Chapitre 37
♫ « Biblical »- Biffy Clyro ♫
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Louis
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Laisse-la. Si elle a voulu partir, c'est qu'il y a une raison. Et tu n'y es pas pour rien. Je lis et relis son dernier message en me convainquant qu'elle est sincère lorsqu'elle dit que je lui manque déjà, alors que cela fait à peine deux heures qu'elle est partie. Mais je fais surtout un énorme effort pour ne pas lui répondre. Elle a besoin de prendre du recul. De toute façon, je n'ai aucun soucis à me faire. Trop de choses la rattache à Londres désormais, à commencer par son boulot. Elle reviendra.
- Je te dépose devant l'immeuble ça ira ? Me demande Preston tandis que nous approchons de mon appartement.
J'acquiesce dans le rétroviseur. Je lui fais déjà suffisamment perdre son temps. Il se gare au plus près de la porte.
- Tu auras besoin de moi ce soir ? Ajoute-t-il en se retournant avant que je ne sorte.
- Non, je ne pense pas que je bougerai.
- D'accord. N'hésite pas à appeler si tu changes d'avis.
Je referme la portière et le laisse prendre congé de mes exigences pour aujourd'hui. Aussitôt chez moi, les assiettes laissées en vrac dans la cuisine me ramènent au brunch que nous avons partagé avec Ava avant son départ. L'ambiance était assez pesante dans le sens où ni elle ni moi ne parlions. Je ne prends pas le temps de débarrasser et m'allonge dans le canapé. Cela fait un moment que je ne me suis pas retrouvé dans un état d'esprit comme celui-ci, à n'avoir clairement envie de rien. À part être avec elle.
Je n'arrête pas de ressasser notre discussion d'hier. Ai-je vraiment été assez clair avec elle concernant mon ex ? Le fait que Ava ait toutes ses interrogations me prouvent qu'elle tient à moi, mais aussi qu'elle doute de moi. Alors qu'elle ne devrait pas le faire. Jamais ça ne me viendrait à l'idée de faire quelque chose qui puisse la blesser. Je l'aime trop pour lui faire du mal.
Je prends subitement conscience qu'en fait il va falloir que je reparte de chez moi dans peu de temps. J'ai un rendez-vous de prévu avec un contact de Simon en fin d'après-midi à l'autre bout de la ville. Seulement, je n'ai vraiment aucune envie de bouger. J'attrape alors mon téléphone dans la poche arrière de mon jean pour décommander. Je tape un e-mail, en espérant qu'il le lira à temps, prétextant ne pas me sentir bien. Je repose mon portable et cherche autour de moi une activité qui pourrait m'occuper l'esprit, mais je n'ai pas le courage d'entreprendre quoi que ce soit. Je me mets rapidement à somnoler.
J'ai à peine eu le temps de fermer les yeux quelques minutes que la sonnette résonne. Pourquoi faut-il toujours que les gens viennent me faire chier dans les moments où j'ai juste envie de ne voir personne ? À la façon dont la sonnerie retentit dans un vacarme presque incessant, je devine rapidement qui se tient derrière la porte. Et pour le coup, je prends tout mon temps pour aller ouvrir.
Mes deux imbéciles de potes se tiennent devant moi avec leurs sacs à dos sur l'épaule. Je dois visiblement enfouir mon enthousiasme si j'en juge par leurs têtes étonnées de ma réaction froide et détachée.
- Merci pour l'accueil Tommo. Me lance Calvin.
Ils ne s'emmerdent pas. Ils viennent squatter et il faut en plus que je sois content de les voir.
- Le téléphone, vous ne connaissez pas ? J'aurai pu ne pas être chez moi.
Ils n'attendent pas mon invitation et entrent dans l'appartement comme s'ils étaient en terrain conquis.
- À la base, ça ne devait pas vraiment se passer comme ça. Ajoute Calvin en lançant un regard accusateur à Oli qui est déjà en train de fouiller dans mon frigo.
- Ne me regarde pas comme ça ! Lui répond-t-il. Ce n'est pas de ma faute si elles nous ont lâchées à la dernière minute.
Merde. Un vrai couple qui s'engueule.
- Ah parce que tu appelles ça « se faire lâcher » toi ? Le tacle Calvin en haussant le ton. Monsieur nous avait rencardés avec deux gonzesses... Et il s'est avéré que l'adresse où nous étions censés les retrouver était... comme dire... fausse !
Je ne peux m'empêcher d'exploser de rire. Surtout en imaginant leurs têtes quand ils se sont pointés chez des inconnues avec un sac rempli de capotes.
- Il y a nettement moins de bières qu'avant ici. Constate Oli en sortant deux rescapées de la dernière soirée. Et c'est quoi ce truc vert dégueulasse ?
- Touche pas à ça, tu n'aimeras pas de toute façon.
Ava a le don pour rapporter des choses improbables dont personne n'a jamais envie. J'ai appris à ne plus y faire attention et découvre très souvent des produits dont je ne soupçonnais pas l'existence dans mes placards.
- Bon, on fait quoi ce soir ? Demande Oli en rejoignant Calvin.
La question m'est directement adressée, comme si une idée lumineuse allait me venir pour occuper leur soirée à la dernière minute. Il est à peine seize heures, il y en a déjà un qui se roule des joints dans le canapé et l'autre qui entame sa première bouteille d'une longue série à venir. Ça promet. Je n'ai vraiment, mais alors vraiment pas la tête à ça.
