La forteresse sombre
Bonjour à tous,
comme promis, le second chapitre de la fic. Merci pour vos premiers retours enthousiastes et j'espère que ça vous plaira.
Merci à Nouchette et Myriam pour leurs yeux de Lyn.
Et sinon, une petite annonce toute personnelle. Ce week-end à Paris, se tient la Ycon (Yaoi Yuri Con pour les intimes), le salon des homoromances. Je serai sur place les deux jours sur le stand de Mix Editions pour signer mes deux bouquins. Si le cœur vous en dit, vous pouvez passer me faire un coucou. Demandez Cha, je serai dans le coin ;)
Bisous à tous et bonne lecture.
Stiles mit plusieurs jours à reprendre pleinement conscience. Il ne se souvint jamais du reste du trajet effectué à dos de griffon. C'était à peine si quelques bribes lui revenaient, des gestes, des mots, la sensation rugueuse d'un tissu de jute dont on l'enveloppait comme un vulgaire sac de grain, des odeurs de bouillon clair et de plantes médicinales. On lui avait fait boire et manger des choses. Certaines délicieuses, d'autres infectes. Ces dernières revenaient le plus souvent, mais il n'avait pas la force de se débattre.
Il se souvint également avoir déliré, appelé Scott et son père. Mais personne n'était venu. Les voix et les visages flous demeuraient inconnus. Prisonnier de la fièvre, les cauchemars se succédaient tandis qu'il s'imaginait assailli par des hordes de griffons enragés. Eux aussi, il cherchait à les repousser, mais ces ombres s'évanouissaient toujours. Le plus souvent dans ce déluge de nouvelles teintes – les couleurs – qu'il avait entrevues avant de sombrer.
Pourtant, il recouvra petit à petit ses forces et sa lucidité. Et quand il fut en mesure de rouvrir les yeux assez longtemps pour faire le point, il se trouva nez à nez avec la frimousse curieuse d'une petite fille. Stiles la détailla, déboussolé, et nota ses vêtements. Une combinaison de tissu grossier, typique des domestiques servant à l'intérieur des Forteresses.
_Ma maman, elle dit que tu es malade, mais que tu vas pas mourir. Dis, tu vas pas mourir ?
La voix de l'enfant sonnait haut perchée. Un peu nasillarde. Stiles grimaça et se redressa, la tête aussi lourde qu'une courge.
_Bah, pas aujourd'hui visiblement. Enfin je te redirai ça demain. Ou le jour d'après... Dis, tu sais où je suis ?
La gamine secoua la tête avant de porter son pouce à sa bouche, le suçotant. À ce moment, une femme entre deux âges entra dans la pièce, chargée d'un plateau sur lequel un bol de bouillon fumait.
_Aly, file de là, houspilla-t-elle la gosse.
Stiles regarda la nouvelle arrivante poser le plateau à côté de la paillasse qui lui servait de lit. Il fronça les sourcils quand elle fit mine de s'esquiver sans même lui jeter un coup d'œil, la fillette sur ses talons.
_Madame ! l'interpella-t-il en se redressant.
Elle sursauta et jeta un regard inquiet à la porte, mais se tourna néanmoins vers Stiles, les sourcils froncés
_Tais-toi, le gronda-t-elle. S'ils nous entendent parler, nous serons battus. Moi, en tout cas...
_Qui ça « ils » ? Les lycans ?
Elle hocha la tête et quitta la pièce sans demander son reste. La lourde porte claqua derrière elle et Stiles comprit qu'il était plus ou moins prisonnier de ce réduit dont il était le seul occupant. Une pièce misérable, minuscule, des murs à la chaux écaillée, pas de fenêtre et quelques tissus usagés en guise de matelas.
Pourtant, la température agréable et le fumet du bouillon qui embaumait à côté de lui donnaient à l'endroit des airs de palace. Stiles se redressa et tendit une main encore tremblante vers la nourriture. Il eut un moment de doute mais décréta rapidement que si les lycans avaient voulu l'empoisonner, ils ne l'auraient pas remis sur pied au préalable. À moins d'être foutrement tordus. Ou sadiques. Ou les deux à la fois...
