva et se pencha sur Yuki, Camille et Massy bondirent du banc et se serrèrent lui à l'autre, de peur que la fillette ne vomisse. Chris courut chercher le maître tandis que Caligan aidait la novice à s'allonger sur le sol :
- Mademoiselle ? appela le préposé aux eaux sales
- Yuki ?!
- Petite ? supplia le cuisinier
La jeune fille ne voyait plus correctement, les images des deux garçons et de l'homme tournaient devant ses yeux qu'elle ferma aussitôt. Son estomac se tordaient, un horrible goût de vomit lui caressa le font de la gorge. Chris revint, le maître sur les talons. Le vieil homme s'agenouilla péniblement devant l'enfant :
- Yuki, ouvre les yeux, regarde moi !
La jeune fille cligna ses paupières serrant les lèvres de peur de vomir. Deux doigts flous s'approchèrent de son œil et écartèrent ses paupières, la tête pâle qui tournait autour d'elle se ballotta de droite à gauche :
- N'ai pas peur, ce n'est rien ! la rassura la voix de son maître, tu réagis mal aux effets de la rose du Singe, ça arrive !
- Maître, ça veut dire quoi ? s'énerva Ulu en serrant la main de Yuki
- Quand on réagit mal à cette plante, elle vous empêche d'ingurgiter toute nourriture pendant un certain temps. Cela provoque un certain malaise !
Brusquement, la jeune fille porta sa main à ses lèvres, les deux servantes hurlèrent. Caligan souleva le corps de l'enfant et l'amena dehors. Elle s'agenouilla dans l'herbe, une série de haut-le-cœur la secoua violemment et elle vomit dans un trou que Mathy avait creusé pour vider les eaux. Bientôt, les yeux de la jeune fille retrouvèrent leur lucidité, sa tête cessa de tourner et son ventre se calma. Elle s'effondra en haletant dans l'herbe, son maître s'agenouilla près d'elle :
- Ça va aller maintenant, ton corps vient de rejeter l'infusion de rose !
Yuki se leva, chancela légèrement puis retourna dans la cuisine. Les deux servantes se crispèrent quand la fillette passa près d'elles. Ulu aida son amie à se rasseoir près de lui, elle épongea son front couvert de sueur avec sa manche. L'odeur fumante des ramènes s'infiltra dans son nez ; elle huma avec délice le parfum de viande, aucune nausée, rien. Soulagée, elle sourit, attrapa son bout de pain et le mordit avec avidité, satisfait, le maître repartit.
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