Ses yeux s'embuèrent dès l'instant où Taehyung posa son regard sur le calendrier. Les larmes coulèrent le long de ses joues alors qu'il lisait le nom qu'il avait inscrit sur la case. Kim Aesook était le prénom de sa défunte grand-mère. La vieille femme occupait plus de place dans ses souvenirs que ses propres parents. Taehyung passait toutes ses vacances scolaires dans la campagne. La ville se trouvait à presque cinquante kilomètres et il n'y avait rien à faire d'amusant. Cependant, c'était chez sa grand-mère. Il ne refusait jamais de s'y rendre. Son cœur se serra dans sa poitrine. Il se souvenait parfaitement du sourire triste de sa grand-mère quand il lui avait annoncé son déménagement. Il n'avait cependant pas cessé de se rendre chez elle dès qu'il en avait l'occasion. Alors qu'il venait de rencontrer Jungkook, le brun lui avait proposé de se rendre chez elle. Son cadet avait accepté avec le sourire et la vieille femme avait adoré cet adolescent aux dents de lapin.

La vue troublée par ses larmes, Taehyung traîna des pieds jusqu'à la salle de bain. Il se forçait à pleurer silencieusement pour ne pas réveiller ses colocataires. Il ne voulait pas les inquiéter. Lorsqu'il remarqua son reflet dans le miroir, un sourire amer naquit sur son visage. Il lui ressemblait tellement. Un sanglot déchira sa gorge. Chaque partie de son visage lui rappelait sa grand-mère : ses yeux presque noirs en amande, son nez droit, son sourire si particulier. Tout lui rappelait la vieille femme qui l'avait élevée. Taehyung ne se rendit pas réellement compte qu'il avait commencé à frapper le miroir. Il voulait simplement faire disparaître son reflet. Le brun ne voulait plus voir sa grand-mère dans son reflet.

« Arrête-toi ! »

Le geste de Taehyung fut stoppé par une main enserrant fermement son poignet. La vision rendue floue du brun se posa sur une silhouette qu'il n'eut aucun mal à reconnaître. L'odeur fruitée qu'il percevait ne pouvait appartenir à Jungkook. Seul le plus jeune de ses colocataires utilisait un gel douche fruité.

« Kook... »

Jungkook, remarquant la détresse dans la voix du brun, l'attira contre son torse. Les mains tremblantes et blessées de Taehyung enserrèrent sa large chemise. Cela faisait plusieurs années qu'il avait pris l'habitude de dormir vêtu d'un simple sous-vêtement et d'une chemise. Ses colocataires ne se plaignaient jamais de ses tenues légères. Dans un geste qui se voulait rassurant, le châtain administra de douces caresses dans le dos de Taehyung. Dès l'instant où il avait ouvert ses yeux, à sept heures, Jungkook savait parfaitement ce qui allait se produire. Bien qu'il aurait dû se trouver en cours, il ne pouvait pas se résoudre à abandonner Taehyung. Il avait tellement besoin de lui.

« Ça va aller, Tae, lui murmura-t-il. Ça va aller.

-Ne mens pas, la voix du brun était étouffée par de légers sanglots. Tu sais parfaitement que ça n'ira jamais.

-Ne fais pas ta drama queen. »

Sa remarque lui valut un faible coup à l'épaule de la part du brun. Aussi étrange que cela puisse paraître, Jungkook en était satisfait. Chaque fois que l'anniversaire de mort de sa grand-mère approchait, Taehyung devenait une autre personne. Il ne mangeait plus, ne parlait plus, ne souriait plus. Il n'avait plus rien à voir avec le jeune adulte plein de vie. Le châtain resserra son emprise autour du corps de son ami et fit glisser ses mains le long de sa nuque.

« J'aimerais rester comme ça toute ma vie, prononça Taehyung dans un souffle.

-Il faut vraiment qu'on soigne ta main, lui fit remarquer Jungkook, et qu'on achète un nouveau miroir avant que Nam arrive. »

떨어져날리는 저기 낙엽처럼 (Like those dead leaves there that have fallen and are flying)

힘없이스러져만 가 내 사랑이 (My love is collapsing without strength)

니맘이 멀어져만 가 널 잡을 수 없어 (Your heart is only going further away, I can't grab you)

더더 더 잡을 수 없어 난 (I can't grab you any more more more)

더붙들 수 없어 yeah (I can't hold on more, yeah)

Enfermé dans cet amphithéâtre de deux cents personnes, Yoongi s'ennuyait à mourir. Il n'avait pourtant rien à redire contre son cours de relations internationales. L'enseignante aimait son travail - on le remarquait à son sourire constant - et parlait avec animation. Elle s'exprimait comme une jeune adulte - alors qu'elle approchait dangereusement des cinquante ans - et blaguait souvent. Elle savait capter l'attention des étudiants. Personne ne pouvait le nier. Les élèves buvaient ses mots et prenaient de rapides notes. Yoongi n'avait jamais manqué un cours de relations internationales. Et pourtant, ce matin-là, il avait l'impression de ne pas être à sa place. Il n'avait pas assez dormi, était de mauvais poil, n'était pas parvenu à faire fonctionner la machine à café de l'appartement, et n'arrivait pas à se concentrer. Le simple fait d'entendre sa voisine - une fille adorable à qui il n'avait jamais parlé - respirer l'agaçait.

Le garçon regardait distraitement ses mains. Elles étaient agitées de légers tics nerveux. Yoongi avait passé une grande partie de sa vie à cacher ses faiblesses. Il ne portait jamais de manches courtes - même lorsque la température avoisinait les quarante degrés - et tenter de se montrer impassible dans n'importe quelle situation. Rares étaient les personnes qui connaissaient son côté instable et fragile. Ses parents en avaient vaguement conscience cependant, seuls ses colocataires le connaissaient réellement. Le brun ne put s'empêcher de penser que ses tics revenaient à cause du manque de sommeil. Jin avait ronflé toute la nuit et il avait parfaitement entendu Hoseok pester à l'encontre de Jimin et Taehyung à propos d'une chose dont il ignorait tout.

