Chapitre 11

♫ « Take me to the sea » - Shake Shake Go ♫


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Ava
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Contrairement aux idées reçues, être fille unique ne fait pas de vous une princesse pourrie-gâtée, colérique et capricieuse. Loin de là. Les gens ont souvent une image déformée et fantasmée de l'enfant unique. Petite, mes camarades m'enviaient de ne jamais rien avoir à partager avec personne, d'être le seul centre d'intérêt de mes parents. Mais ils oubliaient aussi tout ce que cela implique. J'ai constamment eu peur de les décevoirs. Comme si être leur seule chance d'être fiers de quelqu'un m'interdisait de commettre la moindre erreur de parcours. C'est pourquoi échouer dans les buts que je me fixe n'a jamais été une option envisageable.

Du fait d'avoir dû me débrouiller seule dès mon plus jeune âge, j'ai développé une grande force de caractère. Quand un choix s'impose, j'ai pris l'habitude de n'en référer qu'à moi-même. Et ce sont les choix qui déterminent le succès, et non les circonstances. Mon expérience m'a appris que si nous avançons avec confiance vers la poursuite de nos rêves, nos choix ne peuvent aboutir qu'à une ascension vers le bonheur. Une façon de voir les choses que l'on peut aussi bien transposer sur le plan professionnel que sur le plan affectif.

Avoir des frères et sœurs a longtemps été quelque chose que je me représentais sans jamais savoir ce à quoi cela pouvait ressembler. Mais ayant été entourée des bonnes personnes, je me suis rendu compte que la famille ne se résume pas uniquement aux liens du sang.

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Joy s'est mis en tête de me relooker de la tête aux pieds. Étonnamment ça tombe pile le jour où Louis m'a invitée à passer une soirée chez lui. Je ne sais pas bien ce qu'elle a derrière la tête, mais son enthousiasme fait plaisir à voir. Vêtue de son énorme manteau de fourrure, mon amie me traîne dans les magasins les plus branchés d'Oxford Street. Les rues noires de monde m'impressionnent toujours autant. Je peine à suivre Joy, qui elle, perchée sur ses hauts talons, slalome aisément entre les passants. La vie londonienne n'a aucun secret pour elle. Mes pieds commencent déjà à me faire souffrir. J'ai pourtant enfilé mes baskets les plus confortables en vue de cette journée très intense. Un petite pause me ferait le plus grand bien. Mais Joy avance d'un pas déterminé vers une autre boutique. Je l'agrippe par la manche de son manteau pour l'inciter à s'arrêter quelques minutes.

- Eh, on fait un break deux secondes ?

- Tu rigoles, on n'a fait que trois magasins !

Je sors une bouteille d'eau de ma besace.

- Tu partais en expédition ou quoi ? Me demande-t-elle, en insistant sur mon allure décontractée -aux antipodes de la sienne-.

- Arrêtes de te moquer de moi. Je n'ai pas l'habitude de ce genre de choses.

Elle me lance un regard compatissant, me faisant comprendre qu'elle avait peut-être surestimé mon endurance.

Au fil des magasins, je me sens de plus en plus à l'aise. Joy me conforte dans l'idée que telles ou telles tenues sont faites pour moi, si bien que je me prête au jeu des essayages sans rechigner. Je trouve mon bonheur -grâce à elle et à son sens de la mode- plus particulièrement chez Forever 21. Je suis Joy à travers les rayons. Elle se sert allègrement jusqu'à se retrouver noyée sous une pile de vêtements qui m'est destinée. C'est à peine si elle s'adresse à moi pour me demander mon avis, tellement persuadée que les tenues m'iront parfaitement. Ça m'épuise d'avance de savoir que je vais devoir tout essayer, mais elle est si impliquée que je vais le faire volontiers.

Tout en finesse, elle dépose la tonne de fringues devant un vendeur aux cabines d'essayages, ponctuant son effort d'un « voi-là » de satisfaction.

- C'est pour elle !

Elle me désigne du regard. Le vendeur me reluque de haut en bas.

- Ah effectivement, y a du boulot. Confirme-t-il en ponctuant son affirmation par un mouvement de main extrêmement féminin.

Après avoir compté le nombre de vêtements, ce dernier me dirige vers une des cabines en me précisant de ne pas hésiter à faire appel à lui pour un conseil. C'est une fois installée que je me rends compte que les tenues que Joy a choisies représente un bon éventail d'une parfaite garde-robe : aussi bien des vêtements de jour que de soirée.

Je commence par une jolie combi-short habillée, dans laquelle je me sens très à l'aise, malgré le fait qu'elle dévoile entièrement mes jambes. J'ouvre le rideau. Joy est assise sur le tabouret face à moi.

