Chapitre 18
♫ « Old pine » - Ben Howard ♫
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Ava
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Une douce musique provenant du rez-de-chaussée me titille les oreilles lorsque j'ouvre les yeux. Cet air ne m'est pas inconnu et je suis d'autant plus surprise de constater que Louis écoute ce genre de musique. Visiblement, mes préférences musicales ne lui ont pas échappées au moment où nous en avons discuté hier soir.
Un magnifique soleil perce à travers les hautes verrières de la chambre. Le temps londonien est quelque peu lunatique ces derniers jours. La sublime vue sur le quartier me surprend une nouvelle fois. J'étire en douceur mes jambes endolories sous les draps blancs froissés. La place inoccupée à mes côtés me donne un étrange sentiment de vide et une irrépressible envie de le sentir près de moi. Je me redresse en prenant soin de couvrir ma poitrine nue avec le tissu. La dernière fois que j'ai mis les pieds dans cette pièce, je n'avais pas pris le temps de m'imprégner des détails qui m'entourent. Le lit, situé face à la porte, occupe une place conséquente. Il est mis en valeur par le mur d'un profond carmin contre lequel il est adossé. Seules deux commodes meublent le reste de la chambre, qui pourrait être celle de monsieur Tout-le-monde. La seule chose qui fait qu'elle sorte du commun, ce sont les innombrables boîtes contenant des courriers de fans du monde entier. Je ne suis pas étonnée qu'il les conserve toutes. Tout ce qui se rattache à sa vie d'artiste à l'air de beaucoup lui tenir à cœur. En quelques semaines, j'ai cerné cet aspect de sa personnalité et compris que son métier, qui semble lui échapper pour le moment, représente énormément à ses yeux.
Tout en continuant à détailler ce qui m'entoure, je suis de nouveau frappée par ce sentiment de ne pas être à ma place dans ce décor hors du commun. Louis a beau sans cesse me rassurer sur ce point, je ne peux m'empêcher de me demander ce que j'ai bien pu faire pour mériter tout cela. Depuis mon arrivée à Londres, ma vie est en proie à des changements qui m'échappent quelque peu. C'est loin d'être déplaisant et je serai folle de me faire blâmer pour vivre toutes ces nouvelles expériences. Seulement, j'ai comme une peur de ne pas garder le contrôle sur ce que je considère être une vie normale.
Louis est parvenu à s'approprier tous mes sens. En comparaison à mes anciennes relations amoureuses, c'est quelque chose que je n'ai encore jamais éprouvé à l'égard de quelqu'un. Ce qu'il m'apporte est tellement soudain que je n'aurai envie pour rien au monde que cela cesse du jour au lendemain. Le souvenir du contact de sa bouche contre la mienne et de ses mains sur mon corps provoque en moi en avalanche d'émotions. La tournure de la nuit dernière était aussi inattendue qu'inévitable. À cet instant, je n'ai qu'une seule envie, c'est de le rejoindre en bas. À l'exception de ma culotte, que je m'empresse d'enfiler en me levant, je constate rapidement que les seuls vêtements m'appartenant ont dû rester dans le salon, près du canapé. Même si notre relation a évoluée hier soir, je ne me vois pas descendre pratiquement nue. Je prends le premier t-shirt qui me tombe sous la main et me surprends à le sentir au moment où je le passe.
Je m'approche en silence de la mezzanine. Louis doit être dans la cuisine à en juger par le bruit des placards qui s'ouvrent et la vaisselle qui s'entrechoque. Je me dirige vers la salle de bain attenante à la chambre. Je préfère m'assurer d'être présentable avant de le retrouver. J'ai décidément une tête à faire peur. Je replace mes cheveux du bout des doigts dans une tentative désespérée de ressembler à quelque chose et me passe le visage sous l'eau fraîche. Craignant de ne pas sentir bon, je prends le premier flacon qui se trouve sous mes yeux pour m'en mettre dans le cou. Mauvaise idée. Je suffoque aussitôt tellement le parfum masculin est prononcé. Tant pis, je descends quand même.
