Chapitre 22
♫ « Sweet and low » - Augustana ♫
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Harry
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- Hop, hop, hop ! C'est par ici que ça se passe !
Je commence à regretter mon idée d'avoir voulu l'écarter de la soirée d'inauguration qui bat son plein un peu plus loin. Maintenant, je n'ai pas d'autre choix que d'être attentif aux moindres faits et gestes de la blonde, que je viens d'empêcher in extremis de sauter toute habillée dans la piscine de ma véranda.
- Tu comptais vraiment plonger toute habillée ?
Joy scrute mon visage avec un air dubitatif.
- Si c'est ça qui t'embête Styles, pas de soucis !
Elle envoie valser ses talons aiguilles d'un geste franc à l'autre bout de la pièce, puis commence à dézipper sa robe dans son dos.
- Non ! Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.
Je viens vers elle pour l'empêcher d'enlever ce qu'elle porte et remonte la fermeture éclair en une fraction de seconde.
- Vu ton état, je n'ai pas trop envie de devoir plonger pour te sauver de la noyade.
- Je suis une excellente nageuse ! Réplique-t-elle, piquée au vif.
- Je te crois sur parole, mais tu me montreras ça un autre jour, tu veux bien ?
Joy laisse échapper un râle de mécontentement, mais abandonne finalement son idée de bain de minuit. Elle escalade les quatre marches qui mènent au salon, avec une technique particulièrement admirable pour quelqu'un d'éméché, et ressaisit aussitôt son verre de vodka pure, que j'avais tenté d'éloigner d'elle quelques minutes auparavant.
- Ça ne te dit pas de freiner un peu la cadence ?
Je lui prends de nouveau le verre des mains.
- Tu te prends pour qui ? Me demande-t-elle avec agacement.
- Pour quelqu'un qui tient à ce que personne ne fasse un coma éthylique chez lui.
- Tu me sous-estimes. Je tiens très bien l'alcool.
- Encore une fois, je n'en doute pas. Mais je pense que tu as eu ta dose pour ce soir.
Comme si le fait de hausser la voix lui avait provoqué des hauts-le-cœur, Joy porte une main à sa bouche et une autre à son abdomen. Elle cherche du regard un endroit où se stabiliser. Je la guide alors vers le canapé derrière elle pour qu'elle ne perde pas l'équilibre. Je m'accroupis face à elle pour capter son attention et m'assurer qu'elle comprenne bien ce que je vais lui dire.
- Écoute, tu ferais mieux de rester ici quelques minutes, le temps de retrouver un peu tes esprits. Je reviens te voir dans peu de temps.
Ses yeux bleus trouvent les miens et elle me fixe avec un visage dénué de toute rancœur, comme si elle venait de comprendre que j'agis avant tout dans son intérêt à elle.
- Compris. Je ne bougerais pas. Finit-elle par dire.
Elle semble avoir saisi qu'il était inutile de me contrarier et acquiesce pour me dire qu'elle ne fera pas la moindre tentative pour s'éclipser avant que je ne revienne.
- Parfait. Je te fais confiance.
Joy s'affale alors dans le canapé en cuir tout en m'adressant un regard boudeur qui me rappelle celui d'une gosse que l'on vient de priver de dessert. Pas peu fier de constater que mon autorité a fait son effet, je décide de repartir en direction de la galerie. Je ne comprends pas très bien ce qui peut pousser une jeune femme, pleine de vie comme elle, à se mettre dans des états pareils. Jusqu'ici, elle m'avait parue être quelque peu dérangée, mais pas dans le mauvais sens du terme. Plutôt le genre de nana un peu atypique, au langage franc et direct, qui aime prendre la vie sous ses bons côtés et ne se soucie pas de ce que l'on pense d'elle. Mais la Joy que j'ai découvert ce soir avait perdu cette étincelle de vie qu'elle avait dans le regard les autres fois. Au point de mettre son amie dans l'embarras le jour où elle expose pour la première fois ses clichés devant des inconnus. En voyant la détresse de Ava, je n'avais pas d'autre choix que d'empêcher Joy d'aller plus loin, sous peine de ne la voir lui gâcher cette soirée qui est aussi la sienne. Et il était de mon rôle de m'assurer que ce genre de chose n'arrive pas ce soir.