- Ok, manque plus que les talons, et ce sera parfait !

- Euh, on va y aller par étapes peut-être.

- Ok, comme tu veux. On enchaîne !

Je choisis d'enfiler une petite robe noire, près du corps. Le décolleté met bien trop en avant ma poitrine généreuse, si bien que j'hésite à sortir mon nez de la cabine.

- Bon alors ? S'impatiente Joy, au bout de quelques minutes.

J'entrouvre légèrement le voilage pour ne pas apparaître aux yeux de tout le monde.

- T'es canon, mais perso j'aurais pris la taille en dessous. Rochelle !

Je comprends qu'elle interpelle le vendeur. J'ai le réflexe de reculer d'un pas par pudeur. Joy se lève et vient vers moi.

- Ne t'inquiète pas, tes gros seins ne lui feront ni chaud ni froid !

Ok, ça confirme ma première impression. Il arrive d'un pas affirmé et retire ses lunettes pour me regarder plus attentivement.

- Qu'est-ce que tu en penses, Rochelle ? On est d'accord que la taille en dessous serait plus appropriée ?!

- Mais non ma chérie, ça serait beaucoup trop vulgaire.

Contente qu'il soit de mon côté. Je nargue Joy et remercie le vendeur pour son appui.

- Par contre, choisie bien tes moments pour porter une robe comme ça... Me conseille-t-elle.

Je rougis à l'idée d'un éventuel rapprochement entre Louis et moi, et referme aussitôt le rideau. Jusqu'ici, je n'avais pas encore réalisé l'importance de ce rendez-vous. L'idée que ça se passe chez lui, dans son univers, rend ce moment plus intime. Et pour le coup, ça me fiche un peu la trouille.

Il me reste encore une bonne quinzaine d'affaires à essayer. Mais un superbe haut court bleu azur attire mon attention. Je l'associe avec une jupe fourreau d'un blanc éclatant. C'est de loin la tenue qui me ressemble le plus. Le contraste entre la jupe étroite, et le haut très large rend l'ensemble visuellement très féminin et attractif. Le parfait compromis entre la tenue habillée et décontractée.

Joy fait de grands yeux, certainement étonnée que j'ai associé ces deux pièces de moi-même. Elle valide immédiatement mon choix.

- Wow. On a trouvé tes fringues de ce soir je crois.

J'ai choisi la plupart des tenues que Joy m'a conseillées. La facture va être salée. Je passe à la caisse avec de quoi changer -presque- l'intégralité de mon dressing. Ça fait du bien de bouleverser enfin mes habitudes. Une métamorphose qui accompagne le tournant que prend ma vie.

Cette journée passée avec Joy, à jouer les Pretty Woman, confirme mon idée que les liens du sang ne sont pas nécessaires pour être connecté avec une personne. Elle a le don de me mettre en confiance, je n'ai pas besoin de prétendre être quelqu'un d'autre. J'ai tout simplement l'impression de me redécouvrir.

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En rentrant à l'appartement, je n'ai qu'une envie : reposer mes jambes. Mais la perspective de voir Louis prend le dessus sur ma fatigue. Mon portable m'indique que j'ai un nouveau message. C'est lui. J'espère qu'il n'a pas annulé.

Louis, 18:12 : « Pour ce soir, inutile que tu prennes le métro, je t'envoie une voiture à 20:45 chez toi. Je suis impatient de te voir. »

La lecture de ce message provoque chez moi une certaine appréhension. Mon cœur s'emballe rien qu'à l'idée que ce rendez-vous soit certainement décisif dans la tournure de notre relation. Jusqu'ici, nos rencontres étaient plutôt informelles, dans des lieux publics, où nous n'étions jamais vraiment seuls. Bon, il me reste deux heures et demi pour me préparer.

Moi, 18:24 : « Impatiente aussi :) »

Une multitude de questions se battent dans ma tête. Peut-être que j'ai mal compris et qu'on ne sera pas seuls ce soir ? Et la voiture qui m'amène, est-ce que ce sera un taxi ? Est-ce qu'il vient aussi me chercher ? Est-ce qu'on va dîner ensemble ? Ou bien dois-je grignoter un peu avant de partir ? Je gomme mon questionnement d'un froncement de sourcils et remarque que Joy observe mon attitude étrange en souriant.

- T'es encore en train de réfléchir ? Mais vas te préparer plutôt !

Limite si elle ne me pousse pas vers la salle de bain. Une fois sous la douche, je suis de nouveau envahie par une horde de questions. J'envie un peu la façon dont Joy aborde la vie sans aucune prise de tête. Elle irait très certainement à ce genre de rendez-vous les yeux fermés.