Louis ne m'aperçoit pas tout de suite. Il s'affaire à jeter à la poubelle ce que nous n'avons pas consommé hier soir, tout en fredonnant un titre de Ben Howard, qui sort des enceintes de son ordinateur un peu plus loin. Je crois que je ne l'ai jamais trouvé aussi beau que maintenant, torse nu, vêtu d'un simple bas de jogging gris, de dos dans sa cuisine. Ses cheveux sont totalement emmêlés, mais il dégage un charme fou. Aucun homme couvert de tatouages n'a le droit d'être aussi sexy. Si un jour on m'avait dit que je tomberais dans les bras de quelqu'un d'aussi tatoué, je n'en aurai pas cru un mot. Un plateau avec deux tasses et des viennoiseries est posé sur l'îlot central. Mince, je crois que je vais lui foirer sa surprise. Tant qu'il ne m'a pas vue, je reprends l'ascension des marches dans l'idée de faire comme si je n'avais rien remarqué, mais Louis prend la parole.
- Ah, tu es réveillée !
En même temps, tu ne brilles pas par ta grande discrétion.
- Oui, je ne dormais plus depuis un petit moment.
Dans un geste des plus naturels, Louis s'avance vers moi et me sert dans ses bras. Je lui rends son étreinte et sens les muscles de son dos se contracter sous mes doigts. Je garde avidement ce contact prolongé avant de constater qu'il renifle mon cou.
- C'est mon parfum que je sens sur toi ?
Oups.
- Non pas du tout.
Il m'adresse un large sourire face à ma tentative de lui cacher que je viens de m'asperger de son eau de toilette.
- Ce t-shirt te va incroyablement bien en tout cas.
Il me dépose un léger baiser sur le bout du nez. La mélodie paisible de Ben Howard prend fin et un nouveau titre de mon artiste fétiche résonne dans la pièce, me faisant comprendre qu'il a bel et bien lancé la lecture de l'album.
- Je rêve où tu étais en train de fredonner « Old Pine » il y a deux minutes ?
- Ah bon tu connais ce chanteur ?
Il essaye de me faire marcher.
- Je dois avouer qu'il sait composer, c'est vrai.
- Mais rien à voir avec ton groupe à toi, c'est ça ?
- Tu as tout compris.
Ses bras ne quittent pas les miens et nos yeux se scrutent un long moment sans que nous n'échangions le moindre mot.
- Tu te rends compte que par ta faute, j'ai dû mettre les légumes à la poubelle ?
Un sourire taquin s'inscrit sur son visage. Je le trouve tellement craquant quand il me regarde comme ça.
- Comment ça par ma faute ?
Je joue très mal la fausse coupable. Je rapproche mes lèvres des siennes, prise d'une envie maladive d'y déposer un baiser. Louis n'attend pas que j'avance davantage et presse sa bouche contre la mienne. Il n'embrasse comme aucun des garçons que j'ai connu avant lui. Même si je ne saurais dire où est la différence, à part dans le fait que j'oublie tout ce qu'il y a autour quand nous échangeons un baiser.
- Quoi ? Tu veux aussi qu'on zappe le petit-déjeuner c'est ça ? Me demande-t-il en m'adressant un léger pincement aux fesses.
- Je ne dirai pas non mais... j'ai bien peur que nous n'ayons pas vraiment le temps.
- À quelle heure tu dois être à ton travail ?
- Je commence mon service à seize heures, je crois. Je vais vérifier ça tout de suite.
Mon téléphone portable est resté dans la cuisine depuis hier soir. Mes heures de service y sont enregistrées. Je constate par la même occasion que j'ai trois notifications, mais je préfère les regarder plus tard par respect pour Louis.
- C'est bien ça, seize heures.
