Chapitre 39
♫ « No Good » - Kaleo ♫
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Ava
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Un pincement au cœur me saisit lorsqu'un déménageur s'empare du dernier carton qui siège au milieu du salon désormais dépouillé de toute trace de mon passage. Il contient pratiquement tous mes livres d'étude de graphiste et doit peser une tonne. L'homme qui se charge de le récupérer grimace d'ailleurs légèrement en le soulevant du sol. Je le contemple l'emporter avec lui d'un air absent.
- Et voilà. Soupire Joy en me rejoignant près de l'entrée. C'est comme si tu n'avais jamais vécu ici.
Je pivote vers elle et lui rends son sourire. N'ayant pratiquement aucun meuble à part ceux de ma chambre, mes affaires ont été emportées en quelques tours de main. À présent, toute ma vie est entassée à l'arrière de ce camion en partance pour Primrose Hill. Une seconde équipe de déménagement est en ce moment même en train de faire la même chose chez Louis.
J'ai à peine le temps d'apercevoir le véhicule disparaître de la rue que Joy me tend mon sac et mes clés de voiture.
- En route ! Me dit-elle avec excitation. Ils vont arriver avant nous.
Elle trépigne d'impatience de découvrir mon nouveau pied-à-terre. Je saisis mes affaires au vol, tandis qu'elle franchit déjà le seuil de la porte pour filer, ne m'accordant aucun répit pour faire mes adieux à l'appartement. Avec les va-et-vient, celui-ci ressemble à un champ de blé après le passage d'une moissonneuse.
- Je reviendrai t'aider à ranger.
- Tu plaisantes ? Rétorque Joy en allumant une cigarette tout juste sortie de sa poche arrière. J'ai tout mon temps pour faire le ménage ici.
Dans d'autres circonstances, sa récente manie de fumer m'aurait mis la poudre au nez, mais je n'arrive pas à lui en vouloir de s'accorder un peu d'apaisement avec le tabac. En revanche, j'en veux davantage à Louis de lui fournir ses paquets.
Voyant que je traîne quelque peu, ma meilleure amie s'approche. Elle coince sa cigarette entre ses lèvres et entoure mon visage de ses mains fraîches.
- Tu crois que c'est possible d'espérer pouvoir reculer le temps et revenir à ce dimanche matin où une jeune femme en pull à col roulé gris est venue sonner à ma porte pour réclamer un toit ?
Je souris à cette pensée qui me propulse plus d'un an et demi en arrière. Tant de choses se sont produites depuis que j'en ai le tournis.
Joy récupère ses mains et s'écarte de moi pour recracher la fumée accumulée dans sa bouche. Elle me laisse le soin de refermer une dernière fois derrière nous, sachant parfaitement l'importance que cette symbolique a à mes yeux. Je lui tends ensuite la clé qu'elle destine à son futur colocataire et fronce soudainement les sourcils.
- Attends... Comment te souviens-tu de ce que je portais ce jour-là ?
- On oublie rarement ce genre d'immondeté vestimentaire... Répond-t-elle en souriant.
Je la regarde, bouche-bée et réplique à mon tour.
- Dit celle qui n'avait rien trouvé de mieux que de m'accueillir en sous-vêtements !
J'ignore si ce sont nos nerfs qui lâchent, mais nous partons d'un énorme fou rire tout en rejoignant ma voiture garée au pied des grilles. Notre hilarité nous poursuit de longues minutes, jusqu'à ce que nos joues ne soient trop endolories pour rester à ce point crispées. C'est vraiment agréable de partager de nouveau ce genre de moments avec elle. Je sens qu'elle retrouve peu à peu le courage d'affronter son quotidien sans Harry et que chaque jour qui passe l'aide à laisser derrière elle la malheureuse vision de lui la trompant avec Sasha.
La semaine a été rude, mais je sens que m'aider à déménager lui a permis de se vider la tête. Joy est forte désormais. Il n'y a aucun doute là-dessus. Réussir à passer outre une telle épreuve n'est pas donné à tout le monde. Je ne suis pas certaine que je serais parvenue à m'en sortir si bien qu'elle en si peu de temps. Sa seule inquiétude concernant notre déménagement était de savoir s'il y avait un risque que Harry soit présent. Elle n'a aucune crainte à avoir à ce sujet, car personne n'a eu de nouvelles de lui depuis samedi dernier. Par mesure de sécurité, Louis a juste demandé à Gemma de s'assurer qu'il ne fasse pas de bêtise. Elle nous a répondu qu'il survivrait.