- Tu voyais ta copine ce soir peut-être ? Ajoute Calvin en faisant tourner nerveusement son briquet dans sa main.
Il n'attend pas ma réponse et allume une des cigarettes qu'il vient de préparer.
- Vas-y fais comme chez toi.
Il me lance un regard d'incompréhension.
- Depuis quand ça t'emmerde ce genre de choses ? On l'a toujours fait. Ah, c'est parce que je ne t'ai pas proposé.
Il me tend sa came dans l'espoir que je fume avec lui, comme nous avions l'habitude de le faire avant.
- Et pour répondre à ton autre question, Ava passe le week-end chez ses parents.
- Parfait. S'exclame-t-il. Soirée comme au bon vieux temps.
Lui et Oli se tapent dans la main et cherchent à me motiver.
- Mais allez quoi ! Renchérit-il. Sors toi les doigts du cul ! T'es casé, ça ne veut pas dire que tu ne peux pas t'amuser.
- Je sors prendre des bières. Nous dit Oli.
Il se met à fouiller dans son portefeuille, à la recherche d'un billet qu'il n'a probablement pas. Je lève les yeux et finis par capituler.
- Putain, vous faites chier sérieux.
Je lui sors cent livres de ma veste et les lui tend. Après tout pourquoi pas. Ça peut me changer les idées et faire passer le temps plus vite. Oli quitte aussitôt l'appartement pour descendre à la supérette du quartier, tandis que Calvin allume la console de jeux. Il me tend de nouveau son joint lorsque je m'assieds à côté de lui. Cette fois-ci, je l'accepte.
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Pris d'une soudaine envie de distraction, je ressens le besoin de sortir de l'atmosphère bien trop calme de mon appartement. Je me lève précipitamment en quittant la partie de Fifa que nous avions entamée.
- Allez bougez-vous ! On sort !
Mes potes restent interloqués face à mon imprévisibilité, mais se lèvent à leur tour, visiblement satisfaits de m'avoir poussé à sortir de ma platitude de tout à l'heure.
- Et on va où ? Me demande Oli en fouillant dans son sac à la recherche d'un t-shirt propre.
En fait, je n'ai pas encore réfléchi à ce détail, l'idée m'est venue comme ça. La faute sans doute à l'amoncellement de bouteilles vides qui s'accumulent sur ma table basse et au cendrier déjà bien rempli. Vu l'heure bien avancée, Preston mettrait trop de temps à venir. On va donc faire au plus simple. J'enfile ma veste, prends mon portable en vérifiant qu'il n'y a toujours aucun message de Ava -et c'est le cas- puis laisse sortir mes deux amis titubants avant de refermer derrière nous.
- Cirque le Soir nous attend.
La boîte se trouve à seulement deux minutes à pieds de chez moi. Enfin, pour des personnes sobres, marchant à une allure normale et ne se faisant pas arrêter par les passants toutes les dix secondes. Mais nous finissons tout de même par arriver à notre but. Nous nous engouffrons dans l'ambiance survoltée du nightclub. Je prends d'assaut un coin de banquette pour nous poser et tend ma carte de crédit à Calvin.
- Tu sais quoi prendre.
En attendant mon ami, je scrute la foule qui se trouve face à nous. Beaucoup d'habitués avec qui j'ai déjà fait la fête des dizaines de fois ici. Les regards se posent d'ailleurs rapidement sur moi et certains me saluent dans l'espoir que je leur réponde. Oli quémande une nouvelle cigarette maison contenue dans le sachet que Calvin m'a confié avant d'entrer dans la boite, car je ne me fais jamais fouiller par les videurs. Je m'en reprends une au passage et l'allume. La musique électro me paraît encore plus forte qu'à la normale et les basses assourdissantes provoquent des secousses dans ma cage thoracique.
Calvin me rend ma carte que j'enfouis dans la poche interne de ma veste et des serveurs arrivent avec la suite des festivités. Les verres de Vodka glissent à un rythme immodéré dans mon organisme déjà bien atteint par les litres de bière avalés chez moi en début de soirée. Petit à petit, je me surprends à bouger en rythme sur la musique et rejoins la piste. Des dizaines de nanas très peu vêtues se rapprochent de nous. Certaines tentent toutes sortes d'approches ingénieuses avec moi, mais je reste ferme et les rembarre habilement en les dirigeant vers mes deux amis célibataires. Au moins, ça rattrapera le fiasco de leur rendez-vous manqué de tout à l'heure. Calvin est rapidement happé par une jeune femme blonde qui semble avoir confondu les mots robe et t-shirt si j'en juge par la longueur de ce qu'elle porte. À une époque, j'en aurais perdu la tête, mais maintenant, ce genre de filles ne provoque absolument rien en moi. En plus, celle-ci ne m'est pas inconnue. Il m'est arrivé plusieurs fois d'avoir affaire à elle. Et d'aller beaucoup plus loin que ne m'autorise ma situation actuelle. Je n'avais eu aucune difficulté à la mettre dans mon lit. Tandis qu'elle se retourne pour danser avec une de ses amies, je siffle entre mes dents pour faire revenir Calvin à la réalité. Il fronce les sourcils et m'interroge en criant pour couvrir la musique.
- Quoi ? Celle-ci aussi tu te l'aies faite !
Vu l'intonation qu'il emploie, ce n'est pas une question, mais une affirmation.
- Ça remonte à longtemps maintenant.
Il hoche la tête de haut en bas, comme s'il regrettait pour moi que je ne puisse plus remettre le couvert avec des filles comme elle.