Je me retourne une dernière fois pour être sûr qu'elle n'ait pas bougé du canapé, puis repars aussitôt en direction de la galerie pour poursuivre les festivités. Je n'aime pas faire faux-bon à mes invités et il faut que l'inauguration soit clôturée comme il se doit. En mettant les pieds dans la pièce, je suis aussitôt assailli par deux personnes que je ne m'attendais absolument pas à voir ici ce soir.
- Mince alors ! Vous ? Ici ?!
Une fois passé l'étonnement, je me rapproche d'eux pour les prendre tour à tour dans mes bras. Jeff Azoff et sa petite-amie Glenn sont des amis de longue date. Ils vivent à Los Angeles à l'année. Je suis donc agréablement surpris qu'ils aient fait tout ce chemin pour venir jusqu'ici.
- Ça va mec ? Content de te revoir. Me dit Jeff avec sincérité.
- Je n'en reviens pas que vous soyez venus d'aussi loin !
- On n'aurait manqué ta soirée pour rien au monde. Me dit Glenn en mettant fin à notre étreinte avec son éternel élan de sympathie que je lui connais si bien.
- Vous êtes dingues.
Une jeune femme se tient à quelques centimètres d'eux et semble les avoir accompagnés. Je remets rapidement un visage sur elle lorsque son regard croise le mien. Je l'ai déjà vue quelque part. Glenn procède rapidement aux présentations en constatant que je ne parviens plus à retrouver son prénom.
- Oh excuse-moi, je suis malpolie, je ne vous ai même pas présentés. Harry voici Carolin, une très bonne amie, Carolin, voici Harry, mais je suppose que tu t'en doutais.
- À vrai dire, nous nous sommes déjà rencontrés. Ravi de te revoir, Carolin.
- Moi de même, Harry.
Elle se détache timidement de Glenn et m'adresse un sourire à la fois timide et désinvolte. Le genre de sourire synonyme de malaise quand une personne a toute la peine du monde à soutenir votre regard. S'en suis un long silence, laissant toute l'opportunité à mon couple d'amis de se faire des idées sur la signification de ce moment un peu gênant. Je le vois à travers les regards amusés qu'ils se lancent. Je connais très bien cette réaction.
- Tu viens Jeff ? Je crois que nous n'avons pas encore vues les toiles qui se trouvent là-bas. Dit soudainement Glenn en tirant son petit-ami par le bras dans le simple but de nous laisser seuls à seuls Carolin et moi.
Bande de couillons. Voyant la gêne dans le regard de la jeune femme qui ose à peine croiser mes yeux, je décide de détendre l'atmosphère.
- La subtilité n'est pas leur fort.
- C'est le moins que l'on puisse dire en effet.
Elle se détend un peu et s'adresse à moi avec une certaine aise. Je l'avais déjà remarquée la première fois où nous nous étions rencontrés. Si mes souvenirs sont bons, ça devait être au lancement de la nouvelle collection de la marque de vêtements de Nick Grimshaw il y a quelques mois à Los Angeles. Sa beauté n'a rien à envier à personne. Rien de surprenant quand on sait qu'elle fait partie d'une des agences de mannequins les plus prisées de Londres actuellement.
- Un vrai succès ta galerie. Me dit-elle. D'où t'es venue cette idée d'ouvrir un endroit pareil ? Je veux dire... C'est totalement à l'opposé de ce que tu fais habituellement.
Tu veux vraiment partir dans ce genre de discussion ? On sent bien qu'elle tente de trouver quelque chose à dire pour ne pas paraître trop intimidée. Mais ses pommettes la trahissent en prenant une teinte légèrement rosée tandis qu'elle termine sa phrase en bégayant quelque peu. Je déteste faire cet effet là aux gens. Comme si être face à moi leur faisait perdre tous leurs moyens. Craignant de la paralyser davantage, j'entreprends alors de répondre à sa question par quelque chose de très bateau certes, mais au moins, elle a l'impression de mener le dialogue un court moment.
