Chapitre 4

PDV Saori

Face à moi, Karma attendait patiemment que je commence mon récit. Dire que je n'en serais pas là si je ne m'étais pas pris les pieds dans mes propres pieds ! Des fois, je suis vraiment idiote, ça me désespère... enfin bon, ça m'aura au moins permis de comprendre pourquoi Karma ne répondait jamais et ne cherchait pas à me contacter. Les parents avaient essayé de me séparer de mon propre frère... non mais je te jure !

"Par où commencer... depuis toujours, nos parents voulaient qu'on se comporte comme les gens de la haute société que nous étions, en tant qu'enfants du couple Akabane."

Nos parents étaient les dirigeants d'une grande chaîne de bijouteries de luxe. Eux qui étaient déjà fortunés grâce à leur ascendance noble, ils étaient devenus encore plus riches grâce à leur entreprise. 

"Si tu te souviens bien, nous n'avons jamais accepté ça et on faisait les quatre cents coups juste pour les embêter.

- Oui, je m'en souviens. C'était vraiment drôle d'ailleurs, de les ridiculiser devant leurs invités et leurs investisseurs, rit Karma.

- C'est vrai... un soir ils se sont vraiment énervés. Tu avais cinq ans à l'époque. Ils voulaient nous envoyer dans des pensionnats très stricts pour nous obliger à nous comporter comme des gens nobles. Tu t'es mis en colère quand ils nous l'ont dit et tu es monté dans ta chambre en claquant la porte. Je savais à quel point la liberté était importante pour toi, que tu ne voulais pas être comme tous ces gosses de riche. Alors... alors j'ai dit à nos parents que s'ils te laissaient définitivement tranquille avec cette histoire, je ferai tout ce qu'ils voulaient. Ils ont accepté et une semaine après, je m'envolais pour la Belgique. Les souverains sont des amis à nos parents et ils cherchaient déjà une fiancée convenable pour leur deuxième enfant. C'est comme ça que ma vie en Belgique a commencé."

Je ne levai pas la tête. Je savais déjà ce qu'il allait dire, que je n'aurais pas dû sacrifier ma liberté pour la sienne, mais je n'avais pas eu d'autres idées dans ma petite tête de quatre ans à cette époque-là. Et même aujourd'hui, je ne savais toujours pas ce que j'aurais pu faire d'autre.

"Saori, tu n'aurais pas dû. C'était adorable de ta part, mais en quoi c'est bien de te rendre malheureuse pour que je sois heureux, hein ?! Ça marche pas comme ça entre frère et soeur !

- Je préférais qu'on soit séparés pour que l'un de nous soit libre plutôt qu'on soit séparés pour être tous les deux enchaînés."

Karma me força à relever la tête et posant deux doigts sous mon menton.

"Saori, j'aurais préféré savoir qu'on patauge tous les deux dans la même galère et qu'on se soutienne plutôt que tu sois dans cette galère jusqu'au cou toute seule, sans que je puisse te soutenir.

- J'avais quatre ans Karma, je n'avais pas encore la capacité de réfléchir suffisamment pour penser à ça.

- Je sais, mais ça en revient au même. Tu es malheureuse depuis dix ans, tu as sacrifié ton propre bonheur pour que moi, je sois libre et heureux. Tu crois que je me sens comment là ? Je me sens tellement nul... ça aurait dû être moi et pas toi... même aucun de nous deux en fait."

Mon frère se passait la main dans les cheveux, se sentant sûrement coupable.

"T'en veux pas, je l'ai fait pour toi. Dis-moi au moins que ça a eu l'effet escompté...

- En dehors du fait que j'étais sans nouvelle de ma petite soeur pendant dix ans, ce qui me mettait vraiment en rogne... ouais. Les parents m'ont plus embêté depuis ton départ. Mais en contrepartie, ils restaient le moins de temps possible avec moi. C'était une gouvernante qui s'occupait de moi. Puis quand j'ai été assez grand pour me débrouiller seul dans la maison, bah nos parents l'ont renvoyé. Ça fait quatre ans je crois.