Il souffla sur le bouillon avant d'en porter une cuillère à sa bouche. La soupe était clairette, elle lui parut pourtant délicieuse. Stiles comprit pourquoi en y voyant flotter des morceaux de viande, certes rachitiques mais bel et bien réels. Même en se concentrant, il était incapable de se rappeler la dernière fois qu'il en avait mangé. Il termina le bol en un temps record.
Et n'eut plus rien à faire de la journée que de se rendormir épisodiquement pour reprendre quelques forces supplémentaires. De même les jours suivants. Sa seule distraction résidait dans le passage de la domestique qui venait lui apporter son bouillon et, deux fois par jour, une infâme tisane qu'elle le forçait à boire jusqu'à la dernière goutte.
Mis à part ça, Stiles tournait perpétuellement en rond entre ces quatre murs. Il crut devenir dingue à guetter le bruit des pas et de ce qui se passait de l'autre côté de la porte. Bientôt, il eut retrouvé assez d'allant pour se lever. Faire les cent pas dans sa cellule ne l'occupa qu'un moment et la longue attente reprit, le laissant seul face aux idées qui tournicotaient dans sa caboche. Autant d'insupportables et volubiles moucherons.
À en croire le nombre de visites de la domestique, quatre jours entiers s'écoulèrent encore. Puis, alors que Stiles comptait pour la énième fois les taches de rouille sur les poutrelles du plafond, le battant de sa porte fut violemment repoussé. Surpris, il se redressa d'un bond pour se trouver nez à nez avec un lycan de rang inférieur. Sans doute un garde.
Ce dernier fronça le nez de dégoût en entrant dans la pièce et son regard n'exprima que dédain en se posant sur Stiles.
_Il empeste comme la mort elle-même. Toi, là ! héla-t-il en passant la tête par la porte. Va chercher de l'eau et des fers à tondre. Hors de question que cette vermine soit présentée à l'Alpha dans cet état.
Seul un bruit de cavalcade lui répondit alors que le lycan ressortait pour se tenir dans l'embrasure de la porte, le dos tourné. Stiles envisagea de lui poser ses questions, dévoré par la curiosité que la domestique n'avait jamais voulu satisfaire, mais il savait d'avance que c'était inutile. Alors il attendit, de plus en plus inquiet quant à la suite des événements.
La domestique revint et pénétra dans la cellule en rasant les murs, visiblement terrorisée. Le loup la suivit, toujours aussi dédaigneux.
_Décrasse-moi ça. Et débarrasse-le de cet infâme nid à merde qui lui sert de tignasse !
La jeune femme commença par là et Stiles contempla avec une amertume grandissante les touffes agglomérées qui tombaient au sol. Certes il y avait un sacré bail que son pelage, comme l'appelait Scott, aurait mérité un bon rafraîchissement. Mais Stiles n'avait jamais envisagé que cela puisse se faire de cette manière. Contre son gré. Il se sentait dépossédé de son propre corps alors que l'air frais caressait la peau mise à nu de son crâne.
Quand la jeune femme eut terminé, elle se pencha pour récupérer un linge dans la bassine de cuivre qu'elle avait amenée. Elle l'essora et tendit la main vers Stiles. Il la repoussa plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.
_Je peux encore me laver tout seul...
Elle coula un regard anxieux au lycan. Celui-ci observait la scène d'un air blasé.
_Je m'en branle de qui fait quoi, mais magnez-vous le derche !
Stiles se dépouilla de ses hardes, ne gardant qu'un vieux pagne qui lui servait de sous-vêtements depuis il ne saurait dire quand. L'eau de la bassine était fraîche sur sa peau. En dépit de la situation, il se surprit à en savourer le contact. Mais le liquide cristallin s'assombrit rapidement, un peu plus à chaque fois que Stiles essorait le tissu.
Pourtant son épiderme retrouva pour la première fois sa souplesse et sa teinte laiteuse. Stiles s'amusa de voir ses grains de beauté, jusque-là une série de petits points sombres, lui apparaître de la même couleur – Dieu que ce mot semblait étrange – que la bassine de cuivre. Le jeune homme savoura la sensation de propre et soupira de bien-être.
