Chapitre 6

PDV Saori

Le samedi après-midi est arrivé à une vitesse fulgurante. Sebastian nous avait emmené, Karma, Nagisa et moi, très tôt pour que le bleu et moi puissions nous préparer. Nagisa avait décidé de mettre son uniforme pour monter sur scène.

Pour être honnête, j'étais soulagée que ce soit lui mon accompagnateur. Il était vraiment gentil et il arrivait à me mettre suffisamment en confiance pour que j'abandonne un peu mon rôle de dame de la cour, même si on ne se connaissait pas trop. D'ailleurs, il avait été choqué au début, quand il voyait que j'étais plus naturelle avec lui, encore plus ce matin quand il avait vu à quoi ressemblait naturellement mes cheveux. Il m'avait dit que ça m'allait mieux. C'était agréable que d'autres personnes me parlent sans arrière-pensées, pour apprendre à connaître celle que j'étais. C'est vrai que je restais quand même très secrète sur mes véritables passions, mais c'était trop tôt pour que j'en parle, si jamais je comptais en parler.

Contrairement aux autres, il ne me jugeait pas et essayait de me connaître. Et puis, il jouait tellement bien du piano ! La première fois, j'avais été captivée par son interprétation. Ses doigts volaient sur les touches avec un tel naturel et les notes qu'il faisait sortir de l'instrument étaient tellement claires, pleines de sentiments... j'avais l'impression que plus rien n'existait pour lui à ce moment-là. C'était vraiment captivant. Mais je m'égare !

"Cela vous convient-il Mademoiselle ?", me demanda Sebastian après s'être occupé de ma coiffure.

Je me regardai dans le miroir. Mon majordome avait attaché mes boucles indomptables en un chignon élégant mais assez décontracté, avec quelques mèches folles qui s'échappaient çà et là. Je remarquai alors une barrette dorée en forme d'arc muni d'une flèche.

"Sebastian, d'où vient cette barrette ?

- Monsieur votre frère tenait à ce que vous la portiez. Il pense qu'elle vous portera chance."

Je souris. Karma était vraiment attentionné avec moi, c'était adorable. Il voulait vraiment que je sois heureuse cette année. Dire qu'il y a encore une semaine, je ne voulais même pas le voir... aujourd'hui, je ne pourrais plus me passer de lui. Je savais bien que je l'avais un peu énervé à l'empêcher de dormir (d'habitude, je ne réveille personne, je ne pensais pas qu'il n'arriverait pas à dormir), mais pourtant il continuait à m'aider.

"Tu peux y aller Sebastian. Remercie Karma pour moi.

- Ce sera fait Mademoiselle."

Mon majordome s'éclipsa, allant rejoindre Karma dans la salle. Peu après son départ, Nagisa entra, vêtu de son uniforme et ses cheveux relevés en ses habituelles couettes.

"Tu es prête ?"

Je jetai un regard à mon reflet dans le miroir, me regardant sous toutes les coutures.

"C'est vraiment différent de mon apparence pour les autres concours, mais ça me plaît beaucoup plus. 

- Tant mieux alors, tu es vraiment magnifique.", me répondit-il avec un sourire timide.

Je rougis légèrement puis on se mit à discuter de tout et de rien, gardant un oeil sur l'horloge. Lorsque le tour de la personne avant nous arriva, je pris mon instrument et on alla lentement vers les coulisses donnant sur la scène. 

Les concurrents étaient tous excellents, mais j'espérais avoir mes chances. Cette fois-ci, je n'allais pas jouer en restant fidèle à la partition et aux intentions du compositeur. J'allais jouer à ma manière, avec mes émotions. Si je n'arrivais plus à jouer comme avant, c'était parce que jouer de mon violon en public avait été jusqu'à présent synonyme de solitude, de tristesse, d'une prison dont on ne pouvait pas s'échapper. Cet après-midi, je voulais que mon instrument devienne mes ailes, comme à chaque fois que je jouais toute seule dans ma chambre, ou pour Gabriel et Elisabeth seulement. Je n'étais plus seule, et mon frère éclairait mes jours désormais, mon violon ne pouvait pas exprimer quelque chose qui n'existait pas. A ce concours, mon instrument allait exprimer ma joie d'avoir retrouver Karma et le soutien sans faille qu'il m'apporte pour m'aider à être un peu libre. Ma musique serait pleine de couleurs et non pas grise. Elle exprimerait l'espoir d'une liberté qu'on tentait d'atteindre.

