Chapitre 3 : Vous dites "Échec"? Je rajoute "Mat".
Quand elle en ressortit lentement le lendemain midi, elle avait bien la tête d'une personne qui avait profité de ses dix huit ans.
Elle s'appuya un instant contre l'embrasure de la porte, certainement prise d'un autre vertige.
Elle avait le teint aussi pâle qu'un malade se réveillant après un coma éthylique de deux semaines, des cernes profondes à faire peur, et des yeux injectés de sang qui auraient pu la faire passer pour une droguée.
Vous l'aurez compris : malgré son habituelle apparence soignée, elle avait aujourd'hui piètre allure.
Ah, les joies des cuites d'adolescents...
De plus, la pauvre se fit presque aussitôt prendre la tête par Felipe qui vint lui rappeler qu'elle devait rencontrer quelqu'un le soir même. Il m'avait aussi mit au courant peu de temps avant, mais avait préféré lui dire lui même.
- Il est vraiment important que vous y alliez, insista t-il. Où George pourrait bien rompre tout contact avec nous.
- Je ne laisserais pas cela arriver, assura t-elle.
Pour une fois elle parlait avec sérieux.
S'était-elle enfin résolue à se comporter de manière responsable? Cela restait à voir.
En tout cas, un acte responsable l'attendait aujourd'hui. Auquel elle ne souhaitait pas forcément se plier, j'en étais certain. Un homme vint pour elle et ils entrèrent dans une pièce, accompagnés d'une domestique. Dino et moi n'avions pas le droit de les accompagner, ce que je comprenais.
J'entendis quelques cris derrière la porte, et un sourire m'échappa. J'étais aussi déjà passé par là, à l'exception faite que la douleur n'avait presque rien représenté pour moi.
Quand elle repassa la porte quelques heures plus tard, elle affichait une expression crispée qui me fit rire.
Elle me lança un regard courroucé.
- Oui, bon, ça va hein, s'énerva t-elle. Ce n'est pas tous les jours que l'on se fait tatouer un grand aigle dans le dos.
Elle ferma les yeux un instant, et fit une légère grimace.
- Et puis les ailes sur les omoplates, c'était le pire, reprit-elle, comme pour se défendre. Mon dieu quelle horrible sensation. Vous, je ne veux plus jamais vous voir, ajouta t-elle à l'attention du tatoueur qui ressortit à son tour.
- Pas de soucis mademoiselle, ria t-il. Maintenant que c'est fait, c'est à vie, plus besoin de moi, lui assura t-il.
Puis il s'inclina légèrement devant elle et repartit en sifflotant, tel un petit fil de pute.
Quand la journée fut passée et que le moment du fameux rendez-vous fut venu, je la suivis jusqu'au quartier obscur où il devait avoir lieu.
C'est à dire à la périphérie du territoire Est de la ville, qui lui appartenait, et également proche du territoire Ouest, appartenant à la famille Mul. Cet emplacement géographique était l'une des raisons pour lesquelles laisser ces gens la lâcher ne serait absolument pas stratégique pour elle.
Je marchais derrière elle, suivis par d'autres hommes, vers l'intérieur d'un bâtiment. Depuis le temps que je faisais cela, je devais avouer que je n'étais plus guère surpris du genre de lieu où se tenaient ce genre de rencontres.
Il était rare que cela se fasse confortablement, dans une demeure privée.
Actuellement nous étions dans ce qui avait autrefois été une école. Les couloirs, d'une longueur exaspérante, débouchaient sur des dizaines de classes dont nous pouvions voir l'intérieur, encore meublées de cadavres de pupitres désormais inutilisés, grâce aux larges fenêtres constituées tantôt de vitres brisées, tantôt de carreaux poussiéreux.
Quand le couloir toucha à sa fin, nous sûmes immédiatement que nous ne nous étions pas trompé de direction.
La porte était gardée.
Les deux individu postés devant à la manière de deux chiens de garde affichaient un air patibulaire tout à fait dérangeant.
On aurait dit que la perspective de nous égorger sur le champ n'aurait pas été pour leur déplaire.
Et c'était de ce genre de personne qu'une toute jeune femme allait devoir se montrer supérieure.