La servante lui tendit ensuite un uniforme assez semblable au sien, si ce n'est qu'il avait été taillé pour un homme. Stiles l'enfila sans attendre, le lycan commençant à manifester des signes d'impatience. Quand l'humain eut noué le cordon de son pantalon et enfilé la chemise, leur gardien s'écarta du mur contre lequel il s'était adossé.
_Ça ira comme ça. Suis-moi, ordonna-t-il.
Il sortit sans se retourner et Stiles comprit qu'il avait fort intérêt à lui emboîter le pas.
Via un dédale de couloirs lugubres, assemblage de poutrelles sombres et de plaques de verre fumé, Stiles fut conduit jusqu'à une vaste salle. Le plafond en était si haut qu'il ne parvint pas à le distinguer, perdu au milieu d'un enchevêtrement de bardeaux métalliques. D'immenses verrières s'ouvraient sur l'extérieur et Stiles écarquilla les yeux en comprenant qu'il avait été amené dans la plus haute pièce de la tour principale. À cette hauteur, le sommet du donjon se perdait au beau milieu de la couche nuageuse dans laquelle baignait de ciel.
Un intense vertige saisit le jeune homme. L'impression de voler, perdu quelque part dans un monde inconnu, cotonneux, et dont la clarté diaphane lui agressait les pupilles. Il vacilla un instant, mais son gardien lycan le poussa en avant.
_C'est bon, je sais marcher, grommela Stiles entre ses dents.
Un grondement sauvage retentit derrière lui, l'informant que le lycan l'avait parfaitement entendu. Stiles décida de faire profil bas et avança. La tête respectueusement baissée, il ne distingua pas les visages des Surnaturels massés de chaque côté de l'allée qu'il remontait. Seuls des reniflements de dédain et quelques ricanements lui parvinrent. Stiles frissonna, se faisant l'effet d'un petit animal piégé au milieu des prédateurs.
_Approche, ordonna l'alpha de sa voix grondante.
Comme ce jour-là, au plus profond des Basses-Terres, l'ordre s'enroula autour des membres de Stiles qui ne put refuser. Ses pas le portèrent jusqu'à une estrade de marbre sombre, mais délicatement veiné d'une couleur se rapprochant de celle de la peau. Il s'agenouilla.
Quel intérêt de mettre de la couleur lorsqu'on ne la distingue même pas ? ironisa intérieurement Stiles.
_Ton nom ?
Stiles ouvrait déjà la bouche pour répondre quand Peter le coupa.
_Non, en fait, quelle importance ?
Les lycans ricanèrent et l'alpha se leva. Bientôt, la pointe de ses bottes de cuir s'invita dans le champ de vision du jeune homme. Du bout du pied, Peter lui releva le menton. Stiles se laissa faire, attentif à ne pas fixer l'alpha qui le dévisageait avec un rictus ironique.
_Tu n'es plus aussi mourant que la dernière fois que je t'ai vu.
_Je vous remercie pour vos soins, Alpha.
Peter éclata d'un grand rire.
_Il me remercie. Il me remercie. Si ce n'est pas la chose la plus adorable que j'ai entendue de ma vie...
Le ton de l'alpha ne laissait rien ignorer du dégoût que devait lui inspirer la naïveté. Stiles se fit violence pour demeurer silencieux face aux rires de hyènes de la meute. Une cour de fauves à peine dressés, un parterre de flatteurs qui n'attendaient que la première faiblesse de l'alpha pour le terrasser et prendre sa place.
_Derek, appela Peter.
_Oui, mon oncle ?
Stiles frissonna en reconnaissant la voix grave. Cette étincelle inconnue s'agita de nouveau en lui, celle qu'il avait ressentie quand le lycan l'avait touché. Elle fleurit dans ses veines à mesure que le jeune loup s'approchait de son oncle, le pas rigide et ferme. Il se planta juste derrière l'alpha, dans une position d'attente.
Un bon petit soldat, réalisa Stiles avec amertume.
En dépit de son désarroi, la flamme qui embrasait ses sens refusait de se taire. Comme si cette chose en lui était dotée d'une conscience propre et qu'elle se réjouissait de la proximité du lycan.
Trahi par son propre corps...