La douche extrêmement chaude que je viens de prendre a embué toute la pièce, m'obligeant à ouvrir rapidement la porte afin d'apporter un peu d'air frais. Enroulée dans un drap de bain, je file me changer dans ma chambre. J'opte évidemment pour la tenue achetée chez Forever 21.

Je retourne dans la salle de bain. Joy lève les yeux de son magazine et en profite pour me siffler.

- Un coup de main pour le make-up, mademoiselle ? Me propose-t-elle.

- Tant que je ne ressemble pas à un camion volé !

- De toute façon, tes yeux sont déjà assez mis en valeur avec le bleu de ton croc-top. Inutile de trop charger.

Elle farfouille dans sa collection de maquillage -qui représente l'équivalent de dix fois la mienne- et sélectionne les produits dont j'aurais besoin.

Dans l'engouement de ma situation, je n'ai même pas pensé à lui demander ce qu'elle faisait ce soir.

- Comment tu vas occuper ton samedi soir, toi ?

- Oh, je ne sais pas trop encore. Ça se décidera au dernier moment.

Je suis prête une bonne demi-heure à l'avance. L'attente me stresse davantage et je ne fais que regarder l'heure sur mon téléphone. Joy m'interrompt de mes pensées.

- T'as pensé à prendre du rechange ?

- Hein ? Mais je ne compte pas dormir chez lui.

- Sait-on jamais ! Répond-t-elle avec un clin d'œil exagéré.

Ok, là je stresse au maximum. Et non, je ne prendrais pas de vêtements de rechange parce que je vais rentrer.

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L'option taxi me paraissait la plus plausible, et pourtant je suis escortée dans une grosse berline noire avec un chauffeur qui connait mon nom. C'est complètement irréel pour moi. Je me rends vite compte que pour déstresser, j'essaie de sortir les vers du nez au conducteur. Quand je suis angoissée, je suis une vraie pipelette, ce qui a l'air de l'amuser. J'espère que son métier ne se résume pas uniquement à venir chercher les conquêtes de son employeur. Ça me paraît peu probable car Louis dégage beaucoup d'humilité. À travers les vitres teintées, je reste attentive à l'activité urbaine très animée d'un samedi soir à Londres. Je ne pensais pas que certaines voitures étaient autorisées à circuler sur les voies exclusivement piétonnes à Soho. Mais je comprends rapidement que l'accès y est très restreint quand nous passons dans une ruelle avec barrière qui s'ouvre au contact d'un badge magnétique que détient le chauffeur. Se dresse devant moi une immense résidence équipée de caméras de sécurité et d'un portier. Tout cela attise mon envie de découvrir qui se cache derrière cette personne pourtant si accessible.

On m'indique que son appartement se situe au dernier étage. J'arrive sur un palier qui ne dessert qu'une seule porte. Impossible de se tromper. La porte s'ouvre avant même que je n'aie le temps de frapper. Louis m'accueille d'un grand sourire et me serre dans ses bras naturellement. Un peu surprise au début, je finis par lui rendre son étreinte. Il m'invite à entrer. Son allure décontractée fait écho à notre première rencontre.

- Désolé pour toute cette mise en scène. J'espère que ça ne t'a pas trop perturbée.

- Je t'avoue que je ne m'attendais pas à tout cela.

Le cadre très froid de la résidence m'avait fait imaginer un appartement totalement différent, mais au final, il est à son image : simple et chaleureux. L'endroit clé de son loft semble être l'immense pièce à vivre. Tout y est centralisé. La cuisine haut de gamme en inox est ouverte sur le salon. Un écran surdimensionné est accroché au mur, entre deux gigantesques fenêtres verrières à encadrement en fer brut. La vue est imprenable sur le quartier sulfureux de la ville.

- Qu'est-ce que je te sers à boire ?

- Peu m'importe, ce que tu as.

Je prends l'initiative de m'asseoir sur son canapé. Louis revient avec deux coupes de pétillant et deux flyers à la main.

- Pizza ou chinois ? Me demande-t-il avec un air gêné. Je ne suis pas très bon cuisinier.

Je souris à son honnêteté.

- Chinois, ça me dit bien !

- Je vais commander tout de suite.

Je profite de ce court instant pour parcourir un peu la pièce, ma coupe à la main. Cet appartement masculin est malgré tout très bien tenu. Certains objets attirent mon attention, et surtout ma curiosité. Une étagère est entièrement recouverte de récompenses sportives. Un maillot de foot dédicacé est encadré à côté. Est-ce que c'est ça son domaine, le football ? Cela expliquerait les jeux de console posés sur la table basse. Je remarque également un piano électronique et d'autres équipements de musique dans un recoin du salon. Son fond d'écran d'ordinateur montre ce qui semble être une photo de famille.