Où allait le monde ?
On nous fit entrer, et en passant je fusillais du regard l'homme qui avait osé regarder Valentina de travers.
Elle avança dans la pièce et fit face à un autre homme, qui se tenait assis.
Dès que je l'aperçu, mon radar à sale type s'activa aussitôt, surtout qu'il ne prit même pas la peine de se lever pour la saluer, se contentant de lui désigner, avec l'air le plus neutre possible, le siège en face du sien, d'un mouvement de la main.
Ce connard devait certainement se croire au dessus de tout pour user d'une telle impolitesse.
Le genre d'impolitesse qui me donnait d'ordinaire l'envie irrépressible de briser des doigts.
Elle ne tergiversa pas et pris place immédiatement, dans une attitude tendue. On aurait dit qu'elle s'apprêtait à faire l'objet d'un interrogatoire de police à propos d'un crime dont elle aurait été accusée mais dont elle était en réalité complètement innocente.
C'était pourtant lui qui aurait dû se sentir ainsi.
Comme si cela faisait partie d'une petite mise en scène qu'il avait l'habitude de mettre en place, il sortit un paquet de cigarettes de sa poche et le posa sur la petite table qui les séparait.
- Vous fumez ? demanda t-il, nonchalamment.
Elle fit non de la tête, après une légère hésitation. Il haussa les épaules et sortit une cigarette qu'il pinça entre ses lèvres, avant de l'allumer avec son briquet et de souffler un nuage de fumée.
- Bon, et si nous commencions ? dit-il.
PV Valentina
Lorsque la fumée parvint à mes narines, je me retins de la chasser d'un mouvement de la main.
Je n'avais pas envie de lui faire voir que je trouvais son attitude désagréable, déjà que j'avais peur de lui.
J'étais assise dans une posture extrêmement raide du fait de mon malaise alimenté par l'atmosphère de la pièce, et également à cause de la peau de mon dos qui me brûlait toujours, la faute à ce maudit tatouage.
- Je ne vais pas y aller par quatre chemins, répondis-je en essayant de ne pas afficher une expression aussi crispée que l'était ma position. Je viens de prendre la tête de la famille de manière légitime. Je suis, entre autres, venue m'assurer que vous ne souffriez d'aucun soucis de loyauté.
Non ce n'était pas de la provocation, juste la vérité. Il était mauvais de ne pas chercher à jouer la carte de la sincérité.
Il souffla un peu plus de fumée tout en laissant un sourire étirer sa bouche.
- Au moins je sais à quoi m'en tenir.
Il m'observa un instant avant de poursuivre.
- Ce contrat qui nous lie, date de dix ans. Votre grand-père et moi l'avons signé ensemble. En échange de 40 % de nos recettes quotidiennes, nous sommes devenus les propriétaires légaux de cette zone. Je n'ai jamais eu de soucis particulier avec notre accord.
Tant mieux pour lui...
- Vous accepteriez donc de signer le nouveau contrat ? demandais-je en saisissant l'occasion au vol. Les modalités sont les mêmes, mais c'est une formalité nécessaire, vu qu'il est à présent décédé...
- Pas si vite.
Je ravalais les paroles que je m'apprêtais à prononcer.
Si il avait pour idée de profiter de ma vulnérabilité apparente pour grappiller des avantages, je ne savais pas si je réussirais à lui tenir tête. Mais céder face à lui serait une preuve de faiblesse qui pourrait avoir un énorme impact.
Tout le monde finirait par savoir que le nouveau chef accepte de discuter ses prix pour peu qu'on lui en fasse la demande. Ce serait alors toute notre réputation qui s'effondrerait.
Or je n'étais pas là pour céder du terrain, mais au contraire perpétuer l'œuvre de mon grand père, à savoir protéger l'empire de nos ancêtres.
Et pour cela, j'avais besoin de cet argent et surtout de renvoyer à tous l'image d'une femme forte. Je devais me montrer intransigeante.
- Je vous propose de passer aujourd'hui de 40 à 20 %, lâcha t-il, ce qui provoqua l'effet d'une explosion nucléaire dans mon petit cerveau.