_Que penses-tu de ce petit agneau, Derek ? susurra Peter.
Un tremblement glacé dévala l'échine de Stiles. L'étincelle en lui s'était figée, dans l'attente semblait-il. Cela le terrifia plus que tout, car le jeune homme comprit que la réponse du lycan revêtait d'ores et déjà une importance décisive. Mais pourquoi ?
_C'est un mortel...
Ni mépris, ni colère, ni dédain. Rien.
Les mots du lycan ne comportaient pas la moindre émotion.
Une parfaite indifférence.
Sans l'avoir vu venir, Stiles sentit ses jambes faiblir et ses épaules ployer sous le poids de l'abattement. Il ne comprenait même pas pourquoi cela le déboussolait autant. Était-ce lié à ce phénomène qui l'avait affecté lorsque Derek l'avait touché ? Ce flot de magie qui avait circulé entre eux ?
_Un simple mortel, chantonna alors Peter d'une voix guillerette. Peut-être bien. Ou peut-être qu'il pourrait nous être plus utile que les autres larves de son espèce.
Peter se pencha pour agripper le menton de Stiles, de ses doigts cette fois. Le jeune homme croisa le regard de l'alpha. Il ne put le soutenir plus de quelques secondes tant celui-ci le vrilla.
_Je pourrais te tuer, mon agneau. Sans même que ton sang souille mes mains. Ce qui perd de son intérêt, tu en conviendras. Je suis sûr qu'il aurait une saveur délicieuse.
L'alpha se passa la langue sur les lèvres, une lueur de folie dansant dans le regard. Sa voix trop douce terrifiait Stiles, mais il refusa de reculer. Il soutint les yeux clairs. Personne n'intervint dans la salle. Personne ne devait jamais intervenir...
_Tu es courageux, ronronna Peter. Trop pour ton propre bien, petit agneau. Mais j'aime ça. Cela rendra les choses plus... divertissantes.
Quelles choses ? Est-ce que ce timbré prévoyait de le torturer avant de le mettre à mort ?
Les narines de l'alpha frémirent et il inspira, se délectant d'une fragrance qu'il était le seul à percevoir.
_L'odeur de ta terreur me ravit, petit agneau. Si douce...
Cette fois, Stiles ferma les yeux. Quitte à mourir, autant ne pas voir tomber le couperet...
_Oh non, petit agneau. Ouvre. Ouvre grand, ordonna Peter en lui agrippant les joues. Montre-moi ces jolies mirettes capables de... voir. Car tu les vois, n'est-ce pas ?
L'alpha avait chuchoté cette dernière phrase directement dans l'oreille de Stiles. Celui-ci réprima un mouvement de recul et obéit. L'odeur animale du lycan envahit ses narines, comme s'il avait soudain plongé le nez dans la fourrure de quelque bête sauvage.
Vue de près, les cicatrices de Peter étaient hideuses. Toutes de peau fondue et de chair rougie.
_Tu sais de quoi je parle, n'est-ce pas ? Les couleurs, petit agneau, susurra l'alpha. Ce n'est plus qu'un mythe en ce monde. Le Cataclysme nous a donné notre rang, mais nous a volé les couleurs. Une vieille légende, une prophétie, dit qu'en unissant l'homme et la bête, elles nous seront rendues.
La voix de l'alpha n'était plus qu'un mince filet. Perceptible de lui seul, Stiles en était persuadé. Les mots se logèrent au plus profond de son esprit et, soudain, il se mit à prier. Il pria pour que cette légende ne soit qu'un mensonge, un conte de bonne femme. Car il ne voulait rien avoir à faire avec les lycans, avec ce terrible alpha. Pour un peu, il supplierait qu'on le renvoie dans ses tranchées, dans le froid et la boue. Là où la vie est rude, là où la peur n'a ni visage ni odeur. Là où la terreur ne chuchote pas.
_Tu es à moi, petit agneau. Tu as toujours été à moi. Tu ne le savais juste pas... Sans les couleurs, nous ne valons pas mieux que des chiens. Un monde en noir et blanc, clair et sombre. Je veux être le chien qui contemple l'arc-en-ciel, gronda Peter sur une fréquence connue d'eux seuls. Je veux être un loup. LE loup.