Étonnamment, Louis est sur place lorsque nous arrivons. Il a déjà commencé à orchestrer la répartition de mes affaires dans les différentes pièces. Notre emménagement va se faire beaucoup plus rapidement que je ne le pensais. Il sourit en nous apercevant et accourt vers nous d'un pas enjoué.
- Tu n'es pas chez toi pour vérifier que tout se passe bien ?
Il m'embrasse et salut Joy.
- J'ai laissé Calvin et Oli prendre les commandes. Répond-t-il en paraissant détaché.
J'écarquille les yeux. Il sait très bien que j'ai beaucoup de mal à leur accorder ma pleine confiance.
- Pas d'inquiétude. Renchérit-il. L'ensemble de l'appartement part de toute façon.
Il faut que je déstresse. Tout semble effectivement sous contrôle. Je me retourne vers Joy qui admire la façade, tandis que Louis reprend son rôle auprès de l'équipe de gros bras.
- Ça a l'air immense... S'étonne-t-elle. On dirait notre immeuble, avec tous les logements réunis !
- N'exagère pas. Ce n'est pas si grand.
Je gravis les quelques marches menant à l'entrée avec mon amie sur les talons. En arrivant dans la pièce de vie, je suis effectivement estomaquée. Voir cet espace totalement vide des meubles qui l'occupaient lors de notre visite le rend aussi grand que la surface totale de l'appartement de Paddington.
- En effet, c'est minuscule. Ironise Joy en arpentant la pièce. Vous êtes sûr de parvenir à vous retrouver sans mégaphone ?
Je lui tape l'épaule et entreprends de lui faire faire le tour de la maison en commentant ce que je prévois de faire dans chaque pièce niveau agencement ou décoration. De ce côté-là, Louis me laisse carte blanche, car il sait parfaitement que mes goûts s'accorderont aux siens. Je redécouvre chaque volume et prends peu à peu mes marques dans ces nouveaux espaces dans lesquels je me sens déjà chez moi.
En voyant le sous-sol pour lequel mon chéri a totalement craqué, Joy décrète vouloir y installer son lit pour, je cite « être à mi-distance de la cuisine, de la piscine et du jardin et en même temps suffisamment éloignée des chambres pour ne rien entendre de suspect ». Elle me fatigue.
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La journée touche à sa fin. Je dois avouer que l'ensemble des personnes présentes -y compris Calvin et Oli- y ont mis du leur pour nous aider à remonter les meubles et entamer l'aménagement des pièces les plus importantes. Je m'attendais à ce que Louis leur propose de rester ce soir pour boire un verre, mais il ne l'a pas fait. Depuis que la nuit est tombée, il semble d'ailleurs particulièrement pressé de mettre tout le monde dehors.
Un klaxon résonne devant chez nous, faisant comprendre à Joy qu'elle est attendue. Je viens d'apprendre que son ami Owen sera celui qui me remplacera dès lundi à l'appartement. Elle lui a proposé de devenir son nouveau colocataire. Même si son choix m'a quelque peu surprise, je suis rassurée de la savoir en compagnie de quelqu'un que je connais et en qui j'ai relativement confiance.
- Bonne soirée les amoureux. Nous adresse-t-elle en filant vers la voiture de son ami postée devant le portail. Profitez bien de votre première nuit ici...
Elle accompagne son insinuation d'un clin d'œil appuyé et rejoint le véhicule. Owen m'adresse un signe de la main que je lui rends, tout en réceptionnant ma blonde adorée que j'ai l'impression de définitivement quitter à cet instant. Cette pensée me serre davantage le cœur, mais dès le moment où je me tourne sur la maison, il s'attendrit de nouveau.
Je referme la porte, tourne le verrou, puis cherche du regard la présence de Louis. Il réapparaît depuis la cuisine.
- Je suis exténuée...
Je relâche mes cheveux retenus par une pince et masse mon crâne pour le laisser respirer. Lorsque je rouvre les yeux, le regard de Louis est rivé au mien.
- J'espère qu'il te reste encore quelques forces. Glisse-t-il subtilement en avançant à pas lents en ma direction.