Louis jette un coup d'œil à l'horloge digitale du four derrière lui, qui indique qu'il n'est que onze heures et demi.
- Tu me surestimes à penser que ça peut nous prendre des heures...
Vu tout ce que tu as donné la nuit dernière... Une vague de chaleur prend soudainement possession de mon corps. Je me défais de son étreinte avant que la situation ne dérape et évince subtilement ses sous-entendus en m'emparant d'un pancake sur le plateau.
- J'ai faim moi. Pas toi ?
Louis secoue la tête de gauche à droite, les lèvres pincées. Il sait que je n'en pense pas moins que lui à cet instant. Ma ténacité à ne pas succomber au désir me surprend moi-même tellement tout chez lui m'appelle à céder à la tentation. Mais je parviens à retrouver mes esprits, et lui aussi. Nous partageons ensuite un moment de complicité tout à fait banal à déjeuner en silence, tout en échangeant des regards complices.
Louis tient absolument à me raccompagner chez moi par lui-même. Je crois qu'il a compris que j'aimais moyennement les trajets privilégiés avec chauffeur. Il part se doucher dans la salle de bain à l'étage tandis que je prends possession de celle du bas. Il m'a bien précisé de faire comme chez moi avant de s'éclipser.
Après avoir enfilé ma tenue de rechange, je profite pour me détendre sur le canapé. Louis n'est toujours pas redescendu. Je jette un œil à mon smartphone et aux trois messages non-lus depuis hier soir.
Joy, 21:16 : « Mais où es-tu ? »
Celle-ci a dû oublier que j'avais rendez-vous je crois. On ne s'était pas croisées depuis la veille, puisqu'elle travaillait toute la journée hier et j'avais dû rapidement lui parler de l'invitation de Louis. Son message est accompagné d'une photo d'elle faisant une moue boudeuse devant deux assiettes de pâtes à la bolognaise. Adorable. Son deuxième sms date de ce matin.
Joy, 10:32 : « Coquine ;) »
Je sens que je vais me faire cuisiner en rentrant. Le troisième texto provient de Alex.
Alex, 11:10 : « Dis, si j'ai moyen d'avoir mon samedi, ça te ferait plaisir que je vienne à la capitale ? :D »
Moi, 11:48 : « Carrément ! Samedi de la semaine prochaine ? »
Alex, 11:49 : « Non, demain, samedi 23 :) Mais ne t'en fais pas, j'irai à l'hôtel. »
Moi, 11:51 : « Je pense que Joy n'aura rien contre le fait que tu restes dormir chez nous. »
Alex, 11:53 : « Tu es sûre que ça te va ? Je peux acheter mon billet d'avion ? »
Moi, 11:54 : « Oui oui, bien sûr ! Hâte de te revoir. Tu me tiens au courant. »
Au moment où je repose mon téléphone, Louis arrive vêtu d'un débardeur blanc et d'un jean noir. Son bonnet bordeaux, qui ne m'est pas inconnu recouvre ses cheveux encore mouillés.
- Désolé, j'ai dû rappeler ma mère.
-Pas de soucis. Je risque d'être un peu occupée ce week-end par contre.
- Ah tu travailles finalement ? Me dit-il en attrapant ses clés sur la table basse.
- Non mais Alex, tu sais je t'en ai parlé hier...
- Ton meilleur-ami ?
- Oui... il vient me rendre visite demain.
Louis n'a pas relevé la tête.
- C'est cool.
J'ai un léger doute sur la sincérité de ce « c'est cool ». Je sens comme un malaise devant sa détermination à ne pas croiser mon regard. Est-ce la venue de Alex qui l'embête, ou bien le fait que l'on ne puisse pas vraiment se voir ? Je tente de rattraper le coup.
- Mais ça n'empêchera pas que l'on se voit quand même !
- J'y compte bien.