La colère commença à prendre le pas sur la peur chez Stiles. Dans sa cage thoracique, son cœur se déchaîna avec violence contre ses côtes.
Il ne sait même pas ce qu'est un putain d'arc-en-ciel, nom de Dieu !
Au fond de lui, un instinct venu de nulle part le poussa à se reculer violemment lorsque Peter passa son doigt sur sa joue en un simulacre de caresse. L'alpha n'avait aucun droit sur lui. Stiles ne devait rien lui donner, et surtout pas les couleurs.
_Vous n'êtes pas un loup, cracha-t-il, replié sur lui-même comme un animal furieux. Vous n'êtes même pas un chien. Vous n'êtes rien !
En un instant, tout bascula. La couleur du sang s'invita dans le regard de l'alpha et une aura de folie furieuse envahit la salle. Stiles la sentit tourbillonner tout autour d'eux. Elle chercha à s'enrouler autour de lui, à le soumettre alors que tous les loups se mettaient à gronder. Étonnamment, il résista sans peine à l'ordre informulé.
Stiles eut l'impression que ce moment se prolongeait toute une éternité durant. Soudain, l'alpha dévoila ses crocs et fit mine de se jeter sur lui. Alors que Stiles se préparait déjà à ressentir sa morsure et reculait, terrorisé, Peter fut ceinturé par son neveu. Celui-ci arborait un air féroce et déterminé. Un instant, Stiles crut qu'un combat à mort allait s'engager entre les deux lycans.
Peut-être aurait-ce été le cas s'ils en avaient eu le temps. Derrière eux, les portes de la salle noire s'ouvrirent. Deux immenses battants, aussi hauts que trois hommes, et pourtant projetés contre le mur comme des fétus de paille. Toute la salle se figea.
Au figuré pour l'alpha et son neveu, et au propre pour le reste de la meute qui se trouva paralysée, statufiée en plein mouvement, certains dans des pauses plus ridicules que menaçantes. Après l'absence de mouvements, vint celle du son. Le temps et l'espace semblaient s'être écroulés autour de la petite bulle qui enveloppait Stiles et les deux lycans.
Du moins, jusqu'à ce qu'un rire moqueur leur parvienne. Dans l'encadrement de la porte, se tenait un humain. Stiles écarquilla les yeux en découvrant l'accoutrement de ce type. Il ne portait ni l'uniforme des esclaves ni celui des domestiques, et encore moins celui des Superviseurs. Ses jambes étaient moulées dans un pantalon de toile tandis que les lanières de bottes de cuir montantes enserraient ses mollets jusqu'aux genoux. Son torse était couvert d'une simple chemise claire aux attaches métalliques, celle-ci partiellement dissimulée par une veste. Taillée dans un tissu plus sombre, cette dernière descendait jusqu'aux chevilles de l'homme qui se tenait bien droit, les jambes écartées, une clope au coin de la bouche et une pétoire négligemment glissée sur son épaule.
Stiles nota une foule de petits détails en un rien de temps. L'attitude ouvertement sardonique de l'homme alors qu'il fixait les deux loups, la manière dont ses courts cheveux bruns étaient ébouriffés, comme s'il avait l'habitude d'y passer la main, le liseré sombre qui encadrait ses paupières frangées de longs cils. Et finalement, en tout dernier lieu, Stiles remarqua un deuxième homme.
Surgi de l'obscurité de la porte dans laquelle il s'était tenu jusqu'ici. Là où le premier était taillé pour la castagne, le second dégageait une incontestable majesté. Une aura de mélancolie enveloppée d'une infinie sagesse. Lui ne portait qu'un pantalon de cuir, les mêmes bottes que son acolyte et un T-shirt sans manches qui dévoilait les tatouages intensément colorés de ses bras. Des fleurs et des créatures que Stiles n'avait jamais croisées dans aucun livre étaient représentées à même la peau diaphane de l'homme.
Des lettres marquaient également ses avant-bras qu'il avait croisés sur son torse finement musclé. Stiles déchiffra péniblement les arabesques entrelacées de fleurs de lys et de feuilles d'acanthe.