Comme prise au piège, je me laisse aller à ce petit jeu que je n'ai aucunement envie de fuir et m'adosse à un des murs du salon. Émoustillée par ses yeux brillants, je lui souris et réalise que ses ambitions sont à des années-lumière d'une simple nuit de sommeil dans notre lit dépourvu de draps à l'étage. Ses lèvres s'étirent à leur tour et m'envoûtent en un instant. Arrivé à mon niveau, mon amour m'attire contre lui. Ses mains se posent sur mes hanches. Les entourent. Les taquinent. Les flattent.
- Je compte bien t'épuiser encore un peu... Souffle-t-il en caressant mes tempes avec sa barbe de trois jours. Et te voir perdre haleine dans chaque pièce de cette maison.
Juste quelques mots et c'en est fini de ma raison. Agrippant sa nuque, j'approche ma bouche de la sienne et l'embrasse longuement. Son corps se tend immédiatement. Je me sens avide et impatiente, comme si la perspective de faire l'amour ici pour la première fois me rendait différente. Je désunis nos bouches et effleure ses joues, son menton, son cou. Je respire sa chair. Je suis accro à son regard. À sa peau. À son odeur. Louis ne me laisse pas en reste. Je bascule la tête en arrière quand sa bouche qui se promène sur ma clavicule me hérisse de plaisir.
- C'est très ambitieux... Cette maison est vraiment immense.
Sans le quitter des yeux, je l'aide à ôter son t-shirt, faisant apparaître son torse tatoué à la lumière du soir.
- Qui a dit que je manquais d'ambition ? Réplique-t-il d'une voix pleine de défi.
Une sensation d'étourdissement me fait chanceler, alors qu'un sourire coquin étire ses yeux. Ma chair le réclame à tel point que mon haut tombe subitement à mes pieds, aussitôt suivi par mon soutien-gorge.
Avec un regard gourmand, il se penche sur ma poitrine et dépose un baiser chaste sur chacun de mes seins. Sa bouche reste ensuite en suspens à quelques millimètres de ma peau avant de revenir d'un délicieux assaut. Je gémis et me cambre tandis qu'il explore tous les endroits où l'extase ne s'est pas encore déployée. Louis déboutonne ensuite mon pantalon et le fait rapidement glisser à mes pieds. Ma culotte retient un moment ses doigts, mais finit elle aussi au sol avec un certaine vivacité. Sa main plonge vers mon intimité, tandis que je m'affaire à le débarrasser à mon tour de son jean poussiéreux. Il grogne doucement quand j'effleure brièvement le tissu où je discerne l'ardeur impatiente qu'il dissimule. Son souffle se raccourcit lorsque je parviens à mes fins. Son boxer suit la même course, laissant son sexe tendu se déployer de toute sa vigueur. Unis par nos caresses, nos corps frôlent l'harmonie.
- Tu es si belle, mon amour. Prononce-t-il d'une voix rauque que je discerne désormais comme étant celle de notre intimité.
D'un mouvement presque dansant, Louis nous fait virevolter sur nous-mêmes, accompagnant notre descente jusqu'au sol avec délicatesse. Il m'embrasse et empoigne de nouveau mes hanches. Je suis presque surprise par la montée violente de désir qui me submerge. Quelque chose de sauvage et vraiment fort. Son souffle tiède me rend dingue à chaque fois qu'il passe et repasse sur ma poitrine offerte. Soudain, n'y tenant plus, il dépossède mes seins pour entreprendre une langoureuse descente le long de mon ventre. Toutes mes sensations se confondent. Délaissement et excitation. Tension et relâchement. Sa bouche est au plus proche de mon désir. Je me cambre et tremble lorsque ses lèvres m'enflamment par leurs baisers. Sa langue s'immisce dans les secrets de mes chairs et fait naître une véritable éruption de plaisir au creux de mon bas-ventre. Un long moment, Louis s'attarde à assouvir mon envie en promenant ses mains sur l'intérieur de mes cuisses qui ne cessent de se mouvoir en rythme avec le mouvement de mon bassin.
Soudain, la sensibilité s'accentue. Mon cœur s'emballe. Je m'agrippe à ses épaules, à ses cheveux, tout en gémissant son nom. La jouissance m'irradie en un éclair, irrésistible et incompréhensible tellement je ne l'ai pas vue venir.