« Tu comptes répondre à la personne qui te harcèle de message depuis le début du cours ? »

Yoongi n'avait pas remarqué les nombreuses vibrations de son téléphone alors qu'il était posé sur la table. Son voisin - dont il ne connaissait même pas le nom - semblait particulièrement agacé. Le brun fronça les sourcils et s'empara de son téléphone. Seuls ses colocataires et ses parents connaissaient son numéro. Il avait toujours refusé de le donner à d'autres personnes. Ceux qui voulaient le contacter pouvaient le faire via Facebook. Lequel de ses colocataires - ses parents n'essayaient jamais de le joindre - lui envoyaient un message alors qu'il était encore en cours ? Si Namjoon lui envoyaient encore un SMS pour savoir où il avait encore osé cacher les chips au vinaigre, il lui répondrait méchamment. Il ne cachait pas les chips. Il les rangeait. Son ami ne semblait pas comprendre la nuance entre ces deux mots. Cependant, le message n'était pas de Namjoon. Le nom qui s'affichait sur l'écran verrouillé était celui de Jin. Enfin, c'était le nom de contact que ce dernier avait lui-même choisi.

De : Jin's humor is the best !

« T'es en cours là ? »

A : Jin's humor is the best !

« Comme tous les mardis. Tu veux quoi ? »

De : Jin's humor is the best !

« Savoir si tu passes au café ce soir et si tu ne saurais pas où est passé le miroir de la salle de bain. Il a disparu. »

A : Jin's humor is the best !

« Ouais, je sais. Je l'ai vu prendre ses petites jambes de miroir et quitter l'appartement en nous insultant.

Je pense que je passerai au café avant ce soir. J'ai besoin de caféine. »

저기저 위태로워 보이는 낙엽은 (Over there, the autumn leaves that look like they're at stake)

우리를보는 것 같아서 (Seem like they're looking at us)

손이닿으면 단숨에라도 (If our hands touch, even if it's all at once)

바스라질것만 같아서 (It only seems like it's going to be crumbs)

그저바라만 봤지 가을의 바람과 같이 (I just only looked with the winds of autumn)

어느새차가워진 말투와 표정 (The speech and facial expressions that have gotten colder all of sudden)

관계는시들어만 가는 게 보여 (I can only our relationship withering)

가을하늘처럼 공허한 사이 (Like the autumn sky, it's empty between us)

Ses cheveux décolorés tombaient devant ses yeux sombres. Assis en tailleur dans l'herbe d'un parc, Jimin noircissait son carnet de dessins. Il avait seulement quelques courts jours pour pondre une œuvre d'art - Jungkook avait pris l'habitude de décrire ses coups de crayon de cette façon - et il n'avait rien de mieux que de dessiner en plein air. La nature était magnifique au mois d'octobre. Le monde commençait à prendre des teintes chaleureuses. Les feuilles orangées craquaient sous le poids des passants. Ce bruit l'avait toujours apaisé. Il lui rappelait son enfance, son arrivée à Séoul. Taehyung et lui passait une grande partie de leur temps à l'extérieur. Couché sur le ventre, dans l'herbe, son meilleur ami lisait des livres qui n'intéressaient que lui. Jimin, quant à lui, faisait l'unique chose pour laquelle il se sentait réellement doué : dessiner.

Pour la cinquième fois depuis qu'il s'était assis dans l'herbe fraîche, Jimin changea de page. Il avait toujours détesté les natures mortes. Dessiner une salade de fruits ne pouvait pas montrer un quelconque talent. Certains peintres en faisaient et avaient énormément de talent, c'était indéniable. Cependant, le blond était persuadé que tout le monde avait la capacité de faire le croquis d'une banane pelée. Namjoon en était capable alors qu'il dessinait mieux avec ses pieds qu'avec ses mains. Une légère grimace de frustration sur le visage, Jimin reprit son travail. Il aurait vraiment tout donné pour faire un portrait. Il avait envie de dessiner cette femme, à quelques pas de lui, qui jouait avec son enfant. Ils étaient vraiment adorables. Cette scène lui rappelait tellement son enfance. Lorsqu'ils vivaient encore à Busan, avant que ses parents décident de divorcer, Jimin passait une grande partie de son temps dans les parcs, avec sa mère. Puis ses parents s'étaient séparés, sa mère s'était remariée avec un comptable qui la couvrait de cadeau, et il avait déménagé à Séoul avec son père. Il avait longtemps détesté ses parents pour cela. Il les avait détestés jusqu'à sa rencontre avec Taehyung. Il était le parfait petit adolescent invivable pendant près d'une année.

« Tu comptes percer ta feuille, Chim ? »

Perdu dans ses pensées, Jimin n'avait même pas remarqué qu'il retraçait la même ligne depuis plusieurs minutes. La feuille était légèrement usée et le dessin ne donnerait rien. Encore une fois. Le blond jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. Jin le surplombait de toute sa grandeur. Les mains posées sur sa taille, il observait les croquis de l'étudiant.

« Tu peux t'asseoir ?, lui demanda le blond.

-Pourquoi ?, il le narguait. Tu te sens trop petit, Chim.

-Je ne suis pas petit et je ne m'appelle pas Chim, bougonna le concerné. Pose ton cul au sol immédiatement. »

De nombreuses personnes auraient certainement été scandalisées par sa façon de parler. On ne s'adressait pas à ses aînés de la sorte. Cependant, ce n'était pas le cas de Jin. A force de vivre avec six garçons qui se moquaient royalement des règles de bienséance, il avait fini par s'y habituer. Ce fut donc sans surprise qu'il se laissa tomber à côté du blond, un sourire moqueur plaqué sur le visage.

« Tu pensais à quoi ?, l'interrogea le rose.

-Au divorce de mes parents, répondit-il.

-Je pensais que ça ne te rendait plus triste.

-Je suis pas triste mais nostalgique, le corrigea-t-il. Ça va bientôt faire dix ans qu'ils sont plus ensemble. »

Jin n'ajouta rien, car il n'y avait rien à ajouter. Il connaissait assez bien son cadet pour savoir que jouer sur les nuances de mots était sa spécialité. Jimin n'était pas un garçon expansif. Le blond était toujours présent pour les autres et ne se plaignait jamais. Il ne partageait pas ses sentiments et gardait tout pour lui. Jimin était une bombe à retardement et personne ne savait quand elle exploserait.

Le blond laissa échapper un gémissement plaintif. Le regard de Jin se porta sur son cadet. Il avait repris son croquis et ne semblait pas en être satisfait. Il s'acharnait sur un fruit qui ressemblait à un citron. Jimin avait un talent monstrueux. Le plus vieux le jalousait.

