Chapitre 7

♫ « Hey you » - Pony Pony Run Run ♫


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Ava
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L'alchimie. J'ai toujours trouvé cette notion absurde. Comme une définition bien trop archaïque des sentiments amoureux. Admettre cette idée stéréotypée qui dit que deux êtres sont attirés l'un vers l'autre par instinct ne fait pas partie de ma façon de voir les choses. De dire que nous sommes dictés par une pulsion presque animale, faite de vibrations de l'esprit vers un désir primitif de se rapprocher d'une personne jusque là inconnue... je ne me retrouve pas dans cette définition. Enfin, c'est ce que croyais. Jusqu'à aujourd'hui.

Je me prends cette constatation de plein fouet : je suis victime de mes propres sens. Comme s'ils s'étaient soudainement donnés le mot pour me torturer injustement à la suite de cette rencontre impromptue dans un taxi londonien. Comme si mon organisme tout entier m'était devenu étranger. Une sensation d'attraction inexplicable qui est venue perturber mon aptitude à réfléchir, à penser de manière logique et organisée. Une force inconnue sur laquelle je n'ai eu aucune maîtrise. Et je déteste perdre le contrôle de moi-même. Mais je ne peux pas feindre l'indifférence à la façon dont mon corps a réagi à ce bref et innocent contact de sa main autour de mon poignet lorsqu'il a voulu payer mon trajet jusqu'au quartier d'affaires où j'étais attendue ce matin.

Mon entretien chez The Pink Group m'a laissé un arrière goût amer. À moins que ce ne soit les restes de la soirée d'hier. Peu importe. Je m'en veux d'avoir été négligente et distraite à ce sujet. D'autant plus que j'ai l'impression de n'avoir fait que survoler ce rendez-vous pourtant crucial pour lequel j'aurai probablement dû me préparer plus sérieusement. Ça ne me ressemble pas. En plus de cela, je me bats contre un mal de crâne monumental. Et je fais face à une amnésie quasi totale concernant la fin de soirée à The Box.

Je traîne lourdement des pieds pour monter les escaliers qui mènent à l'appartement. Je pose les muffins que j'ai achetés sur le chemin du retour sur la console de l'entrée. Mon reflet dans le miroir s'impose à moi comme la confirmation du fiasco total de ce début de journée. Pourquoi a-t-il fallu que je sois autant parasitée par un simple inconnu ?

La porte de la chambre de Joy s'ouvre en trombe. J'aperçois le brun du nightclub qui tente d'enfiler son t-shirt tandis que ma coloc', enroulée dans un drap, le pousse gentiment vers la sortie. Celui-ci essaye de résister en freinant l'allure, mais elle a l'air déterminée à le mettre dehors.

- Mais attends...

Il émet un claquement de langue, traduisant toute l'indignation qui l'habite face au comportement désinvolte de Joy. Elle n'y va pas avec le dos de la cuillère pour lui faire comprendre qu'il doit s'en aller sur le champ.

- On se prend un petit café au moins ?

Je le vois tendre une main discrètement vers le sachet de viennoiseries mais Joy, toute en délicatesse, réprime son geste d'une tape autoritaire sur le dessus de sa main.

- Désolée, on a plein de choses à faire aujourd'hui. Dit-elle en lui indiquant les cartons qui traînent dans l'entrée.

Ok. Elle est décidément la meilleure pour imaginer des faux prétextes en moins de temps qu'il ne faut à ses mots pour sortir de sa bouche. Et encore une fois, ça a l'air de fonctionner.

- Bon ben, à plus tard ?

Ou presque. Il s'approche d'elle, espérant sûrement lui décrocher un baiser. Joy le repousse sans ménagement en apposant en même temps son index sur la bouche du bellâtre qui finit par reculer, vexé.

- Oui, oui, à plus.

À peine a-t-il franchi le seuil qu'elle referme la porte aussi sec derrière lui.

- Aaaah, j'ai bien cru que je ne m'en débarrasserais jamais ! Dit-elle avec un soulagement aussi sincère que machiavélique .

Mais, se rend-t-elle compte qu'il est encore probablement juste derrière la porte ?

Elle se débarrasse de son drap avec nonchalance et se jette de tout son long sur le clic-clac qui m'a accueilli pour la nuit. Elle ne porte plus qu'un simple débardeur et un shorty en coton noir. À la façon dont elle a d'accoler ses mains sur ses tempes, j'en déduis qu'elle fait face elle aussi à une migraine carabinée.