Mon amour embrasse légèrement mon ventre encore palpitant et se redresse. Nos hanches se frôlent une nouvelle fois et j'ai alors à peine repris mon souffle qu'il entre en moi. À travers le brouillard de l'extase, il m'embrasse de nouveau jusqu'à m'étourdir. Le parquet verni glisse peu à peu sous mon dos humide à chaque élan de ses reins. Chaque poussée me fait crier. Chaque retrait me fait l'appeler. Je me laisse aller, bercée par ses assauts et ses replis, amarrée à lui dans une envie que notre rapprochement ne cesse jamais.
Nos lèvres murmurent des mots d'amour. Louis accélère la cadence tandis que s'éveille en moi un second brasier. J'ai l'impression de flotter, de quitter le sol. Il respire fort et ses yeux sont rivés sur moi, illuminés d'une multitude d'éclats de couleurs qui marque chez lui l'empreinte du désir à son apogée.
Sous cette fougue, mon corps l'accueille et l'enserre de plus en plus, comme affolé de pulsions impatientes. Un râle lui échappe et nous perdons tout repère. Une même envolée nous soulève quand un orgasme insensé se déploie dans nos chairs.
Dans le silence de la maison qui retombe, j'entends son souffle devenir lent et paisible. Je ne bouge plus, écoutant son cœur battre contre le mien. Cette sensation de bonheur et de plénitude est la plus exquise que j'ai connue avec lui jusqu'à présent.
- Je t'aime. Prononce-t-il contre mon cou.
- Je t'aime aussi.
Ces mots semblent si faciles à prononcer à présent. Sans doute parce qu'ils sont vrais, tout simplement. Lorsqu'il se retire et me regarde intensément, je sens déjà que son désir insatiable est de nouveau évident. Tant mieux. Je ne me laisserai jamais de lui.
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Levée depuis l'aube, je n'ai pas résisté longtemps avant d'entreprendre de ranger tout ce qui me tombait sous la main. Les cartons vides s'accumulent désormais dans l'entrée et je ne suis pas peu fière du résultat de mon travail au niveau de la pièce de vie qui donne le sentiment d'avoir toujours été en place. Quand je contemple ma maison, je prends conscience que c'est le début de quelque chose de grand. Quelque chose d'important. Je réalise d'ailleurs en reposant mon regard sur les endroits marqués par nos ébats d'hier soir que nous y avons déjà ancré nos propres souvenirs.
Dans un abandon précipité, nous avons fait l'amour à même le sol, debout contre le mur des escaliers, comme deux bêtes sauvages, puis nous avons remis le couvert dans le lit, incapables de nous arrêter, mais en prenant notre temps ce coup-ci. Cette nuit était vraiment incroyable. Le simple fait d'y repenser me fait monter le feu aux joues. J'essaie de trouver un terme pour qualifier ce marathon sexuel auquel nous nous sommes livrés. Le seul qui me vient à l'esprit est le mot « puissant ». Oui, c'est bien cela. C'était puissant.
Trois coups sourds résonnent depuis la porte d'entrée. Surprise, je me penche vers la fenêtre de la cuisine donnant sur la rue pour tenter d'apercevoir une silhouette, mais le renfoncement dissimule totalement la zone au-delà des marches. Je cherche ma robe de chambre des yeux et l'enfile tout en progressant vers l'entrée. Ma première idée se porte sur la présence d'un voisin venant attiser sa curiosité en ce dimanche matin. Je me hisse jusqu'au judas et reste interdite face à la vision qu'il me renvoie. D'autres coups retentissent et me font sursauter. J'hésite de longues secondes avant d'entreprendre le moindre geste et finis par tourner la clé.
Lorsque j'entrouvre la porte, Harry est déjà en bas de marches, prêt à repartir. Aussi stupéfait que moi, il n'ose plus bouger. J'ouvre davantage, créant un courant d'air qui se faufile entre mes jambes. Dans les secondes qui suivent, un claquement de porte résonne à l'étage. Si Louis dormait encore, je pense que ce bruit sec aura eu raison de son sommeil.
Le visiteur inattendu pivote légèrement, mais attend visiblement une parole de ma part pour remonter ou peut-être déguerpir.