« Encore des natures mortes ?, lui demanda Jin.

-Ouais, répondit-il. Je déteste vraiment ça, mais la prof adore ça.

-Et tu voudrais quoi, toi ?

-Je sais pas trop, avoua-t-il. Sûrement des portraits. Vu le nombre de photos que j'ai de vous, ce serait vraiment cool.

-Et quand vous aurez des nus à faire, tu nous demanderas de nous foutre à poil ?

-T'es beaucoup trop moche pour ça, Jin. »

Le blond laissa échapper un rire légèrement moqueur qui provoqua celui de son aîné. Il reçut un coup d'épaule de son colocataire. Jimin se sentait relativement bien. Assis dans l'herbe, avec Jin, il se sentait bien. L'ambiance n'était pas aussi studieuse qu'avec Taehyung ou Jungkook - son cadet aimait les regarder travailler alors qu'il n'allait jamais en cours - mais elle restait bonne.

예전과는다른 모호한 차이 (An ambiguous difference that is different from before)

오늘따라훨씬 더 조용한 밤 (A night that's much more quiet today)

가지위에 달린 낙엽 한 장 (A single autumn leaf that's attached to the branch)

부서지네끝이란 게 보여 (It's breaking, I can see the thing called the end)

말라가는고엽 (The dead leaves that are becomming shriveled)

초연해진마음속의 고요 (The silence inside your aloof heart)

제발떨어지지 말아주오 (Please don't fall)

떨어지지말아줘 바스라지는 고엽 (Please don't fall, the dead leaf that's becoming crumbs)

Une tasse de thé à la réglisse bouillante entre les mains, Namjoon lisait avec beaucoup d'attention son cours de biochimie. Il n'avait jamais cours le mardi matin, mais ne supportait pas de rester à l'appartement. Les jeunes de son âge en auraient profité pour dormir plus longtemps. Ce n'était pas son cas. Pour se sentir réellement serein, il devait travailler dès qu'il en avait l'occasion. Il ne pouvait pas bosser tranquillement à l'appartement. La télévision diffusait constamment une émission de téléréalité que les deux plus jeunes de la colocation - et Hoseok - s'amusaient à regarder pour passer le temps. Personne n'avait le courage de l'éteindre et le fond sonore le gênait.

« Tu comptes prendre trois heures pour boire ta tasse ? »

L'étudiant en science n'avait pas entendu son colocataire arriver, mais il n'était pas surpris de sa présence. Quelques minutes plus tôt, Hoseok lui avait envoyé un message enjoué le prévenant de son imminente arrivée. Il se tenait là, assis en face de lui, un rictus moqueur plaqué sur le visage. Le roux se moquait ouvertement de lui.

« Pourquoi tu voulais me voir ?, l'interrogea Namjoon.

-Taetae a défoncé le miroir de la salle de bain. »

Il ne put retenir un sourire amusé face au ton enjoué de son camarade. Hoseok avait été diagnostiqué hyperactif alors qu'il n'était encore qu'un enfant. Il avait caché son manque d'empathie par une bonne humeur constante. Depuis qu'ils se connaissaient, Namjoon n'avait jamais vu une expression triste sur le visage de son ami - excepté la fois où il avait découvert que sa copine le trompait.

« Pourquoi tu n'es pas resté lui tenir compagnie ?, lui demanda-t-il.

-Kook a été plus rapide que moi sur ce coup-là, répondit le rouquin, puis il est plus qualifié que moi pour l'épauler.

-Ne raconte pas trop de la merde, le réprimanda Namjoon. T'as fait vachement de progrès. »

Le jeune scientifique était incroyablement fier de son ami. Bien qu'il ne ressente toujours pas énormément d'empathie, Hoseok parvenait à s'inquiéter pour ses colocataires. Il n'en était pas capable à l'époque de leur rencontre. A cette pensée, un sourire nostalgique naquit sur les lèvres de Namjoon.

« A quoi tu penses ?, son colocataire l'observait, le visage posé dans la paume de sa main, une moue curieuse marquant son faciès.

-À l'époque de notre rencontre.

-C'était le bon temps, rit Hoseok. »

Namjoon partageait l'avis de son meilleur ami. L'époque du lycée lui manquait énormément. Bien que les cours y soient souvent ennuyants, les enseignants s'inquiétaient de la réussite de leurs élèves. Il regrettait les petites salles de classe et les cours de récréation bondées. C'était l'époque de sa rencontre avec Hoseok. Ils s'étaient immédiatement entendu et avaient fait les quatre cents coups ensemble. Les professeurs les réprimandaient souvent, mais les deux adolescents collectionnaient les bonnes notes. Puis ils avaient fini par quitter les chaises inconfortables du lycée pour les strapontins de l'université. Ils avaient tous les deux pris des voies différentes. Namjoon avait rejoint la faculté des sciences de Séoul et Hoseok suivait des cours à la faculté des sports. Leurs chemins s'étaient légèrement séparés, mais le garçon aux cheveux verdâtres savait qu'une amitié comme la leur ne pouvait que durer.

« Tu te souviens de la fois où notre prof de maths a fait une syncope parce que Monsieur Kim Namjoon lui avait tranquillement dit que ses exercices étaient d'une simplicité affligeante ?

-Je te rappelle que tu lui avais dit qu'elle avait eu son diplôme dans une boîte de Chocapic deux secondes avant, lui rappela-t-il en le pointant du doigt.

-Quoi ?, s'indigna Hoseok. Je n'ai jamais dit un truc pareil !

-Tu te fous de ma gueule ?

-Absolument pas. C'était une boîte de Miel Pops, le corrigea-t-il, pas une boîte de Chocapic. »

내눈을 마주치는 너를 원해 (I want you who makes eye contact with me)

다시나를 원하는 널 원해 (I want you who wants me again)

제발떨어지지 말어 (Please don't fall)

스러지려하지 말어 (Please don't collapse)

Never, never fall

멀리멀리 가지 마 (Don't go far far away)

Son smartphone dernière génération entre ses longs doigts et une expression concentrée sur le visage, Seokjin cherchait la photo parfaite à ajouter sur son compte instagram. Il en avait pris une bonne centaine depuis qu'il était dans le parc cependant, aucune ne lui convenait. La luminosité n'était pas assez bonne, la netteté laissait à désirer, l'angle ne le rendait pas assez beau. Jin avait toujours été perfectionniste. Dans certaines situations, cette qualité pouvait devenir un sérieux handicap et nuisait grandement à sa spontanéité. Il ne put retenir un grognement de frustration.

