#88 Deux mois

J'avais quitté l'hôpital le matin même, lorsque les premiers rayons du soleil n'avaient pas encore éclos et que le ciel, encore un peu, s'était éclairci. L'heure prématurée à laquelle l'avion décollait avait probablement eu raison de nous, de notre moral mais surtout, de la fatigue constante et insatisfaite qui ne cessait plus de grandir.

C'est en déposant ma valise dans l'un des compartiments au-dessus des sièges, que j'avais jeté un œil à Soo Min, déjà installée et la tête calée contre le hublot. Puis plus loin, alors que les passagers prenaient lentement leur place attribuée, Ji Eun retirait sa veste pour la plier vulgairement sur ses genoux.

Nous étions certainement tous à bout. Et si certain repartait avec le sourire aux lèvres, moi, je n'en gardais qu'un souvenir douloureux et effacé. Parce que malgré notre retour en Corée, je savais que ma mère ne m'attendrait pas. Que Soo Min serait toujours là, à subir mon emploi du temps imposé, à supporter ce manque de sommeil.

- Pas la tablette, Min-ah. En même temps, j'avais comblé l'assise du siège tout en redressant la lanière de mon sac à main sur mon épaule. Pas avant le décollage.

Sans doute avais-je oublié la suite, victime de ma faiblesse. J'étais tombée de sommeil, sans même me soucier de la voix du pilote informant de notre départ imminent. Sans même prêter attention aux hôtesses qui, par respect, n'avaient pas insisté lorsque je n'avais pas ouvert un œil. La vérité, c'est que j'étais exténuée, que je n'arrivais plus à tenir.

Alors j'avais abandonné mon combat, pour détruire mes dernières barrières. C'est comme ça que - après avoir pris le premier taxi à l'aéroport d'Incheon pour mon hôtel - j'avais ouvert la porte de notre chambre, le corps lourd et douloureux. Comme ça, que je m'étais laissée tomber sur le lit, sans plus aucune volonté ni tenue. Là, je ne devais plus que lâcher prise, céder à l'épuisement.

Certainement, Ji Eun s'était chargée de Soo Min, les yeux gonflés et les cheveux décoiffés. Je m'étais sentie désolée pour elle, parce que la gamine n'était pas sa petite sœur. Parce qu'elle n'avait aucune raison de s'en occuper; elle le faisait pourtant.

Puis le lendemain, en ouvrant difficilement les yeux, mon téléphone s'était mis à vibrer, à s'agiter sur la table de chevet non loin de ma tête encore brumeuse. Après ça, j'avais décroché, fronçant les sourcils lorsque la voix du manager m'avait informé de la volonté du président à vouloir me voir en fin de journée. C'est à ce moment-là que j'avais pris conscience de l'heure tardive et déjà bien avancée.

Soo Min et Euna n'avaient pas bougé, toujours allongées dans le lit qu'elles occupaient depuis les débuts. Au rythme de leur respiration, j'avais deviné qu'elles dormaient toujours et surtout, qu'elles le méritaient amplement pour que je ne daigne les réveiller. Alors je les avais laissées se reposer, parce qu'il n'y avait aucune raison pour que je les prenne avec moi.

L'horloge murale - juste au-dessus de la porte d'entrée - affichait déjà quinze heure trente-huit et je n'avais pas attendu plus longtemps avant de passer rapidement à la douche pour finir par enfiler mes chaussures que j'avais lâchement abandonnées la veille dans un coin du couloir. Le conducteur du taxi qui m'avait emmenée à l'agence ce jour-là, m'avait saluée respectueusement avant de reprendre son chemin.

Ce n'est que plus tard, au moment où les portes de l'ascenseur s'étaient ouvertes, que j'avais pu pénétrer le bureau du PDG déjà installé derrière son bureau, des lunettes posées sur le nez et les mains l'une dans l'autre. Je m'étais courbée dans un geste presque habituel tout en baissant la tête et fermant les yeux.

La porte avait bien vite claqué derrière moi, alors que du coin de l'œil, j'avais aperçu Namjoon et trois autres des membres entrer pour finalement se tenir non loin de moi.

- Vous avez fait du bon boulot.

Bang Shi Hyuk venait de quitter son siège en cuir, s'avançant vers nous les mains liées dans son dos. En même temps, je le voyais détailler toutes les personnes présentes dans la pièce. J'avais pensé à cracher sur le travail incompétent de celui que j'avais voulu tuer de mes mains, à plusieurs reprises. J'avais pensé à critiquer le comportement indécent de cet homme au respect inexistant. J'avais voulu...

Et c'est ce que j'avais fait, déclarant d'une voix calme mais totalement maîtrisée.

- Ce n'était apparemment pas le cas de vos employés.

Evidemment, les yeux n'avaient plus tardé à se braquer sur moi. Certain haineux, d'autres entièrement surpris. Le manager silencieux dans un coin du bureau n'avait toujours pas manifesté sa présence, et j'avais une vague idée de la raison. Il était surtout évident que personne ici, n'osait tenir tête à l'homme qui leur avait tout donné. Mais je ne pouvais pas les imiter. J'en étais incapable et contrairement à eux, je n'avais rien à perdre.