- C'était un défi qui me tenait à cœur depuis longtemps. J'avais amassé pas mal d'œuvres d'Art ces dernières années. J'avais envie d'en faire profiter les gens.
- Tu as eu raison de te lancer en tout cas.
Elle prend alors un peu plus d'aplomb et s'autorise même à faire un pas vers moi pour ne pas avoir à trop hausser la voix lorsqu'elle me parle.
- Je n'ai pas pour habitude de venir à ce genre d'événements. Je manque d'avis critique sur tout ça.
- Ou alors c'est parce que d'habitude c'est plutôt toi que l'on vient admirer sur des podiums, pas des œuvres accrochées aux murs.
Putain. Est-ce que je viens vraiment de la comparer à une œuvre d'Art ? Comme technique de drague, j'ai déjà donné dans plus habile que ça. Carolin baisse les yeux un instant, puis les relève pour soutenir mon regard avec insistance.
- Je suis vraiment surprise que tu te souviennes de moi.
Enfin, elle ose entrer dans le vif du sujet. Mais j'ai comme l'impression, à son long soupir, qu'elle est allée la chercher très loin cette petite phrase.
- Je n'oublie jamais une jolie femme quand j'en croise une.
Même si elle montre de l'embarras face à ma réponse, je sais pertinemment qu'elle a conscience d'être attirante. Et maintenant que nous sommes lancés dans ce jeu de séduction, elle utilise tous ses atouts pour me faire succomber à son charme dévastateur. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle regorge d'inventivité en la matière. Et vas-y que je bats des cils à tout rompre... Et que je replace ingénieusement ma poitrine dans mon décolleté... Et que je passe ma langue sur mes lèvres charnues en prenant soin de bien regarder mon interlocuteur désarçonné... Merde. Je crois que je suis grave en manque.
- Tu connais Jeff et Glenn depuis longtemps ?
Ok. Là j'avoue, c'est moi qui fuis le sujet. Mais si je ne calme pas un peu le jeu, c'est moi qui vais finir par perdre tous mes moyens. Elle semble légèrement déçue par ma question, mais y répond tout de même en me disant qu'elle a connu Glenn il y a un an à un cours de fitness et que depuis elles sont devenues très proches. Je suis d'autant plus surpris que mon amie ne se soit décidée à me la présenter que maintenant. Alors qu'elle se retourne pour attraper une coupe de champagne, j'en profite pour la mater un peu. J'avoue qu'elle est loin d'être repoussante. Elle dégage une beauté presque insolente, à l'image de ces femme d'origine des pays de l'Est. Je ne serai pas étonné qu'elle soit russe, allemande ou scandinave. Sa peau pâle met encore plus en évidence l'imposant tatouage qu'elle arbore sur son bras droit. Une sorte de forêt exotique mêlée de feuilles et de fleurs dans les tons chauds. Ses longs cheveux blonds sont lâchés et arrivent presque à la courbure de ses fesses. Sa robe rouge cintrée accentue sa taille fine et marquée. Et bien sûr, comme la plupart des femmes exerçant son métier, elle est relativement grande et élancée. Perchée sur ses hauts talons, elle arrive pratiquement à ma taille.
Alors que Carolin est toujours occupée à se servir sur le buffet, j'aperçois Niall un peu plus loin. Merde, celui-ci vient de capter la nouvelle arrivante. Il arque un sourcil vers le haut en ma direction. Oh, je le connais bien ce regard. Et non mon pauvre ami, pas question que tu viennes me faire foirer mon coup. Pendant qu'elle ne regarde pas, je tente d'indiquer à mon pote, d'un signe de tête, qu'il n'a pas intérêt de tenter quoi que ce soit. Mais Niall, dans sa détermination à m'en faire baver dès qu'une magnifique créature s'intéresse à moi, finit par nous rejoindre. Je l'achèverais volontiers sur place à cet instant.