Assoiffés, nous rejoignons les banquettes et trois filles se joignent à nous. Je garde mes distances avec une blonde, qui ne perd pas de temps pour se coller à moi malgré la place qu'il y a sur la banquette. Mes pensées migrent vers ma petite amie. Ava reste encore et toujours dans mes pensées et aucune de ces filles ne lui arrive à la cheville. J'avale un autre shooter de Vodka. Impossible de savoir à combien j'en suis rendu. Bien trop, ça ne fait aucun doute. Je ne sens pratiquement plus le goût du liquide que j'engloutis sur ma langue déjà bien anesthésiée. Je déglutis même dans une facilité déconcertante et ma gorge ne me donne plus cette sensation de brûlure des premiers verres.
En attrapant mon téléphone qui n'affiche toujours aucune nouvelle de Ava, j'ai subitement envie de savoir ce qu'elle fait et avec qui elle est.
Moi, 2:17 : « Même cpmplètemnt défoncé, mn cerveau nepense quà toi »
Avant que je n'ai le temps d'analyser le texte truffé d'erreurs, mon doigt active l'envoie du message. Je ne pense pas qu'elle y répondra de toute manière. À moins qu'elle ne dorme toujours pas à cette heure-ci. Tous mes sens sont désormais imprégnés par l'alcool. La musique bourdonne dans un bruit de fond qui n'a plus aucun sens. Les lumières des projecteurs valsent autour de nous rendant presque impossible de se concentrer correctement sur le visage de quelqu'un pour tenir une conversation sensée. Mais arrivés au point où nous en sommes, plus rien n'est vraiment clair. Ma vision se fait de plus en plus aléatoire. Mais malgré cela, mes yeux se posent sur une nouvelle arrivante. Bordel de merde. Qu'est-ce qu'elle fout ici ? Nos regards se croisent et je vois qu'elle hésite à venir jusqu'à nous. Tant mieux, restes où tu es, c'est très bien comme ça. C'était sans compter sur Oli, qui lui aussi remarque sa présence à l'interpelle pour qu'elle s'approche.
- El ! Viens par ici ! S'écrit-il, sans se soucier une seconde de ce que sa présence ici peut bien me faire.
Avec un léger sourire, Eleanor finit par avancer lentement en notre direction. J'assigne un énorme coup de coude à mon pote qui lève les sourcils, comme s'il ne pigeait rien à la situation. Calvin et lui se lèvent pour la saluer. Moi, je ne bouge pas d'un iota et mon ex ne cherche alors pas à s'approcher. Je la fixe et sens que ça la met mal à l'aise que je sois si peu enclin à me montrer poli et content de la voir.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?
Elle n'a jamais été une grande fan de ce genre d'endroit.
- Oli m'a envoyé un message pour me dire qu'ils étaient descendus de Donny, j'ai eu envie de venir leur dire bonjour.
Je me retiens de la corriger lorsqu'elle utilise le diminutif dont je me sers pour qualifier ma ville natale. Et surtout, je sais parfaitement qu'elle n'est pas là uniquement pour les voir eux. Ne me prends pas pour un con El.
- Assieds-toi un peu avec nous. Lui dit Calvin en lui indiquant la place vacante à côté de lui depuis que nos trois camarades de beuverie sont reparties sur la piste.
Eleanor fouille mon regard avant d'accepter sa proposition, mais cède tout de même à son désir de rester avec nous. Je jure intérieurement et vérifie mon portable pour voir si Ava m'a répondu. Rien. La situation de tout à l'heure avec la blonde me paraissait cent fois plus acceptable que d'avoir mon ex qui me dévore du regard.
Au fil du temps, je m'enferme de plus en plus sur mon portable dans l'espoir qu'elle comprenne que sa présence ici n'est pas correcte, mais rien n'y fait. Les informations arrivent à mon cerveau sans que je puisse les déchiffrer. Elle finit même par se retrouver assise à côté de moi au fur et à mesure que les gens se lèvent pour aller danser ou commander des boissons.
Dans un manque de subtilité évident, sa main caresse le dessus de mon bras. Les poils se hérissent à son contact et je sais qu'elle jubile de l'effet qu'elle a réussi à provoquer. J'avale ma salive avec difficulté et une boule obstrue ma gorge. Si je ne la connaissais pas, je jurerai que son geste est simplement anodin. Mais pas avec elle. Elle calcule savamment tout ce qu'elle entreprend. Comme sa présence ici ce soir. Tout ça n'a rien à voir avec le hasard. Je repousse fermement sa main.
- Sans déconner, oublie tout de suite.
Une pointe de vexe se lit dans ses yeux qui se détournent immédiatement de moi. Elle soupire lourdement de ne pas arriver à ses fins malgré mon état d'ébriété.
- Ne fais pas semblant d'être froissée. J'ai pourtant été clair avec toi dans mes derniers messages.
D'un geste vif, elle se retourne de nouveau vers moi pour répliquer.
- Non Louis, justement, tu n'as pas été clair du tout. Me répond-t-elle d'un ton ferme.
- Je t'ai précisé que je voyais quelqu'un.
- Oui, justement, tu « vois » quelqu'un.
Elle insiste bien sur le verbe que j'ai utilisé qui est probablement maladroit et qui prête à confusion.
- Non, je crois que tu n'as pas très bien compris, je suis vraiment en couple avec Ava.