« Angel of the Lord »
Tels étaient les mots encrés à même la peau.
Stiles releva précipitamment la tête et rencontra le regard de l'homme. Le regard...
_Bleu, lui souffla une voix dans son esprit.
Cette même voix que Stiles avait entendue avant de s'évanouir dans les tranchées, lorsque les loups l'avaient pris.
_Mes yeux sont bleus, précisa la voix, car je suis né en contemplant la mer des mondes.
Les lèvres de l'homme ne bougeaient pas tandis qu'il observait Stiles, impénétrable, la tête légèrement penchée sur le côté.
Quelle était donc cette créature ?
_Mon nom est Castiel. Je suis un ange du Seigneur.
Voilà qui n'avançait pas davantage Stiles...
Un lent sourire se forma sur les lèvres fines de l'homme. Non, de l'ange. Une des nombreuses créatures mythiques auxquelles croyaient les humains avant le Cataclysme. Mais Stiles n'en avait jamais croisé dans le monde de l'Après. Il ne savait rien d'eux ou de leurs pouvoirs. Pouvait-il entendre ses pensées ?
En réponse, Castiel hocha la tête et Stiles sursauta.
À ce moment, l'homme qui l'accompagnait dut épuiser ses dernières réserves de patience. Il laissa tomber son mégot au sol et octroya à son acolyte une vive bourrade.
_C'est bon, Cas ? T'as fini tes messes basses ? J'peux récupérer le colis ?
_Fais donc, Dean, acquiesça l'ange.
L'homme aux allures de chasseur s'approcha alors de Stiles. Ce mouvement sembla rendre leurs esprits aux deux loups qui n'avaient pas été paralysés par une force inconnue, mais bien par la surprise.
_Tut, tut, tut, mes loulous, ricana le dénommé Dean en armant sa pétoire. On ne bouge pas, ou je vous loge tellement de balles d'argent dans le cuir que vous aurez l'air d'armures cloutées pour les trois semaines à venir.
Les deux lycans s'immobilisèrent à nouveau, grondant et partiellement transformés. Désormais, rien dans cette gueule canine et poilue ne laissait ignorer leur nature bestiale. Stiles recula prudemment tandis que le dénommé Dean se mettait à rire en agitant son fusil.
_Jolies quenottes, les gars. J'en ai tout un collier des comme ça...
De sa main libre, il écarta le col de sa chemise. Le mouvement dévoilait effectivement une série de crocs enfilés comme des pendentifs entre les perles d'un chapelet. À cette vue, les deux lycans grondèrent plus férocement que jamais, mais reculèrent d'un pas.
_Bons toutous... Tu viens, gamin ?
Quand Dean lui dédia un clin d'œil gouailleur, Stiles fut certain que c'était bien à lui qu'il s'adressait. Méfiant, il hésita.
_Te bile pas, le rassura aussitôt Dean en se plaçant entre lui et les lycans déchaînés. Cassou va nous sortir de là sans bobos.
Le sourire canaille était si ingénument sincère que Stiles se décida en un instant à accorder sa confiance à ce guerrier aux airs de grand gamin. Il attrapa la main tendue de Castiel qui s'était approché sans un bruit et se remit sur pieds.
_Merci.
_Hey, Cas. Tu les décongèles avant de partir ? s'esclaffa Dean en désignant la meute des loups pétrifiés.
_C'est lui qui a fait ça ?
Stiles demeurait bouche bée, son regard voyageant rapidement des lycans à l'ange. Dean se contenta de rire de son expression éberluée.
_Et encore, t'as pas tout vu, gamin. Les griffons, à côté de ses ailes, c'est des moineaux !
_Des ailes ? Comment ça des ailes ? bafouilla Stiles.
Mais au même moment, il fut happé par un bras puissant, plus dur qu'un roc, tandis qu'un bruit de plumes agitées par la brise lui parvenait aux oreilles. Sa dernière vision avant de s'envoler fut celle du visage de Derek. Le lycan semblait ravagé par la rage et quelque chose qui ressemblait à du déchirement. Il s'élança vers eux, mais les trois hommes disparurent dans un claquement sonore.
J'espère que ça vous a plu et à mercredi prochain. Bisous à tous
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