Notre tour arriva. On s'installa et je me mis en position. Nagisa était déjà en position, les doigts à quelques millimètres des touches, attendant mon signal. J'inspirai profondément.

"Karma, c'est pour toi que je joue cet après-midi, pour toi et Nagisa. Je ne sais pas trop pourquoi je vais jouer pour lui aussi, mais c'est pour vous deux que je vais jouer et donner le meilleur de moi-même !"

J'adressai un signe de tête à Nagisa et on commença à jouer en même temps.

https://youtu.be/FVf2-Jn1nu0

PDV Karma

Dès qu'elle comprit que Nagisa cherchait à lui voler la vedette, Saori s'était donné encore plus à fond. Sous nos yeux, une sorte de battle se déroulait entre les deux musiciens. Ils formaient vraiment un duo unique. Leur musique se calait presque instinctivement sur les notes de l'autre. Tous deux repoussaient leurs limites et se donnaient entièrement au morceau, s'y jetant corps et âme. C'était vraiment indescriptible et le talent des deux réunis envoûtait la salle entière. On aurait dit qu'ils avaient oublié qu'ils étaient sur une scène. 

Leur version du morceau était pleine de couleurs, pleine de joie, d'espoir. Chaque note était l'incarnation de leurs deux coeurs battant au même rythme. Ils se jetaient tantôt des regards complices, tantôt des sourires encourageants. Si Saori était assez distante avec les autres, y compris avec Nagisa même si elle se déridait un peu quand ils parlaient, la musique semblait tisser entre ma soeur et le bleu une complicité inégalable. La différence entre leurs interactions de tous les jours et leur interaction musicale était énorme. En tout cas, tous deux jouaient encore mieux que la dernière fois que je les avais entendu, donc mon plan était un succès. 

Leur morceau terminé, Nagisa rejoignit Saori et ils se sourirent, le souffle court et semblant transpirer. Ils s'inclinèrent et sortirent de scène.

A la fin du concours, j'allai retrouver ma soeur et Nagisa à l'extérieur de la salle. Saori avait troqué sa tenue du concours pour celle qu'elle avait en arrivant, mais elle avait gardé son chignon avec la barrette.

Je fis signe à notre classe et à Koro de me suivre et on s'approcha du duo, qui fixait le panneau des résultats, ravis. Sous les yeux de tous, les jurés donnèrent à Saori une jolie coupe dorée. Ils discutèrent quelques instants avec le duo avant de s'éloigner, de même que les autres violonistes.

"La meilleure violoniste du monde ! Bravo Saori ! lui fit Nagisa avec un grand sourire.

- C'est grâce à toi, merci d'avoir accepté de m'accompagner Nagisa. Et merci d'avoir réveillé mon esprit de compétition.

- C'était une idée de Karma, je n'ai fait que l'appliquer. D'ailleurs, en parlant de lui..."

Saori se retourna et me sauta aussitôt au cou, sans voir les autres derrière moi.

"T'as vu ?! J'suis première ! Fini les concours pour cette année ! Je suis libérée...

- Je t'arrête tout de suite, ne chante pas la Reine des Neiges.", la coupai-je.

Nagisa et elle rirent de bon coeur, libérés de la pression du concours.

"Karma... merci de m'aider autant, me souffla Saori en m'étreignant.

- C'est normal p'tite soeur. Félicitations pour ton prix, vous l'avez mérité tous les deux. Votre prestation était magique, encore plus que la première fois que j'ai écouté jouer chacun de vous."

Saori se détacha et cogna son poing contre celui de Nagisa, qui venait de le tendre.

"C'était du travail d'équipe. Sans Nagisa, ça n'aurait pas été pareil !

