#98 Après tout
Love Poem | IU
***
Derrière moi se dessinaient les traces de ma présence et d'une marche bien trop silencieuse, j'avais fermé les yeux lorsque doucement, la brise avait effleuré mon visage tiré par l'incertitude, la peur de ne pas être écoutée, acceptée aussi. En avançant un peu plus, je m'étais dit que c'était justement ce que j'avais fait ce jour-là. Entre les pleurs, la colère et la peur, je ne l'avais pas écoutée, n'avais pas cherché à entendre rien qu'un instant, ce qu'elle avait semblé vouloir me dire.
Puis comme ça, les yeux embués par quelques perles salées, j'avais senti mon cœur battre un peu plus fort à la vue de la petite silhouette de Soo Min, là, au bord de l'eau. Dans le ciel, les rares nuages se laissaient bercer par le temps et encore plus haut, le soleil se faisait plus imposant alors que la journée s'était déjà écoulée.
Les mains tremblantes, j'entendais mon souffle se précipiter à mesure que je l'approchais, à mesure que cette voix dans ma tête me faisait comprendre, que je ne pouvais pas abandonner. Parce que j'étais blessée et incapable de surmonter cette douleur. Mais plus j'avançais et plus les mots de Namjoon résonnaient un peu plus fort, tel un sermon que j'avais sans cesse répété.
Au-dessus des transats alignés sur le sable, l'ombre des palmiers flottait, offrant un moment de répit aux peaux trop bronzées et parfois rougies. La chaleur des grains au sol n'avait pas su attirer mon attention et dans un élan de désarroi, j'avais détaillé les gestes naturels de Soo Min assise au sol, non loin de l'eau de la mer.
Là, les remords avaient commencé à m'envahir, à hanter mon esprit. J'aurais voulu rebrousser chemin, retourner me cacher sous les couvertures de mon lit et pouvoir disparaître. J'aurais voulu pouvoir régler tous ces problèmes d'un claquement de doigts, ou au moins, savoir les surmonter. J'aurais voulu si fort, posséder ce courage que détenait Jimin et cette sagesse que Namjoon semblait avoir apprivoisée.
Mais je n'avais que moi aujourd'hui. Moi et ma peur. Moi et mes pleurs.
Alors pour rien qu'une fois, être fière de moi, j'avais continué tout en ayant l'impression que la route jusqu'à elle était interminable. Elle était là, juste devant moi, à quelques pas et pourtant, elle me paraissait si inatteignable, hors de portée. Comme interdite.
Et enfin, mes pieds s'étaient arrêtés. Là, derrière elle et sans un bruit. Par moment, elle parlait toute seule, ou certainement avec ces personnes dans sa tête. Elle chantonnait, tapotait sur un sceau pour le retirer ensuite du tas de sable. J'avais posé les fesses au sol, à côté de son petit château, ou à la forme y ressemblant. Autour d'elle, quelques râteaux jonchaient le sol et entre ses mains, son sceau vert semblait prendre vie. C'est en me remarquant qu'elle avait tout lâché, comme incapable de continuer.
Je m'étais répétée que sa réaction ne devait pas m'étonner et pourtant, ses yeux dans les miens avaient su me troubler. Parce que j'y avais vu cette sincérité incroyable. Ce quelque chose si pur et innocent, comme si mes mots avaient déjà été oubliés, effacés. Et dans le silence parfois brisé par le son des vagues et des mouettes dans le ciel, j'avais soupiré, fébrilement. Trop fébrilement.
J'avais soupiré et dans un geste tremblant, j'avais dévoilé mon petit porte-monnaie pour doucement, en sortir cette petite photo abîmée par le temps. Sans doute était-ce mon dernier souvenir de cet être que j'avais tant chérie. Comme ça, le cœur retourné à la vision du visage de NaEun sur la photo, je l'avais tendue à Soo Min, espérant secrètement qu'elle ne me rejette pas.
Dans ses yeux, j'y avais vu la confusion et une grande curiosité. Une envie de demander pourquoi, et surtout qui. J'y avais vu cette hésitation. Celle qui déterminerait sa décision. Celle qui me dirait si elle acceptait ma présence à ses côtés aujourd'hui. Et malgré toute ma colère enfouie, j'avais décidé de passer au-dessus.
Délicatement, des ses doigts décorés de quelques grains de sable, elle avait attrapé la photo pour la détailler. Et pour la première fois depuis longtemps, j'avais entendu ma voix craquer sous l'émotion.
- Tu sais qui c'est? Sans doute le calme de ma voix l'avait surprise. En même temps, j'avais pincé mes lèvres parce que je le savais, je n'allais plus tarder à me briser une nouvelle fois.
Elle avait murmuré un faible 'non', sûrement réticente à l'idée que je ne puisse la gronder comme je le faisais si souvent. À mesure que le temps défilait, je sentais mes yeux s'emplir d'eau et dans un effort presque insurmontable, j'avais continué.