« Quelque chose ne va pas ? »

La voix légèrement moqueuse de son colocataire lui arracha une grimace. Jimin n'avait même pas pris la peine de relever les yeux de son croquis. Jin ne comprenait pas grand-chose à l'art. Alors, lorsqu'il posa ses yeux sombres sur l'œuvre presque achevée de son ami, il ne put retenir un sifflement d'admiration. Le blond détestait les natures mortes - il se plaignait dès que son enseignante lui en donnait une à faire - et ils le savaient tous. Cependant, personne ne pouvait nier son talent. Jimin avait la capacité de rendre n'importe quelle scène magnifique. La nature morte sur laquelle il s'acharnait depuis plusieurs heures prenait lentement forme.

« Juste un problème de photo, répondit-il alors que le blond ricanait discrètement. Rien de bien grave.

-Aucune photo de toi ne me fera douter de mon orientation sexuelle cette semaine ?, le garçon aux cheveux roses lui donna un coup de coude amical. Je suis déçu. »

Cela faisait déjà plusieurs années que ses colocataires se moquaient gentiment de sa beauté presque surnaturelle. Ces termes avaient énormément gêné le garçon aux cheveux roses. Il en avait désormais tellement l'habitude qu'il n'y réagissait même plus. Puis ce n'était pas la première fois que Jimin annonçait un changement de bord. Les phrases n'étaient jamais identiques mais l'idée était assez claire pour qu'il puisse aisément comprendre le sens de la phrase. Par moments, Hoseok rejoignait le plus jeune dans ses vannes foireuses.

« Parce que tu comptes douter de ton orientation sexuelle, Chim ?, l'interrogea-t-il.

-C'est pas de ma faute si je vis avec des canons, blagua le blond. »

Les lippes du plus âgé s'incurvèrent pour former un doux sourire. Il ne lui avouerait certainement jamais - il avait beaucoup trop d'amour-propre pour le faire - mais il était heureux d'avoir une personne comme Jimin dans sa vie. Son cadet était d'un altruisme à toute épreuve et trouvait toujours les bons mots pour faire rire ou réconforter les autres. Alors que Jin ouvrait la bouche pour répliquer quelque chose de peu intelligent, une goutte d'eau tomba sur sa joue.

« Putain de merde ! »

Le juron peu gracieux du blond ne l'étonna pas. Il commençait à réellement pleuvoir et son devoir semblait déjà détrempé. L'affolement du plus jeune le fit pourtant sourire. Il rangeait, sans réellement faire attention, toutes ses affaires de cours dans son sac à dos élimé. Les verres de son épaisse monture étaient recouverts d'eau. Cela devait être particulièrement gênant. Jin se redressa rapidement et tendit la main à son cadet. Dès que ce dernier l'eut attrapé, il l'aida à se relever. Les deux garçons se mirent à courir en direction de l'appartement à toute vitesse. Ils ne s'étaient pas lâchés.

Baby you girl 놓지못하겠는걸 (Baby you girl, I can't hold onto you)

Baby you girl 포기못하겠는걸 (Baby you girl, I can't give up on you)

떨어지는낙엽들처럼 (Like the dead leaves that fell)

이사랑이 낙엽들처럼 (This love, like the dead leaves)

Never, never fall

시들어가고있어 (It's withering)

Les lèvres de Taehyung rencontrèrent une nouvelle fois les siennes. Depuis qu'ils étaient revenus dans la chambre du cadet, après l'incident de la salle de bain, le brun n'avait cessé de l'embrasser. Les lippes de l'universitaire se posaient sur les siennes et disparaissaient aussi rapidement qu'elles n'étaient arrivées. Jungkook n'avait pas eu le courage, ni l'envie, d'arrêter son colocataire. Taehyung avait besoin de se sentir aimer et il lui avait promis, quelques années auparavant, qu'il ne l'abandonnerait jamais. Il ne comptait pas le faire cependant, il ne pouvait pas s'empêcher de culpabiliser. Il avait l'impression de profiter du décès de la vieille femme pour prendre du bon temps.

« Tae, souffla-t-il entre deux baisés, arrête. »

Sa voix n'avait été qu'un chuchotement et il n'était pas certain de s'être fait entendre. Il sut qu'il n'avait pas parlé dans le vide lorsqu'il sentit des larmes qui n'étaient pas les siennes s'écraser contre ses joues. Avec une délicatesse qui ne lui correspondait pas réellement, Jungkook repoussa le brun. Ses mots venaient de le blesser et il ne le tolérait pas. Il lui adressa un sourire qui se voulait rassurant - alors qu'il avait envie d'encastrer sa propre tête dans le mur pour se punir des mots qu'il venait de prononcer - et, de la rondeur de son pouce, il s'appliqua à faire disparaître chaque larme qui roulait le long des pommettes de Taehyung. Il ne supportait pas de voir autant de tristesse sur le visage habituellement joyeux et souriant du brun. Son cœur se serra douloureusement à cette vision.

« Calme-toi, lui murmura-t-il. Je suis là.

-Tu dois tenir ta promesse, Kook, les sanglots du brun s'étaient légèrement calmés.

-Je compte même te la faire regretter. »

Un sourire encore timide plaqué sur le visage, Taehyung lui donna un coup sur l'épaule. Il ne put retenir un léger ricanement face au comportement de son ami. Pour son aîné, Jungkook se savait capable du pire. Il aurait été capable de tuer pour lui. Leur relation était loin d'être commune. Elle n'avait pourtant pas commencé sur de bonnes bases. La première fois que lui brun lui avait adressé la parole, Jungkook lui avait donné un coup de genou dans ses parties génitales.

« Tu penses à quoi ?, lui demanda son aîné en remarquant son expression songeuse.

-À notre rencontre, répondit-il. Je m'en souviens super bien.

-Mes couilles aussi s'en souviennent super bien, grommela-t-il. »

Il aurait fallu inventer un nouveau mot pour décrire la grimace de Taehyung. Le plus jeune l'aurait bien qualifié d'épique, mais l'adjectif ne semblait pas encore assez fort. Un sourire moqueur sur le visage, il administra une pichenette sur le front de son aîné. L'air indigné de ce dernier ne fit qu'agrandir son rictus.

« J'avais tous les droits de te donner ce coup, lui annonça-t-il.