L'évoquer officiellement devant mon ex donne de l'appui à mon discours et j'espère qu'elle en saisira le sens. D'autant plus qu'elle sait déjà sûrement son prénom, je ne suis pas idiot.
- Mais tu m'as aussi dit que tu ne voulais plus que je souffre. Ajoute-t-elle.
Putain. Jamais je n'aurai dû me prendre au jeu de cet échange de textos avec elle ce soir-là. Je ne voyais pas le mal au moment où je l'ai fait, mais maintenant, je m'en mords les doigts en direct. Eleanor insiste une nouvelle fois.
- Regarde Liam et Sophia ! Ils ont su se donner une seconde chance après leur rupture il y a quatre ans. Et maintenant, tout va pour le mieux et ils se marient dans quelques mois !
Là. C'en est trop. Je ne réponds rien à cette énième tentative et me lève précipitamment pour sortir prendre l'air. Je commence à allumer ma clope tout en prenant la direction de l'arrière de la boite. Une fois dehors, je me laisse glisser le long du mur en briques et m'accroupis, le bras tenant ma cigarette consumée en appui sur le genou. Le silence de ce couloir étriqué me fait un bien fou. Mais rapidement, un bruit de talons se fait entendre dans mon dos. Eleanor s'approche en douceur et s'accroupit à son tour, tout en gardant ses distances avec moi. Aucun de nous n'ouvre la bouche pendant un long moment, avant qu'elle ne se décide à reparler.
- Tu ne peux pas me reprocher de regretter notre vie d'avant.
- Ce n'est pas un reproche que je te fais, mais je te demande de respecter ce que je suis en train de vivre avec elle.
Eleanor prend une profonde inspiration et enchaîne.
- Tu sais, j'ai gagné en maturité. Maintenant j'aspire aux mêmes choses que toi quand on s'est quittés.
Je tourne la tête vers elle et la laisse continuer.
- Je veux me poser dans la vie, fonder une famille... Et je ne m'imagine pas le faire avec quelqu'un d'autre que toi.
Ses paroles ont beaucoup plus d'impact maintenant que nous ne sommes plus dans l'euphorie du nightclub. Comme si je les percevaient avec une émotion différente. Un étau me serre le thorax et je ressens le besoin de m'éloigner d'elle, pour éviter d'affronter le fait que ses mots me touchent. Car, oui, c'est le cas. Je me lève et m'appuies sur le mur opposé à celui où elle se tient. Elle se remet alors debout à son tour et se poste face à moi.
- Qu'est-ce que tu cherches à faire ?
- C'est pourtant évident. Me répond-t-elle en baladant ses doigts sur mes bras.
J'ai l'estomac noué, car j'ai peur d'être en train de faire une énorme connerie. Quand elle se penche vers moi, je tourne la tête et lui tend ma joue.
- Louis, c'est juste un baiser, rien de plus.
Elle parle d'un acte innocent, mais même avec mon cerveau embrumé par l'alcool, je sais que ça n'a rien d'anodin. Autant pour moi que pour elle. Eleanor ne me laisse pas la chance de protester. Elle caresse ma mâchoire et finit par rapprocher dangereusement son visage du mien. Elle me regarde avec des yeux plein d'un désir triste. Ses lèvres touchent alors les miennes et comme elle ne perçoit plus de résistance de ma part, elle prolonge le contact. J'accompagne son baiser, comme projeté dans le passé. Mon esprit, qui semblait avoir migré je ne sais où, finit par reprendre possession de ma conscience et m'ordonne de mettre fin au plus vite à cet échange. Je m'éloigne d'elle, dégoûté par ma faiblesse.
- Tu m'as manqué. Me dit-elle d'une voix haletante, à bout de souffle.
Je la laisse en plan et retourne à l'intérieur tout en passant vigoureusement une main sur ma bouche. Plus les effets de l'alcool se dissipent, plus je réalise ma connerie. Totalement décontenancé, je retourne au bar et commande un nouveau verre. Du Whisky cette fois. Le liquide ambré parcoure ma gorge et me redonne le regain de force qui m'avait quitté. Comment ai-je pu être aussi stupide ? Je ne comprends pas ce qu'il m'a pris. Ava me manque et tout ce que je trouve à faire c'est embrasser une autre. Et pas n'importe qui. Mon ex. Celle avec qui j'avais fondé des tonnes de projets d'avenir lorsque nous étions ensemble. Tout ce dont j'ai envie à cet instant, c'est oublier. Oublier ma connerie. Oublier ce contact. Oublier que j'ai posé mes lèvres sur les siennes.
Une lourde tape dans mon dos me ramène à la réalité. Calvin s'assied au bar avec moi.
- Alors, ça fait du bien de passer une soirée comme ça ? Me demande-t-il.
Son regard brillant et euphorique m'indique qu'il est dans un état de transe bien plus avancé que le mien.
- Mais qu'est-ce que tu t'imagines ?
- Tu ne vas pas me faire croire que vous sortez tous les week-ends avec Ava... Ajoute-t-il en me bousculant légèrement.
Je secoue vivement la tête en riant ironiquement.
- Tu n'as toujours rien pigé...
- Je te connais ! Tu es bien trop fêtard pour finir avec une nana qui sort de la campagne comme elle !
Je n'ai pas le temps de relever sa remarque désobligeante sur Ava qu'il m'incite à me retourner vers la piste derrière nous.
- Regarde un peu autour de toi, tout ce que tu pourrais te mettre sous la dent. Me dit-il en passant un bras autour de mes épaules.
- Je n'ai plus besoin de ça.