- Harry, comment peux-tu t'octroyer l'exclusivité d'une telle perfection ?
Pitié. Il est toujours aussi nul pour aborder une fille. Carolin se retourne vers lui et me lance un regard légèrement confus.
- Niall, je crois qu'il est grand temps que tu changes de discours.
Surpris par ma réplique à laquelle il ne s'attendait certainement pas, il renchérit.
- Pourquoi tant de haine ? Je venais juste me présenter.
La jeune femme semble flairer l'affaire et tend une main amicale vers lui.
- Je m'appelle Carolin. Enchantée de faire ta connaissance Niall.
- Tout le plaisir est pour moi.
Un peu plus et il lui prenait la main pour y déposer un baiser. On est au vingt-et-unième siècle mec. Je tente par tous les moyens de lui faire comprendre qu'elle m'intéresse vraiment et qu'il ferait mieux de repartir de là où il vient, mais c'est plus fort que lui, il continue.
- Et que fais-tu dans la vie Carolin ?
Je lève les yeux au ciel.
- Elle est mannequin. Et on était, comment dire... On discutait tous les deux, avant que tu n'arrives.
Et voilà, ça recommence. On a l'air de deux idiots qui se disputent un morceau de pain. Je ne donne pas plus de deux minutes à Carolin avant de prétexter quelque chose pour détaler en courant.
- Ça ne fait rien Harry, on aura tout le temps pour continuer notre conversation plus tard. Dit-elle en soutenant mon regard de ses yeux verts perçants.
Désolé Niall, mais je crois qu'on ne joue pas dans la même cour. Je jette un coup d'œil à la montre à mon poignet et constate que cela doit bien faire trente minutes que j'ai laissée Joy seule dans le salon.
- Vous m'excusez quelques minutes ? Je reviens.
- Prends tout ton temps mec. Me dit Niall, heureux d'avoir enfin toute l'attention de la jeune femme.
Je lui aurais bien glissé à l'oreille qu'il gaspille son énergie pour rien, mais je n'ai pas envie de passer pour un con devant elle. D'un pas décidé, j'arrive dans la pièce où j'avais dit à Joy de ne pas bouger. Évidement, elle n'y est plus. Je ne suis pas très surpris, mais il faut que je la retrouve. Mon premier réflexe est d'aller dans la véranda, au cas où son idée de se baigner ne lui soit repassée par la tête. Heureusement, aucun corps ne flotte à la surface de l'eau. Ma deuxième idée se porte sur la cuisine. En passant dans le couloir, je l'aperçois, assise à même le sol dans la salle de bain du rez-de-chaussé, une main sur l'abattant des toilettes. Le contenu de son estomac a eu le droit à un aller-simple dans le fond de la cuvette. Je m'approche à pas feutrés. Elle ose à peine lever les yeux lorsqu'elle se rend compte de ma présence. Je m'empare d'une serviette que je passe sous l'eau. Elle semble avoir eu des sueurs froides. Je lui tends le bout de tissu mouillé.
- Tiens. Passe-toi ça sur le visage, si tu veux.
D'une main tremblante, Joy accepte sans broncher et rafraîchit son front. Conscient du malaise que peut procurer une telle situation, je l'aide à se remettre debout après m'être assuré qu'elle allait mieux. J'ai l'impression qu'elle est à deux doigts de craquer lorsque ses yeux brillants rencontrent les miens. Je la connais encore peu pour l'affirmer, mais je pense que Joy n'est pas le genre de personne qui se laisse aller dans les bras de quelqu'un qu'elle connaît à peine. Son regard se durcit presque aussitôt cette petite faille percée à jour et elle s'écarte de moi, comme pour se préserver de la moindre recherche de ma part.
- J'ai la tête qui tourne. Me dit-elle soudainement tandis que ses jambes se mettent à flancher de nouveau.
