Chapitre 11

♫ « Ghost » - Halsey ♫


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Joy
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On a souvent tendance à dire qu'un livre adapté au cinéma n'a pas la même saveur. Il manque des éléments, les gens râlent, ne trouvent pas le choix des acteurs pertinent. J'ignore d'où me vient cette réflexion puisque je n'ai jamais lu Nicholas Sparks, mais il me semble avoir déjà aperçu ses livres sur la table de chevet d'Ava. J'en avais conclu que c'était ni plus ni moins qu'une merde à l'eau de rose. Seulement, l'adaptation de son roman « The Notebook » est un putain de chef d'œuvre. Alors comment se fait-il que personne ne m'en ait jamais parlé avant Harry ? Sans doute parce qu'il s'agit d'un de ces films qui fait partie des incontournables que tout le monde est censé avoir vu au moins une fois dans sa vie. Jusqu'à ce jour, j'étais plutôt du genre à vouloir m'éloigner de cette conformité. J'avais loupé une grande occasion de prendre une leçon de vie.

Je l'avoue, jusqu'à la fin j'ai espéré un happy-end. J'ai juré à n'en plus pouvoir lorsque Noah et Allie, enfermés dans leur cercle infernal en quête de leur passé commun, se sont enlacés pour connaître une fin funeste en se jurant un amour éternel.

En fait, ce qui m'a surtout abattue plus que le suspens laissé sur leur mort supposée, c'est que je me suis reconnue en Allie d'une certaine manière. Issue d'une famille aisée, elle a bravé les interdits avec son satané caractère, épaulée par le doux Noah, qui m'a étrangement rappelé quelqu'un. Son besoin de sauver la mémoire défaillante de sa compagne m'a ramené à ce que Harry a accompli pour moi. Les efforts du pauvre héros n'ont pas été récompensés à leur juste valeur. Il n'en sera pas de même pour les siens. Sa présence et sa bienveillance me réconfortent. Harry a su pénétrer mon cœur par ses qualités humaines. Grâce à lui une fois encore, le temps cesse d'exister, emportant dans son déclin le monde qui nous entoure. À moi de faire en sorte de maintenir une fin parfaite.

Je suis en train de pleurer à torrent lorsque le générique défile sur le petit écran face à nous. Harry retire son casque, alors que je préfère rester encore quelques instants dans ma bulle. Je lis déjà dans son regard la fierté d'avoir insisté pour que nous le visionnions ensemble. Cela fait des années que je ne me suis pas immergée dans un film de la sorte. Je plane. Et pas uniquement parce que nous sommes en avion.

Je prends le risque de croiser ses yeux dans le but d'avoir une sérieuse explication.

- C'est une blague ?

Un rictus de satisfaction prend forme sur son visage. Je renchéris.

- Ça ne peut pas se terminer comme ça ?!

- C'est le cas pourtant. Dit-il avec flegme.

- Tu abuses ! J'allais bien jusqu'ici ! Tu as vu ma tronche maintenant ?!

Harry vient essuyer ma joue avec son pouce, mais son sourire ne le quitte plus. Je pense qu'il est heureux de me voir dans cet état pitoyable, car il y a quelques mois, je n'aurais jamais pu supporter d'extérioriser mon ressenti de cette manière. Ça y est. Je deviens comme Ava. Une éponge à sentiments. Il ne pousse pas le vice au-delà de ce furtif rapprochement, sachant parfaitement que je suis capable de ronchonner jusqu'à l'arrivée et passe à autre chose en relevant le volet du hublot. Immédiatement, mes yeux se posent sur ce paysage que je connais si bien. Nous sommes en pleine descente en direction de l'aéroport de Gatwick.

- Tu crois qu'on peut voir Paddington d'ici ?

Il détourne le regard vers moi, mais ne répond rien.

- Bah quoi ?

- Tu sais, rien n'aura probablement bougé en trois mois.