- Tu peux demander à la pièce d'arrêter de tourner s'il te plaît ?

- Tu veux que je t'apporte quelque chose contre les maux de tête ?

- Salle de bain, dans la pharmacie au-dessus du lavabo. Balbutie-elle, les yeux fermés.

- Je t'en pique un pour moi aussi.

J'étais tellement obnubilée par mon rendez-vous que je n'ai même pas pensé à prendre un cachet en partant. J'écarquille les yeux devant l'impressionnant stock de médicaments que possède Joy. Il y a tellement de boites et de flacons que je peine à mettre la main sur du simple Efferalgan. Rien de très surprenant j'imagine, venant d'une infirmière.

- Sacrée artillerie ! Lui fais-je remarquer en revenant dans le salon.

- Il faut savoir palier à toute éventualité. Alors, je ne lésine pas sur les médocs.

- Je vois ça oui.

Je pose les deux verres avec les comprimés effervescents sur la table et décide de la rejoindre sur le clic-clac. Mauvaise idée apparemment, puisque ce dernier s'affaisse brutalement dans un bruit tonitruant.

- Ah oui, j'ai oublié de te dire ! Il ne supporte pas le poids de deux personnes. Heureusement que le blond n'est pas rentré avec toi !

Nous partons dans un bref éclat de rire, rapidement rattrapées par notre gueule de bois. Un long silence s'installe et mon esprit divague à nouveau sur le déroulement de ma matinée.

- Ton entretien s'est mal passé ?

- J'ai bien failli ne jamais m'y rendre surtout, mon portable n'a pas sonné. Même pas le temps de me préparer. J'ai enfilé les premières fringues que j'ai trouvées... j'avais l'air de rien.

- Je t'assure que pour un lendemain de cuite, tu as plutôt bonne mine !

Je souris à sa remarque. Il est vrai que comparé à elle, je parais fraîche. Elle n'a sûrement pas pris le temps de se démaquiller en rentrant : son mascara a coulé accentuant ses cernes et sa jolie coiffure d'hier soir avec sa frange bien ordonnée a laissé place à quelque chose de totalement... différent.

- Je n'ai aucun souvenir de la fin de soirée...

- C'est simple : t'as rembarré le grand blond bien comme il faut, et le brun nous a raccompagnées.

- Attends... « le brun » ? Tu ne connais même pas son prénom ?!

- Shawn ou Sean... un truc comme ça ! Bref, on s'en fout. Il nous a ramenées... On a baisé...

Oh-mon-dieu. J'espère que je n'étais pas de la partie. J'ai un tel trou noir que j'en viens à douter. Mes yeux trahissent ma pensée.

-Non mais t'inquiètes, tu n'as rien fait. Tu t'es sagement couchée après t'être battue à la loyale avec le canapé-lit... Paix à son âme.

Mon esprit se radoucit. Même si je pensais bien ne pas être allée aussi loin.

- Tiens au fait, faudra que tu penses à rappeler ton pote là...

- Qui ? Alex ?

- Ouais ! Il a bien dû essayer de t'appeler une dizaine de fois après que tu lui aies envoyé la photo.

- La photo ? Quelle photo ?

- T'es sérieuse ? Tu ne te souviens vraiment de rien ?

Je me rue sur mon téléphone à la recherche du fameux cliché. Je fais défiler les photos de la soirée. Je ne pensais pas en avoir pris autant. Selfie avec le barman, Joy aux toilettes, Joy sur le lavabo, moi qui pose avec deux inconnus, un nombre incalculable de verres... et moi qui les engloutis... Je pense détenir la clé de mon amnésie. Je ne prends pas le temps de tout parcourir et vais voir dans mes messages pour trouver quelle photo je lui ai envoyée. Il s'agit d'un cliché de Joy en soutien-gorge avec « Salut Alex » écrit au rouge à lèvres sur la poitrine, accompagné de « Je te présente ma nouvelle coloc' ! ». D'accord.

- Je suis vraiment désolée d'avoir envoyé ça !

Bon, d'un côté, je suis rassurée de ne pas lui avoir envoyé pire.

- Parce que tu crois que j'avais l'air d'être forcée ? Ironise-t-elle.

Effectivement, ça ne saute pas aux yeux à premières vues à en juger par sa pose suggestive.

Je constate qu'Alex ne m'a rien envoyé par la suite. Je ne suis pas d'humeur pour un coup de fil alors je lui envoie le premier truc qui me vient par la tête pour engager la conversation.

