5

Le soleil se lève.

J'avais vraiment besoin de me confier, car je lui ai tout raconté. Absolument tout. Depuis Rogue, en passant par toute mon histoire avec Grey, et ce qu'il s'est passé ce soir avec Zeleph. J'ai expliqué les moindres détails, comment je l'avais ressenti, et ce que je ressentais maintenant. Et Mavis buvait chacune de mes paroles. Elle est restée attentive du début à la fin, sans poser de questions dérangeantes ou quoi que ce soit. Mais je sentais qu'elle ne me jugeait pas, que même si je n'avais pas forcément fait les bons choix, elle comprenait pourquoi j'avais fait chacune de mes actions. C'était vachement agréable de pouvoir me livrer comme ça, sans prise de tête, sans jugement. Juste être honnête, et naturelle. Mais je ne pensais quand même pas que j'irai jusqu'à tout lui dire. Trop tard.
La seule chose dont je n'ai pas trop parlé du coup, c'est mon classement. Vu la réaction de Zeleph, je ne sais pas comment elle allait réagir. Je lui ai juste dit que j'étais joueuse pro, mais pas de quoi. Je pourrais très bien jouer aux échecs. Enfin, je joue plus aux jeux vidéos d'échecs qu'aux vrais échecs, même si je les accumule, les échecs (vous l'avez?).

- Tu as une vie palpitante Lucy, avec tout ce que tu m'as raconté ça donne l'impression que tu as un talent pour attirer les mecs étranges. Désolée pour ton demi-frère/ex, mais c'est pourtant ça. Tu as beaucoup de courage, et tu es très forte pour garder espoir en la vie après tout ça.
Je souris, touchée parce qu'elle me dit.
- Qu'est-ce que tu me conseilles de faire par rapport à Grey ?
Mavis est assise sur sa table, elle s'amuse à balancer ses jambes, comme si ça l'aidait à réfléchir.
- Tu devrais arrêter de te poser trop de questions. Vous vous êtes vus deux fois. Pense de manière logique : tu dois d'abord rentrer chez toi voir le notaire et récupérer l'héritage de ta mère. Grey a dit que tu devais le faire rapidement, alors vas-y. Quand tu auras fait ça, tu pourras te poser des questions sur votre avenir.
Je soupire, elle a raison.
- Je vais faire ça. Merci Mavis.
Elle sourit.
- Ça m'a fait plaisir de t'écouter. Mais maintenant dis-toi que tu n'es plus seule ma belle, je suis là. On peut être amies si tu veux.
- Bien sûr que je le veux !
Nous sourions toutes les deux, heureuses de s'être fait une nouvelle amie.

- Du coup parle-moi de toi. Je n'ai fait que parler de moi toute la nuit, donc tu connais toute ma vie et je ne connais rien.
Mavis se lève de sa table.
- D'abord, un café. Et j'ai faim. Je vais chercher des pains au chocolat, ça te va ?
Je hoche la tête. Je lui aurais bien proposé de cuisiner quelque chose, mais même si je me suis vraiment améliorée depuis que je vis seule, je ne sais pas si ma cuisine est assez bonne pour la proposer à quelqu'un d'autre, et je ne veux pas tester sur elle. Je viens de me faire une amie, je ne veux pas déjà la tuer.
- Tu veux que je t'accompagne ?
- Non t'en fais pas. Reste ici. Tu peux aller prendre une douche si tu veux.
- Ok merci mais.. J'ai pas de vêtements du coup.
- Fouille dans mon armoire. Tu devrais trouver un truc qui te va, répond-elle avec le sourire.
Mavis va enfiler des chaussures, et sort acheter des pains au chocolat.

Pendant ce temps, je fouille dans son armoire à la recherche de vêtements. Je trouve une robe ample. On a pas la même morphologie, alors j'espère que ca m'ira. Je vais prendre une douche rapide, et met la robe, qui me va. Quand je sors de la salle de bain, Mavis est déjà revenue. Deux cafés sont sur la table, accompagnés d'un sachet rempli de pains au chocolat, chouquettes et autres viennoiseries.
- Ma robe te va bien ! Je te la laisse si tu veux, je l'ai depuis deux ans, je l'ai jamais porté.
Je souris, et la remercie. Ça me fait vraiment plaisir.
- Alors ? Raconte-moi ta vie.
Mavis croque dans une chouquette.
- Je suis en fac de lettres. En première année. J'aimerai être traductrice, enfin je ne sais pas exactement, mais je veux travailler dans l'édition.
En première année ? Elle devrait être en deuxième ou troisième année vu qu'elle est plus grande que moi. Mais après ce n'est pas rare que certaines personnes fassent autre chose, puis retourne à la fac.