Le pire c'est qu'il a raison. Londres sera toujours la même que celle que nous avons quittée en novembre dernier, mais même si c'est le cas, je n'ai jamais eu autant envie de rentrer chez moi.

Contrairement aux autres destinations que nous avons pu faire, Harry a tenu à ce que nous soyons escortés dès notre arrivée pour ne pas faire trop parler. Il sait parfaitement que les médias s'impatientent de notre retour dans la capitale anglaise. Munis de nos bagages à main, nous esquivons donc l'attente interminable du contrôle de sécurité avant les autres passagers.

Je ne tiens plus en place et m'impatiente de retrouver nos amis.

- Où peuvent-ils bien être ?

- Pas sûr qu'ils viennent jusqu'ici. Me dit Harry en riant de ma façon d'extérioriser ma hâte.

- Ils ont plutôt intérêt !

D'autant plus que je sais qu'Ava y tenait beaucoup.

- Par contre, s'ils nous font une haie d'honneur, on les snobe !

Harry secoue la tête et souffle d'exaspération. Il n'en peut plus de moi, ça se voit. Blague à part, j'ai vraiment très envie qu'ils acclament notre arrivée comme il se doit et je suis toute excitée à l'idée de les revoir. Je me surprends à me hisser sur la pointe des pieds à plusieurs reprises pour tenter de les apercevoir parmi la foule derrière les portiques.

- Tu les vois, toi ?

- Il y a vraiment beaucoup de monde, Joy. Ils sont peut-être un peu plus loin pour éviter de se faire remarquer.

Jusqu'à aujourd'hui, nos escales se sont toujours faites dans la plus grande discrétion. Nos trajets étaient bien trop aléatoires pour que quiconque puisse les prédire. Je suis tout de même déçue de ne pas voir leurs bouilles collées à la vitre.

- Ils ne se sont peut-être tout simplement pas donné la peine de venir... Ava m'a pourtant saoulé pour avoir toutes les informations sur notre vol.

- Ne commence pas déjà à râler. Me reprend Harry en m'incitant à sortir mon passeport.

Je le tends au membre du personnel chargé de vérifier les identités. Je le surprends faisant voyager ses yeux à plusieurs reprises entre la photo avantageuse et la réalité. Je tente alors du mieux que je peux de reproduire ma pose afin qu'il cesse d'avoir des doutes. En vain. Il persiste à s'interroger.

- Oui je sais ! Je ne me suis pas épilé les sourcils depuis trois mois !

Le type se marre à ma réplique et me rend mes papiers.

- Bienvenue au pays.

Fière de lui avoir décroché un sourire, je rejoins Harry un peu plus loin. Il attrape ma main et passe son sac derrière son épaule. Je sais qu'une fois que nous aurons franchi ces lignes, ce sera définitivement la fin de ce périple idyllique. Treize destinations que je n'aurais jamais cru voir un jour. Et toujours avec cette même main réconfortante au creux de la mienne.

Un mouvement de foule semble résonner au loin dans le terminal. Les doigts de mon chéri se resserrent un peu plus autour des miens. Nous n'avançons pas plus loin, intrigués par ce qu'il peut bien se tramer de l'autre côté de la paroi vitrée. La réponse ne tarde pas à nous parvenir, lorsque surgissent Louis, Ava, Liam et Niall en pleine course. Ils ne nous ont donc pas oubliés. Mon sourire se fane immédiatement lorsque je constate qu'ils ne s'arrêtent pas. Ils sont totalement affolés en tentant d'échapper à une poignée de jeunes fans qui hurlent à pleins poumons derrière eux. Ces derniers changent rapidement de cible lorsque l'un d'eux reconnaît Harry. Glacée de stupeur, je reste figée face à cette scène inattendue, tandis que les membres de la sécurité de l'aéroport maîtrisent fermement les assaillants contre le seul rempart qui nous sépare d'eux. Des flashs commencent à nous aveugler et Harry me colle à lui. On nous escorte rapidement vers une autre sortie. J'ignore encore si les autres ont trouvé une issue.