Moi, 13:04 : « Salut. »

Alex, 13:06 : « Tiens, ravi de savoir que tu es toujours vivante. »

D'accord, il est de mauvais poils on dirait. Mais je l'ai bien cherché après tout.

Moi, 13:07 : « Désolé de ne pas avoir répondu à tes appels hier. On ne captait plus très bien dans la boîte. »

Alex, 13:10 : « Ne t'en fais pas, tu n'as pas à te justifier. Ravi de voir que tu t'amuses de ton côté. »

Bon ok, il est décidément fâché.

Moi, 13:15 : « Joy est un peu exubérante, j'imagine que l'idée de la photo venait d'elle. »

Alex, 13:16 : « Ça m'a fait rire j'avoue. Elle a l'air plutôt cool. »

Moi, 13:18 : « J'ai hâte que vous fassiez connaissance. »

Alex, 13:27 : « Le type ne t'a pas trop ennuyée ? »

Je me souviens qu'effectivement j'avais mis fin à son coup de fil à cause du blond venu me chercher pour danser.

Moi, 13:28: « Tu me connais, je n'ai pas ma langue dans ma poche. »

Alex, 13:29: « C'est bien ça qui me fait peur oui. »

Qu'est-ce qu'il insinue ? Je laisse un peu de temps avant de répondre, mais il est plus rapide que moi.

Alex, 13:34 : « Prends-soin de toi Ava, c'est tout ce qui m'importe. »

Il se fait décidément trop de soucis pour moi.

Moi, 13:36 : « Je prends note de ce précieux conseil cher ami, mais sache que je suis une grande fille désormais ( : »

Alex, 13:38 : « J'en suis conscient. Je ne veux juste pas te voir souffrir si quelque chose tournait mal un de ses quatre dans ta nouvelle vie de citadine. »

Moi, 13:39 : « Tes intentions me vont droit au cœur. Mais encore une fois, je sais me protéger seule. Et tu as pu constater que Joy avait aussi un sacré caractère ! »

Alex, 13:39 : « J'ai cru voir ça oui... :D »

Moi, 13:40 : « À l'avenir, j'essayerai de ne plus te faire le même coup qu'hier soir. »

Alex, 13:44 : « Non je préfère que tu me dises tout. Tu es si loin maintenant que j'ai peur qu'on finisse par s'éloigner. Donc je veux continuer à faire parti de ta vie. »

Moi, 13:45 : « Bien sûr que tu feras toujours parti de ma vie. Je ne veux juste pas que tu t'inquiètes inutilement pour moi. »

Alex, 13:50 : « Tu es ma meilleure-amie Ava. Je me soucierai toujours de ton bien-être. »

J'ai beau connaître mon ami d'enfance sur le bout des doigts, depuis mon départ, j'ai comme l'impression qu'il n'arrive pas à se faire à l'idée de ma nouvelle vie. Même s'il m'a toujours soutenue dans mon choix de partir, il semble rongé par l'idée que notre amitié prenne fin. Je ne ferai jamais une chose aussi absurde.

_____

Après une bonne douche chaude et un petit brunch très appréciable devant la télévision, où j'ai découvert la passion insoupçonnée de Joy pour les téléréalités absurdes au possible, ma migraine a enfin pris congé. Parfait, je vais pouvoir attaquer l'aménagement de ma nouvelle chambre. Je déballe les cartons du cadre de lit et fais l'inventaire de tout ce dont je vais avoir besoin, en triant scrupuleusement chaque vis et écrou.

- Bah ça c'est de l'organisation ! Me fait remarquer Joy en me rejoignant après avoir enfilé sa salopette en jean.

Sans me proposer son aide directement, elle vient s'asseoir à côté de moi, et s'empare du mode d'emploi. Je lui souris pour la remercier. J'entrevois de plus en plus sa personnalité généreuse et spontanée. Au premier abord, je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit si altruiste. Mais depuis que je la connais, elle me prouve sans cesse le contraire.

En à peine une heure, mon lit est monté. J'ai vraiment bien fait de choisir un lit en bois clair. Il donne un tout autre ton à la pièce. Ma nouvelle housse de couette à motifs graphiques a la taille parfaite. Elle laisse apparaître l'originalité du lit : des pieds compas style scandinave. Il ne manquera plus que quelques touches de décoration. J'ai déjà en tête d'accrocher une guirlande lumineuse, d'ajouter une jolie plante au coin de la pièce, et d'acheter une commode sur laquelle je mettrai des bougies, des boîtes etc. Tous ces petits détails qui me ressemblent et qui feront que je me sentirai chez moi.