- J'imagine qu'il y a une bonne raison pour que tu sois ici. Alors ne me fais pas regretter de t'inviter à entrer.
Ma voix est aussi sûre que glaçante. Harry baisse le regard, mais finit par revenir vers moi. Je le laisse passer et referme la porte. Ce qui me frappe immédiatement, c'est qu'il ne porte pas son léger parfum masculin si agréable et reconnaissable quand il entre dans une pièce. Il paraît moins soigné que d'habitude. Sa barbe a poussée et lui donne un air négligé, tout comme ses cheveux coiffés en un chignon brouillon. Ses vêtements froissés paraissent eux aussi choisis par dépit. Il semble au plus mal, mais bizarrement, je m'en réjouis.
Ses yeux parcourent quelques secondes la pièce, puis il se retourne vers moi et peine à soutenir mon regard froid.
- C'est vraiment charmant. Dit-il après un raclement de gorge, comme s'il n'avait pas parlé de vive voix à quelqu'un depuis des jours. Vous serez bien ici.
Impassible, j'attends patiemment qu'il poursuive vers ce pourquoi il est venu jusqu'à chez nous.
Comme s'il comprenait que je n'ai aucune envie de lui accorder une discussion normale, Harry prend sa respiration et me pose la question qui lui brûle les lèvres.
- Comment va-t-elle ?
Inévitablement, son intérêt me touche, mais je me ressaisis.
- Elle s'en remettra. Mieux que toi de toute évidence, mais tu l'as bien cherché.
Il ravale sa salive en assimilant mes mots. Je fais rarement preuve d'autant de sévérité et suis surprise moi-même d'avoir ce répondant face à lui en qui je n'ai toujours vu que de la bienveillance auparavant. Désormais, il me répugne.
- Joy ne se morfondra pas longtemps, je le sais, et c'est l'unique raison qui m'apaise dans le fait de te reparler aujourd'hui.
J'ai pleinement conscience de l'accabler, mais je n'y peux rien. L'avoir face à moi est vraiment l'occasion de lui sortir tout ce que j'ai sur le cœur.
- Je ne demande pas à être pardonné pour un acte que je ne me pardonne pas moi-même. M'avoue-t-il d'une voix faible.
Un murmure rauque lui sort de la bouche lorsqu'il poursuit.
- Tout ce que je souhaite, c'est qu'elle aille bien.
Il est sur le point de craquer et ma ténacité aussi. Je m'avance jusqu'au canapé et m'assieds sur l'accoudoir pour trouver un appui. Les bras croisés sur la poitrine, je l'observe de nouveau et ne parviens pas à refréner ce qui me torture l'esprit depuis huit jours.
- J'ai une question... Pourquoi ? Pourquoi lui as-tu fait une telle chose ?
Harry fixe le sol et secoue la tête.
- C'est compliqué. Répond-t-il évasivement.
- Compliqué ? Si tu ne l'aimais plus, il y avait d'autres façons de le lui dire.
J'entends le volume de ma voix monter, comme si je ne le maîtrisais plus.
- Je n'ai jamais cessé de l'aimer. Affirme-t-il avec toute la sincérité qu'il lui reste.
- Tu...
J'essaie de me raisonner, de ne pas laisser la colère parler à ma place, mais c'est vraiment très difficile. Je reformule ma phrase d'un ton plus apaisé.
- Parfait. Explique-moi. J'ai tout mon temps.
Les yeux de Harry se dirigent vers les escaliers derrière moi. La voix de Louis résonne avant que je n'aie eu le temps de me retourner.
- Qu'est-ce qu'il fait ici ?
Simplement vêtu d'un bas de jogging en coton gris, les yeux de mon chéri sont rivés sur celui dont la présence l'irrite.
- Ava n'y est pour rien. Répond Harry en prenant soudainement beaucoup plus d'aplomb. Je suis venu de mon plein gré.
- Je m'en doute qu'elle n'y est pour rien. Continue Louis en descendant lentement les marches. Tu ne manques pas d'air pour débarquer comme ça à l'improviste.
- Louis.
Ma demande d'apaisement est sortie toute seule. J'ignore pourquoi, mais mon bras le retient d'avancer davantage lorsqu'il arrive à mon niveau. Il fronce les sourcils, prenant ma réplique comme un affront.