Il m'attrape par la taille en me déposant un bisou sur la tempe. Son sourire en coin me rassure.
_____
Au moment où je tourne la clé dans la serrure de chez nous, j'entends de gros bruits de pas lourds derrière la porte. Mon dieu, elle aussi c'est la discrétion incarnée. J'ai presque envie d'éclater de rire en voyant Joy, essoufflée face à moi, les bras croisés sur la poitrine, avec un faux air autoritaire. Je vais la laisser faire son sketch jusqu'au bout.
- C'est à cette heure-ci qu'on rentre ?
Elle ponctue sa phrase en arquant son sourcil droit. Quelle grande actrice.
- Tu préparais ton coup depuis quand ?
Elle pouffe de rire en même temps que moi.
- Ava Miller, tu t'assoies. Je veux tout savoir en détails. Me dit-elle en indiquant le canapé du bout de son index.
Je n'ai même pas le temps de poser mon sac qu'elle me pousse gentiment vers le salon. Elle veut vraiment que je lui raconte tout ? Mais je n'ai jamais fait ça moi. Voyant que je ne sais pas trop par où commencer, Joy me pose la première question d'une longue série à venir.
- Alors, c'était comment ?
Je réfléchis quelque temps à la réponse que je vais lui apporter, mais je préfère commencer par ce qui me vient spontanément à l'esprit.
- On a commencé à cuisiner ensemble...
- Non mais ce n'est pas ça que je veux savoir.
- ... Mais on n'a pas vraiment mangé.
- Aaaah, là ça me plaît. Continues.
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
- Comment c'était tiens !
- Mais ! Qui te dit qu'on l'a fait ?
- Bah vous n'avez pas joué au Scrabble. Ou sinon je ne m'appelle plus Joy Benett.
Elle termine son affirmation d'un claquement de doigt.
- Je ne sais même pas par où commencer...
- Tu as l'air fatiguée en tout cas. Combien de fois vous avez baisé ?
- Mais Joy !
- Je veux juste un chiffre. M'implore-t-elle de ses yeux de merlan frit.
Elle va finir par m'avoir, c'est ça le pire.
- Ma seule distraction d'hier soir c'était ton plat de pâtes en face de moi. Ajoute-t-elle.
- Bon. Trois. Ça te va ?
- Eh, pas mal Miller ! Dit-elle en lever la main comme pour m'en taper une.
- J'avoue, ça ne m'a pas déplu.
C'est un euphémisme bien sûr. N'ayant que très peu de temps devant moi avant d'aller bosser chez Muriel's Kitchen, je décide de commencer à ranger un peu l'appartement. Mais Joy me colle aux basques, demandeuse de détails croustillants concernant ma nuit avec Louis.
- Qui a fait le premier pas ?
- Si je te dis que c'est moi, tu arrêtes avec tes questions ?
- Oh ! Alors là, certainement pas ! Je veux savoir comment c'est arrivé !
Je commence la vaisselle dans l'évier tandis qu'elle attend, impatiente à côté de moi.
- Ça s'est passé le plus naturellement du monde...
Elle attend la suite. Je me rends compte que nous n'avons peut-être pas la même notion du « naturel ».
- Je l'ai simplement embrassé alors qu'on était en train de préparer une omelette, et après, tout s'est enchaîné.
- Vous l'avez fait dans la cuisine alors ?
- Non ! On est allés jusqu'au salon.
J'en reviens pas. Elle parvient à me faire avouer ce que je n'ai pas envie de dire. Elle est vraiment douée.
- Fais-moi penser à ne jamais m'asseoir dans ce canapé, si jamais je suis amenée à aller chez lui un jour.
Je lui tire la langue.
- Mais au fait, pourquoi tu fais tout le ménage là ? On a le temps de faire ça dans le week-end.
- Si tu n'avais pas été aussi curieuse, j'aurai eu le temps de t'en parler bien avant, mais Alex débarque de Alston demain matin. Si tu n'y vois pas d'inconvénient bien sûr.