- Tu exagères, tu es suffisamment douée pour pouvoir t'en sortir sans moi, rougit le bleu.

- Crois-moi, pour qu'on ait remporté un concours d'une telle envergure, en jouant à notre manière, c'était que notre duo était fantastique. J'ai déjà joué à un concours à ma manière, mais j'ai fini deuxième... donc là, c'est la consécration ultime. 

- Je vous offre un verre pour fêter cette victoire. Mais en attendant, je pense que d'autres personnes veulent vous parler.", dis-je.

Je m'écartai pour dévoiler notre classe, que les deux n'avaient pas vu depuis le début. Ma soeur se tendit aussitôt et Nagisa le remarqua aussi.

"Salut vous deux!", fit Nakamura. "C'était magnifique, tu es super douée Saori ! Toi aussi Nagisa. Tu nous avais caché un tel talent. C'était vraiment impressionnant."

Et chaque élève y alla de son petit commentaire. Nagisa était rouge de gêne, étant pourtant au courant de leur venu, et Saori regardait le sol. Je soupirai intérieurement. Encore la peur d'être dénoncée qui la bridait... 

Discrètement, Nagisa glissa doucement sa main dans celle de Saori. Personne ne le vit, hormis moi. Ma soeur tourna brusquement la tête vers le bleu, qui lui fit un large sourire. Saori se détendit et sourit à son tour.

Tiens, depuis quand ils étaient si proches ? Ce matin encore, ils étaient assez distants, comme la veille. 

"Merci d'être venus nous voir.", dit finalement Saori. "Je ne sais pas comment vous avez pu le savoir, mais c'était gentil de venir nous soutenir.

- Karma voulait qu'on vienne.", lui répondit Isogai. "Pour être honnête, on ne savais tous pas trop comment t'aborder, tu semblais venir d'un milieu si différent du nôtre. Mais te voir te donner à fond, corps et âme, pour remporter ce concours... personnellement, ça m'a fait réaliser que tu n'es pas différente de nous, peu importe comment tu as grandi. On aurait dû s'en rendre compte avant, désolé."

Le brun s'inclina pour s'excuser, suivi du reste de la classe qui était visiblement d'accord avec lui. Seul Terasaka semblait sceptique. Koro s'approcha ensuite.

"Ils sont tous venu pour t'entendre jouer, alors qu'ils ne savaient pas comment se comporter avec toi et que rien ne les y obligeait. Si tu donnes de toi-même également, je suis certain que tu t'habitueras rapidement à la vie d'un adolescent normal, tu ne crois pas ? lui sourit Koro.

- Je pense que vous avez raison. Désolée d'avoir été si distante avec vous. Je... comment dire... je n'ai jamais interagi avec des personnes de mon âge qui ne soient pas de la haute société. Je ne savais pas trop comment faire et j'avais peur que vous me rejetiez parce que nous ne sommes pas du même monde, avoua doucement Saori. 

- Mettons ça de côté désormais, d'accord ? Tu es l'une des nôtres et dans notre classe, on accepte les autres tels qu'ils sont.", répondit Kataoka. 

Saori lui sourit et hocha la tête.

On se sépara une dizaine de minutes après, chacun rentrant chez soi. Sebastian déposa Nagisa chez lui puis nous ramena chez nous.

"Alors soeurette, convaincue ? lui demandai-je une fois qu'on fut dans sa chambre.

- J'attends de voir ce que ça va donner. Les actes sont plus parlants que les mots.

- Je vois ce que tu veux dire. Et sinon, je voulais te parler d'un truc."

Ma soeur plaça l'étui contenant son violon et se tourna vers moi, me donnant son attention.

"Balance la sauce.

- Ok. Je voulais savoir, depuis quand t'es proche de Nagisa ? J'veux dire, au point qu'il te prenne la main et qu'un simple sourire de sa part te détende. Encore ce matin, vous vous comportiez comme des potes qui se connaissaient à peine."

Saori rougit, gênée.

"Je sais pas trop. C'est difficile à expliquer mais... c'est comme si... j'sais pas..."

Elle s'interrompit, cherchant visiblement les mots les plus adaptés. 

