Chapitre 30

PDV Saori

"D'accord... je crois savoir ce qu'il s'est passé, fit Takebayashi.

- Je pense aussi, confirma Okuda.

- Quoi donc ? interrogea Karma.

- Mon hypothèse, c'est que Saori ne veut pas se souvenir.

- Bien sûr que si ! réfutai-je.

- Je ne parlais pas dans ce sens-là.", reprit Takebayashi. "Tu as vécu une expérience traumatisante et ta conscience a bloqué tout souvenir qui avait un lien avec. Et si on part du principe que ce que tu as raconté pendant la fête est vrai, alors comme cette expérience avait un lien avec tes amis ici, Nagisa et ta vie en Belgique, tous tes souvenirs ont été bloqués, car tous avaient un lien avec l'un cette expérience. 

- A la fête, l'alcool aurait forcé ce blocage sans que tu ne t'en rende compte, et c'est pour ça que tu as mal à la tête. Ta conscience se braque contre les souvenirs qui sont remontés pendant que tu étais l'effet de l'alcool et s'efforce de les garder dans l'inconscient.

- Epargne-nous la philo Okuda, pria Rio.

- Je ne peux pas, parce que c'est l'explication la plus logique.

- Je trouve aussi. En plus, on en a déjà parlé hier."

Le silence plana quelques secondes avant que Nagisa ne reprenne la parole.

"Qu'est-ce-qu'on fait du coup ?

- C'est à Saori de décider.", lui répondit Takebayashi. "Saori, ta conscience ne veut pas que tu te souvienne. Si tu veux te souvenir, tu vas souffrir plus que ce que cela va t'apporter."

Je croisai les bras sur ma poitrine, essayant de réfléchir malgré ma migraine.

"Cela fait partie de mon histoire, et il y a des souvenirs que je veux retrouver, peu importe le prix. Je sais que je ne serai pas seule face à mes souvenirs."

Nagisa, Karma et Rio me sourirent .

"On s'en doutait.", fit Okuda. "Peu importe ce que tu veux faire, ne te force pas.

- Aucune chance, crois-moi !", affirmai-je.

Les deux anciens de la classe E sourirent puis prirent congé.

"Bon, maintenant, je veux tout savoir, dis-je sérieusement. 

- Tu es sûre Kyukate ? Vraiment certaine ? Cela pourrait faire un peu trop pour aujourd'hui...

- Nagi a raison soeurette.", approuva Karma. "Quand tu n'auras plus mal à la tête, on te dira tout, mais inutile de te faire plus de mal pour aujourd'hui. Et si on jouait à la console plutôt ?"

Plusieurs jours passèrent avant ma migraine ne s'estompe complètement. Cependant, je décidai d'attendre le week-end avant de réinterroger Karma, Nagisa et Rio.

"Dis Riri... dit doucement Aloïse ce jour-là, alors qu'elle me tressait les cheveux dans le parc de l'hôpital.

- Oui Aloïse ?

- J'ai réfléchi ces derniers jours et... il est temps que je te dise ce que je fais ici... mais Riri, tu me promets de ne pas m'abandonner ?

- Jamais Aloïse, c'est une promesse."

Elle soupira et continua à tresser mes cheveux sans parler.

"J'ai un trouble de la personnalité un peu particulier. Mon père était un scientifique de génie et... j'étais un de ses sujets de test. Je l'ai été dès mes quatre ans, je n'ai connu que ça quasiment. Puis, il y a environ trois ou quatre ans, l'un de ses sujets s'est échappé et a détruit le laboratoire dans sa fuite. J'ai été retrouvée sous les décombres et amenée ici. Mon talent de voleuse est lié aux test que j'ai subi.

- ... des tests sur quoi ?

- L'anti-matière. Mais contrairement à la souris qui a fait explosé la lune, j'ai une molécule dans mon corps qui fait que l'anti-matière n'a aucun risque d'exploser, c'est pourquoi mon père a continué, malgré les supplications de Maman. J'ai des tentacules qui apparaissent quand je perd le contrôle de mes émotions, mais ils sont précédés par un changement de personnalité qui fait que les médecins et infirmiers s'en rendent compte rapidement. A chaque fois, ils me mettent sous sédatif pour éviter qu'ils apparaissent. Seul le directeur de l'hôpital est au courant de ces tentacules, il travaillait pour mon père mais essayait de me sortir de cet enfer... c'est pour ça que je ne peux pas sortir, parce que je risque de refaire des crises à tout moment...

- Quel est le rapport avec ton talent de voleuse ?

- Les capacités que m'offrent l'anti-matière me rendent plus rapide, plus agile, plus silencieuse, et j'ai appris à voler en arrivant ici. J'avais besoin de me rattacher à quelque chose après avoir vécu toute ma vie dans un laboratoire, et je n'avais jamais eu quelque chose qui m'appartenait, alors je me suis mise à voler tout ce que je pouvais. Une psychologue m'a aidé à aller au-delà de ce "traumatisme", et je ne vole que lorsque je le veux désormais, ce n'est plus instinctif comme avant. Maintenant, je ne vole que temporairement, je rend toujours ce que j'ai volé à leurs propriétaires.