- En plus de la fac, je suis modèle vivant.
- C'est à dire ?
- Je pose nue. Pour le dessin, la photo, la sculpture, ce genre de choses. Je bosse dans les écoles d'arts de la ville. J'ai commencé à faire ça pour aider mon amie Zeira, car elle savait que je ne suis pas spécialement pudique, puis ça m'a plu alors j'ai continué, et ça aide à arrondir les fins de mois. J'ai longtemps hésité à ne faire que ça, puisque ça paye relativement bien, mais finalement je préfère finir mes études et voir par la suite.
Woaw. Elle a beaucoup de courage pour se mettre nue sans problème devant les gens, même si c'est à des fins artistiques il faut vraiment assumer son corps.
- Je devrais être en deuxième année, mais j'ai redoublé. Enfin, je me suis réorientée. J'étais en fac de droit l'année dernière, et je m'ennuyais alors je suis allée en lettres. Mais je m'ennuie aussi, donc je ne sais pas trop quoi faire .. Je suis une personne qui a du mal à trouver vraiment satisfaction dans quelque chose, donc les études c'est compliqué.
- Je comprends. Mais après si tu es contente en étant modèle et que tu as testé autre chose mais que rien d'autre ne te plait, deviens modèle définitivement. Ça sert à rien de continuer à faire quelque chose que tu n'aimes pas.

Mavis sourit.
- Tu as raison. Je vais continuer à y réfléchir.
Elle semble penser à ce qu'elle va me dire ensuite.
- Je ne sais pas quoi te raconter d'autre .. Ah si. Je suis asexuelle.
Asexuelle ?
- Qu'est-ce que c'est ?
- Ça veut dire que je ne ressens pas de désir sexuel, envers personne. Au début, je n'y faisais pas spécialement attention, je ne me rendais pas compte. J'ai couché avec mon copain quand j'avais 16 ans parce qu'il en avait envie, moi pas vraiment mais je l'aimais bien alors je l'ai fait. Puis je l'ai quitté. Il a cru que c'était à cause de lui, mais c'était moi. Quand on a commencé, ça ne m'a pas dégoûté mais je n'avais aucune attirance sexuelle envers lui. Mais je n'ai pas ressenti ça comme un viol ou quoi. J'étais désolée que ça se soit mal passée, et je me disais que quelque chose était bizarre. J'en ai parlé à mes amis, qui m'ont dit que c'était probablement parce que j'étais lesbienne. Alors j'ai rencontré une fille très sympa, très jolie, je l'aimais bien aussi. Mais comme avec ce mec, je ne ressentais rien. J'ai quand même essayé avec des personnes différents, me disant que c'était peut-être eux le problème et pas moi, en vain. Et finalement je me suis dit que j'étais peut-être pas la seule dans ce cas, et que ça a un nom.
Mavis parle naturellement, comme si ce n'était pas quelque chose d'important. Ou comme si elle était habituée à raconter cette histoire.

- Tu n'as aucun désir pour les autres, mais tu fais des choses seule ?
C'est un peu indiscret comme question, surtout que pour les filles c'est un sujet vraiment tabou, mais je suis curieuse.
- Non. Je n'en ressens ni le besoin ni l'envie.
- Et ça ne te touche pas ? D'en parler je veux dire.. Ça ne doit pas être facile pour les autres à comprendre.
- C'est vrai. Pas mal de gens ne comprennent pas, alors que pour eux le sexe est très important. Mais finalement ça fait parti de moi, ce n'est pas bizarre. Et ça ne veut pas dire que je n'ai pas de relation amoureuse.