"Quand on jouait ensemble sur scène, j'ai eu l'impression... comment dire... qu'on était en symbiose, tu vois ? J'avais jamais ressenti ça, même lors des répétitions. C'était bizarre mais, ensuite, j'avais l'impression de pouvoir deviner ses pensées sans qu'il n'ait à parler. Enfin bon, c'est sûrement un effet secondaire dû au fait de la connexion qu'on avait en jouant. 

- Si tu le dis, la musique et moi ça fait quarante. Tu t'y connais plus que moi."

Elle me sourit et libéra sa volumineuse chevelure du chignon, attachant la barrette que je lui avais fait parvenir sur le col de sa robe.

"Merci pour la barrette au fait, je l'adore !

- Avec plaisir. Je compte sur toi pour la porter tout le temps !

- Mais tout le monde se doutera que j'aime le tir à l'arc, objecta Saori.

- Et alors ? C'est qu'une barrette soeurette, c'est pas ça qui va révéler ta passion.

- Hm... t'as pas tort."

On descendit à la cuisine et je pris une brique de lait fraise tandis que ma soeur prenait une brique de lait au chocolat avec un paquet de cookies.

"Je suis pas sûr que ce soit très sain ! me moquai-je.

- Ferme-la ! Mais merci d'avoir demandé à Sebastian de m'acheter des cookies et des briques de lait chocolaté.

- Je me doutais bien que tu aimais toujours le chocolat. Profite d'être ici sans les parents pour en manger autant que tu veux, j'dirais rien et Sebastian non plus."

Elle me fit un grand sourire et on alla s'asseoir sur le canapé pour discuter tout en mangeant. Oui, moi aussi, je lui piquai des cookies.

"J'me disais, tu m'as dit que si tu aimais quelqu'un et qu'il t'aimait en retour, tes fiançailles seront annulées.

- Ouais et alors ? Où tu veux en venir ?

- Bah, tu sais quel est ton genre de personne ?"

Le cookie qu'elle amenait à sa bouche stoppa sa course et ma soeur baissa la main.

"C'est vrai ça, j'y ai jamais pensé...

- Nan parce que, qu'on soit clairs, j'compte pas te laisser repartir. 

- Donc tu veux me trouver un mec ?

- Ou une fille, c'est selon tes préférences.

- Un mec, ce sera très bien. Je suis hétéro, voilà au moins quelque chose que je sais.

- Bon, alors, décris-moi ton type de mec. Ou du moins, comment tu aimerais qu'il soit.

- J'y avais jamais réfléchi en fait. Mais... j'aimerais bien qu'il soit plus posé et calme que moi, qu'il puisse me comprendre sans que je n'ai à parler et qu'il ne me juge pas. Et, bien sûr, qu'il soit toujours là pour moi, qu'il soit fidèle. Quelqu'un qui serait doux également, et qui supporterait de vivre tantôt à mille à l'heure et tantôt plus calmement. Parce que y'a des fois où je fais un milliard de choses en même temps et des fois où je fais rien. Je sais que c'est pas clair mais j'y avais jamais réfléchi...

- Nan ça va, je comprends. Il te faudrait quelqu'un qui soit mentalement à l'opposé de toi en fait. De la vraie toi j'entends.

- Exactement. Exactement."

Sa langue fourchait de temps en temps, changeant soudainement de langue. Heureusement, elle traduisait toujours après, sauf quand elle ne voulait pas qu'on sache ce qu'elle disait.

Dans ceux que je connaissais, il y avait certains répondaient à presque tous les critères de ma soeur. Il y avait Isogai, Sugino, Kimura, Chiba, Maehara et Nagisa. Sugino et Chiba, c'était mort. L'un était dingue de Kanzaki et l'autre... disons juste qu'il irait pas avec ma soeur selon moi. Kimura semblait en pincer pour Kurahashi, mais je n'en étais pas sûr. Il restait donc Isogai, Maehara et Nagisa. 

Première étape du plan "Contre-fiançailles de Saori" : attendre de voir comment la situation évolue et son comportement envers les trois possibilités.

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