- Elle s'appelait NaEun... Mon souffle s'effritait lentement mais se faisait toujours perceptible à travers les bruits du paysage. Aussi, et pour m'armer de ce courage difficilement trouvable, j'avais inspiré, profondément. C'était... Mais tout me semblait encore si dur. C'était ma petite sœur.
Je n'avais pas su en être entièrement certaine, mais le vent m'avait paru un peu plus brusque à ce moment-là, plus imposant. À côté de moi, Soo Min m'observait silencieusement, la photo toujours entre les doigts et les lèvres scellées. L'espace d'un instant, je m'étais dit qu'elle ne parlerait pas, que mes mots avaient été bien trop durs pour qu'elle ne s'en souvienne pas.
- Elle... Un peu plus durement, j'avais pincé mes lèvres, le menton tremblant sous l'émotion. Elle aurait eu neuf ans cette année.
- Elle est où maintenant? Sa voix avait été si claire, si imprévisible, que j'avais légèrement sursauté.
Au loin, les rayons du soleil sur la surface de l'eau s'accordaient dans de doux et agréables reflets. La chaleur comblait mon corps et dans un murmure, j'avais poursuivi.
- Elle est au ciel maintenant.
C'est là qu'elle avait tourné la tête dans ma direction, comme touchée par mes mots. Au fond de moi, je m'étais dit qu'elle était sans doute trop jeune pour comprendre. Que la portée de mes paroles n'avait pas d'importance. Son regard avait changé toutefois. Lorsqu'elle bougeait, la lueur dans ses yeux changeait pour prendre des teintes plus sombres.
- Avec les étoiles?
En l'entendant souffler ces mots, j'avais senti mon cœur se fissurer plus fort. Et je n'avais pas su retenir mes larmes, parce que c'était encore trop difficile d'en parler malgré les années passées. Au fond, je doutais de pouvoir un jour le faire sans éclater en sanglot.
- Lune est aussi avec les étoiles tu sais? Puis je m'étais souvenue que Soo Min avait déjà parlé de Lune, avec Ji Eun. Maman m'a dit qu'il était avec les autres chats dans le ciel et que les étoiles étaient là pour les guider. Comme de la magie.
- Ta maman a raison.
- Puis un jour, on pourra les revoir, tu sais?
Je ne l'avais pas quitté des yeux durant ce court temps et malgré moi, malgré tout ce que j'avais pu me dire, je ne pouvais plus cesser de voir NaEun dans quelques-uns de ses gestes. Dans sa façon de sourire, de se laisser porter par la magie de ses histoires. Lorsqu'elle riait, ses pommettes remontaient pour doucement, cacher ses yeux et en observant ses mains, j'y avais vu ce petit grain de beauté sur l'intérieur de son poignet. Et comme NaEun, elle savourait la vie.
Si j'avais cru sentir mon cœur se fissurer quelques temps plus tôt, je l'avais entendu se briser lorsqu'elle avait finalement murmuré ces quelques derniers mots.
- Alors... elle était ton étoile?
J'avais cru mourir sous la douleur, plus que ces dernières années, plus que ce jour où j'avais tout raconté à Taehyung. Je n'avais plus su empêcher mes larmes de ravager mes joues, ni les sanglots de secouer mon cœur. J'avais bien trop mal pour pouvoir les refouler et dans un dernier geste désespéré, j'avais couvert mon visage d'une de mes mains dans l'espoir de disparaître.
Et dans le silence d'un geste que je n'avais pas prévu... Après quelques minutes passées à faire face à mes souvenirs, j'avais tout lâché lorsque doucement, bien trop doucement pour ne pas en être grisée, ses petits bras avait entouré mon cou. Lorsque ses lèvres avaient effleuré mon oreille et que son corps s'était discrètement glissé entre mes jambes. Sa petite poitrine contre la mienne et ses cheveux effleurant mon visage m'avaient fait remonter ces choses que j'avais oublié avec le temps.
La douceur d'une étreinte et l'importance du silence d'une petite fille encore trop jeune.
- Elle brille encore ton étoile... Mes sanglots avaient redoublé, saccageant mon âme et les derniers morceaux de mon cœur après ses mots trop sincères.
Ce jour-là, je m'étais excusée bien trop de fois pour avoir compté et malgré tout, ces milliers de paroles ne restaient pas suffisantes. Au milieu de la plage et à côté de ces constructions de sables imparfaites, je lui avais soufflé combien j'étais désolée, que rien n'était sa faute et qu'elle n'avait plus à pleurer.
Parce qu'elle n'était pas NaEun mais qu'elle restait celle dont je ne pouvais pas me détacher.
Parce qu'elle n'était pas NaEun, mais qu'après tout...
...elle était ma petite sœur.
***
bonjour, j'espère que vous allez bien!
je suis désolée, je pensais qu'avec le confinement, j'aurais eu la force et la motivation d'écrire un peu plus et publier, mais apparemment ce n'est pas le cas.
j'ai un blocage et à part attendre qu'il s'en aille, je ne peux rien faire de plus.
j'ai tout de même aimé écrire ce chapitre. il m'a touché en l'écrivant et j'espère sincèrement qu'il vous a plu.
faites attention à vous surtout!
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top