- C'est à dire ?
- Je suis sortie avec un garçon il y a quelques temps. Il était très gentil, drôle et intéressant. On est resté ensemble quelques mois. Il m'a compris quand je lui disais que je n'avais pas de désir, alors qu'on pouvait le faire mais que pour moi ça ne changeait rien. Et il ne voulait pas que je me sente forcée, alors on ne l'a jamais fait. Je lui ai même dit que s'il avait besoin de coucher avec quelqu'un, ça ne me dérangeait pas s'il allait voir ailleurs pour ça, tant qu'il m'en parlait. Sauf qu'il se sentait mal de me tromper, alors il a préféré qu'on arrête. C'est un peu dommage car c'était vraiment un amour, mais je ne peux pas lui en vouloir.
C'est un peu triste comme histoire, mais Mavis a l'air habituée à en parler. Et bizarrement ça ne semble pas l'affecter plus que ça.
- Tu l'aimais ?
- Non. Je ne crois pas. J'ai l'impression de ne pas pouvoir aimer, puisque mon partenaire me donne l'impression de me comprendre alors que ce n'est pas le cas. Et que tant que personne ne me comprendra, je n'y arriverai pas je pense.
- Ça ne t'attriste pas ?
- Un peu.
Mavis a les larmes aux yeux, mais garde son sourire.
- Ça me rend un peu triste c'est vrai, mais je m'accepte comme je suis, je n'essaye plus d'être comme tout le monde et je pense que c'est ce qui compte. Et je ne perds pas espoir, je rencontrerai quelqu'un un jour qui me comprendra vraiment.

- C'est impressionnant à quel point tu restes positive.
- Je sais. Je préfère voir le verre à moitié plein qu'à moitié vide, sinon on n'avance pas, et je serais plus de ce monde depuis longtemps.
C'est à la fois beau et triste ce qu'elle dit.
Je suis un peu perplexe par rapport à ce que me dit Mavis. Elle parlait d'elle, du fait qu'elle n'avait ni le besoin non l'envie d'avoir des relations sexuelles, avec un grand sourire. Alors pour moi, qui me stressais trop par rapport à ça, et qui finalement à presque toute sa relation avec Grey basée sur le sexe, c'est difficilement compréhensible.
- Ça va Lucy ? Tu parais perdue dans tes pensées.
- Je réfléchissais.. En fait avec Grey, dès le départ on se plaisait physiquement et il me mettait en émoi, alors c'est aussi sur cette attraction que s'est basée notre relation, mais si jamais il n'y avait pas eu ça, comment on aurait fait ? Est-ce que notre relation aurait été la même ?
- Ne te pose pas ce genre de questions. Votre relation était très bien, ne te demande pas ce qu'elle aurait pu être. Pense plutôt à l'avenir, tu ne peux pas modifier le passé mais tu peux faire en sorte d'améliorer le futur, ton futur, le vôtre si c'est ce que vous voulez. Concentre toi plutôt là dessus.
Je soupire.
- Merci.
- De ?
- M'avoir écouté.
Mavis s'approche de moi, et me sert dans ses bras.
- De rien chérie.
Elle a une voix calme et posée, et parle de manière affectueuse. C'est très agréable. Mavis est ce genre de personne qui t'apaise, qui sait trouver les mots justes pour t'aider. J'avais vraiment besoin d'une amie comme ça.

Je finis par quitter ma nouvelle amie (après avoir pris son numéro évidemment), et décide de rentrer chez moi. Je n'ai pas dormi de la nuit, je suis épuisée. J'ai besoin d'être tranquille, et seule. En sortant de chez elle, je veux quand même chercher l'appartement de Grey. Mavis m'a dit qu'il y avait aucune nouvelle venue dans son immeuble, et qu'il s'est probablement trompé d'adresse. Mais elle va se renseigner auprès des voisins, savoir où peut habiter Grey, s'il habite dans ce quartier évidemment.
Je fais un peu le tour, seule, espérant le croiser. À tous les coups il doit être devant ma porte, attendant que je lui ouvre pour qu'on puisse se voir. A moins que je le vois sur la route. J'arrête d'errer dans le quartier. Ça ne mène pas à grand chose, et j'ai envie de dormir.

Une fois chez moi, je vois que Grey n'est pas là. Je suis un peu déçue. Tant pis. Je vais prendre une douche rapide (il fait vraiment chaud dehors, je pense totalement vivre sous ma douche, où investir dans une piscine dans mon salon comme ça je pourrais jouer en me baignant). Je reste en sous vêtements, et vais me coucher.