- Vous les avez vu? J'avais demandé en sentant mes traits du visage se raffermir. Est-ce que vous avez vu vos membres, monsieur? Leur état, leur fatigue? Et je les pointais du doigt, sans aucune hésitation pendant qu'ils demeuraient, la tête éternellement baissée. Parce que moi oui.

Jimin ne m'avait plus lâchée du regard.

- Vos employés inexpérimentés ne valaient rien sur le terrain, monsieur. Et j'en vise un particulièrement. Je n'avais absolument pas hésité à regarder le principal concerné qui à son évocation, n'avait rien fait d'autre que de la fermer un peu mieux. Une personne sans valeur ni principes.

Le président m'observait attentivement et je faisais la même chose en retour. Mais il n'était certainement pas au courant des agissements de celui à qui il avait confié son travail.

- Frapper vos membres, c'est comme ça que vous les discipliner?

- Je te demande pardon?

- Les insulter, les rabaisser. Je le sentais, le ton montait progressivement. Les frapper, c'est comme ça que vous prenez soin d'eux?

J'avais fait une promesse à l'homme derrière moi. J'avais juré, qu'il ne s'en sortirait pas. Qu'il finirait par payer un jour ou l'autre. Alors j'avais avoué. J'avais prouvé sa maltraitance envers ces sept garçons. Ses paroles blessantes et tuant à petit feu.

- Je demande à leur accorder des vacances, monsieur. Parce qu'ils ne tiendront plus. Ils ne peuvent plus suivre dans ces conditions. Jungkook a besoin de se soigner, et les autres de se reposer. Ils viennent de terminer une tournée mondiale, alors ils le méritent.

J'étais culottée, je le savais, mais ce que j'allais faire, dépasserait certainement toutes mes folies. J'avais inspiré, profondément, parce que mes prochaines paroles le mettraient soit en colère, soit en situation de faiblesse. Malheureusement, je ne savais pas prévoir ses réactions. Alors à la place, j'avais avancé vers lui, vers son bureau, y déposant mes mains à plat pour ensuite, approcher mes lèvres de son visage curieux.

- A défaut de ne pas avoir été mis au courant pour ma mère... J'avais murmuré, pour que personne d'autre que lui ne m'entende. A défaut de m'avoir menti sur son état, sur son hospitalisation, je ne demanderai que cette faveur, monsieur. Un mois de repos.

- Est-ce que tu te rends compte que ce que tu me demandes est complètement fou et déplacé? Je le savais tout ça. Tu me demande de choisir entre ma vie privée, et ma vie professionnelle?

- Je vous demande de faire preuve de bon sens, de bienveillance mais surtout, je vous demande de comprendre. Je m'étais redressée, pour pointer sans aucun respect, l'homme qui n'avait toujours pas aligné deux mots. Je vous demande d'agir et de punir ceux qui doivent être punis. De favoriser ceux qui le méritent. Vos garçons ne tiennent plus sur leurs jambes, ne possèdent même plus la force de mémoriser les paroles qu'ils ont eux-même composées.

- Et mon travail pendant ce temps là? Qu'est-ce que tu en fais? Je n'étais plus très loin. J'arrête tout? Pendant un mois?

- Un mois, et ils reviendront avec un album.

J'étais beaucoup trop confiante et je me rendais compte que c'était dans ces moments-là, que mon ancien moi, refaisait surface. Cet excès de confiance, ce trop plein d'aplomb, alors que rien ni personne, ne m'assurait qu'ils étaient bien de mon côté.

- Un album?

Je ressentais un certain sarcasme dans sa voix. Dans ce ton que je ne supportais pas.

- Un comeback.

Mais cette bouche, je voulais la lui fermer.

- Et s'ils n'y parviennent pas?

Cette question, je n'y ai jamais répondu. Parce que je n'envisageais même pas cette option. Mon absence de réaction lui avait fait comprendre que je n'avais pas de doute. Que je n'y avais pas songé; j'étais sûre de moi, d'eux.

Alors après quelques minutes de silence - minutes durant lesquelles il m'avait sérieusement dévisagée - il s'était adossé à son siège, les yeux cachés par les verres de ses lunettes et la bouche retroussée. Après ces quelques minutes à retourner le monde désordonné dans sa tête, après avoir détaillé sa situation pour en tirer les quelques maigres avantages, il avait soupiré, longuement.

Moi, je n'avais pas bougé, pas d'un centimètre. Le corps droit et la tête haute, mais le cœur battant. Les mains l'une dans l'autre, jointe dans le bas de mon dos et la respiration plus ou moins contrôlée. J'avais attendu, longuement.



























Et ça avait fini par tomber.

- Je vous donne deux mois.



















***

hello! ça faisait longtemps, right?
j'ai 4 chapitres d'avance sur cette fiction donc je pense que la suite tardera un peu sauf si je suis inspirée. j'essaie de faire des parties plus longues de 500 mots environ et j'espère que vous en êtes satisfaits.

je vais pas vous mentir, ce chapitre était prévu depuis le début de cette histoire et j'ai eu très peur de le poster, peur que ce ne soit pas cohérent. alors j'ai parfaitement conscience que ça ne se passera jamais ainsi dans la vraie vie qu'on soit d'accord, j'ai juste fait de mon mieux pour rendre tout ça le plus réaliste possible.




Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top