- Tu ne vas tout de même pas prendre sa défense après ce qu'il lui a fait ? Rétorque-t-il, ne saisissant pas ma position.
- Bien sûr que non. Je cherche juste à éviter que les choses ne dérapent.
Louis saisit mon intention et se retient d'aller plus loin. En revanche, Harry avance un peu plus.
- Je sais que me racheter une conduite à vos yeux prendra du temps, mais je n'abandonnerais pas. Nous dit-il calmement.
- Tu n'adresses pas ces mots à la personne qui mérite de les entendre. Lui fait remarquer mon chéri.
- Elle refuse de me parler. J'essaie de l'appeler depuis plusieurs jours.
- Comme c'est étrange. Ironise Louis.
Notre interlocuteur soupire lourdement.
- Tu viens de perdre la plus formidable femme que tu aies connue. Continue mon allié. Mais ça ne fait rien, Joy est une battante désormais. Je lui donne moins de trois mois pour t'oublier et retomber amoureuse de quelqu'un qui en vaille vraiment la peine.
Maintenant que les clés du débat sont remises entre les mains de son ami, je sens que l'impact de ces mots prend une tout autre ampleur. Les yeux verts de Harry sont remplis d'angoisse. Il tente à tout prix de contenir ses larmes face à nous et ce spectacle me fend le cœur.
- J'ignore ce que tu es venu chercher ici, mais nous sommes incapables de te donner le moindre espoir...
Il relève les yeux vers moi et renifle.
- Tu l'as définitivement perdue. Conclut Louis, lui assignant l'ultime coup de poignard.
Son regard dévie au loin. J'aperçois alors des larmes couler sur ses joues. Dans d'autres circonstances, je l'aurais probablement consolé, mais même anéanti de la sorte, je me retrouve dans l'incapacité de lui trouver des excuses. Mon empathie est entièrement réservée à Joy.
Confus de s'être engouffré dans la gueule du loup, il finit par marcher en direction de l'entrée, puis s'arrête en rassemblant son courage.
- Dîtes-lui simplement que je suis désolé de l'avoir détruite. Confesse-t-il honorablement. Je ne pense pas qu'elle me pardonnera un jour, mais je veux juste m'assurer que tout aille bien pour elle.
Et voilà, mon cœur est en miettes.
- On veille sur elle. Dit posément Louis, comme pris lui aussi d'une certaine estime pour son ami.
Harry prend note et rouvre la porte, mais je ne peux définitivement pas me résigner à le laisser s'en aller ainsi. Prise d'un élan de sympathie, je m'avance pour le retenir encore un peu.
- Et toi ? Que vas-tu faire maintenant ?
Avant de pivoter de nouveau, ses mains rejoignent ses joues pour essuyer les larmes qui ont coulé en silence. Son regard anéantit toutes mes résolutions.
- Continuer à écrire, finir l'album... Répond-t-il en regardant brièvement Louis.
Je me retourne et constate que mon amour reste cependant impassible à son désir de faire perdurer leur activité professionnelle et conclure ce qu'ils ont entrepris.
- ... et me concentrer sur ma famille. Ajoute-t-il ensuite. Je l'ai bien trop négligée elle aussi ces derniers temps.
- Comment va Robin ? Lui demande Louis qui a progressé jusqu'à moi.
- Sa santé se dégrade. Soupire Harry, dont le chagrin redouble en prononçant ces mots. Il faut compter quatre à cinq ans d'attente pour une greffe de rein. Il n'a malheureusement plus ce temps.
Le choc de ses révélations me démolit. Le brun déglutit péniblement et enchaîne son discours d'un regard fuyant.
- Alors, s'il y a une infime chance pour que je sois compatible avec lui, je veux être en mesure de lui faire ce cadeau.
Je ravale à mon tour ma salive pour ne pas craquer. Comment quelqu'un qui a autant le cœur sur la main a pu tromper sa petite amie ?
- Consacre du temps à tes proches. Énonce Louis. On reparlera musique quand tout le monde sera prêt à le faire.
Harry acquiesce et semble apaisé d'entendre qu'il conserve malgré tout sa place dans leur quotidien musical. Lorsqu'il repart, Louis et moi sommes totalement déconcertés. Même s'il récolte indéniablement les conséquences de ses actes, il n'en reste pas moins humain et touchant dans ses faiblesses. Aussi impardonnables soient-elles.
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