- C'est mieux que rien. Personnellement, la première année, j'ai cru que nos parents allaient abandonner notre "accord"...

- Pourquoi ?

- J'étais trop indisciplinée et j'avais de l'énergie à revendre. Au bout d'un an, mon précepteur a conseillé à mes parents de me faire faire des activités qui ne soient pas digne d'une princesse mais qui m'aideraient à rester concentré et à canaliser mon énergie. Si on me laissait la possibilité de dépenser mon énergie, je serai forcément plus disciplinée afin qu'on ne me retire pas ces activités et plus attentive à mes leçons de bonnes manières. Nos parents ont donc engagé un professeur de judo pour que je puisse dépenser mon énergie en apprenant à me défendre et le professeur de tir à l'arc du prince Gabriel m'a enseigné cette discipline, pour m'apprendre à rester concentrée sur un point précis.

- C'était efficace au moins ?

- Oh que oui, nos parents étaient ravis. Quand j'ai eu dix ans, ils ont décidé que c'était bien assez, que j'étais assez grande pour me gérer, et m'ont fait arrêter le judo et le tir à l'arc. Sebastian avait bien vu que ça m'énervait, alors il s'est arrangé avec le prof de Gabriel pour qu'il continue de m'enseigner le tir à l'arc en secret, et mon majordome a choisi de prendre la place du prof de judo. Sebastian est assez polyvalent donc ça n'a pas été un problème pour lui. Depuis qu'il est entré à mon service peu après mon arrivée en Belgique, il fait tout pour que je sois contente et il savait combien il était important pour moi d'avoir une bulle où je pourrais abandonner mon rôle de dame de la cour.

- S'il faisait tout pour que tu sois un minimum heureuse, pourquoi nous avoir empêché de nous contacter ?

- Parce qu'il ne me connaissait pas encore, et il ne savait pas tout le mal que ça me faisait de pas pouvoir te parler. Quand il l'a compris, il a sûrement eu peur d'être renvoyé s'il arrêtait. Mais tu sais, il me disait souvent que tu m'aimais quand même et tout. Il ne voulait pas que j'ai une mauvaise image de toi, même si c'est ce qui est arrivé au final. Il aurait pu m'en parler une fois que j'étais assez grande, mais comme il prenait déjà assez de risques en faisant en sorte que je puisse continuer le judo et le tir à l'arc, je suppose qu'il préférait que je sois triste parce qu'on ne se parlait pas que déprimée parce que le nouveau majordome m'aurait empêché de faire mes sports.

- Ouais, je vois ce que tu veux dire. Donc les seuls moments où tu étais heureuse, c'était quand tu faisais du judo et du tir à l'arc ?

- Et quand je fuguais du château. J'ai rapidement appris à escalader, sauter par-dessus des obstacles, glisser sur des rampes et j'en passe, parce que je sortais souvent le soir pour observer les étoiles sans être dérangée par des serviteurs ou je-ne-sais-qui. Je sortais aussi pour acheter des vêtements normaux, pour mes entraînements de tir à l'arc. Maintenant, je n'ai plus de professeurs depuis deux ans, mais je continue quand même à le pratiquer parce que j'adore tirer à l'arc. C'est trop bien !! J'ai l'impression d'être maîtresse de tout, de la trajectoire de la flèche, de quand je vais la tirer, pourquoi je vais la tirer... bref, tu vois le genre. J'aime vraiment le tir à l'arc.

- Je vois ça, tu as les yeux qui brillent quand tu en parles.", rit Karma. "Et sinon, tu es vraiment fiancée à ce prince ou c'est juste un truc de prévu ?"

En guise de réponse, je lui montrai ma main droite, dépourvue de bague de fiançailles.

"Un peu des deux. Je suis fiancée à lui depuis mes quatre ans mais tant qu'il ne m'a pas passé la bague au doigt, Elisabeth dit que j'ai le droit de me rétracter. 

- Tu es amoureuse de lui ?

- Non, c'est juste un ami et il ressent la même chose, il me l'a dit lui-même. Mais on se dit qu'il vaut mieux se marier à un ami que à quelqu'un qu'on déteste, tu vois ? Cependant, on a fait une sorte de pacte.