Je la soutiens et la retiens de cette chute programmée.
- Tu t'es vraiment mise dans un piteux état ma belle.
Décontenancée par ma remarque, Joy tente de se redresser pour m'éviter d'avoir à supporter le poids de son corps contre moi. Mais c'est inévitable, elle est trop faible pour tenir debout toute seule.
- Tu veux aller t'allonger un peu ?
Joy lève un sourcil interrogateur vers moi.
- Monsieur Styles, seriez-vous en train de m'inviter dans votre lit ?
Même dans une situation pareille, elle ne perd rien de son humour.
- Je pense juste qu'il serait préférable que tu sois confortablement installée quelque part au lieu de finir glacée sur le carrelage de cette salle de bain.
- À vos ordres chef !
Je ne peux réprimer mon amusement devant ce petit bout de femme qui fait preuve d'auto-dérision dans un moment pourtant très inconfortable pour elle. Je décide de la faire monter à l'étage. Elle sera bien mieux dans le lit de la chambre d'amis, plutôt que sur mon canapé. Bizarrement, la chambre est fermée à clé lorsque j'essaie de l'ouvrir. Ce n'est que lorsque j'entends la voix de Louis crier « une petite minute » à travers la porte que je comprends qu'il s'y est sûrement passé des choses qui ne me regardent pas. Je n'ai pas d'autre choix en regardant la blonde que je soutiens sous mon bras, que de la conduire dans la chambre d'à côté qui est la mienne. Dans un état proche de l'inconscience lorsque je la dépose sur mon lit, Joy pose sa petite main frigorifiée sur mon poignet. Puis, d'une voix faible et vacillante, elle murmure ces quelques mots.
- Harry... Ne me laisse pas seule... S'il te plaît.
Sa détresse est telle qu'elle semble elle-même surprise par sa requête. Derrière ses apparences de femme forte, il y a quelque chose de fragile en elle qui donne envie de lui venir en aide. Je la trouve touchante dans son imperfection.
- Ne t'en fais pas. Je ne vais nulle-part.
Rassurée par ma réponse, Joy ne tarde pas à fermer les yeux. Sa respiration se fait plus ample et plus intense, signe qu'elle vient de sombrer dans un profond sommeil. Je remonte la couette sur elle en espérant qu'elle se réchauffe rapidement. Ne pouvant respecter totalement ma promesse de rester près d'elle, je reprends le chemin inverse tout en laissant la porte à demi-ouverte, pour qu'elle ne se sente pas enfermée si jamais elle se réveille. Je ne devrais pas en avoir pour très longtemps, l'inauguration touchant bientôt à sa fin. Juste le temps pour moi de remercier les gens d'être venus et surtout, de prendre le numéro de téléphone d'une certaine blonde pleine de sous-entendus. C'est sans grande surprise que je tombe nez-à-nez avec Louis et Ava dans le couloir de l'étage. Mon ami remarque vite que j'ai grillé leurs agissements et s'apprête à me sortir une explication. Mais je l'en empêche.
- Pas la peine de t'expliquer. Ce qui s'est passé dans cette chambre ne regarde que vous.
Ava semble nettement plus embarrassée que lui. Elle détourne alors la conversation en prenant des nouvelles de sa colocataire.
- Joy va bien ?
- Elle vient de s'endormir. Ne t'en fais pas. Je la raccompagnerai chez vous. Tu peux continuer ta soirée avec l'esprit léger.
Elle me remercie de nouveau par son regard plein de reconnaissance. Pas besoin de mots pour exprimer ce qu'elle voudrait me dire. Je vois bien qu'elle est soulagée de savoir que la situation est totalement sous contrôle.
Lorsque je reviens au rez-de-chaussé, ma sœur s'occupe de dire au revoir aux dernières personnes encore présentes devant l'entrée. Je ne pensais pas m'être absenté si longtemps.
- Harry, mais où étais-tu passé ? S'exclame Gemma.
Elle m'adresse un regard exaspéré avant de ne s'asseoir lourdement sur une chaise.