Je me rends compte que si lui est totalement défoncé, moi mon ivresse s'est fait la malle depuis un moment.
- Tu veux dire que Ava te satisfait toujours au pieu ?
Je sens mon visage commencer à flamber de colère en entendant ses mots la concernant.
- C'est le genre de détails qui ne te concernent pas, alors je te conseille de changer de sujet.
- Oh, allez, c'est moi.
Je secoue la tête face à tant de mauvaise foi et me retourne vers le bar pour siroter mon verre. Les effluves de parfum de Eleanor dans mon dos me font réaliser qu'elle est de nouveau près de nous. Je me retourne brièvement et la vois en compagnie de Oli. Calvin en profite pour enchaîner.
- Ava est le genre de nana à vouloir vite se caser pour fonder une famille et tout ce qui va avec. Tu n'es pas comme ça !
Il cherche à prouver à tout le monde ici qu'il me connaît, alors qu'il ne sait rien de celui qui se trouve face à lui. Une sensation de chaleur m'inonde le visage et je sais que je suis sur le point de m'énerver. La colère qui m'emplit devient presque douloureuse à contenir.
- Ferme-la.
- Quoi ! C'est la vérité !
Je réalise que les gens qui sont censés me connaître, comme Calvin, ne savent en réalité rien de moi. Il y a quelques mois, j'aurai probablement pensé comme lui, mais depuis que je suis avec Ava, tout a changé. Mon cœur s'est subitement mis à battre pour quelqu'un de façon frénétique et je n'ai pas pu empêcher le ras de marré qui en a découlé.
- Et comment sais-tu qu'elle n'est pas avec toi par intérêt ?
Eleanor se met à ricaner dans son coin et je lui jette immédiatement un regard noir.
- Je pige pas là ?
- C'est pas moi qui va t'apprendre que si les nanas tournent autour de ta queue, ça a un lien avec ta célébrité et tout l'argent qu'il y a derrière.
- Pardon ?
Alors c'est ça. Il est persuadé que si Ava est encore avec moi c'est qu'elle est intéressée par mon pognon. Ce n'est pas le cas et ça ne le sera jamais. Il n'a toujours rien compris au lien que nous unit elle et moi. Elle est d'ailleurs la seule qui m'ait toujours traité comme n'importe qui. Elle ne s'arrête pas à ce qui est matériel et serait capable de donner ce qu'elle n'a pas pour aider les gens à qui elle tient. Et c'est aussi pour ça que je l'aime.
Calvin se penche vers moi pour me murmurer quelque chose tout en regardant mon ex à quelques pas de nous.
- Au moins avec Eleanor la question ne se posait pas vue la famille friquée qu'elle se tape.
Le fait qu'il renchérisse une nouvelle fois pour rabaisser Ava dépasse mes limites. Et qu'il la compare à mon ex est encore plus insultant. Toute l'exaspération, la colère et la frustration que je ressens se libèrent et explosent en moi. Avant même que je réalise ce que je suis en train de faire, mon poing s'abat sur son visage dans un bruit sourd, le faisant tomber en arrière. Galvanisé, je ressens à peine la douleur se rependre de mes phalanges à l'ensemble de mon bras. Oli se jette sur moi en criant des mots inintelligibles. Je le repousse violemment, fou de rage. Calvin se relève et masse la marque rouge sur sa joue. Il me regarde avec confusion. Ce n'est pas la première fois que cela nous arrive de nous battre, mais cette fois-ci, tout prend un sens beaucoup plus sérieux. Un sourire mauvais s'inscrit sur son visage, preuve qu'il est fier de m'avoir poussé dans mes retranchements. Je le fixe et sers les mâchoires. Je suis à bout et son regard satisfait m'agace encore plus. Aucun retour en arrière n'est possible. Un videur finit par s'approcher pour nous dire d'aller régler nos comptes dehors.
L'irritation m'étouffe, m'empêchant de respirer librement. J'ai besoin de retrouver mon calme. Je sors de la boite à grandes enjambées pour fuir au plus vite. Encore une fois, je n'ai pas su me contenir et mes pulsions ont refait surface. Mais quelle idée a-t-il eu de me chercher à ce point ? C'est pourtant quelque chose dont Calvin a conscience. Mes colères sont légendaires.
Ça et le baiser... Il suffit que Ava soit absente depuis quelques heures à peine pour que je fasse déjà une énorme connerie. Abruti. Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? Je rase les murs en tentant de ne pas me faire remarquer dans la rue. Je passe la capuche de ma veste et marche tête baissée. Seulement, au bout de quelques minutes, je ne sais plus où je me trouve. Moi qui croyais prendre un raccourci. Je me heurte même aux passants et continue ma route sans me retourner pour m'excuser. Dégoutté par l'accumulation des événements et surtout par mon propre comportement, je supporte à peine de voir mon reflet dans les vitrines des boutiques. Des flashs du scénario désastreux de ce soir me reviennent en tête, à commencer par cette proximité avec Eleanor que je n'aurai jamais dû accepter.
Tout se met à tanguer autour de moi lorsque j'arrive près de mon appartement. Un étourdissement m'oblige à prendre appui contre la surface la plus proche. Des sueurs froides font leur apparition sur mon visage et j'ai des difficultés à ravaler ma salive. Mon estomac est pris de violents spasmes et je stoppe nette mon avancée dans l'espoir de retrouver une respiration normale, mais ça ne passe pas. J'ai le réflexe de porter une main à ma bouche et c'est seulement lorsque je ressens une douleur dans ma gorge que je réalise que c'est trop tard. Tout le liquide que j'ai ingurgité dans la soirée se retrouve à mes pieds, comme si mon corps m'ordonnait d'arrêter les débordements. Au moins, c'est une manière radicale de me ramener à la raison. Qu'est-ce que j'ai pu être con d'avoir suivi Calvin et Oli.