- Qui est ?

- Si jamais l'un de nous tombe amoureux de quelqu'un d'autre et que cela s'avère réciproque, on ne se mariera pas. Comme ça, on peut chacun faire des rencontres sans se sentir coupable de tomber amoureux si ça arrive. Ses parents sont d'accord, et ils ont dit qu'ils composeraient avec les nôtres si jamais ça arrivait."

PDV Karma

Je hochai la tête. Ce qu'elle venait de dire était très intéressant. Donc si elle tombait amoureuse et que cette personne l'aimait en retour, alors ma soeur pourrait rester ? C'était un peu ça tout de même.

"Si ça arrivait, tu pourrais rentrer définitivement à Tokyo ?

- Evidemment. Les parents de Gabriel et Elisabeth sont bien plus gentils que les nôtres. Ils savent que le Japon me manque. D'ailleurs, c'est parce qu'ils ont dit à mes parents que cela me ferait du bien de rentrer au bercail avant de me mettre sérieusement à l'enseignement de future princesse qu'ils ont fini par accepté cette année à Tokyo.", sourit Saori.

Parfait ! Donc, il ne restait plus qu'à trouver quelqu'un susceptible de plaire à ma soeur, pour commencer. J'avais bien envie de lui demander quel était son type de personne (gars ou fille, je m'en fichais personnellement) mais ça ferait trop suspect. Il faudrait que j'attende plusieurs jours. Je pourrais peut-être demander à Nakamura de m'aider, sans pour autant lui révéler toute l'histoire...

Son téléphone sonna et elle se rembrunit quand elle vit qui l'appelait. Elle attacha précipitamment ses boucles rouges en queue de cheval et attrapa son violon et son archer après avoir ouvert l'étui posé contre le mur. Elle posa ensuite le téléphone sur sa coiffeuse avant de décrocher. Le visage de nos parents apparu sur l'écran.

"Ma petite princesse, comment vas-tu ?

- Bien Mère. J'étais en train de travailler mon violon.

- Que fais Karma dans ta chambre ? demanda notre père.

- Il voulait m'écouter, alors je l'ai invité à venir me voir jouer.

- S'il voulait tant te voir jouer, il aurait attendu ton concours de la semaine prochaine.

- Mère, il me semblait qu'on avait convenu que je ne ferai plus de concours durant un an... dit doucement Saori.

- Très chère, nous n'avons jamais convenu cela !", rit notre mère avec un rire hautain. "Ce concours est prévu depuis plusieurs mois, tu t'es engagée à y participer puisque tu voulais tant rentrer au Japon. Ce n'est pas parce que tu vas passer un an à Tokyo que tu ne participeras pas à ce concours.

- Et pourquoi pas ?! m'offusquai-je.

- Karma chéri, ne te mêle pas de ça, c'est entre ta soeur et nous ! me réprimanda notre mère.

- Elle a raison, ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas Karma. Et pourquoi t'intéresses-tu à la vie d'une inconnue ? ajouta notre père.

- Je ne la connais peut-être pas beaucoup, mais elle reste ma soeur ! C'est normal que je m'intéresse à sa vie !

- Haha ! Mais oui, mais oui !", rigola notre mère. "Saori chérie, nous allons te laisser. Nous espérons que tu seras première à ce concours.

- Je ferai en sorte de l'être si vous me promettez que ce sera le dernier avant mon retour en Belgique à la fin de l'année scolaire, répondit poliment Saori en s'inclinant.

- Très bien, nous te le promettons. Au revoir princesse.

- Au revoir..."

Ma soeur s'empressa de raccrocher et souffla d'exaspération. Elle mit le téléphone dans sa poche, se rassit sur le lit et relâcha ses cheveux indisciplinés après avoir remis l'instrument dans son étui.

"J'ai intérêt à bosser mon violon... j'ai pas envie...

- Tu veux bien jouer un morceau pour moi ? C'est pas pour te faire travailler, je veux juste savoir ce que tu sais faire.

- Si c'est pour toi, je veux bien. Je pourrais jouer sans tenir compte de la partition."