- T'es toujours là toi ?
- Il fallait bien qu'un Styles s'occupe de fermer la galerie non ?
Derrière son apparent agacement, je sais qu'elle l'a fait de bon cœur. Elle est géniale.
- Et où est passé Lucas ?
- Il rapproche la voiture. J'ai l'impression que mes chevilles vont exploser.
- Ce n'est pas qu'une impression.
- Harry ! On ne contrarie pas une femme enceinte ! Rappelle-toi, les hormones, tout ça...
Je me penche, ne pouvant résister à l'envie de la prendre dans mes bras. Ma sœur est définitivement la meilleure. Une chose me contrarie un peu en revanche. Carolin s'est éclipsée sans laisser le moindre message à mon intention. Mais Niall non plus n'a pas eu le droit à ses coordonnées, ce qui me rassure un peu. Je salue les dernières personnes encore restées dans la cour pour me voir avant de s'en aller définitivement. Louis me demande de faire en sorte que le photographe que j'ai engagé pour l'occasion ne divulgue aucune photo de son couple avec Ava pour le moment, chose que je respecte totalement. J'aurai un droit de validation sur les clichés qu'il a pris durant la soirée, donc je rassure mon ami en lui disant qu'il n'a pas de soucis à se faire à ce propos. Il veut la préserver au maximum de notre monde, pas toujours très tendre avec ceux qui partagent nos vies.
_____
Il est à peine six heures du matin lorsque j'ouvre les yeux. Ils se posent aussitôt sur la cascade de cheveux blonds de celle qui dort toujours à points fermés dans mon lit. Joy semblait partie dans un sommeil si profond quand je suis revenu dans ma chambre, que j'ai préféré la laisser dormir. Je suis resté avachi dans un fauteuil en étendant mes jambes sur le matelas. Quand vous avez pris l'habitude de faire des siestes n'importe où pendant des années, un fauteuil reste un compagnon de nuit relativement confortable. J'ai très peu dormi en revanche. Une ou deux heures à tout casser. J'étais trop flippé à l'idée qu'elle soit trop faible pour se retourner et vomir si jamais ça la reprenait. Même endormie, Joy garde cette plissure d'inquiétude sur le front. Comme si son mal-être intérieur ne lui laissait pas le moindre répit, même dans son sommeil. Son mascara a coulé laissant de longues traînées noires sous ses yeux. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle a un sommeil très agité. Elle bouge beaucoup et laisse échapper quelques sons de temps à autres, perdue entre ses cauchemars et son esprit malmené par l'alcool.
Craignant que la lumière du jour ne la fasse émerger trop violemment, j'assombris un peu la pièce en fermant le rideau derrière moi. J'ai le bras gauche tout engourdi d'avoir supporté le poids de ma tête quand je me suis assoupi. Malgré mes efforts pour ne pas la brusquer, Joy commence à bouger doucement. Elle ne remarque pas tout de suite ma présence. Ses yeux scrutent la chambre qui ne lui est pas familière et je vois bien à sa tête qu'elle ne se rappelle pas où elle se trouve. Mais lorsqu'elle me voit enfin, elle semble retrouver ses esprits.
- Où est-ce que je suis ?
Ou pas.
- Chez moi.
Elle se met en position demi-assise et passe une main sous ses yeux noircis pour se rendre compte des dégâts.
- Ma parole... T'as réussi à me mettre dans ton pieu Styles ? Me demande-t-elle.
Avec elle, je ne sais plus si c'est du lard ou du cochon.
- Ça n'avait pas l'air de te poser soucis hier soir.
- Merde... Est-ce qu'on a... tous les deux ?
Elle pense vraiment qu'on a fait quelque chose alors que l'on est toujours habillés comme la veille ?
- Sérieusement ?
Ma tête ne doit pas suffisamment traduire mon étonnement. Elle me fixe, dans l'attente que je lui explique davantage la situation.
- Non, on n'a rien fait je te rassure. Tu étais complètement ivre, proche de l'état d'inconscience.