-Ah ouais ?, le regard de Taehyung s'était fait curieux et il se contenta d'acquiescer d'un geste de la tête. Et pourquoi ?

-Je venais de poser les pieds dans un nouveau lycée et les premiers mots qu'on me sort ont été : t'es ok pour te faire sauter dans les chiottes. »

모든낙엽은 떨어지듯이 (As if every autumn leaf has fallen)

영원할듯하던 모든 건 멀어지듯이 (As if everything that seemed eternal is going further away)

너는나의 다섯 번째 계절 (You're my fifth season)

널보려 해도 볼 수 없잖아 (Because even if I try to see you, I can't)

봐넌 아직 내겐 푸른색이야 (Look, to me, you're still green)

마음은걷지 않아도 저절로 걸어지네 (Even if our hearts aren't walking, it walks by itself)

미련이빨래처럼 조각조각 널어지네 (Our foolishness, like laundry, is being hung piece by piece)

Une tasse de café fumante - parfumée à la noisette et avec un supplément de sucre, car il ne supportait pas le goût du café - posé devant lui, Hoseok était plongé dans ses pensées. Quelques longues minutes auparavant, son meilleur ami avait dû s'éclipser. Durant toute sa scolarité, Namjoon n'avait manqué qu'un seul jour de cours. Le rouquin s'en souvenait parfaitement, car il en était l'initiateur. Il l'avait harcelé pendant de longs jours pour qu'ils profitent de leurs dernières semaines de liberté avant le Sou Neung*. Ils avaient finalement passé la journée avec Jin - ce dernier leur avait fait la morale, car les cours étaient quelque chose de vraiment importants - et avaient regardé un film ringard au cinéma.

Son portable dans une main et la tasse - qu'il venait de récupérer sur la table - dans l'autre, le rouquin visionnait des vidéos de danses sur Youtube. Il ne s'attardait pas longtemps sur celles des amateurs et préférait amplement regarder les mouvements qu'effectuaient les professionnels. Hoseok avait toujours été passionné par la danse. Il avait l'impression d'être né avec des ballerines greffées aux pieds. Il avait abandonné la danse classique à l'âge de six ans - il ne supportait pas d'être le seul garçon - et s'était lancé dans le breakdanse. Peu de temps après sa rencontre avec Jimin, il s'était lancé dans la danse contemporaine. Il excellait dans ce sport.

Alors qu'il allait lancer une nouvelle vidéo, Hoseok remarqua qu'il avait deux messages non lus. Cela ne l'étonnait pas réellement. Contrairement à ses autres colocataires, il aimait collectionner les contacts. Il ne leur parlait jamais, mais il se sentait fier de connaître autant de monde.

De : YoonYoon

« Puisque tu es certainement au café, tu peux me commander un café noir, sans sucre ? »

De : YoonYoon

« Faut vraiment que tu arrêtes d'aller au café quand Jin est absent. On n'a pas de réduction sans lui. »

붉은추억들만 더러운 내 위에 덜어지네(Only the bright memories are dirty, it falls on me)

내가지를 떨지 않아도 자꾸만 떨어지네(Even if I don't shake my branch, it keeps falling)

그래내 사랑은 오르기 위해 떨어지네 (That's right, in order to raise my love, it falls)

가까이있어도 나의 두 눈은 멀어지네(Even if we're close, my two eyes become further, spreads)

벌어지네이렇게 버려지네(Further, like this, being thrown out)

추억속에서 난 또 어려지네(Inside my memories, I become young again)

Namjoon ne comprenait pas un seul mot de ses cours de biochimie. Il avait choisi d'étudier cette matière, car au premier abord, elle lui avait semblé intéressante. Cependant, il s'était rapidement rendu compte que ses cours n'étaient composés que d'une suite de mots barbares. Les scientifiques avaient la fâcheuse tendance à utiliser des termes complexes pour exprimer une idée pourtant simple. Ils devaient certainement fantasmer sur l'expression perdue des personnes qui les écoutaient. Ce n'était donc pas surprenant de voir ses notes de cours recouvertes de violet - la couleur qui qualifiait son incompréhension.

La mine de son crayon traçait chaque lettre qu'il percevait. Son enseignant - un vieil homme qui ne portait pas la moindre attention à l'expression perdue de ses étudiants - expliquait vaguement son cours. Contrairement à lui, son voisin ne semblait pas trouver important de suivre les mots que prononçait le professeur. Avachi contre sa paillasse, il devait certainement rattraper les heures de sommeil qui lui manquaient. Namjoon avait entendu parler d'une soirée étudiante - rares étaient celles qui se déroulaient le lundi soir, mais les quelques fêtards de sa promotion profitaient de leur matinée de libre pour récupérer. Il ne s'y était pas rendu, car il n'était pas un grand fan de soirées étudiantes. Il avait aussi trouvé plus intéressant de se poser sur le canapé - entre Jungkook et Yoongi qui ne cessaient de se lancer de légères piques - afin de regarder un film de série B* que Jin avait absolument voulu voir. Il avait fini par s'endormir devant une scène incroyablement barbante.

Ne voulant pas se concentrer davantage sur le jeune adulte bavant sur le clavier de son ordinateur, Namjoon reporta son attention sur l'enseignant. Durant sa courte inattention, ce dernier avait dessiné une abominable formule sur son tableau hors d'âge. Les atomes s'enchaînaient pour former une figure complexe. Sans réellement réfléchir à ce qu'elle pouvait bien faire dans le monde, il la recopia avec beaucoup de soin. Il aurait bien le temps de réfléchir à tout cela dès qu'il arriverait à l'appartement.

Never, never fall yeah

Never, never fall yeah

Ils avaient passé près de cinq heures dans la chambre du plus jeune avant de décréter, d'un commun d'accord, qu'ils commençaient à réellement avoir faim. La main de Taehyung dans la sienne, le châtain s'était dirigé, d'un pas décidé, vers la cuisine. Dès qu'ils furent dans l'office, Jungkook se précipita vers les nombreux placards pour trouver quelque chose de mangeable et de rapide à préparer. Contrairement à Jin, il n'aimait pas particulièrement cuisiner. Il n'avait pas assez de patience pour aimer cela. Il sentait le regard de Taehyung sur lui. Ce dernier, assis sur l'un des quatre tabourets encore debout, avait posé sa tête sur le plan de travail d'une propreté remarquable. Après quelques minutes de recherches peu fructueuses, Jungkook se retourna vers son aîné.