Je prends mon téléphone pour tenter d'appeler ma meilleure amie. Elle décroche aussitôt.

- Où est-ce que vous êtes ? On vous a vu passer en courant !

- On a dû retourner au parking souterrain ! Me crie-t-elle, essoufflée. Nous sommes dans l'allée M. Il n'y a presque personne.

Je fournis ces indications à notre guide et aucune de nous n'interrompt le coup de fil jusqu'à ce que nous nous retrouvions. Une fois dans les entrailles de l'aéroport, normalement réservé au personnel, je les aperçois enfin au loin. Ava met fin à l'appel après avoir crié un « on est là » qui résonne jusqu'à nous. Je leur fais de grands signes de la main.

En première intention, je rejoins mon amie pour lui sauter dans les bras.

- Je suis désolée, on est arrivés en retard ! Me dit-elle en m'enlaçant.

Elle est visiblement déçue que nos retrouvailles se soient déroulées de la sorte.

- On est allé jusqu'à Heathrow avant qu'Ava ne se souvienne que vous atterrissiez ici. Explique Louis.

Visiblement surmenée, elle leur lance à tous une moue confuse.

- Il y a beaucoup trop de choses dans cette petite tête en ce moment ! Ajoute-t-il en tapant du doigt sur le front de sa petite amie.

Effectivement, maintenant qu'il le soulève, elle semble très fatiguée. Son nouveau travail n'en finit pas de lui donner du fil à retordre.

En saluant le reste du groupe, je constate que Niall tente de planquer quelque chose dans son dos.

- Qu'est-ce que tu tiens comme ça derrière toi ?

- Oh, ce n'est rien. Me dit-il en rougissant un peu. Ça n'aura plus du tout le même effet maintenant.

Il nous montre alors une petite pancarte sur laquelle est écrit « Welcome home ».

- Ah ben voilà ! Toi au moins, tu as le sens de l'accueil !

- D'ailleurs, tant qu'on en parle... Ajoute-t-il avec un grand sourire. Une petite fête chez moi ce soir pour arroser votre retour, ça vous dit ?

- Oh bordel, il ne faut pas me le dire deux fois !

Je scrute Harry pour avoir son approbation, mais vu sa bonne humeur évidente, il n'y a pas de doute à avoir sur son consentement.

- Bon, on décolle avant de ne créer une nouvelle émeute ? Nous demande Louis, presque au volant de sa voiture, impatient de quitter le sous-sol.

- C'était excellent en tout cas ! Plaisante Liam en repartant en direction de son véhicule avec Niall.

- On n'est même pas reformés qu'on crée déjà la panique ! Lui lance Louis en se mettant à rire.

Liam revient alors sur ses pas pour entamer une nouvelle discussion.

- Enfin, vous vous rappelez du foutoir qu'on avait causé à...

- Rio ! Entonnent-ils tous les quatre en chœur.

Ils partent alors dans une conversation mêlée de souvenirs qui ne sont accessibles qu'à ceux qui les ont vécus. Ava et moi nous sentons vite exclues, mais cela nous permet d'entamer un aparté.

- J'ai croisé Jerry en partant tout à l'heure ! Me dit-elle. Il te passe le bonjour et il est ravi de te savoir de retour.

- Mince, ce bon vieux Jerry... Il me manque aussi cet abruti ! Le service a dû devenir tellement ennuyeux sans moi.

- En toute modestie, bien sûr. Me lance Ava avec un clin d'œil.

- Toujours.

Cette brève évocation de mon travail lâchement délaissé me fait prendre conscience qu'il va bientôt falloir que je songe à reprendre une activité. Mon poste d'intérimaire a certainement été pourvu dès que je suis partie. Le récupérer n'est pas encore d'actualité, car j'ignore comment je suis capable de réagir en présence de mes vieux ennemies. Mais une chose est sûre, je ne vais pas continuer à me faire entretenir par mon riche petit ami. Alors il va bien falloir que je trouve une solution.

