#96 C'était trop
Les lumières avaient lentement pénétré l'espace de la chambre à travers les volets et dans un souffle lourd, j'avais ouvert les yeux pour les refermer la seconde d'après. Je sentais mes jambes engourdies et mon corps assailli d'une douleur que j'aurai souhaité pouvoir surmonter. La vérité, c'est que j'avais beau manger, faire de mon mieux, ça n'empêchait pas cette pensée d'envahir ma tête. Je ne pouvais plus le nier, j'avais cette impression de ne pas récupérer malgré mes efforts et ma volonté à avancer.
Mon corps me paraissait toujours aussi faible, lourd par moment, m'empêchant d'en rester maître alors que je respectais les paroles du médecin.
Et alors que j'avais tenté de bouger l'une de mes jambes avec un mal que j'avais haï, un poids qui n'était pas le mien avait semblé me retenir. J'avais tourné la tête, désormais redressée et l'esprit un peu moins embrumé, pour tomber sur ce corps que j'aurai voulu ne jamais voir ici, à mes côtés et discrètement blotti contre mon dos. Là, j'avais compris que ce qui me réchauffait la poitrine depuis déjà quelques secondes, n'était que cette flamme que j'avais cru loin derrière moi.
Cette colère que je tentais chaque jour de maîtriser, de contrôler à la vue de cette fillette que je ne parvenais toujours pas à accepter malgré tous mes efforts.
Là, j'avais compris qu'une fois encore, je n'allais pas réprimer mes gestes ni mes mots et j'avais beau faire de mon mieux, je n'y arrivais pas. Parce qu'observer Soo Min allongée à mes côtés faisait remonter bien trop de chose, d'un coup, et d'une manière que j'aurai voulu plus douce. Je n'en étais pas capable et ce qui devait arriver n'avait pas tardé à m'arracher une partie de mon cœur.
- Putain mais qu'est-ce que tu fais ici?!
Je n'avais pas reconnu ma voix, ni même le timbre que j'avais utilisé pour m'extirper de ses doigts autour de mon vêtement froissé. Mais c'était trop. Trop pour une première fois, trop violent pour que les larmes ne me montent pas aux yeux.
Elle était là, recroquevillée et le corps allongé dans ma direction, les poings serrés, les yeux fermés et sa peluche serrée tout contre elle. La respiration régulière et les genoux légèrement ramenés vers sa petite poitrine. Et c'était trop. Parce qu'elle n'avait pas le droit d'autant lui ressembler. Elle n'avait pas le droit d'agir comme elle, de dormir dans cette position ou de tenir ma robe dans son sommeil. Elle n'était pas elle. Soo Min n'était pas Na Eun.
Mon cœur avait explosé, je l'avais senti. Ma tête m'avait tourné l'espace d'un court instant, assez pour que je me rende compte que j'avais quitté le lit précipitamment, le souffle court et les bras croisés sur ma poitrine dans une vaine tentative de me protéger.
Puis précipitamment, j'avais retiré le drap qui recouvrait son corps. J'avais violemment secoué ses épaules pour la réveiller, sans me soucier de l'agressivité de mes gestes, la fureur de mes larmes et l'intensité de mes mots. J'allais le regretter, je le savais.
Et j'avais cru mourir lorsque ses yeux embrumés avaient rencontré les miens larmoyants. J'avais entendu mon cœur se fissurer en voyant cette peur s'installer dans son regard, en constatant les tremblements prendre d'assaut son petit corps que j'avais maladroitement griffé en la secouant.
- Qu'est-ce que tu fais là... J'avais murmuré, la haine dans la voix et les rêves brisés.
- Unni--
- Ne m'appelle pas comme ça! Mais plus ça allait, plus je perdais les pédales. Ne m'appelle pas comme ça!
Les volets étaient fermés mais nous n'avions pas accueilli de nouveau jour. J'avais simplement eu besoin de me reposer en fin d'après-midi. J'avais eu besoin de combler cette fatigue constante et insupportable. Celle qui m'empêchait d'agir comme je le voulais. Celle qui devenait une contrainte à chaque chose que j'entreprenais. Et en ouvrant les yeux, je l'avais trouvée là, accrochée à moi et le front contre mon dos comme une demande silencieuse de ne pas la laisser.
Comme elle.
Comme NaEun.
Je devenais dingue, je le savais. Et aux yeux des autres, mon comportement serait certainement incompréhensible, injustifié et immature mais j'étais incapable de la surmonter, cette douleur dans mon cœur. Alors j'avais sangloté, parce que c'était bien trop fort, trop soudain pour que je ne sache gérer. J'avais sangloté en même temps que je l'avais tiré hors du lit, en même temps que j'avais une fois encore, martyrisé son corps plus faible que le mien, serrant son poignet aussi fort que ma conscience me l'avait permis.
C'était trop.
Je réagissais bien trop fort, je le savais.