En arrivant chez moi, le calme transcendant de l'appartement ne m'aide pas à faire le vide dans ma tête. La colère n'est toujours pas redescendue. Je suis écœuré. Sans réfléchir, je pousse un cri de rage et balaye l'îlot central de la cuisine d'un revers de bras. Les verres et les assiettes se fracassent par terre et je passe une main nerveusement dans mes cheveux en voyant le résultat de mon nouvel excès de colère. Ridicule. Vraiment. J'hésite même à gravir les marches jusqu'à ma chambre. Je déambule seul dans ce grand espace vide, ou chaque objet me ramène à Ava. Et je réalise qu'elle est vraiment devenue indispensable à mon équilibre. Pendant longtemps, cet endroit a seulement été celui où je posais mes affaires sans y être attaché. Mais maintenant, chaque petite touche laissée par elle me ramène à tout ce que nous avons partagés ici. Je me sens bien plus à l'aise avec moi-même qu'avant de la rencontrer où je n'avais clairement plus aucun but dans la vie. Et désormais, je suis sûr de mes divers sentiments. Je sais que Eleanor n'a plus sa place dans mon esprit et qu'elle ne représente plus rien à part une pièce importante de mon passé.
C'est sur cette constatation que je me décide enfin à assumer ce que je ressens et surtout, à le faire savoir à celle qui mérite qu'on lui ouvre son cœur. Le faire par écrit n'est peut-être pas la façon la plus adaptée, mais j'aurai toutes les occasions du monde de le lui dire aussi de vive voix.
Moi, 4:51 : « Je sais que je t'ai déçu. Et je ne mérite sans doute pas ton pardon. Mais je te demande d'essayer de le faire. Parce que quand on aime comme je t'aime, il est insupportable de penser que tout est foutu »
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Je me réveille avec une gueule de bois monumentale que j'accepte comme une punition inévitable. J'allume mon téléphone et baisse la luminosité de l'écran qui m'agresse les yeux. Ava m'a répondu.
Ava, 5:12 : « Excuse-moi, je n'avais pas vu tes messages. Est-ce que tout va bien ? »
Je déroule les textes vers le haut pour me remettre en tête ce que je lui ai envoyé au cours de la soirée. Je suis rassuré de n'en voir que deux, seulement je comprends d'où vient son inquiétude. Alors que je m'apprête à lui répondre, aucune idée ne me vient en tête tellement mon cerveau tambourine contre mon crâne. En plus de cela, un bruit répétitif agaçant se fait entendre de l'étage d'en dessous. J'abandonne l'idée et descends prendre un Efferalgan. Les deux ronfleurs dans mon canapé me rappellent que j'ai dû oublier de fermer ma porte à clé. Ça leur aurait fait une belle jambe de dormir sur le palier. Calvin a eu la présence d'esprit de prendre une poche de glace pour la mettre sur sa joue endolorie. Et je comprends mieux d'où provient le « bip » incessant lorsque je vois mon congélateur grand ouvert. Je prends de l'élan pour refermer la porte, en évitant de peu les morceaux de verre qui recouvrent le sol de ma cuisine. Le bruit sort Calvin de son sommeil. Il se redresse en sursaut, ce qui réveille Oli une fraction de seconde.
- Quelle heure il est ? Me demande-t-il en ouvrant à peine les yeux.
- Midi passé.
Il tente de bailler, mais son visage se crispe immédiatement de douleur.
- On y est allés un peu fort hier soir ? Ajoute-t-il.
- À en voir ta gueule, je dirais que oui.
- T'as pas vu la tienne.
Difficile de juger de l'état de Oli en revanche. Il est semi-comateux. Comme à chaque lendemain de cuite. Je pense que nous avons eu la même impression en tête, car nous partons dans un rire communicatif qui cesse instantanément, rattrapés par notre migraine.
J'attrape un comprimé dans la pharmacie de ma salle de bain et en lance un à mon pote. Il me remercie en hochant la tête. Calvin et moi ne sommes pas rancuniers en ce qui concerne nos prises de tête en soirée. Nos forts caractères sont parfois incompatibles et les diverses substances euphorisantes ne nous aident pas à rester cordiales l'un envers l'autre.
Je m'assieds sur un tabouret de la cuisine et reprends mon téléphone en mains. Bon. Ava.
Moi, 12:16 : « Ne t'en fais pas tout va bien. J'espère que ça se passe bien de ton côté ma belle. »
Pendant que je rédigeais mon message, Harry a essayé de me téléphoner. J'ai rejeté l'appel, mais il retente aussitôt, preuve que c'est sans doute important. Mais j'ai la flemme de décrocher.
Ava, 12:17 : « Rassure-moi, tu étais dans ton état normal quand tu m'as envoyé ton deuxième message ? »
Même si le message auquel elle fait référence résulte d'un état d'esprit extrêmement amoché, les mots n'ont pas dépassé ma pensée. Ils reflètent exactement ce que je ressens pour elle.
Moi, 12:18 : « Je pensais chaque mot que j'ai écrit. »
Harry me rappelle. Cette fois-ci, je réponds, sinon je le connais, il va me saouler pendant des heures, ou finir par débarquer ici.
