#59 Rien ne s'arrête

- Attend!

Le bruit insupportable des chaussures de Jungkook sur le bitume me fit hurler silencieusement. J'avais pensé pouvoir esquiver cette confrontation, mais l'homme derrière moi n'avait pas l'air de cet avis, et au vu du comment il m'avait saisi le bras de ses doigts, je pouvais même affirmer qu'il ne me laisserait pas tranquille.

- Retourne aux dortoirs Jungkook. Je soufflai tout en observant la fumé qui s'échappait de ma bouche.

Le froid ne m'appréciait pas tellement lui non plus. Mais à ce stade, j'en avais juste plus rien à foutre. Parce que si je me rabaissais à ça, j'étais certaine de ne plus pouvoir avancer.

- Seo... Il murmura en me retournant doucement.

Ce ton, étrangement, me secoua, dans mon corps comme dans mon âme. Et ma tête qui elle, fut épargnée cette fois, me disait que je ne devais pas le regarder. Lui, et ses yeux rougis par les larmes de début de grippe.

Des yeux humides, mais pourtant, j'y voyais une faible lumière d'espoir. Cette flamme qui continuait de se cacher derrière ce regard vide de sens, et certainement... De vie.

Pourtant, j'avais la nette impression que cette flamme, ne tarderait pas à s'embraser. Et le jour où ce sera le cas, alors Jungkook sera enfin libéré. 

- Seo... Il murmura à nouveau, sa poigne sur mon bras se raffermit. S'il te plait, écoute moi...

- Tu vas attraper froid. Rentre...

- Jimin m'attend dans la voiture... Je rentrerai une fois que tu m'auras regardé dans les yeux.

Ma gorge était sèche. Beaucoup trop sèche pour que je ne puisse articuler un mot. Ma langue, j'avais l'impression qu'on me l'avait coupé et que mes dents, s'étaient retrouvées arraché, violemment, ne laissant derrière ce geste abjecte et monstrueux, qu'une souffrance qui ne guérira qu'avec le temps.

Pourtant, lorsque mes yeux rencontrèrent ceux de Jungkook, je me mis à douter.

Le temps...

Il ne parvenait à guérir les douleurs qu'extérieurs. Il refermait les plaies, et soignait les brûlures. Ma brûlure.

Il pansait les larmes et faisait disparaître les quelques cicatrices qui avaient orné mon corps. Mais plus j'y pensais, et plus je me disais que les cicatrices extérieures, n'égalaient en rien celles intérieures. Puis le temps avait plutôt l'air de se demander comment les soigner, le plus rapidement possible. Le mieux possible...

Mais tout comme moi, il poursuivait son chemin, filant sans que personne ne le voit passer. Comme moi, il attendait cette réponse qui n'apparaîtra jamais. Pour moi, comme pour lui.

- Alors retourne dans la voiture. Il fait froid.

- Non.

Ma langue caressa mes lèvres devenues rêches au contact du vent glacial de ce début de mois de septembre.

- Jungkook... Mes yeux s'encrèrent dans les siens. Si une vidéo circule sur le net parce que tu tiens en ce moment même, le poignet d'une inconnue devant un hôtel, tu crois pouvoir t'en sortir vivant?

- C'est justement pour ça que je veux que tu vienne avec moi.

- C'est hors de question. Retourne aux dortoirs te reposer. On parlera plus-

- Plus tard... Il termina à ma place. C'est ce que tu m'as dit tout à l'heure. Mais là tu vois, j'ai pas envie d'en parler plus tard. Alors tu vas monter dans la voiture, et on va discuter dans un endroit, loin des regards.

Je le regardai, et comme à mon habitude, j'analysai la moindre de ses réactions. Ses mimiques. Ses tiques et ses expressions. Et devant moi, je n'avais pas une star mondialement connue. Je n'avais pas un personnage visible derrière un écran.

Non. En ce moment, je n'avais qu'un homme, peut être même un ami, qui tentait d'aider une personne à bout.

- Je te promet que ça ne prendra pas longtemps. Il déclara finalement en entourant mon poignet de ses doigts.