C'était donc bien ce qu'il manigançait.
- George, vous n'y pensez pas, répondis-je en tentant de paraître simplement agacée, alors que j'étais désemparée.
- Allons, ce n'est pas grand chose pour vous. Mais je reconnais que formuler ma demande ainsi n'est pas très juste. Je vous propose donc quelque chose.
Un homme s'approcha et disposa un plateau d'échecs sur la table.
Mon regard complètement perdu croisa celui de mon interlocuteur.
- Nous allons jouer ces 20 %, expliqua t-il en désignant le plateau.
Okay.
Qui pour lui expliquer que les jeux de réflexions n'étaient pas mon fort ?
J'allais perdre, c'était couru d'avance.
Mais avais-je le choix ? Je réfléchis un instant à ce qu'il pourrait se passer si je refusais de lui accorder cette partie, et la vision de son garde le plus proche, la main sur son arme, m'informa que c'était une très mauvaise idée.
Même si ils ne tentaient rien de direct, ils pourraient décider d'organiser un blocus autour du quartier pour se l'approprier à titre complet. Cela s'était déjà produit par le passé avec un autre groupe.
Ces personnes n'étaient pas du genre à plaisanter.
Je baissais les yeux sur le plateau, consciente qu'il me fallait tenter le tout pour le tout.
Les pièces blanches étaient de mon côté, ce qui voulait dire que je débutais la partie.
- C'est d'accord, déclarais-je, à contre-cœurs.
J'avançais ma main et poussais l'un des pions de deux cases en avant.
- Pion en E4, annonçais-je.
Il sourit de manière tout bonnement machiavélique, se disant sûrement que l'issue de cette entrevue était définitivement scellée, et avança à son tour l'un des pions.
- Pion en D5.
La partie traînait en longueur. Et mon camp était dans un état lamentable.
Il m'avait déjà pris la moitié de mes pièces, dont ma reine, ce qui voulait dire que j'étais dans la merde.
Je contemplais cette catastrophe imminente avec nervosité, et je sentis une légère goutte de sueur perler de mon front. Je jetais un rapide coup d'œil à Jackson, qui était le plus près de moi.
Dino n'avait pas pu venir, ce qui m'avait profondément énervé lorsqu'il me l'avait annoncé, mais je n'avais pas eus le temps d'essayer de le faire changer d'avis, me laissant avec ce gars un chouïa flippant sur les bords en qui je ne faisais toujours pas confiance.
Je ne trouvait donc pas en ce regard furtif le réconfort que j'aurais obtenu avec une personne que je connaissais depuis longtemps, à mes côtés.
Celui-ci regardait également le plateau, les sourcils légèrement froncés. Je savais pourtant que la solution n'était pas loin.
Il y avait certainement encore moyen que je gagne... Je ne pouvais pas perdre.
Je sentis mon portable vibrer dans ma poche.
Qu'est-ce que... ?
Je le tirais légèrement, sous la table et regardais rapidement le message, qui venait... de Jackson.
« fou de e5 à c7, puis cavalier de g5 à f7 : échec et mat ».
Je le regardais en douce. Il ne laissait rien transparaître. J'observais de nouveau le jeu, et me rendis compte qu'il avait raison.
Mais c'était valable uniquement dans le cas où mon adversaire ne déplaçait pas son roi.
Celui-ci me regardait de manière insistante, attendant patiemment que je me plante.
Mais en aucun cas je ne souhaitais lui laisser ce plaisir.
Je déplaçais mon fou et attendis, anxieuse, qu'il joue son tour. Les secondes s'écoulèrent lentement pendant qu'il étudiait ses possibilités. Je cessais de respirer.
Enfin, il bougea. Il se saisit de sa tour et la déplaça verticalement, vers mon roi que j'avais déplacé originellement avec un coup du roc.
- Échec, dit-il, en croisant les mains.
Je me détendis, alors. Je n'avais pas encore perdu, et je savais exactement ce qu'il me restait à faire.
Sans perdre de temps, je pris mon tour et fit sauter mon cavalier par dessus plusieurs pièces, pour l'amener à la position décisive.
- Échec et mat, déclarais-je, mettant théâtralement fin à ce jeu ridicule.