- C'est vraiment horrible...

- C'est pour ça que je mérite d'être seule pour toujours...

- Arrête de dire des bêtises ! Tu n'y es pour rien si ton géniteur t'a prise pour une souris de laboratoire. Cela ne te rend pas mauvaise pour autant, bien au contraire. Tu es quelqu'un de fort pour avoir réussi à surmonter tout ça et à te reconstruire. Tu as toujours été adorable avec moi Aloïse, tu n'es absolument pas quelqu'un de mauvais. Ne te considère pas comme un monstre juste parce que ton père en est un.

- Je suis un monstre parce que j'ai des tentacules !

- Cela ne te définit pas. J'ai la vague impression d'avoir déjà connu quelqu'un avec des tentacules mais qui n'était pas un monstre... enfin peu importe. Ressembler à un monstre ne signifie pas que tu en es un. C'est à toi de choisir. Qui veux-tu être Aloïse ?"

Le silence plana un moment, alors que la fillette avait arrêté de tresser mes cheveux.

"Je veux être ta petite soeur...", murmura doucement Aloïse. "Parce que tu es comme une grande soeur pour moi."

Je me tournai vers elle et vis son joli minois ravagé par les larmes. Je les essuyai et posai un baiser sur son front.

"On est déjà soeurs, Aloïse."

Un sourire solaire apparut sur ses lèvres et elle sauta dans mes bras, heureuse.

"Cela me soulage tellement que tu dises ça Riri..."

Je ne répondis pas mais lui caressai les cheveux pour la calmer. Au bout de plusieurs minutes, elle redevint calme.

"Comment s'appellent tes parents ? voulus-je savoir.

- Kotaro Yanagisawa et Aguri Yukimura. Mais ils sont morts tous les deux... Maman est morte quand le labo a été détruit, et mon père un an après, je n'en sais pas plus. Heureusement, il n'a jamais réussi à me retrouver... est-ce-qu'on peut parler d'autre chose ?"

Je hochai la tête et on discuta de choses plus légères, comme mon rendez-vous avec Nagisa.

Le soir venu, alors que je rentrais à la maison avec Nagisa et Sébastian, le bleu remarqua que j'étais songeuse.

"Qu'est-ce-qui te tracasse Kyukate ?

- Rien, je réfléchis juste à ce qu'Aloïse m'a révélé. J'ai des impressions de déjà-vu, comme si ces informations pouvaient être rapportées à des souvenirs que j'ai oublié.

- Comme quoi ?

- Elle m'a parlé d'anti-matière et de tentacules, et cela me dit quelque chose mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

- Koro était une espèce de poulpe d'anti-matière, suite à des expériences qu'il a subi en laboratoire."

Je me figeai.

"P'tit schtroumpf... Aloïse aussi était un sujet d'expérience...

- Comment ça ?!

- C'est ce qu'elle m'a dit aujourd'hui, c'est à cause des tentacules qu'elle ne peut pas sortir de l'hôpital. Ils lui provoquent un changement de personnalité quand ses émotions sont trop fortes et c'est là qu'ils sortent, et elle n'était pas le seul sujet...

- Tu penses que Koro et Aloïse étaient dans le même laboratoire ? réfléchit Nagisa, pâle.

- Je ne sais pas, mais cela ne peut pas être une coïncidence. Je ne pense pas qu'il y ait eu beaucoup d'expériences sur l'anti-matière.

- Non, juste Yanagisawa en faisait, à ma connaissance."

Il voulut poursuivre mais s'interrompit lorsqu'il remarqua que j'étais plus pâle que la mort. Je déglutis en prenant conscience des informations qu'on commençait à effleurer.

"Kyukate ?! Tu te sens bien ?!

- Y-Yanagisawa ?! Mais... p'tit schtroumpf... c'est le nom de son père...", balbutiai-je

Nagisa fronça les sourcils et me colla contre lui, pianotant sur son téléphone avec sa main libre.

"Qu'est-ce-que tu fais ?

- J'envoie un message à Koro pour qu'il nous rejoigne chez nous. Il saura quoi faire. Ne t'inquiète pas, lui comme moi ne dirons rien à propos d'Aloïse.

- Merci p'tit schtroumpf."

Il me sourit et m'entraîna à sa suite pour terminer la route.

"Vous avez fait vite ! fis-je en voyant Koro devant chez nous.

- Je n'étais pas très loin quand j'ai vu le message de Nagisa. Que se passe-t-il ?"

Pour toute réponse, on le fit entrer, profitant du fait que Karma et Rio n'étaient pas encore arrivés. Sébastian s'éclipsa pour nous laisser de l'intimité.