- Ah ! Je vais enfin mettre un visage sur ton Alex !
- Ce n'est pas « mon » Alex.
Joy n'a pas l'air convaincu. Elle renchérie.
- Et est-ce que TON Alex est au courant pour TON Louis ?
- Non, mais je compte le lui dire, ne t'en fais pas.
Jusque là, je n'avais pas forcément pris conscience de l'importance qu'a pris Louis dans ma vie. Et l'occasion ne s'est jamais vraiment présentée pour que j'en parle à mon meilleur-ami. Mais je sais que Alex sera ravi que je fréquente quelqu'un. Qui sait, peut-être a-t-il lui aussi rencontré une fille depuis mon départ.
_____
Je me suis levée aux aurores pour être sûre d'être là quand Alex arrivera sur le sol londonien. J'ai tellement hâte de voir sa tête quand il découvrira la démesure de la capitale, ne serait-ce déjà que par la grandeur de l'aéroport de Stansted. J'ai visiblement vu juste lorsque je l'aperçois totalement perdu, guettant la foule du regard dans l'espoir de trouver mon visage familier parmi tous ces inconnus pressés. Je mets fin à sa souffrance en venant à lui d'un pas décidé. Je ne résiste pas à me jeter dans ses bras tellement il m'a manqué. Un large sourire s'inscrit sur nos visages. Alex se détache de moi pour me regarder attentivement, comme s'il était impressionné par ma métamorphose en vraie londonienne branchée.
- Bon sang. Qu'avez-vous fait de Ava ?
- Comment ça ?
Il me fait tourner sur moi-même pour mieux s'imprégner de mon nouveau look.
- Tu es ravissante.
- Merci. Enfin, tu pourras remercier ma colocataire. C'est à elle que je dois ce relooking de l'extrême.
Alex s'attarde un peu plus sur mon visage. Si je ne le connaissais pas si bien, il me mettrait presque mal à l'aise.
- Bon, tu as fini oui ?
- Excuse-moi.
Ma sonnerie de portable retentit de mon sac à main.
Louis, 07:44 : « Tu sais que tu as alimenté mes pensées les plus malsaines en laissant traîner ce joli soutien-gorge dans ma salle de bain...:) Passe une bonne journée ma belle. »
Je ne cache pas ma surprise de lire son message et glousse quelque peu. Le pire, c'est que mon oubli n'était même pas intentionnel. En guise de réponse, et parce que je n'ai pas envie de délaisser Alex, je lui renvoie un émoticône de petit chat joyeux. Et me trouve ridicule de l'avoir fait au moment même où l'accusé de réception atterrie sur mon téléphone. Tant pis, c'est fait. Mais Louis me renvoie aussitôt un adorable lapin malicieux. Je range mon portable au fond de mon sac pour ne pas me laisser dépasser par les émotions à la vue de ses attentions toutes simples mais touchantes de sa part.
Un taxi nous attend devant l'entrée principale de l'aéroport. Alex dépose son bagage dans le coffre et me rejoint sur la banquette arrière du véhicule.
- Bon alors, on va d'abord aller à l'appart', comme ça tu feras la connaissance de Joy, mais rapidement, parce qu'après j'ai prévu qu'on aille au centre-ville : d'abord la Tour de Londres, tu verras c'est juste incontournable, ensuite, le London Bridge, puis...
Alex me coupe dans mon monologue. Je n'ai presque pas repris mon souffle.
- Ava, tu n'avais pas besoin d'organiser un planning si millimétré tu sais. J'aurai d'autres occasions de venir te rendre visite.
- J'en fais trop ?
- Disons que le simple fait de passer du temps avec toi m'aurait suffit.
- Désolée. Un week-end c'est tellement court, je n'ai pas envie qu'il y ait de temps morts. Je veux que tu vois Londres comme moi je l'ai découvert.