- Jungkook... Mon ton était pathétique. Il est une heure du matin.

- On ne travaille pas demain.

- Tu es censé rentrer chez toi.

- Je rentrerai demain, avec Jimin hyung.

- Tu ne vas pas me lâcher... J'affirmai dans un soupir.

- Non.

C'est comme ça qu'il m'avait tiré doucement par la main, prenant soin de ne pas brusquer mon bras où demeurait la blessure. En pénétrant l'intérieur de la voiture, Jimin m'avait longuement observé par le biais du rétroviseur. Mais trop faible pour y répondre, j'avais simplement pris l'initiative de poser mes fesses sur le siège, derrière Jungkook qui s'assurait constamment de mon état.

Aussi, le moteur, gronda dans un bruit qui me fit fermer les yeux. Par la suite, je n'avais pas vraiment fait attention au chemin que nous avions pris. Peut être que même mon cerveau ne voulait plus se donner la peine de fonctionner. 

Le trajet? Je l'avais passé dans le noir intense que m'offrait mes paupières closes. Ma tête était restée appuyé contre la vitre, cognant quelques fois cette dernière lorsque des bosses rencontraient les pneus de la voiture. Depuis toujours, les transports m'avaient apporté cette douce sérénité, permettant à mon esprit de ne lâcher prise rien qu'un instant.

Les feux rouges alternaient, les piétons demeuraient, malgré l'heure tardive et l'inactivité de la ville enfouie dans un profond silence, toujours plus lourd, toujours plus noir.

Savez vous ce qui me faisait le plus d'effet?

C'était le fait de prendre conscience, qu'on avait beau être au plus mal... On avait beau se retrouver sur notre lit de mort... Au final, le monde ne cessait pas de fonctionner pour nous. Au contraire, il continuait. Les gens poursuivaient leur route, traçant désespérément leur destin. Le plus blessant dans tout ça, c'est se dire que personne n'était là lorsque nous en avions besoin. Se dire que rien ne s'arrêtait, et que bien sûr, tout persistait.

Ainsi, perdue dans mes pensées toujours plus noires chaque jours, je n'avais pas entendu la clef quitter le contact, ni même ma porte s'ouvrir sous la main de Jungkook qui n'avait l'air d'attendre que ma présence.

Alors, dans un Subway éloigné de la ville, nous avions pris place sur l'une des nombreuses tables. Les deux hommes installés en face de moi, portaient toujours leur masque, à la seule différence que Jungkook possédait une capuche, et Jimin une casquette.

Les lieux n'étaient pas impressionnants. Peut être un peu glauques et solitaires, mais ça restait un restaurant. Des tables, des chaises, un comptoir mais surtout, une caisse.

Puis Jungkook m'observait toujours, tentant certainement de déchiffrer le fond de mes pensées qu'il ne valait pourtant mieux pas qu'il sache.

- Arrête ça... Je dis dans un murmure.

- Arrêter quoi?

- D'essayer de me percer à jour.

- Qui te dis que je le fais?

- Ton regard insupportable sur ma personne.

- Jimin hyung te regarde aussi, et pourtant tu ne dis rien.

- Parce qu'il n'essaie pas de me trouer la cervelle avec ses yeux. Toi, tu donne l'impression d'avoir des douilles à la place.

- Je peux te tirer dessus dans ce cas?

Son sourire sembla me libérer. J'avais beau avoir l'habitude de travailler avec des célébrités, je découvrais chaque fois de nouvelles choses. Je ne l'avais jamais dit à Euna, mais il fut un temps, où j'avais admiré ces hommes devant moi.

Il fut un temps, où leur joie m'avait sauvé. Où leur sourire m'avait reposé.

Mais maintenant que j'y pensais, je me disais que mon état s'était dégradé en même temps que le commencement de leur cauchemar. Et c'est là, que la vérité me frappa au visage, telle une balle en plein cœur.

Ces hommes, n'étaient plus ce qu'ils étaient.

***

/2eme update. J'espère que vous avez aimé aussi./

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