Je racontai alors tout ce qu'Aloïse m'avait révélé. Au fur et à mesure de mon récit, le visage de Koro s'était décomposé.

"Je n'étais pas au courant...", dit-il finalement. "Aguri m'avait effectivement parlé de sa fille, mais elle n'a jamais rien dit sur le fait qu'elle était un sujet d'expérience depuis bien plus longtemps que moi...

- Mais qui est Aguri ?

- La soeur de Kayano... maugréa Nagisa.

- Elle est morte en se prenant un piège anti-tentacule à ma place...", murmura Koro. "Si j'avais su que sa fille était un sujet d'expérience, je l'aurais emmené avec moi. Je lui devais bien ça...

- Vous pouvez toujours.", rétorquai-je. "Aloïse a besoin de grandir hors de cet hôpital.

- Tu veux que je l'adopte ?

- Kyukate a raison, c'est une bonne idée. Vous pouvez vous porter garante d'elle jusqu'à sa majorité et l'aider, comme vous nous avez aidé, nous.", approuva Nagisa. "Bien sûr, il faudrait en parler avec Aloïse, mais je pense qu'elle mérite de savoir. Vous êtes son beau-père en quelque sorte, et vous savez mieux que personne comment fonctionnent les tentacules."

Koro réfléchit quelques secondes puis hocha la tête.

"D'accord les enfants, je veux bien essayer.

- Super ! On ira voir Aloïse ensemble demain, c'est samedi !", affirmai-je.

Koro hocha la tête et décida de partir quand Karma et Rio arrivèrent. Mon frère nous fit des boissons chaudes et on s'installa sur les canapés du salon, accompagnés de Sébastian.

"P'tite soeur, tu veux toujours savoir ?

- Plus que jamais. Je ne pourrais jamais avancer sinon."

Karma hocha la tête et il ouvrit le bal en me parlant de comment je m'étais envolée pour la Belgique. Je fis automatiquement le rapport avec une discussion que j'avais eu avec Nagisa, à propos du souvenir où j'allais me marier, mais je n'en fis pas la remarque. Au lieu de cela, j'écoutai attentivement le quatuor me raconter à tour de rôle des faits importants de ma vie. C'était assez étrange car tout ce qu'ils me racontaient m'étaient vaguement familiers, mais aucun souvenir ne remontait à la surface.

Finalement, Sebastian et Rio abordèrent le sujet de mon retour en Belgique, pendant que Karma posait une main sur l'épaule de Nagisa, qui s'était rembruni. Ils me racontèrent l'acte de Kayano pour m'éloigner du bleu, le choix que j'avais fait, le plan de mes parents pour m'obliger à accepter le mariage avec Gabriel en faisant des promesses à Laura... plus Sébastian avançait dans ce qu'il révélait sur mes trois années après la classe E, plus j'étais tendue et pâle. 

"Ensuite, je ne sais pas trop comment vous ait venu cette idée mais... à la dernière minute, vous avez menacé vos parents de mettre fin à vos jours s'ils n'annulaient pas ce mariage...", termina doucement mon majordome. "Ils ne vous ont pas prise au sérieux alors vous avez sauté dans le vide. C'est Koro qui vous a sauvé, il avait conservé une partie de sa vélocité de poulpe. On vous a emmené à l'hôpital et fais transférer à Tokyo dès que possible, pour vous éloigner de vos parents. La suite, vous la connaissez déjà.

- Alors... c'est pour ça... c'est pour ça...", balbutiai-je.

Nagisa se détacha de Karma et vint m'enlacer.

"Oui, c'est pour ça que je ne voulais pas en parler...", admit Nagisa dans un souffle. "Je ne voulais pas parler de ton mariage à cause de ça.

- Attends soeurette ! On vient de te raconter toute ta vie et toi, tout ce qui t'inquiète, c'est que tu allais te marier avec quelqu'un d'autre que Nagisa ?", s'étonna Karma.

J'opinai du chef et Karma rigola légèrement.

"Pas de doute, tu es unique en ton genre, une vraie Akabane. Tu as retrouvé tes souvenirs ?

- Non...

- Laisse-lui du temps.", fit Nagisa. "Cela lui remontera peut-être plus tard, maintenant qu'elle sait la vérité.

- D'accord, mais qu'est-ce-qu'on va faire ? Cela fait un moment qu'on a plus de nouvelles de nos parents.", soupira Karma. "Je commence à m'inquiéter de ce que ça signifie...

- Ne t'inquiète pas, je ne les laisserai pas me faire du chantage une troisième fois.", dis-je avec sérieux et détermination. "S'ils essaient de me ramener en Belgique, je les défierai.

- A quoi ? voulut savoir Rio.

- Tu verras bien le moment venu. Mais je ne les laisserai pas me ramener en Belgique sans me battre cette fois-ci !

- J'espère bien, parce que je ne veux plus que tu me quittes Kyukate !", rétorqua Nagisa en me serrant fort contre lui, ce qui fit rire l'autre couple dans la pièce.

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