_____

Harry tourne la clé dans la serrure de sa maison. Je suis déjà toute retournée en pensant à la boule de poils qui nous attend derrière la porte. Ava et Louis l'ont ramené ici avant de venir nous chercher. Je me demande s'ils n'avaient tout simplement pas hâte de s'en débarrasser.

La porte s'ouvre et aussitôt, le petit chat se rue vers nous. Petit ? J'ai dit « petit » ? C'est quoi cette chose ?

- Mais qu'est-ce qu'ils lui ont filé à bouffer ? Il est énorme !

Edgar se précipite sur moi en miaulant grassement.

- Merde ! Il a mué aussi ! Il est passé où ton miaulement de chaton ?

Je me baisse pour le caresser. Harry semble sur la réserve.

- Ce n'est pas lui. Dit-il avec le plus grand sérieux.

Je soulève le matou pour le mettre à notre niveau. Il a bien dû prendre au moins trois kilos. Je suis sûre que Louis lui a donné de la pizza. Il n'y a que ça chez lui de toute façon.

- Bien évidemment que c'est lui ! Il a juste un peu grandi, voilà tout.

Avec prudence, il approche une main hésitante vers Edgar. Un ronronnement sincère ne tarde pas à résonner dans nos oreilles.

- Je suis désolée, je t'ai fait des infidélités avec un petit Shemar ! Mais maman t'aime beaucoup !

Harry cesse immédiatement de choyer le félin et me regarde avec étonnement.

- Tu es vraiment en train de comparer un chat à un enfant ?

- Bah oui, c'est mon bébé.

Edgar saute de mes bras lorsque Harry actionne le bouton qui enclenche l'ouverture des volets de la pièce de vie. Je m'étire en bâillant bruyamment.

- Je me sens jetlaguée, pas toi ?

- Tu plaisantes ? Il n'y a qu'une heure de décalage avec Florence !

Lui, il est habitué à passer d'un pays à l'autre sans se soucier de la répercussion sur son organisme. Moi, je n'avais jamais voyagé de ma vie avant. Ça fait des semaines que je ne parviens pas à me calquer sur les fuseaux horaires.

- Ce paysage-là ne m'avait pas manqué en tout cas. Marmonne mon chéri en regardant le ciel gris et menaçant par la baie vitrée de sa véranda.

Le climat italien que nous avons quitté en début d'après-midi n'avait effectivement rien à voir avec le rude hiver qui sévit à Londres chaque année. La Norvège, qui était supposée être notre dernière étape, ne nous a offert que trop peu de soleil. Harry a vraiment eu raison d'insister pour que nous posions nos valises quelques jours en Toscane. Cette cure ensoleillée a parfaitement conclu notre virée.

Il disparaît un instant à l'étage, tandis que je remplis la gamelle du chat. Lorsqu'il redescend, il tient son carnet de voyage dans ses mains. Je l'ai taquiné plusieurs fois pour y avoir accès, mais il n'a jamais voulu que j'y mette le nez.

- Tu vas te décider à m'en lire un passage ?

Il sourit et le range dans un des tiroirs de son buffet.

- Pas pour le moment. Déclare-il simplement. Il y a des choses que tu n'es pas prête à lire.

En le rangeant juste sous mes yeux, il sait parfaitement que je pourrais très bien y avoir facilement accès, mais par respect, je ne le ferai pas. Je veux que ça vienne de lui. Je suis sûre qu'il m'a écrit une chanson.

Edgar vient de nouveau rôder autour de son maître en le reniflant bizarrement.

- Je t'assure, ce n'est pas lui. Il ne me reconnaît pas.

Il semble vexé que son animal de compagnie soit plus attiré par moi. Je vais les laisser se retrouver en tête à tête. Il faut savoir s'effacer quand il le faut.

- Qu'as-tu fait des sacs ?