- Ouais ?
- T'as reçu l'e-mail de Modest ? Me demande-t-il à bout de souffle.
- Qu'est-ce que tu branles ?
- Hein ? Ah, je fais mon footing. Me répond-t-il. Alors, le message ?
Je me frotte frénétiquement la tête.
- J'ai pas checké ma boite mails, pourquoi qu'est-ce qu'ils nous veulent ?
- Rendez-vous cet après-midi, ils veulent nous voir tous les quatre pour discuter. M'explique-t-il.
- Discuter de quoi ?
- Du groupe.
- Quel groupe ?
J'avoue rire intérieurement face à ma répartie.
- Tu me fatigues. Rendez-vous à quinze heures là-bas.
Il me raccroche au nez. Fait chier. Vraiment pas envie de sortir aujourd'hui. Et encore moins pour une réunion organisée par la maison de disques. Ça ne présage rien de bon.
_____
Mon mal de tête a mis un temps fou à s'en aller, si bien que lorsque je prends la direction de Modest Management, j'ai l'impression d'être encore dedans. Pris de court, je n'ai pas pris le temps me doucher convenablement pour me débarrasser de la mauvaise odeur que je traîne depuis hier soir. En même temps, ce rendez-vous me saoule déjà avant de commencer, donc je m'en contre fous. Et puis en plus, c'est vraiment dommage, il y a des embouteillages. Je n'avais -presque- pas prévu ça en partant de chez moi à l'heure précise du rendez-vous.
J'arrive à destination avec une bonne demi-heure de retard. Je fouille ma boite à gants à la recherche du boîtier qui active l'ouverture du portail automatique. Même si ça fait des lustres que je ne suis pas venu, je sais qu'il est quelque part par là. Les grilles s'ouvrent et je gare ma voiture à côté de celle de Simon. Apparemment, les trois autres sont venus ensemble, car je ne vois que la voiture de Niall.
Je traîne des pieds en passant la porte du bâtiment. Sans demander mon chemin, je prends tout de suite la direction de la grande salle de réunion qui se trouve au fond du couloir. Je les aperçois de loin. Harry a les bras croisés et tape du pied, Liam est affalé les deux bras en avant sur une des tables de la salle et Niall est sur son portable en mâchouillant énergiquement un chewing-gum. Je crois qu'ils n'attendent plus que moi. Liam lève la tête et me voit le premier.
- Ah, ben c'est pas trop tôt. S'écrie-t-il, déclenchant chez les autres un souffle de soulagement.
Simon est bel et bien présent, en revanche, quelqu'un que je n'ai vraiment aucune envie de voir se trouve également dans la pièce. Richard Griffiths, celui qui a pris les commandes de Modest au moment où nous avons signé notre contrat chez eux en 2010, et aussi celui qui attend impatiemment de lancer la carrière solo de Harry. Lorsque je m'approche de Simon pour le saluer, son regard traduit une certaine perplexité. J'ai donc réellement de bonnes raisons de croire que ce rendez-vous est merdique. Je ne prends pas la peine de serrer la main de Richard qui se tient à côté de lui, car de toute façon, il sait parfaitement ce que je pense de sa personne. Je m'assieds à côté de Liam. Il grimace face à mon manque évident d'hygiène.
- Putain mec, tu pues. Me lance-t-il.
Je ne réponds rien et m'enfonce davantage dans mon siège, enfouissant mes mains dans les poches de mon sweat à capuche. Simon prend la parole en premier.
- Bon, si on vous a fait venir ici, c'est pour deux raisons.
- La première est qu'il va falloir que l'on parle de votre avenir. Enchaîne Richard. La deuxième est que nous avons une nouvelle importante qu'il nous revient de vous annoncer avant que vous ne l'appreniez malencontreusement.
Ma jambe est prise de lancements incontrôlés suite à son discours. Je pense que je ne vais pas du tout aimer la tournure de la réunion.
- Jusqu'à quand va notre contrat ?
Liam, Harry et Niall se tournent vers moi, étonnés par cette interrogation soudaine. Je hausse les épaules.
- Simple question.
Richard ouvre le dossier qu'il a devant les yeux.
- Le contrat actuel vous lie à Modest jusqu'en 2020. Commence-t-il. Et il stipule aussi qu'il faut que vous sortiez un nouvel album dans l'année en cours.
- Conneries.
Le mot est sorti de ma bouche avec une franchise inflexible, mais visiblement, je ne suis pas le seul à trouver absurde qu'ils continuent de nous imposer ce rythme. Ils avaient pourtant plus ou moins saisi qu'il fallait qu'ils arrêtent de nous mener à la baguette comme à nos débuts.
- C'est pour ça que vous souhaitiez nous voir ? Demande Liam, qui semble également montrer des signes d'agitation.
- Entre autres. Lui répond Richard.
Simon reste muet. Il a trop conscience que la direction que nous souhaitons faire prendre à nos carrières doit nous appartenir.
- Je pense parler unanimement en disant ça, mais on ne souhaite plus avoir ce genre d'exigences de la part de la production. Ajoute Liam. Et il me semble que nous en avions déjà parlé.
- Il y a tout de même des choses qui vous lient inévitablement à nous. Continue Richard. Et ce contrat, que vous avez signé il y a deux ans, précise qu'un album est nécessaire pour relancer les ventes.
- Peut-être bien, mais pour l'instant, on préfère se laisser du temps avant de repenser à un autre album. Enchaîne Niall.