Elle me sourit et reprit son instrument avant de se mettre en position. Elle lança un accompagnement de piano sur son téléphone et commença à jouer.

J'applaudis et elle fit une révérence très exagérée avant de rire.

"C'était génial ! Je me rappelle avoir écouté quelques fois ce morceau, et ça se voit que tu te l'es entièrement approprié !

- Ouais, mais les parents veulent que je m'en tienne aux intentions du compositeur quand je joue. Seuls Gabriel et Elisabeth savent que je joue comme ça quand je peux. Ils m'aident même à composer mes propres mélodies, qui sont très peu à ce jour. Avec la technologie, ils font en sorte que le son de mon violon soit mis en valeur par les autres instruments derrière.

- Tu m'en fais écouter une ?

- Pas de soucis !"

Elle pianota un instant sur son téléphone et lança une musique avant de commencer à jouer la partie violon.

J'applaudis une nouvelle fois. C'était vraiment génial, parfaitement aux goûts du jour.

"Tu aimes jouer de la musique ? demandai-je.

- Un peu. Quand je joue pour moi-même, ça m'offre une nouvelle opportunité de m'évader quelques instants et ça me permet d'exprimer autrement qu'à travers le judo et le tir à l'arc ma véritable personnalité.

- Si les autres t'écoutaient, ils en perdraient leur latin !"

Je m'attendais à une réponse très négative, comme pour le judo et le tir à l'arc, mais ses paroles me surprirent.

"Je jouerai peut-être pour eux à l'occasion."

Elle me sourit et rangea son instrument. Et si je demandais à toute la classe de venir à son concours ? Mais il faudrait qu'elle joue à sa manière...

"Dis-moi, les parents assistent toujours à tes concours ?

- Non, mais ils vérifient les résultats en ligne dès qu'ils sortent.

- Et tu as déjà gagné en jouant à ta manière ?

- Non. La seule fois où j'aurais pu éventuellement gagner, c'est lors d'un récital avec Gabriel au piano. On avait offert un spectacle incroyable, presque toute la salle était debout et nous applaudissait. En concours, j'aurais peut-être pu gagner. En jouant à ma manière, je n'ai gagné aucun concours, j'avais essayé une fois et j'ai fini deuxième. Sauf que nos parents veulent que je sois première. Heureusement qu'Elisabeth a menti à mes parents pour couvrir la véritable raison de cette deuxième place...

- Donc si je comprend bien, il te faudra un pianiste talentueux qui puisse s'accorder avec ta manière de jouer.

- Ouais, à peu près. Les violonistes sont toujours accompagnés d'un pianiste lors des concours. 

- Quand a lieu le concours ?

- Samedi prochain à quinze heures. Il va falloir que je bosse, et que je choisisse quel morceau jouer. Et aussi un pianiste pour m'accompagner.

- J'aimerais trop que tu joues à ta manière...

- Mais je ne peux pas, sinon nos parents vont me coller d'autres concours pendant cette année à Tokyo.

- Et si je te trouve un excellent pianiste d'ici samedi, tu jouerais à ta manière ?"

Elle me considéra un instant, avant de secouer négativement la tête.

"Ce serait trop tard. Il me le faudrait au plus tard jeudi, pour qu'on répète un minimum ensemble.

- Alors je vais t'en trouver un pour jeudi.

- T'es pas obligé.

- J'ai envie. Tu me promets de jouer à ta manière si je te trouve un excellent pianiste ?

- T'as vraiment pas changé...", soupira Saori. "D'accord, je te promets de jouer à ma manière si j'estime que le pianiste me convient.

- Génial ! Je vais me mettre à chercher tout de suite alors !

- Haha, d'accord. Moi je vais lire un peu dans le jardin ! T'as intérêt à me trouver un pianiste qui puisse m'accompagner, même s'il ne me convient pas pour que je joue à ma manière. Je pourrais pas concourir sinon."

Je lui fis un pouce levé avant de partir dans ma chambre. Où est-ce-que j'allais trouvé un excellent pianiste en si peu de temps ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top