- Je les ai montés dans la chambre.

- Je vais déballer le mien pour faire une lessive.

Nous sommes venus directement ici après l'aéroport. Je n'ai donc rien de convenable à me mettre sur le dos pour ce soir. Je dépose un baiser sur sa joue, puis rejoins l'étage où nos bagages reposent sur le lit. En passant la porte, je me surprends à prendre une grande inspiration pour m'imprégner de cette odeur familière que j'aime tant. Ça fait du bien d'être de retour chez soi. Enfin, chez lui.

Mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon pantalon. Mon cœur s'emballe en constatant qu'il ne s'agit pas d'un numéro enregistré dans mon répertoire. J'ai à peine remis les pieds à Londres qu'il se passe déjà des choses étranges.

Numéro inconnu, 17:02 : « J'ai appris que tu étais de retour. Comment vas-tu ? Finn. »

Ouf, ce n'est que lui. Mince alors. Je l'avais oublié celui-là. En lisant le message de mon ancien collègue des urgences, je me rends compte qu'il m'en avait déjà envoyé un il y a deux mois pour me demander exactement la même chose. J'ai du le lire tellement furtivement qu'il m'était totalement sorti de la tête. Je lui répondrai plus tard. Enfin, c'est exactement ce que je me suis dit la dernière fois et au final, je ne l'ai jamais fait. Je replace mon portable dans ma poche. On verra bien si j'ai un moment.

- C'est vingt heures le rendez-vous chez Niall ce soir ! Scande Harry au pied des escaliers.

Parfait, la machine aura le temps de faire son boulot. J'étale mes affaires sur le lit, mais face au peu de vêtements que j'ai sous les yeux, je décide de prendre également ceux de Harry. Nous sommes revenus aussi légers que lorsque nous sommes partis. Je secoue son sac en le mettant à l'envers et tout le contenu se déverse face à moi. Je prends garde à vider les poches -sage conseil qu'Ava ne cesse de me rabâcher- et redécouvre différentes monnaies des pays que nous avons traversés. Nous n'avons rien rapporté avec nous, donc avoir conservé ces petites reliques anecdotiques fait office de souvenir.

Un morceau de papier blanc se trouve dans la poche arrière d'un de ses jeans. Sûrement une page déchirée de son carnet. Excitée d'avoir l'occasion de braver l'interdit, je me retourne brièvement pour m'assurer qu'il ne se trouve pas dans mon dos, puis ouvre le brouillon tout chiffonné. Au premier coup d'œil, je m'aperçois qu'il ne s'agit pas de l'écriture de Harry.

- Ne vide pas mon sac, je m'en occupe. Me dit-il depuis le rez-de-chaussée, tandis que je commence à déchiffrer ce qui semble être une lettre lui étant adressée.

Les mots les plus marquants frappent mon esprit avec effroi. « ...menace... Bianca... pognon... vidéo... ». Je mets un certain temps avant de saisir ce dont il s'agit vraiment. Mon sang se glace. Mes orbites parcourent avec frénésie les lignes manuscrites jusqu'à tomber sur le prénom de leur abjecte auteur. Andrew. J'avais deviné son identité dès les premières lignes. Le cauchemar reprend vie. Pitié, réveillez-moi.

Les pas de Harry résonnent dans les escaliers. Sans calculer mon geste, je saisis la clé usb qui était enroulée dans le morceau de papier. Ma vision est floue. Je sursaute lorsque sa voix me percute de si près.

- Je t'avais dit de ne toucher à rien ! Lance-t-il autoritairement.

Mes mains se mettent à trembler lorsque je croise son regard. Il me cache encore des choses.

- De... Depuis quant tu as ça ?

Harry avance d'un pas, mais je recule.

- Joy... Je...

- Tu quoi ?

Il maintient son silence, ce qui m'agace encore plus, mais il finit par se lancer en reprenant son souffle.

- Ava me l'a confiée quand nous étions à Hawaï. Lâche-t-il honteusement.