- Sinon, l'autre nouvelle, c'est quoi ? Demande Harry pour changer de sujet face à l'air totalement butté de Richard.
Lui et Simon se lancent un regard comme pour déterminer qui sera apte à nous annoncer ce qui va suivre. Et apparemment, laisser Simon s'en charger leur apparaît comme la solution la moins pénible. Ce qui m'enchante encore moins.
- Autant être direct. Commence-t-il en prenant une profonde inspiration. Zayn est de retour chez Modest Management.
Je me redresse d'un geste vif et me penche en avant, comme si j'avais mal entendu ce qu'il vient de dire.
- Tu peux répéter ? Lui demande Harry.
- Zayn reprend le chemin des studios pour lancer sa carrière solo pour de bon. Et c'est Modest qu'il a choisi pour l'accompagner.
Alors là, c'est la plus grosse connerie qu'il m'est été donnée d'entendre. Zayn, celui qui a été notre confrère pendant presque cinq ans au sein du groupe et qui l'a quitté en grande partie à cause de cette putain de boite de merde, revient vers elle pour relancer sa carrière.
- L'un de vous était au courant ? Demande Niall en se tournant vers Liam et moi, qui sommes ceux avec qui Zayn était le plus en contact depuis son départ.
- Je ne lui ai pas parlé depuis des mois.
- Idem pour moi. Se disculpe Liam.
L'énervement gagne notre groupe et la tension est palpable. Son départ précipité avait déjà été difficile à encaisser, mais nous avions tous fini par accepter et surtout comprendre les raisons qui l'ont poussé à s'éloigner de cette industrie musicale qui ne lui plaisait plus. Cependant, se mettre dans la tête l'idée qu'il veuille s'y remettre dans les mêmes conditions qu'avant... Autant nous dire clairement « Eh les mecs, je reviens, mais c'est avant toute chose pour vous faire chier ». La pilule a un peu de mal à passer pour le moment.
- N'y voyez pas un désir de sa part de se mettre en concurrence directe avec vous. Ajoute Simon face au calme ambiant.
- Zayn n'acceptera jamais qu'on lui impose un rythme. Dit Harry.
- Il a déjà signé son contrat. Annonce fièrement Richard.
- C'est vraiment des conneries...
Je marmonne et bouge vivement sur ma chaise. Je commence à me sentir à l'étroit dans cette salle.
- Pour en revenir à vous sinon... Tente de nouveau Richard, de son air pompeux le plus énervant de la Terre.
- Soyons clairs. Poursuit Liam. Il vous faut un nouvel album avant la fin de l'année ?
- C'est ce qui est noté noir sur blanc dans le contrat. Répond-t-il.
- Et si jamais nous ne sommes pas en mesure de le faire ? Continue Liam.
- Vous serez redevables à Modest d'un nouveau contrat d'au moins deux ans supplémentaires.
Un rire nerveux s'empare de nous face à tant d'idioties. Ils ne s'en rendent pas bien compte, mais leur façon de faire est tout simplement en train de nous pousser tranquillement, mais sûrement, vers la sortie.
- Bon, dans ce cas, autant être clairs dès maintenant.
Liam cherche notre approbation en tournant son regard de droite à gauche.
- Ça finira bien par arriver un jour de toute façon. Dit Niall en croisant fermement les bras et en baissant les yeux.
- Donc autant en finir dès maintenant ? Ajoute Liam en formulant sa phrase comme une question pour être bien sûr que nous soyons tous les quatre sur la même longueur d'ondes.
Il cherche du renfort. Harry finit par annoncer de vive voix ce qui nous trotte dans la tête depuis un bon moment maintenant.
- On arrête tout.
Richard se liquéfie.
- Vous arrêtez ?
- Oui. Si c'est de cette manière que Modest persiste à nous diriger, on arrête là les frais. Continue-t-il d'une intonation calme et posée.
- Vous parlez de rompre votre contrat, on est bien d'accord ? Renchérit le patron.
- C'est exactement ce que l'on est en train de dire. Ajoute Harry.
- Vous êtes vraiment sûrs de votre choix ? Nous demande Simon en s'approchant lentement vers nous. Vous ne voulez pas en parler plus calmement pour peser les pour et les contre ?
Je prends alors la parole à mon tour pour appuyer l'avis de mes amis.
- Non, c'est terminé. Dorénavant, on veut que One Direction nous appartienne totalement et décider nous-même du sort du groupe.
Richard pouffe de rire au fond de la salle.
- Vous avez conscience de ce que tout cela implique ? Jusqu'ici vous avez eu beaucoup de chance certes...
Je me lève de ma chaise pour mieux apercevoir celui qui est caché derrière Simon.
- De la chance ? Parce que tout le travail que nous avons fourni durant toutes ces années pour toi ce n'est ni plus ni moins que de la chance ?
Richard bombe le torse au fur et à mesure que j'approche pour se donner la consistance qu'il n'a plus.
- On n'a pas attendu que ça nous tombe tout cuit dans le bec. On a fait d'énormes sacrifices pour en arriver là. Des sacrifices qui nous sont pour beaucoup impossibles à rattraper. La chance n'a rien à voir là-dedans.
Je pense que nous sommes tous arrivés à un point où nous n'avons plus envie de perdre notre temps à faire des choses qui ne nous plaisent pas. Quand on souhaite connaître une autre destinée, tout est une question de choix. Et ce choix, nous venons de le faire d'une seule et même voix.
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