- Je te fais confiance pour ça.
Il y a quelque chose chez mon ami qui me perturbe, mais je n'arrive pas à savoir quoi. Est-ce dû au fait d'avoir passé plus d'un mois sans le voir, où est-ce que c'est moi qui ai une perception différente de lui ?
Nous arrivons dans le quartier de Paddington à neuf heures passées. J'espère que Joy sera levée, ou du moins qu'elle aura pris le temps de s'habiller. La connaissant, toutes les éventualités sont envisageables. Mes doutes sont vite balayés lorsque je la découvre, devant son activité favorite du samedi matin : rattraper son retard sur ses télé-réalités favorites en replay. Et pour une fois, elle n'est pas vêtue d'un simple peignoir. Elle a pris le temps de mettre une jolie robe subtilement bariolée et colorée, qui lui donne un look vintage dont elle seule a le secret. Elle se lève aussitôt lorsque nous passons la porte, un grand sourire aux lèvres. Elle tend une main chaleureuse à mon meilleur-ami.
- Joy, enchantée. Ravie de faire enfin ta connaissance !
Je lis dans son regard qu'elle est agréablement surprise par le physique de Alex. Elle lui fait pratiquement de l'œil. Mais c'est du Joy tout craché.
- Et moi ravi de mettre enfin un visage sur... Dit-il en désignant son buste. Je ne saisis pas tout de suite son allusion, mais finis par me souvenir de cette fameuse photo qu'elle lui avait envoyée de mon téléphone lors de notre première soirée. Joy en revanche ne semble pas comprendre où il veut en venir. Elle fronce les sourcils en balayant la pièce des yeux. Elle scanne son cerveau à la recherche de cette anecdote, mais embraye rapidement sur un autre sujet. En parfaite hôtesse de maison, elle désigne notre nouveau sofa, destiné à Alex pour le week-end.
- Je te présente notre superbe canapé flambant neuf, que tu vas être le premier à inaugurer ce soir !
- J'aurai pu prendre une chambre en ville pour ne pas m'imposer ici...
- Mais non ! Ça ne me gène absolument pas que tu restes.
Ouf, elle s'arrête là. Aucune proposition indécente ne franchit sa bouche. J'invite Alex à déposer ses affaires et en profite pour redemander à Joy si elle veut nous accompagner pour la journée, mais son programme est déjà établi. Elle se réinstalle confortablement sous un plaid, face à la télé, télécommande à la main.
- Prévenez-moi à l'avance s'il y a quelque chose ce soir par contre.
- Oh je pense que l'on fera surement un truc, je te tiens au courant.
Ma colocataire capte le regard de mon ami. Qu'est-ce qu'elle va lui sortir...
- Alex, je te chauffe la place tout l'après-midi. Dit-elle en lui adressant un clin d'œil des plus suggestifs.
Bon. Elle ne se sera pas retenue très longtemps. Je fais comprendre à Joy qu'elle est décidément égale à elle-même. Elle n'est pas gênée pour un sou de son attitude aguicheuse.
_____
Je laisse Alex choisir les endroits qu'il voudrait découvrir lors de sa première visite de Londres. Finalement, ce qui lui semble le plus incontournable est le London Eye. Choix plutôt judicieux, car il offre un panorama unique sur la capitale. D'autant plus que je n'avais pas encore fait cette attraction. Je crois que ça lui tenait à cœur de faire quelque chose de nouveau tous les deux.