- On nous livre dans trente minutes. Me dit-il dans mon dos. Pour anticiper ta question, oui, c'est ma famille.

- J'avais cru deviner, la ressemblance est frappante. Ils vivent dans le coin ?

- Ils sont restés dans ma ville d'origine, à Doncaster. J'essaie de les voir le plus souvent possible. Nous sommes très soudés.

- Ça doit être sympa de faire partie d'une si grande fratrie.

Au fur et à mesure des minutes qui s'écoulent, j'en apprends de plus en plus sur sa vie personnelle. Il semble très attaché aux valeurs familiales, ce qui le rend encore plus attendrissant.

Malgré le charisme qui émane de lui, Louis laisse tout de même transparaître un léger trouble qui se manifeste par ses yeux fuyants et son rire nerveux.

Le repas ne tarde pas de nous être livré. Nous poursuivons notre conversation sur le canapé autour d'une bouteille de vin rouge. Les verres s'enchaînent sans que nous nous en rendons compte. Il ne m'a toujours pas parlé de son métier. Je me suis promise à moi-même de ne pas le lui demander, mais je commence à perdre patience. Je ruse alors pour amener le sujet sur le tapis.

- J'ai cru voir que tu étais passionné de foot ?

- J'ai toujours aimé ce sport. Ça aurait été une chouette option de carrière si je n'avais pas fait autre chose.

Ok, il noie le poisson. Je ne peux m'empêcher de sourire à la façon dont il esquive avec habilité mes sous-entendus. Je lui lance alors le regard le plus explicite pour qu'il développe sa réponse. Il paraît soudainement craintif, comme si l'imminence de cette révélation allait me décevoir.

- En réalité, je vis de la musique depuis neuf ans.

- Tu veux dire que tu composes ?

- Pas uniquement. (Il marque une pause avant de reprendre la parole.) Avec mon groupe on a rempli les stades du monde entier. Mais j'appréhendais de te l'annoncer par peur de dénaturer la sincérité de nos échanges. Je ne veux pas paraître différent à tes yeux. Le fait que tu sois dans l'ignorance apportait une certaine stabilité. Et je ne voudrais pas que ça change.

Ces mots sonnent tellement vrais. Jusqu'ici, il a toujours été très affirmé dans sa manière de parler, mais cette confession semble le toucher. Malgré l'ampleur de l'annonce, mon regard envers lui reste inchangé. J'ai eu la chance de le découvrir d'égal à égal, sous son vrai visage.

- Comment peux-tu penser que cela puisse changer, sous prétexte que tu sois connu ?

- Je pense que la célébrité fausse les relations. Dès le départ, avec toi j'ai su que c'était différent. J'ai été habitué à ce qu'on me place sur un piédestal, et j'espère que tu ne le feras pas. Tu me plais tellement.

Ces derniers mots sont appuyés par son regard intense sur ma bouche. Je sens alors le désir prendre le dessus. D'un geste à la fois doux et impulsif, Louis pose sa main sur ma joue. Cette caresse inattendue provoque un frisson exaltant le long de mon dos. Je cède à cette pulsion incontrôlable et pose mes lèvres sur les siennes. Une sensation de chaleur s'empare de moi et c'est avec une certaine fébrilité que nos bouches se quittent quelques secondes, comme pour se délecter des sensations exquises que ce premier baiser vient de provoquer. Mes yeux s'abandonnent dans les siens. Ses iris bleus ont laissé place à un regard plus sombre, chargé de désir. Dans un élan irrépressible, il pose à nouveau ses fines lèvres sur les miennes. L'appréhension du premier contact a laissé place à une certaine audace. Ses mains s'aventurent un peu plus sur mon corps. Je me rapproche de lui tandis qu'il m'incite, par une pression contre mon buste, à m'allonger sur le canapé. Je ne discerne plus les battements effrénés de mon cœur des siens. Sa langue cherche un passage dans ma bouche que je lui accorde sans retenue. Mes mains s'autorisent à caresser son dos tandis qu'il quitte ma bouche pour parcourir mon cou avec sensualité. Son souffle sur ma peau me fait perdre tous mes repères. Je perçois son désir monter contre moi, me provoquant un léger frisson dans le bas ventre. Nous sommes soudainement interrompus par trois coups sourds sur la porte d'entrée. Louis semble hésiter un instant. La personne frappe à nouveau. Il se résigne alors à désunir nos corps enlacés.