- Au fait, quand est-ce que tu auras une réponse de la boite de ce matin ? Me demande Joy en me ramenant une canette de soda fraîchement sortie du réfrigérateur.

Dieu merci, il lui arrive de se réhydrater avec autre chose que de la bière.

- Si seulement je savais... Mais je ne pense pas leur avoir fait si bonne impression. J'avais la tête ailleurs...

Elle va se moquer de moi si j'évoque l'inconnu du taxi. Mais d'un côté, je sens bien qu'elle va prendre un malin plaisir à me torturer si je ne lui dis rien.

- Il y a eu ce gars...

Je lève les yeux vers elle et mes joues prennent aussitôt une teinte de rouge, signe de mon embarras. Joy me scrute avec intérêt.

- Un gars ? Ok, tu as toute mon attention.

Elle se jette sur mon lit et tapote la couette à côté d'elle m'invitant à venir me confier.

- Tu vas me trouver ridicule...Mais non, allez ! Un jeune homme, extrêmement charmant, est entré dans mon taxi alors qu'il allait démarrer. On a fait le trajet ensemble jusqu'à l'agence et j'avoue que depuis j'ai du mal à me le sortir de la tête.

- Mince alors... Il était comment ?

- Un peu plus âgé que moi, trois ou quatre ans de plus je dirais, un look décontracté, mais néanmoins travaillé, des cheveux bruns indisciplinés, un sourire à tomber et des yeux d'un bleu...

Rien que le fait de me re-plonger dans le souvenir de ce mystérieux inconnu remue à nouveau un tas d'émotions dans ma tête. Joy trépigne d'impatience que j'étoffe un peu plus en détails et me donne un petit coup de coude.

- Il t'a fait de l'effet à ce que je vois. Dit-elle avec un clin d'œil.

- Merci pour cette déduction pertinente...

- Tu lui as demandé son numéro au moins ?

- Ben je t'avoue que je n'ai pas vraiment eu l'occasion de penser à le faire sur le moment.

- Merde... mais tu vas faire comment pour le retrouver ?

Je hausse les épaules et me prends à nouveau cette réalité en pleine tronche : ce gars a disparu dans la nature.

- Tu te rends compte du nombre de mecs, rien qu'à Londres, qui correspondent à cette description ? Renchérit-elle, m'enfonçant encore plus dans mon désarroi.

- Oui merci... le message est passé...

- C'est con ! Y a pas un autre détail dont tu te souviennes ? Son prénom par exemple ? Tu le lui as au moins demandé ?

Dixit celle qui ne connaît même pas celui de ceux avec qui elle passe la nuit. Je me retiens de lui faire la remarque, même si j'en meurs d'envie.

- Le trajet a duré à peine dix minutes, donc non je n'ai pas pensé à lui demander.

Je fais le tri dans ma tête, essayant de replacer au mieux les souvenirs que j'ai de lui tant qu'ils sont encore clairs.

- Il avait des tatouages aux poignets. Une corde formant un nœud sur celui de droite et une sorte de bracelet avec les symboles des jeux de cartes sur celui de gauche.

- Ok, donc si je résume, on recherche un beau brun aux yeux bleus, entre vingt-cinq et trente ans, qui a des tatouages dont tu ne te souviens pas bien !

Joy éclate d'un rire si franc que je ne peux m'empêcher de l'imiter.

- C'est à peu près ça oui.

En dépit de ma déception, son fou rire est contagieux. C'est une des autres choses que j'apprécie chez elle. Elle semble savoir tirer parti des situations décevantes pour en relever la subtilité comique. Elle s'empare de mon Mac qui traînait sur le dessus de ma valise.

- Tu fais quoi ?

- Une recherche sur le net tiens !

Un autre détail me revient à l'esprit.

- Oh et il était suivi par une dizaine de jeunes femmes qui lui couraient après.

Joy se détourne brusquement de l'écran de mon ordinateur pour me lancer un regard sévère.

- Tu pouvais pas commencer par ça ? On cherche quelqu'un de connu alors !

- À moi il ne me disait rien.

- La presse people n'arrivait pas jusqu'à Alston ?

Je ne relève pas ce pic bien trop facile et lui assigne une tape sur l'épaule.

- Bon, Google mon ami, aide-nous à y voir plus clair. Dit-elle en se massant les tempes du bout des doigts.