- Ça fait plus d'un mois et demi que tu trimballes ça avec toi et tu ne m'as rien dit ? J'en ai assez que vous me preniez pour une enfant !

Stoïque, Harry ne trouve pas ses mots et peine visiblement à avaler sa salive. Il ne cesse de remettre ses cheveux en arrière en signe de stress. Je tiens toujours la clé usb dans mon poing. Je la lui mets sous le nez.

- Qu'est-ce qu'il y a là-dessus ? À quel genre de vidéo fait-il référence ?

J'ai la gorge serrée et mon timbre de voix s'amenuise. Les mots que je redoutais franchissent enfin sa bouche.

- C'est toi. Toi et Bianca faisant l'amour à un même homme.

Les larmes contenues aux coins de mes yeux déferlent sur mes joues. Je perds la notion du temps. J'ai l'impression que notre dispute dure depuis dix minutes alors que ça doit en faire à peine deux qu'il est devant moi. Mon cœur martèle ma poitrine et mon souffle se coupe. Andrew a cette vidéo. Comment se l'est-il procurée ? Depuis des années, Bianca se les gardait sous le coude, en fait. Mes boyaux se tordent.

- Qui d'autre a vu ça ? Est-ce qu'Ava l'a vue ?

Les bras le long de son corps, il ne cesse de serrer et desserrer ses poings nerveusement.

- Oui. Répond-t-il simplement. Et Louis est au courant.

Abasourdie, je me laisse tomber sur le lit derrière moi. J'imagine Ava et Harry découvrant les images avec horreur. Mon estomac se soulève une nouvelle fois. Andrew m'a jeté en pâture avec tout le mépris dont il sait si bien se servir. Ça me rend malade de savoir que les deux personnes que j'affectionne le plus aient vu de telles images. Je n'ai pas d'idée précise de ce qu'ils ont pu découvrir. Tout ce que je sais, c'est que je n'ai pas de quoi en être fière. Mon esprit tourne en surrégime. Des souvenirs affluent dans ma mémoire. Bianca. Dean. On en a tourné des dizaines de la sorte.

Harry s'agenouille face à moi et attrape mes poignets.

- Andrew sait parfaitement que je ne vais pas l'envoyer se faire voir... Dit-il calmement.

- Parce que tu ne songes tout de même pas à le payer ?

- Bien sûr que si !

Il ne me quitte pas des yeux.

- C'est de l'argent qu'il veut. Ajoute-t-il.

Je me lève pour donner de l'impact à mes arguments.

- Non, ce qu'il veut, c'est que tu te plies à ses volontés ! Il veut gagner !

- Et bien il gagnera, bordel !

L'émotion que je perçois dans sa voix est un crève-cœur.

- Tu n'as pas l'impression d'acheter ta réputation ?

Sa poitrine se soulève et sa colère est palpable.

- Il ne s'agit pas de ma réputation, mais de la tienne ! Tu crois que ça m'amuse de savoir que n'importe qui pourrait te voir nue ? Ça m'atteint parce que c'est toi et parce que je sais que tu vas en baver ! Les médias ne feront qu'une bouchée de toi après ça !

Savoir désormais qu'il a eu un aperçu plus qu'explicite de ma jeunesse dépravée me rend folle, comme si cette part intime que je gardais encore secrète venait de m'exposer à la figure. C'est violent. Ça fait mal. Trop de choses tournent dans ma tête. Je sais que ces mêmes yeux qui me regardent ont vu la Joy pervertie. Celle qui ne craignait pas pour son image, qui avait des conduites sexuelles à risque, qui n'assumait sans doute pas totalement la portée de ses actes. J'ai l'impression d'avoir été dépouillée de ma crédibilité, de mon humanité. Je suis vulnérable. Comme un oisillon sorti de l'œuf.

- Je ferai cette transaction, peu importe ce que tu pourras me dire pour m'en dissuader.

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