Je suis réveillée par mon interphone. Il est deux heures du matin.. J'ai vraiment dormi pendant huit heures ? Chaud. Mais en attendant quelqu'un sonne.
- Oui ?
Qui ose me réveiller ?
- Lucy ... C'est Grey.
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Te voir.
- Pourquoi ?
- Tu me manques. J'ai besoin de toi.
Il parle bizarrement. Il a bu ?
- Tu es bourré ?
- Peut-être. Tu acceptes pas les gens peut-être bourrés chez toi ?
Je soupire, et lui ouvre. Je me dépêche d'enfiler quelque chose, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'accueillir Grey dans cet état en tant à moitié à poil. Alors je tombe sur un kimono léger, qui me couvre suffisamment pour que je ne sois pas nue et que je n'ai pas chaud.

Il monte les marches doucement, puis atterrit devant ma porte.
- Bonsoir.
Il sourit.
- Entre.
Il pénètre dans mon appartement au moment où je remarque ses mains. Il saigne ? Ses poings sont serrés et paraissent rougis. Qu'est-ce qu'il a fait encore ? Je ferme la porte.
- Va dans ma salle de bain, je vais m'occuper de tes mains.
- Non c'est bon c'est rien.
Il cache ses mains dans son dos. Je m'approche de lui, et essaye d'attraper ses mains.
- Qu'est-ce qu'il y est arrivé ?
- Je suis tombé.
Il ment.
- Vraiment ?
- J'étais énervé, je me suis tapé les poings contre un mur.
Je soupire. C'est affligeant de voir à quel point les gens sont cons quand ils sont bourrés.

Nous allons dans ma salle de bain. Je prends une chaise pour qu'il puisse s'assoir le temps que je le soigne. Je vais prendre ma trousse à pharmacie, et asperge ses mains de désinfectant, que j'absorbe ensuite avec une compresse.
- Pourquoi tu étais énervé ?
- Parce que rien ne se passe comme prévu.
- Et c'est aussi pour ça que tu as bu ?
Il hoche la tête. Je désinfecte encore ses mains.
- Qu'est-ce qui ne se passe pas comme prévu ?
- Ma vie.
- Pourquoi ?
Je m'applique bien. Je tiens sa main entre les miennes le temps de le soigner, et rien que ça j'ai l'impression d'être à nouveau proche de lui. Ses mains sont chaudes.

- Tu as préféré aller voir un autre gars hier soir, plutôt que de rester avec moi.
- Et alors ? On n'est pas ensemble.
J'ai comme une impression de déjà vu.
- Tu me manques Lucy. Tu m'as manqué pendant tout ce temps.
Je termine de m'occuper de ses blessures, en ignorant soigneusement ce qu'il vient de me dire.
- Voilà. Tu veux que je mette des pansements ?
Grey hoche la tête.
- Je t'ai manqué ?
Je me mets à rougir. Je sors les pansements, en espérant qu'il n'ait pas vu mes joues rougies.
- Non.
- Vraiment ? Pourquoi tu rougis ?
- C'est ta faute si je rougis. Je n'arrive pas à rester sérieuse avec toi.
Je lui mets des pansements. Ce sont des pansements avec des motifs où il y a des petits cœurs, c'est assez ridicule de voir ses grandes mains ornées de pansements avec des cœurs dessus.

- Tu m'aimes encore ?
Je lève les yeux vers lui, qui affiche un petit sourire en coin. Je me rends compte de la position dans laquelle on est tous les deux. Lui assis sur sa chaise, moi agenouillée en face de lui, entre ses jambes. A nous voir comme ça, on sait très bien ce qu'il va se passer par la suite.
- Je ne t'ai jamais dit que je t'aimais un jour.
Il se met à rire.
- Il serait temps que tu le fasses non ?
- Le jour où je t'aimerai je le ferai.
Il semble surpris par ma réponse.
- Tu es plus audacieuse. J'aime ça, dit-il en me caressant la tête.
Je me mets à rougir. Rien n'est normal dans cette situation. Et ce qui est le moins normal c'est le fait que je commence à déboutonner son pantalon...

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