- Autant chercher une aiguille dans une botte de foin...

- Ne sois pas si négative et continues à réfléchir.

Mon téléphone portable se met à sonner, interrompant notre recherche au grand désespoir de Joy.

- C'est ma mère.

Je lui fais comprendre qu'il faut que je réponde.

- Ok j'ai compris... Mais on reprend cette discussion après !

Elle sort de ma chambre. Après quelques minutes d'échange sur mon nouveau cadre de vie, ma mère finit par aborder le sujet de ma recherche d'emploi. Face à ma difficulté à en trouver un, elle essaye comme toujours de me rassurer.

- Ava, je t'ai vue travailler d'arrache-pied pour en arriver là. Tu as sacrifié quatre années de ta vie de jeune femme pour obtenir ce diplôme qui te faisait rêver. J'ai confiance en toi, tu finiras par trouver le job que tu souhaites, ma chérie.

Elle n'a pas tout à fait tort. J'ai tout fait pour décrocher ce diplôme avec les meilleurs résultats possibles. Je passais des week-ends entiers à bosser mes cours, n'allant à aucune des soirées auxquelles mes amis participaient. Je ne voyais quasiment personne en dehors d'Alex. Malgré tout, je n'éprouve aucun regret à l'avoir fait. Je n'ai pas le sentiment d'être passée à côté de ma jeunesse. Au contraire, je suis telle que je l'ai toujours souhaité.

- Tu sais bien que ton père et moi nous pouvons toujours t'aider financièrement jusqu'à ce que tu décroches quelque chose.

- Je n'en doute pas une seule seconde maman, mais je suis venue à Londres dans le but d'être indépendante. Je trouverai un petit job en attendant, ne t'en fais pas.

- Maintenant que tu es en colocation, si tu ne peux plus payer ton loyer...

- Maman...

Je n'ai pas besoin que l'on me fasse la morale. Je sais très bien à quoi je m'expose.

- J'ai compris, tu es une adulte, pardon... Sinon, as-tu fait d'autres connaissances ?

Je ne pense pas qu'évoquer l'inconnu du taxi avec ma mère soit une bonne idée. Mise à part les potes de Joy, je n'ai pas encore eu le temps de côtoyer grand monde.

- Je me concentre essentiellement sur le travail pour l'instant.

Joy passe sa tête dans l'entrebâillement de la porte, un sachet de pâtes dans les mains, comme pour me demander si cela me convient pour le dîner. J'acquiesce et abrège le coup de fil de ma mère pour aller l'aider.

- On se reparle bientôt maman, Joy m'attend dans la cuisine.

- D'accord, tu as le bonjour de ton père. À bientôt. Je t'embrasse.

- Bisous à vous deux.

Je rejoins Joy dans le séjour, mon Mac sous le bras.

- À tout hasard, est-ce que tu aurais une imprimante ?

- Oui bien sûr ! Tu t'es décidée à placarder un avis de recherche du bel inconnu dans toute la ville ?

Je lui tire la langue. Elle aime décidément beaucoup trop me taquiner à ce sujet, confirmant mon idée première qui était de ne pas lui en parler. Je lui fais passer le message par un regard réprobateur.

- J'ai envie d'imprimer des C.V moins ciblés sur le graphisme pour aller en déposer dans les restaurants ou supérettes alentours. Au moins en attendant de trouver mieux.

Elle me fait un petit clin d'œil d'approbation et part chercher son imprimante dans sa chambre.

- Tiens au fait, il faut que je te fasse remplir et signer le contrat de colocation.

Elle me tend un dossier qu'elle a récupéré au passage.

- C'est très formel comme truc mais c'est obligatoire. On pourra discuter des clauses au fur et à mesure si tu veux.

- Oui, je t'avoue que c'est tout nouveau pour moi comme mode de vie.

- Pour moi aussi. Je n'ai jamais partagé d'appartement auparavant.

Je me mets sur le bar de la cuisine pendant qu'elle s'affaire à préparer des spaghettis à la bolognaise. Je me rends compte que c'est un aspect de la colocation que nous n'avons pas encore abordé. Qui s'occupera des repas ? Et les tâches ménagères ? Est-ce qu'on établit un planning ? Mais tout se fait de façon tellement naturelle avec Joy que je me rends bien compte que mes interrogations sont ridicules. Je ne veux pas la bombarder avec mes questions strictement logistiques. Elle l'a dit elle-même, on verra tout cela au fil du temps.


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