« Tu veux manger un truc en particulier ?, lui demanda-t-il. Il ne reste que des ramen.

-On en a déjà mangé hier soir, lui fit remarquer Taehyung. Tu ne préfères pas cuisiner un truc ? »

Les bras croisés contre son torse, Jungkook dévisagea son colocataire. Le brun avait parfaitement connaissance de son désamour pour la cuisine - ils le savaient tous tellement le châtain l'avait répété. Alors qu'il allait lui répondre qu'il était absolument hors de question qu'il touche au moindre instrument de cuisine, ils entendirent la porte de l'appartement s'ouvrir - elle avait tendance à grincer. Lorsque la silhouette aux épaules carrées de Jin apparut dans la cuisine, Taehyung ne put retenir un sourire resplendissant.

« Tu tombes à pic !, s'exclama Taehyung d'une voix enthousiaste. Je meurs de faim.

-Vous pouvez pas vous faire à manger ?, le regard de Jin s'arrêta sur le châtain. Tu n'as toujours aucun talent en cuisine, Kook.

-Je sais cuisiner, lui fit-il remarquer. J'aime juste pas ça.

-Puis depuis qu'il s'est blessé avec une spatule, il ne veut plus faire à manger. »

Bien qu'ils n'aient pas entendu Jimin entrer dans l'office, personne ne fut surpris de son arrivée dans la pièce. Le blond s'était rapidement installé aux côtés de Taehyung alors que Jungkook lui lançait un regard mauvais. Ils se dévisagèrent pendant quelques secondes. Le plus jeune ne se souvenait pas s'être blessé avec une spatule. Il s'était gravement coupé la main avec un couteau - et il ne cuisinait plus depuis ce jour-là. De ses yeux rieurs masqués par ses lunettes, Jimin se moquait de lui.

« Je ne me suis jamais blessé avec une spatule, prononça-t-il d'une voix catégorique.

-Ça aurait très bien pu arriver, lui fit remarquer Jin.

-Je ne suis pas Namjoon, dit-il en affichant une moue boudeuse.

-Namjoon ne peut toucher que la bouilloire, rit légèrement Taehyung. Il ne risque pas de se blesser avec une spatule. »

Le plus jeune gonfla ses joues pour montrer son énervement alors que les trois autres se moquaient gentiment de lui. Il ne put cependant pas garder son expression boudeuse bien longtemps. L'hilarité de ses amis - et plus particulièrement le rire communicatif de Jin - provoqua la sienne.

내눈을 마주치는 너를 원해 (I want you who makes eye contact with me)

다시나를 원하는 널 원해 (I want you who wants me again)

제발떨어지지 말어 (Please don't fall)

스러지려하지 말어 (Please don't collapse)

Never, never fall

멀리멀리 가지 마 (Don't go far far away)

L'odeur âpre du café parvint aux narines de Yoongi dès qu'il poussa la porte du lieu public. Son estomac montra son empressement à avaler quelque chose en émettant un son peu gracieux. Son addiction à la caféine n'était un secret pour personne. Il était capable d'en boire une quantité astronomique. Hors, ce jour-là, il avait été dans l'incapacité d'en boire la moindre goutte. Son corps tout entier en réclamait depuis la pause déjeuner. Alors, dès que ses cours avaient pris fin, il s'était empressé de rejoindre le lieu de travail de son plus vieux colocataire.

En jetant un rapide coup d'œil aux clients présents, il remarqua la chevelure rousse de son colocataire. Ce dernier regardait avec beaucoup d'attention une vidéo sur son téléphone. D'une démarche qui se voulait nonchalante, le brun se dirigea vers son colocataire. Sans faire le moindre bruit, il s'installa sur le siège libre. Hoseok semblait perdu dans sa contemplation d'une énième chorégraphie complexe. Alors qu'il attendait que son ami remarque sa présence, Yoongi détailla avec beaucoup d'attention la table. Quelques plats recouvraient sa surface et une tasse était posée relativement près du rouquin.

« Tu comptes faire tomber le contenu de ta tasse, Seok ? »

L'étudiant en droit ne put retenir un sourire satisfait alors que son colocataire se cognait le genou contre la table dans son sursaut. Après avoir juré dans sa barbe inexistante, Hoseok lui jeta un regard mauvais. Dans son bond, il avait manqué de faire tomber son précieux téléphone portable - il lui avait coûté un bras alors il y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Yoongi aurait pu organiser son enterrement si le smartphone était tombé au sol.

« Tu ne peux pas prévenir les gens quand tu arrives ?, lui demanda le rouquin. Ou faire comme les gens normaux : prévenir de ta présence avant de t'asseoir.

-Et comment je fais ça ?, sa voix avait pris des intonations sarcastiques. Je me mets à faire des claquettes jusqu'à ce que tu me remarques ?

-Un raclement de gorge aurait suffi, lui répondit Hoseok. Mais te voir faire des claquettes est l'un de mes fantasmes. »

Une grimace profondément écœurée naquit sur le visage du brun. Dégoûtant. Yoongi savait que son colocataire blaguait - il affichait de sourire de cinglé qui ne pouvait être que le synonyme d'une blague de mauvais goût - mais, il ne supportait pas d'être relié, de près ou de loin, au mot fantasme.

« Tiens tes hormones, marmonna-t-il.

-Mes hormones vont très bien, la voix amusée du coloré lui donnait envie de le frapper. Comment vont les tiennes ?

-Elles ne me font pas fantasmer sur mes potes faisant des trucs étranges, prononça-t-il alors que le sourire de Hoseok s'élargissait. Arrête de sourire comme ça sinon j'appelle la SPA.

-Pour une fois que ce n'est pas l'hôpital psychiatrique. »

왜난 아직도 너를 포기 못해 난 (Why can still not give up on you?)

시들어진추억을 붙잡고 (I hold onto the withered memories)

욕심인걸까?(Is it greed?)