Alex me fait sourire à énumérer le nom des bâtiments qu'il connaît uniquement sur papier glacé. Lorsque j'avais visité une partie de la ville avec Joy, je m'étais rendue compte que son regard ne portait plus cette étincelle en admirant la beauté de sa ville natale. Tandis qu'Alex a exactement le même point de vue que moi. Nous ne sommes concrètement jamais sortis des frontières du nord de l'Angleterre, et encore moins dans une ville aussi urbaine que Londres. Je profite de cet instant avec lui pour immortaliser un peu les moments que l'on partage. Nous avons l'air de parfaits touristes. Ça m'avait manqué de ne plus découvrir la ville sous cet angle. Je suis lancée dans le train-train quotidien depuis quelques semaines, entre mon job d'appoint, ma recherche d'emploi, ma colocataire et Louis. J'essaie d'ailleurs, à plusieurs reprises, d'aborder le sujet de ma relation avec lui. Mais étonnamment, je suis sans cesse coupée dans mon élan, comme si le destin voulait s'en mêler et retardait l'échéance de cette annonce.
Le temps file à une allure incroyable. Il est déjà treize heures lorsque nous décidons de nous poser pour manger un morceau. C'est tout naturellement que je choisis de montrer à Alex l'endroit où je travaille. Je sais aussi qu'il est friand de ce genre de brunch plutôt copieux.
- Au fait, tu as eu des nouvelles de ton entretien de jeudi dernier ? Comment s'appelait la boîte déjà ?
- L'agence Bread Collective. Tu n'imagines même pas à quel point j'aimerais bosser avec eux ! Nous avons exactement la même vision du design. J'attends toujours des nouvelles.
- Tu n'as pas d'autres pistes autrement ?
- On m'a proposé d'exposer mes clichés de Londres dans une galerie d'Art qui devrait bientôt voir le jour.
- Oh, c'est super. Je t'avais toujours dit que tes photos valaient le coup d'être montrées.
Il est vrai qu'il m'a toujours soutenue. Même dans mes idées les plus farfelues, où il me servait de modèle. Je sais qu'il conserve d'ailleurs un bon nombre de mes photographies aux murs de sa chambre. Pour le moment, je ne m'enflamme pas trop, car Louis m'en a parlé en tant qu'éventualité. Peut-être que Harry n'aimera pas du tout mon travail.
Écouter Alex me parler des dernières nouvelles de notre ville me ramène à ma vie d'avant avec nostalgie. Comme si cela faisait une éternité que je m'étais éloignée de mes origines.
Mon portable vibre sur la table. Peut-être que Joy s'est décidée de vouloir nous rejoindre ? Mais c'est à nouveau le prénom de Louis qui apparaît sur l'écran, me faisant rater un battement, car je ne sais jamais ce qui peut lui passer par la tête lorsqu'il m'écrit un message. J'appuie avec fébrilité sur la touche de lecture.
Louis, 13:49 : « Soirée potentielle chez moi ce soir. Si vous n'avez rien de prévu de votre côté, rendez-vous à 21 h. On sera en petit comité, rien de foufou, mais ramènes qui tu veux. Je précise que j'ai quand même très envie de te voir :) »
À la lecture de ce texto, je prends conscience qu'il me manque déjà un peu. Mais c'est surtout l'occasion rêvée d'aborder le sujet avec Alex.
- On est invités à une soirée ce soir, et j'aimerais beaucoup te présenter quelqu'un. Si ça te dit ?
- Ah ? Me demande-t-il avec intérêt.
- J'ai fait une rencontre un peu hors du commun. Je n'avais pas jugé bon de t'en parler jusque là parce que ça n'avait rien de concrêt.
- Quand tu dis « hors du commun », ça veut dire quoi ?
- Disons qu'il est quelque peu... connu.
Je lui explique rapidement mon histoire avec Louis et me rends compte qu'inconsciemment je ne parviens pas à lui coller une étiquette. En tout cas le mot « petit-ami » ne surgit pas dans la conversation.
- Et donc, quand tu dis que tu le fréquente, tu veux dire que vous sortez ensemble ?
La question de mon ami est tellement directe qu'elle m'étonne un peu.
- On peut dire ça.
Alex replonge le nez dans son assiette, l'air dubitatif, et marque une pause avant de me répondre.
- C'est cool.
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