- J'espère qu'il y a une bonne raison. Laisse-t-il échapper en m'aidant d'une main à me rasseoir.

Lorsqu'il se lève du canapé, je cède à l'envie de balader plus attentivement mon regard sur lui. Il est définitivement extrêmement attirant. Je remets mes cheveux en place mais réalise que c'est peine perdue suite à notre étreinte. Je retire alors l'élastique qui les retenait pour les détacher et les coiffe du bout des doigts. Louis regarde par le judas. Ayant visiblement reconnu la personne qui se trouve derrière la porte, il appuie son front contre celle-ci et laisse échapper un souffle lourd avant de se décider de l'ouvrir. Un instant, la pensée qu'il pourrait s'agir d'une personne féminine me traverse l'esprit et me glace le sang. Et si au final il n'était pas célibataire ? Mais mon doute est rapidement balayé lorsque qu'une voix grave et masculine répond au « Qu'est-ce que tu fais ici ? » de Louis.

- Trois mois qu'on s'est pas vus mec et c'est comme ça que tu m'accueilles ?

L'homme qui se tient devant Louis a une allure fine et élancée. Les gouttes de pluie qui miroitent le long de son manteau noir m'indiquent que le temps s'est dégradé. Il replace sa chevelure trempée et croise mon regard.

- Mince, j'espère que je ne vous ai pas dérangés. Dit-il en levant sa main en signe d'embarras.

Louis se retourne immédiatement vers moi, le regard confus.

- Je reviens dans une minute.

J'acquiesce d'un signe de tête. Louis pousse la porte afin de discuter avec son ami sur le palier. Leur conversation n'est pas audible d'où je suis, mais je n'entends pas un mot plus haut que l'autre. Je m'empare de mon verre de vin, que j'avale d'une traite. J'essaie de retrouver mes esprits, mais je suis quand même un peu frustrée d'avoir été interrompue. J'imagine que lui, ça doit être encore pire.

Louis revient quelques minutes après, il semble totalement déconnecté. Avant de me rejoindre sur le canapé, il dépose un baiser sur mon front.

- Je suis vraiment désolé, je ne m'attendais pas à ce qu'il débarque ici.

- C'est quelqu'un de ton groupe ?

- Oui, on peut dire ça. Il vient de revenir de Los Angeles. Je le verrai demain.

Malgré ses gestes attentionés, il paraît plus tendu qu'en début de soirée. Nous continuons tout de même à discuter un bon moment. Je sens qu'une certaine complicité s'installe entre nous. Les regards ne trompent pas.

_____

Sur les coups de deux heures du matin, Louis me propose de me raccompagner chez moi, après avoir tout de même tenté de me persuader de rester dormir. Ce n'est pas l'envie qui me manque, mais je me sens bien avec lui et je n'ai pas envie de brusquer les choses. Au volant de son 4x4, il reste très attentif à la route. La pluie a recouvert Londres d'un voile humide. Seul le bruit des essuie-glaces est audible dans l'habitacle, mais ce silence n'est pas pesant. Louis pose sa main gauche sur ma cuisse. Sans hésitation, je recouvre sa main de la mienne, ce qui lui soutire un sourire.

Les rues me sont enfin familières, nous arrivons à Paddington. Louis se gare devant la cour de l'appartement. Il pleut des cordes. Il sort de la voiture pour m'ouvrir la portière. Je ne m'y attendais pas. Des petites attentions qui font que je craque encore plus.

Un bruit sourd de basses semble provenir de chez moi. Ma sensibilité auditive me fait froncer les sourcils.

- Ta coloc' fait une soirée ?

- Pas que je sache.

Il réfléchit un instant et finit par me dire qu'il veut me raccompagner jusqu'à la porte. Des gens que je n'ai jamais vus de ma vie déambulent devant l'entrée. Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Devant mon inquiétude, Louis m'attrape la main avec fermeté, ce qui me réconforte instantanément. Je pousse la porte entre-ouverte et balaye le salon du regard à la recherche de Joy. Un capharnaüm indescriptible a envahi l'appartement, habituellement si bien rangé. Je sens une pointe d'énervement monter en moi. Ce n'est pourtant pas mon habitude. D'un pas décidé, je fonce en direction de la chambre de ma coloc' et la découvre sur son lit en compagnie d'un homme à moitié dévêtu. Je constate que le regard de mon amie est vide d'expression. Je rêve, ou elle est défoncée ? Je suis désormais partagée entre la colère et l'inquiétude. Comment a-t-elle pu se laisser surpasser à ce point ? Mes yeux rejoignent ceux de Louis. Sa machoire serrée traduit toute son incompréhension sur la situation.


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