지는계절을 되돌리려 해 돌리려 해 (The lost seasons I try to restore, I try to restore them)

Enfermé dans sa chambre, Jimin parvenait à suivre la conversation aussi animée qu'inintéressante de ses amis. Il s'était exilé dans la pièce afin de trouver un minimum de calme et de refaire une nature morte potable. C'était peine perdue. Le rire de Jin était particulièrement bruyant et Taehyung ne connaissait pas le sens du mot silence. L'étudiant en arts avait déjà fait plus d'une cinquantaine de croquis et aucun ne lui plaisait. Il n'arrivait même plus à se remémorer les traits qu'il avait tracés, quelques heures auparavant, dans le parc. Un long soupir quitta ses lèvres alors qu'il lançait un énième morceau de papier à l'autre bout de sa chambre. Il entendit la porte s'ouvrir alors que, à cause de l'énervement, il lançait son crayon contre le mur. Il n'allait jamais y parvenir. Le raclement d'une chaise contre le sol lui arracha une grimace. Il détestait ce son. Il jeta un regard noir à l'intrus qui venait de poser la chaise juste à côté de la sienne. Jungkook lui offrait un sourire aussi compatissant que moqueur.

« N'ouvre surtout pas ta bouche, le menaça le blond de son index. Je te jure que si tu l'ouvres, je te frappe.

-L'accumulation de problèmes ne te réussit vraiment pas, remarqua le plus jeune alors que Jimin lui donnait un léger coup de poing dans l'épaule. Eh ! J'ai rien fait !

-Je t'ai dit de la fermer. »

Le blond récupéra son crayon et ignora le ricanement de son cadet. Une moue défaitiste apparut sur son visage dès qu'il posa la mine de carbone contre le papier. Il aurait tout donné pour faire un portrait. Jimin ne portait pas réellement d'attention au regard insistant de son cadet. Jungkook ne s'intéressait pas à l'art - il avait plutôt tendance à esquiver tout ce qui s'y rapportait. Cependant, il avait toujours porté un intérêt remarquable pour le travail de son ami. Il lui était déjà arrivé d'observer son colocataire sans bouger d'un millimètre.

« Pourquoi tu ne détournes pas le sujet ? »

Jimin venait de froisser une énième page de son carnet de dessins quand le lycéen lui posa cette question. À travers le verre de ses lunettes, il jeta un bref coup d'œil au châtain. Ce dernier observait, avec une attention particulière, l'une de ses œuvres personnelles. L'étudiant esquissa un sourire nostalgique lorsqu'il détailla le croquis. Les traits formaient abstraitement les silhouettes endormies et entremêlées de Jungkook et Taehyung. Si ses souvenirs étaient bons, à cette époque, les deux garçons n'étaient pas encore amis. Ils passaient leur temps libre à se hurler dessus et à se chercher. Leur alchimie était née plusieurs mois après leur rencontre. Jimin l'avait pourtant compris dès l'instant où Jungkook avait frappé. Et il ne s'était pas trompé.

« Qu'est-ce que tu veux dire par détourner le sujet ?, l'interrogea-t-il.

-Fais de ta nature morte quelque chose qu'il te plaît, le châtain chercha ses mots pour approfondir son idée. Genre du fait un portait à partir de fruits.

-Tu veux que je fasse un Giuseppe Arcimboldo* ?, le plus jeune lui jeta un regard perdu. T'es un génie, Kook ! »

타올라붉게 활활 (Blaze them brightly, flare)

다아름다웠지 우리의 길 위엔 (It was all pretty, wasn't it ? Our pathroads)

근데시들어버리고 (But it all withered)

낙엽은눈물처럼 내리고 (The dead leaves fall down like tears)

바람이불고 다 멀어지네 all day (The wind blows and everything drifts apart all day)

비가쏟아지고 부서지네 (The rain pours and shatters)

마지막잎새까지 넌 넌 넌 (Until the last leaf, you you you)

Dans le réfrigérateur, les aliments sains se faisaient rares. Les plats simples et rapides à préparer - la plupart étaient des burgers dont il était impossible de deviner l'origine de la viande - régnaient en maître dans l'espace clos. Les quelques fruits et légumes se faisaient malmener par la malbouffe. Cette vision accablait Jin. Ses colocataires n'avaient visiblement pas le courage de nettoyer un pauvre concombre. À croire qu'ils avaient tous développé une allergie à l'effort. Une salade composée était toujours meilleure qu'une pizza quatre fromages dégoulinante de gras. Ils ne semblaient cependant pas s'en rendre compte. La simplicité valait toujours plus que la santé.

Une grimace déforma le visage du serveur alors qu'il sortait tous les aliments nécessaires pour préparer une salade de riz. Les tomates et poivrons indispensables pour réaliser le plat - les poivrons ne l'étaient pas réellement, mais tous appréciaient le goût en plus qu'ils apportaient à la salade - étaient cachés derrière une pile de plats à réchauffer. Les œufs étaient aux abonnés absents, mais cela n'étonnait pas Jin. Les deux plus jeunes avaient été chargés de faire les courses et ils n'aimaient ça. Le coloré haussa les épaules dans un geste de résignation. Il pouvait bien préparer de faire sans.

Alors qu'il ouvrait un placard - celui qui se trouvait juste au-dessus de la plaque chauffante - pour y récupérer deux boîtes de thon, il sentit deux bras enserrer sa taille et une tête se poser contre son épaule. Il n'avait pas besoin de voir son visage pour deviner que Taehyung lui réclamait de l'attention. Le décès de la vieille femme l'avait énormément peiné. Il s'était senti responsable de sa mort alors qu'il ne l'était pas. Jin comprenait ce que pouvait ressentir son cadet. Aesook était aussi un membre de sa famille - sa grande-tante qui lui offrait les gâteaux dont il raffolait pour son anniversaire et qui le couvrait de bisous baveux. Elle lui manquait aussi.

« Tu penses qu'elle est fière de moi ? »

Entendre la voix de Taehyung aussi fragile lui causait une peine immense. Jin avait toujours su que son cousin cachait son manque de confiance par un caractère haut en couleur. La tendance qu'avait le brun à douter de lui-même s'était atténuée avec le temps. Cependant, l'anniversaire de la mort d'Aesook faisait revenir son ancien caractère.

« Je suis certain, lui répondit-il. Tu es l'une des plus belles personnes qui existe sur Terre.

-Mais je suis gay, précisa Taehyung. Elle devrait avoir honte de son petit-fils. »

Bien qu'il ne la hurle pas sur tous les toits comme Jungkook pouvait le faire, l'étudiant n'avait jamais eu honte de sa sexualité. Il était gay, point. En bons catholiques pratiquants, ses parents l'avaient rejeté. Taehyung avait commencé à vivre à l'appartement durant cette période et ne semblait pas réellement faire attention à l'opinion des autres. Ses géniteurs avaient fini par accepter son attirance pour les hommes, mais il avait refusé de retourner vivre chez eux. Jin se sentait presque en colère d'entendre de tels mots de la part de son cousin.