Les pieds nus et le corps découvert, j'avais ouvert ma porte sans flancher lorsqu'elle avait claqué le mur sous la violence de mon geste. Et malgré moi, j'avais vu Soo Min sursauter face à l'intensité du bruit. J'avais ouvert ma porte et sans me soucier de la vitesse à laquelle je marchais, je l'avais tirée jusqu'à la terrasse où les autres semblaient s'être réunis pendant mon sommeil.
C'est en me voyant, les yeux rougis et la respiration désordonnée que le silence avait pris place, que plus personne n'avait ouvert la bouche, le visage figé par l'incompréhension.
Alors j'avais craché ma tristesse, la faisant passer pour quelque chose d'inexistant. Je l'avais lâchée après l'avoir placée devant moi et l'absence de bruit m'avait rendu dingue. Et comme ça, alors que Soo Min n'avait plus bougé, que son visage demeurait baissé au sol et que ses larmes n'avaient pas cessé, je l'avais pointée du doigt.
- Qu'est-ce qu'elle foutait dans mon lit?! Ji Eun avait écarquillé, installée aux côtés de Yoongi. Je crois que t'as pas l'air d'imprimer Euna. Ma voix, je ne la reconnaissais plus. Je ne la veux pas avec moi. Je ne la veux pas dans ma chambre ni dans mon lit! Et ils avaient fermé les yeux sous la violence de ma voix. 'Elle' n'est pas ma sœur! Est-ce que c'est clair?
- C'est la fille de ton père, Seo... Elle avait soufflé, hésitante mais pas effrayée. Et tu--
- Elle.n'est.pas.ma soeur. Ji Eun. J'avais espacé chacun de mes mots, d'une lenteur qui avait semblé la faire frissonner.
C'est en entendant un sanglot plus prononcé que les autres que j'avais relâché son poignet. Que j'avais paru me rendre compte de ce qui m'entourait. Personne n'avait rien dit, sans doute trop occupé à tenter de me comprendre. Mais étrangement, j'avais été soulagée de voir les yeux doux de Taehyung. Ma douleur me consumait de l'intérieur et incapable de soutenir leur regard, j'avais fui vers ma chambre dans l'espoir d'y disparaître.
Jimin s'était relevé mais j'avais entendu Namjoon lui souffler quelques mots que je n'avais pas su saisir. Que je n'avais pas cherché à attraper. C'est lorsqu'il avait frappé quelques coups à ma porte que j'avais compris les mots qu'il avait murmuré quelques instants plus tôt. J'étais installée sur un morceau de lit au moment où il avait abaissé la clenche.
De part sa prestance imposante et son charisme, ou seulement sa présence ― je n'avais pas su le dire ― j'avais baissé la tête vers le sol. Sans doute n'étais-je pas parvenue à dissimuler ma honte à ce moment-là, à effacer ma colère. Mais en apercevant les pieds nus de Namjoon dans mon champs de vision, puis ses genoux toucher le parquet, j'avais relevé les yeux, surprise par sa capacité à se mettre à mon niveau. Cette faculté qu'il avait à tenter de comprendre quitte à devoir poser un genoux à terre. Et même si je le savais déjà, là, j'en étais tout simplement convaincue. Je savais, qu'il était un homme admirable. Un homme de respect.
- Je suis pas là pour te faire mal, Seo. Sa voix avait résonné si douce à mes oreilles, que mes yeux s'étaient naturellement emplis de larmes; inconsciemment, j'avais commencé à arracher l'intérieur de mes lèvres. Je crois que ça ne m'effleurera même jamais l'esprit.
- Mais tu veux me parler...
Ça n'avait été qu'un souffle mais à cet instant, j'étais incapable d'éclaircir ma voix et mes pensées.
- Je ne vais pas te demander ce qu'il t'est arrivée, ni m'excuser pour ce que tu as eu endurer. Je sais simplement que c'est pas évident. Je ne l'avais pas vu tout de suite, mais il avait pincé ses lèvres sans me lâcher du regard. Je sais pas grand chose mais 'y a une chose dont je suis certain. Comme ça, j'avais aperçu cet éclat dans ses yeux. C'est que j'ai fait l'une des plus belles rencontres, Seo. Et j'espère sincèrement, que tu en es convaincue.
Et j'avais reniflé, les joues inondées par mes larmes incessantes. Le cœur écrasé sous toutes ces couches de douleur insurmontable. Namjoon s'était agenouillé devant moi et pourtant, je me sentais toujours aussi minuscule. Si petite face à tant de sagesse, de savoir.
- Tu nous as aidés. Sa main avait agrippé le drap, juste à côté de ma cuisse.Tu nous as aidés... alors laisse-moi faire pareille.
- Je sais pas si―
- Arrête de tout garder à l'intérieur. En même temps, il avait posé son doigt sur mon cœur. Ça devient trop lourd pour toi.
Puis en m'entendant sangloter devant lui, en me voyant comme ça, les yeux rougis et le corps secoué par les larmes, il s'était relevé pour m'enlacer dans une étreinte qui avait sonné à mon oreille, comme un nouveau souffle. C'était chaud. Et agréable.