Les ravages qu'elle fait subir à son corps sont considérables pour quelqu'un de si jeune, mais je n'ai pas l'impression qu'elle le réalise. Ou du moins, qu'elle se prenne au sérieux quand elle se saoule comme elle l'a fait hier. Elle se lève de mon lit sans aucune difficulté. Ces quelques heures de sommeil ont eu raison de son ébriété.
- Tu sais où sont mes chaussures ?
- Certainement en bas, près de la piscine.
D'un geste de la main, elle m'indique qu'elle ne souhaite même pas savoir ce qu'elles font à cet endroit. Je la suis, tandis qu'elle s'oriente relativement bien dans ma maison pour quelqu'un qui a à peine calculé le trajet d'hier. Elle retrouve ses escarpins sans difficulté, puis son sac à main sur le canapé du salon.
- Bon. Je te remercie pour ton hospitalité.
Elle me tend la main comme pour me faire ses adieux.
- Je vais tenter de trouver un bus. Ajoute-t-elle en attendant que je lui rende sa poignée de main.
- Ne sois pas stupide, le jour se lève à peine et tu es habillée en tenue de soirée.
Je vois bien à sa tête que ce n'est pas le genre de détails qui l'empêcheraient de prendre les transports en commun. Elle a déjà dû le faire des centaines de fois.
- Il est hors de question que je te laisse rentrer chez toi seule.
Je ponctue ma décision par un doigt pointée vers elle.
- Toi, tu n'aimes pas que l'on aille à l'encontre de ton autorité. Affirme-t-elle en croisant les bras.
- Et toi, tu es toujours aussi butée ?
- Butée, c'est mon deuxième prénom...
La nouveauté avec Joy, c'est son côté imprévisible. J'ai l'impression qu'il est impossible de savoir ce qu'elle va dire. Et encore moins, de prévoir ses réactions.
- Je constate juste que tu n'as pas dû beaucoup entendre le mot « non » ces dernières années. Dit-elle.
Elle a peut-être raison. Il est vrai que l'on ne me refuse presque rien. Mais dans la situation présente, il s'agit surtout de lui éviter de tomber sur un détraqué au détour d'une rue. Je campe sur ma position et croise également les bras pour lui montrer que je ne changerais pas d'avis.
- Bon, c'est d'accord ! Abdique-t-elle enfin. Mais tu prends ta voiture la plus pourrie. On est déjà servies avec les grosses cylindrées de Louis. Les voisins vont commencer à penser que Ava et moi nous sommes des putes pour milliardaires.
Le pire, c'est qu'elle me dit ça le plus sérieusement du monde. Il y en a une pour qui en tout cas, ma célébrité ne pose pas le moindre soucis. Ça fait du bien de ne pas être trop pris au sérieux pour une fois.
Après une bonne demi-heure de route, je la dépose devant sa résidence de Paddington et la regarde s'éloigner, perchée sur ses talons qui malmènent le bitume.
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Connaissant la presse, je suis presque sûr qu'il y aura déjà des articles concernant l'inauguration de la galerie qui circulent sur le Net. Il ne me faut pas plus de quelques secondes pour en trouver, en tapant mon nom dans la barre de recherche de Google. Les termes, pas toujours élogieux, me rappellent aussitôt pourquoi je ne me prête plus à ce genre de jeu depuis longtemps. Mon I-phone m'alerte d'un message.
Numéro inconnu, 08:55 : « J'ai dû torturer Glenn de longues heures pour avoir ton numéro... Mais je ne pouvais pas repartir de Londres sans t'avoir donné le mien. Bises. Carolin. »
Heureux qu'elle n'ait pas tiré un trait sur moi, je rentre aussitôt son numéro dans mon répertoire et lui réponds.
Moi, 08:59 : « Content d'avoir de tes nouvelles. Un resto ce soir ça te tente ? »
Carolin, 09:01 : « C'est avec grand plaisir que j'accepte ta proposition... :) »
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