« Ne raconte pas de la merde, le gronda-t-il. Tu sais très bien qu'elle n'aurait pas fait attention à ton orientation sexuelle. Pour une vieille, elle était très ouverte d'esprit.

-Comment tu le sais ?, le questionna Taehyung.

-Elle a rencontré Jungkook, lui rappela-t-il. Et tu l'as toujours connu bisexuel. »

Un large sourire se dessina sur le visage du serveur lorsqu'il sentit son cadet acquiescer en silence. Il avait rendu le cœur de Taehyung plus léger et il en était incroyablement heureux.

내눈을 마주치는 너를 원해 (I want you who makes eye contact with me)

다시나를 원하는 널 원해 (I want you who wants me again)

제발떨어지지 말어 (Please don't fall)

스러지려하지 말어 (Please don't collapse)

Never, never fall

멀리멀리 가지 마 (Don't go far far away)

Les mains dans les poches de son jean, Hoseok montait les marches qui le conduiraient à l'appartement. Son estomac criait famine depuis qu'il était entré dans le hall de l'immeuble. La simple idée de manger un plat cuisiné par Jin lui mettait l'eau à la bouche. Il avait rapidement distancé Yoongi et Namjoon qui parlaient calmement de leur journée de cours, quelques marches plus bas. Ils avaient croisé l'étudiant en sciences sur le chemin du retour, et puisqu'ils se rendaient au même endroit, ils avaient décidé de faire la route ensemble. Bien que cela semble logique pour le commun des mortels, ça ne l'était pas pour eux. Ils aimaient vraiment trop emmerder les autres pour agir logiquement.

« Tu pourrais nous attendre !, hurla Namjoon qui, quelques marches plus bas, semblait ennuyé par le comportement du rouquin.

-C'est mort !, beugla Hoseok, la main sur la poignée. Je crève la dalle ! »

Sans prendre le temps de les laisser le rejoindre, il poussa légèrement la porte. L'odeur de pieds que dégageaient toutes les chaussures présentes dans l'entrée était insoutenable. Alors, pour y échapper le plus rapidement possible, il enleva ses chaussures et les lança dans la pile qui semblait être la sienne. Son ventre émit un son plaintif dès qu'il posa un pied dans le salon. Il avait l'impression de ne rien avoir mangé de la journée et la délicieuse odeur qui lui parvenait lui mettait l'eau à la bouche. 

Baby you girl 놓지못하겠는걸 (Baby you girl, I can't hold onto you)

Baby you girl 포기못하겠는걸 (Baby you girl, I can't give up on you)

떨어지는낙엽들처럼 (Like the dead leaves that fell)

이사랑이 낙엽들처럼 (This love, like the dead leaves)

Never, never fall

시들어가고있어 (It's withering)

Le bruit d'une conversation animée parvenait aux oreilles de Taehyung alors qu'il terminait la salade de thon. Il n'eut aucun mal à reconnaître la voix enjouée de Hoseok qui réclamait de la nourriture. Juste à sa droite, en train de superviser le moindre de ses mouvements, Jin semblait dépité par le comportement du garçon hyperactif. D'autres voix, plus calmes et ennuyées, attendaient patiemment que le rouquin se taise de lui-même. C'était peine perdue.

« Au lieu de gueuler comme un mal propre, va donc à table !, s'énerva Jin depuis la cuisine. Tu peux emmener la salade à table ?, demanda-t-il au brun. Je vais chercher Chim et Kook. »

Le plat de salade entre ses deux mains, l'étudiant le suivit jusqu'au salon. Un sourire amusé lui échappa lorsqu'il remarqua la présence de Hoseok sur la chaise qui lui était désignée. Personne n'osait désobéir à Jin. Il était capable de tous les gérer sans jamais ciller. Parfois, Taehyung avait l'impression qu'il jouait un rôle de mère célibataire. L'étudiant appréciait les moments où il pouvait manger avec tous ses colocataires. La plupart du temps, ils s'isolaient tous pour travailler. Le brun ne supportait pas de manger seul alors il venait souvent dans la cuisine pour grignoter quelque chose ou partager un repas avec Jin. Ses colocataires étaient une seconde famille et rien ne le rendait plus heureux que de passer du temps avec eux. Il se sentait bien en leur présence.

« J'espère que c'est aussi bon que ça en a l'air, blagua Hoseok alors qu'il posait le plat au milieu de la table.

-On a ajouté de l'arsenic, rétorqua-t-il sur un ton qui se voulait sérieux. On s'est dit que ça vous ferait plaisir. »

Never,never fall

Never, never fall

*Je reprends un concept français (et encore, on ne le fait pas dans toutes les régions). Pour ceux qui ne le savent pas, dans certaines régions, on fête le percent. En gros, cent jours avant le bac(c'est une approximation), tu sors déguisé dans les rues et tu réclames de l'argent pour la soirée qui se déroulera le soir(logique). Je l'ai juste fait à ma sauce.

*Un film de série B est, à l'origine, un film tourné avec un petit budget de production, distribué sans campagne de pub, et projeté en première partie d'un double programme. On l'utilise souvent pour désigner les mauvais films maintenant. Et si on reprend Patrick :comme dans un film de série B, on est tous les deux mauvais.

*Giuseppe Arcimboldo est le mec qui a fait des portraits à partir de fruits (c'est le mec qui a fait les plus connus). C'est tellement sexy. lmao

Shame on me ! J'ai mis plus de trois mois à écrire ce chapitre et je ne sais absolument pas si j'en suis satisfaite.

J'ai l'impression que la relation entre Taehyung et Jungkook fait too much. Je voulais faire comprendre la complexité de leur relation et j'ai l'impression que ça ne marche pas. Enfin bref. Sans prendre en compte tout ça, j'aime bien ce chapitre. Particulièrement les parties de Jin. Je pense clarifier les liens qui unissent Jungkook et Yoongi (vous avez certainement remarqué qu'ils ont quelques trucs en commun) car elle va être vachement important pour Baepsae.

Sur ces beaux mots, je vous laisse. N'hésitez pas à donner votre avis et à voter. Ça fait toujours plaiz'