- C'est dur, Seo. Mais n'oublie pas qu'elle subit aussi, hm? Et sa voix était si douce, que mes larmes avaient redoublé. J'avais l'impression de me faire gronder, mais de la plus belle des façons. Elle n'est qu'une enfant et pas responsable de ce qu'a pu te faire ton père. Peut-être aurai-je préféré qu'il me crie dessus? Être ici, ce n'est pas son choix. Et dans un geste tendre, il avait effleuré ma tristesse du bout du doigt. Et elle est ta petite sœur.
Je le savais tout ça. Toutes ces belles paroles qu'étaient les mots de Namjoon. Je le savais. Mais les entendre de la bouche de cet homme. De celui que j'avais appris à respecter à travers un écran, à travers ses gestes et ses pensées, m'avait heurté plus que je ne l'aurais souhaité.
- Elle doit aussi faire face au manque de sa mère. A tous ces voyages subis en dépit de son âge, Seo. Et après un court silence, il avait murmuré ces mots bien trop vrais pour qu'ils ne me heurtent pas. Et tu ne dois pas oublier, que Soo Min ne la remplacera pas, mais que Ji Eun ne remplace pas non plus sa grande sœur.
Dans un dernier souffle, quelque chose que je m'étais déjà dit, il avait déclaré, ses yeux dans les miens.
- Parce que Ji Eun n'est pas sa sœur.
***
Quelques temps plus tard, lorsque les cris s'étaient atténués et que les larmes n'avaient plus été, j'avais doucement avancé vers la porte de sa chambre encore fermée après le départ de Namjoon. Il ne m'avait pas répété ce qu'il avait pu murmurer à l'oreille de Seo et sans doute n'aurais-je pas souhaité en entendre. Au fond, nous étions en vacances, supposés nous détendre et nous reposer, mais plus le temps passait, plus j'étais incapable d'en savourer les instants, habité par une angoisse grandissante.
C'est comme ça, les idées plein la tête et le cœur lourd, que j'avais discrètement ouvert la porte de bois devant moi. La chambre éclairée par quelques guirlandes aux couleur d'or et aux bougie placées sur la table de chevet, revoyait cette atmosphère apaisante que j'avais rarement eu l'occasion d'apprécier ces derniers mois. Sans même savoir, peut-être à l'entente de cette mélodie en bruit de fond, j'avais eu l'envie d'exploser, de libérer ce sentiment insupportable et lourd. Sangloter jusqu'à n'en plus pouvoir, jusqu'à me sentir un peu plus léger.
Devant moi, le corps fondu dans la lumière des guirlandes et la tête reposée sur le haut du dossier de sa chaise tournante, Na Seo ne bougeait plus. Ses yeux clairs dissimulés sous ses paupières closes et le visage presque détendu, je m'étais approché un peu plus. Puis comme ça, le pas discret, j'avais collé mon torse au dossier tout en me baissant.
- Tu m'as fait peur... Elle avait murmuré, ses prunelles brillantes dans l'obscurité incomplète.
- Je suis désolé... Et j'avais répondu sur le même ton, comme à bout.
Debout derrière elle, je m'étais doucement courbé pour l'atteindre alors qu'elle avait sa tête penchée vers l'arrière. Là, j'avais déposé mes lèvres sur son front, dans un geste que j'avais trouvé presque désespéré, empli d'une détresse perdue. Puis sans la prévenir, j'avais enroulé mes bras autour de son cou, dans une étreinte tremblante mais dont j'avais eu besoin, cette nuit-là. Sans doute nous étions-nous compris par les paroles d'un silence reposant. Parce qu'elle s'était laissée porter par mon souffle trop fébrile.
Et je l'avais senti, cette envie de m'en demander les raisons. Mais étais-je seulement capable de parler? De murmurer lorsque mon cœur m'était si douloureux?
Puis j'avais enfoui mon visage dans son cou à la chaleur rassurante, embrassé sa peau pour serrer son corps un peu plus fort.
Nous avions terminé la nuit comme ça. Dans les bras l'un de l'autre. A tenter d'atténuer la douleur de l'autre lorsqu'elle devenait trop grande. Dans ses bras, j'y avais puisé cette force ingrate, m'étais ressourcé d'une façon que j'aurai souhaité plus régulière. Parce que j'étais épuisé...
***
bonsoar! j'update parce que c'est le week-end you know!
j'espère que ce chapitre vous a plu parce que j'ai galéré à l'écrire mais le résultat me satisfait plus ou moins.
on calme un peu le jeu avec la petite Soo Min et le problème toujours en suspens, il fallait bien un peu de drame quand même!
je tiens aussi à m'excuser (pour la environ 745290652 fois) pour le temps que je mets à publier. je n'ai simplement plus la motivation et j'essaie de reprendre tout doucement.
le prochain chapitre n'arrivera pas tout de suite puisqu'il ne me reste plus qu'un chapitre d'avance.
voilà, j'espère que l'histoire vous plait toujours!
désolée pour les fautes, je les corrigerai dès demain, promis!
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