Il afficha un sourire crispé, qui aurait pu promettre toutes sortes d'insoutenables tortures à venir en punition de mon impertinence, si toutefois il n'était pas sous mes ordres.
Cet homme insupportablement insolent avait tout de même la bienséance de respecter les usages de la hiérarchie.
Comme c'était aimable de sa part.
- Eh bien j'ai perdu, dit-il alors. Bravo pour cette victoire.
Je ne le remerciais pas pour son compliment.
Il avait osé me mettre dans cette situation tellement stressante et de manière si peu courtoise que je n'allais certainement pas continuer à être aussi polie avec cet individu.
Je n'avais plus que la hâte de partir loin de lui à présent.
Au moins histoire de me retenir de lui écraser amoureusement le pied.
- Je vais donc signer ce contrat, soupira t-il.
Je le lui tendis et il sortis un stylo pour apposer sa signature en bas de la page, puis il me rendis la feuille.
- Merci.
- Vous viendrez bien visiter la fabrique, me proposa t-il.
Je n'en avais pas la moindre envie, mais je me doutais qu'il fallait que je le fasse. Je me relevais à sa suite et le suivis.
Il nous fit sortir de la pièce et nous emmena dans un autre couloir qui s'allongeait sur plusieurs dizaines de mètres et qui s'achevait par une grande double porte.
Il nous tendis des masques blancs pour couvrir nos visage.
Je le mis, peu désireuse d'inhaler les substances sûrement présentes dans l'air, puis il poussa les battants pour nous faire rentrer. Il désigna la pièce d'un large mouvement qui englobait tout, visiblement fier de son espace.
Nous avançâmes dans la grande salle qui était visiblement le gymnase de l'école à l'origine, mais qui était à présent devenu un gigantesque laboratoire.
George écarta les rideaux de plastique transparent qui marquait la partie où avait lieu les manipulations et je passais derrière. Les nombreux travailleurs étaient vêtus de combinaisons en plastique et regroupés autour de tables.
Ils étaient occupés à remplir des sachets avec la drogue et à les peser.
- Voilà la première partie. Dans la salle de derrière il y a un autre labo, mais je ne peux pas vous faire entrer dans celui là. C'est là qu'on y produit la méth et il faut respecter d'avantage de règles de sécurité, enfin vous le saviez déjà j'imagine.
Je hochais la tête. La méthamphétamine était une substance dangereuse qui nécessitait beaucoup de prudence lors de sa manipulation.
J'avais été bien attentive lors de ces leçons-ci, même si cela n'avait pas vraiment été volontaire.
À l'époque j'étais persuadée que cela ne me concernerait pas.
Ô comme j'avais eu tort.
- En tant que ma patronne, ceci vous appartient d'une certaine manière, déclara t-il enfin d'un ton ironique.
Sa façon de se comporter m'aurait donné envie de lui foutre des claques dans la gueule, si je n'avais pas eu autant peur du genre de personne qu'il était.
Dire que je devais en gérer des tas, des comme ça... Et encore, ce n'était pas lui le pire.
Quand il eut terminé sa petite visite guidée, je fus plus que soulagée de pouvoir enfin quitter ces lieux.
Je me fis la promesse que, la prochaine fois, je converserais avec lui par téléphone.
...
LES ÉCHECS!
Ça m'inspirait tellement de faire une scène la dessus *^* Et maintenant c'est fait! xD
C'est stressant hein ? (surtout que je comprend moi même rien aux échecs xD je suis trop nulle en jeux de logique)
Que pensez vous de ce chapitre? Moi j'en suis plutôt satisfaite xD
Mais mon dieu la pauvre gosse de se retrouver paumée au milieu de tout ça, c'est affreux! xD *dit-elle alors qu'elle est à l'origine de toutes les misères de ses persos*
(mais j'aime bien être sadique avec eux muahahaha *enfermez moi donc*)
Bref, n'hésitez pas à commenter pour me dire CE QUE VOUS EN AVEZ PENSÉ :D
Ps : VOUS SAVEZ ENFIN POURQUOI JE PARLAIS DE CES FICHUS AIGLES! :O
(pardon) xD
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