#15 Maman

Je me débattait comme je pouvais. Mais cet enfoiré de docteur me tenait fermement. Je ne faisais absolument pas le poids face à lui.

Je le griffais, le mordais, lui donner des coups de pieds, mais rien ne le faisait flancher. 

Pourquoi? Pourquoi m'empêchaient ils donc de voir ma mère? Qu'est ce qu'il y avait de mal à ça?

Mes yeux pleins de larmes, je suppliais, j'implorais, je demandais, je priais, je criais, mais rien n'y faisait. C'est comme s'ils ne m'entendaient pas.

Là, en plein milieu de la route, devant l'hôpital, je me débattais. Là, au milieu de cette route bondée de gens, on me prenait pour une folle. Je ressemblais à une folle. Je ressemblais à une dingue. Une cinglée. Une paranoïaque. 

J'avais les cheveux qui partaient dans tous les sens, mes jambes nues écorchées, mes lèvres gercées, mes yeux gonflés. Alors oui, comment ne pas me prendre pour une toxico.

Mais je m'en foutais. J'avais dépassé ce stade. Je me foutais de ce que pensaient ces gens. Je me foutais de ce qu'ils disaient. Je me foutais de ce qu'ils s'imaginaient. Je m'en foutais. Pourquoi? Parce que si ma mère n'allait pas bien, si ma mère était malade, si ma mère était morte, leurs jugements, ne la ramèneraient jamais. Alors je m'en foutais. 

Je ne voulais qu'une chose, c'était la voire. M'assurer qu'elle allait bien. Me garantir qu'elle n'avait rien. Oui. Parce que maman, même si je ne te le dis pas, je t'aime. Je t'aime et je ne veux pas que tu me laisse. 

Mais alors que je veux venir te voir, voilà que ces personnes m'en empêches. Comme si le simple fait de vouloir te voir, était un crime.

Alors, si mes pleures ne faisaient rien. Si mes larmes ne les atteignaient pas. Si mes cris ne les résonnaient pas, j'allais hurler. J'allais hurler comme une malade tout droit sortit de l'asile. J'allais aboyer tel un chien enragé. J'allais exprimer ma peine, ma rage, mon désespoir. 

Et c'est ce que je fis. 

Comme si crier plus fort était encore possible. Comme si mes cordes vocales pouvaient supporter une gamme plus haute.

J'étais épuisée. Mais je ne lâchais rien. Et en criant, je trouvais enfin la force de les faire lâcher prise. 

Je n'avais pas perdu une seule seconde, que je détallais le plus vite possible.

Mes jambes trouvaient la force de soulever ce poids qui était le miens.

Et je courrais. Je courrais à en perdre haleine. Je courrais à en vomir. Je courrais à n'en plus respirer. Je courrais en pensant à elle. Car c'est en pensant à elle, que je puisais cette force. 

Ils me courraient derrière. Euna, le médecin et d'autres personnes dont j'avais jusqu'à présent, ignoré l'existence. Il me disaient de m'arrêter comme des policiers en pleine course poursuite disant au meurtrier de s'arrêter. Et tout comme le meurtrier ne s'arrête pas, je ne m'arrêtais pas non plus.

Je courrais pour la rejoindre...

***

Elle hurlait tellement fort, que je dû m'en boucher les oreilles.

Cette fille dont le désespoir était visible à des kilomètres à la ronde.

Je voulais l'aider. Je voulais la sortir de là. Mais elle avait attiré trop de monde autour d'elle. Je ne pouvais pas sortir. Je me ferai repérer sinon. Et je me ferai trucidé ensuite. Trucidé par mon manager.

Mais sa détresse, je la comprenais tellement. Je savais exactement comment elle se sentait en ce moment même, alors qu'elle tentait en vain de se débattre.

Je voyais son amie essayer de la raisonner, de la rassurer. Mais elle ne l'écoutait pas. Elle ne l'écoutait plus. 

Elle hurlait des choses incompréhensibles, mais qui semblaient tellement vraies à mes yeux.

Elle n'était pas folle. Non. Elle n'était pas cinglée. Non. Elle n'était pas possédée non plus. Elle était juste et simplement désespérée. Elle était juste malheureuse. Et elle était inconsolable.

Cette peine qu'elle tentait à la fois de dissimuler et de dévoiler. Cette peine qu'elle voulait à la fois cacher mais révéler. Cette peine qu'elle désirait à la fois oublier mais étaler.

Cette peine, je la voyais. Je la connaissais. Cette peine, je l'éprouvais. Je la ressentais.

Mais que pouvais je bien y faire?

Un nouveau cri se fit entendre, et lorsque je sortis de cette espèce de transe, elle était parvenue à s'enfuir. Et elle courrait.

Elle galopait. Tentant désespérément de prendre son envole. 

Mais sans ailes, ce serait tout, sauf possible...

*** 

Je ne sais pas comment, mais j'avais réussi. J'avais réussi à leur échapper. Enfin.

J'étais dans une ruelle sombre et fétide. Mais pour le moment, l'odeur, j'en avais cure.

Après dix minutes de course, la seule chose dont je devais me préoccupée, était de reprendre une respiration normale et régulière.

Je m'adossais contre le mur maculé et me laissais glisser. La tête en arrière, les genoux repliés contre ma poitrine et mes bras ballants. Je fermais les yeux.

Je jetais un œil à mes jambes. J'étais dans un état pitoyable.

Mes orteils étaient imprégnés de sang, mes talons avaient accueillit des dizaines de cailloux enfoncés dedans. Mes mollets étaient bleus, mes tibias écorchés, mes genoux déchirés.

On aurait dit que je sortais de taule.

Après quelques minutes de récupération, je me remis en route. J'étais à dix minutes de chez ma mère. Si j'accélérais le pas, je pouvais y être en cinq minutes.

***

- Qui est ce? J'entendis la voix de ma mère derrière la porte, et ce fut comme une délivrance. Un poids en moins. Un soulagement.

Je ne répondis pas. Je n'en avais pas la force. 

J'entendis des exclamations de sa part. De la panique dans sa voix. De l'inquiétude.

En même temps, quel genre de mère ne serait pas apeurée de voir son enfant dans un état comme le miens.

Elle me prit dans ses bras, et tous mes soucis s'étaient dissipés. Toutes mes peurs s'étaient envolées.

Elle me serrait fort, comme si c'était la dernière fois qu'on aurait droit à ce genre d'étreinte. 

Elle pleurait. Je détestais la voire pleurer. Je détestait la faire pleurer. 

Je me détestais...

***

/PDV Euna/

Je l'avais vu dans l'ascenseur. Je savais que c'était lui. Jeon Jungkook. Je t'ai reconnu. Mais j'ai fait comme si je ne t'avais pas aperçu. Pourquoi? Parce que le moment n'est pas approprié. 

Je ne sais pas ce que tu faisais ici, dans cet hôpital, mais avec ton bouquet de fleurs dans les mains, tu étais beau. Même avec ton masque, tu étais beau. Je t'ai toujours trouvé beau.

Mais tu n'es pas assez important pour moi pour passer avant ma meilleure amie.

Seo s'est enfuie dès que j'ai tourné le dos à la porte. Elle a couru et a bousculé Jungkook qui n'avait rien fait d'autre que de la regarder.

D'abord au restaurant, puis ici. Regarder était donc tout ce qu'il savait faire?

J'avais appelé le docteur pour qu'il vienne m'aider et il a finalement réussi à la rattraper.

Elle hurlait, comme si nous la torturions. Elle hurlait comme si nous la maltraitions. Elle me traitait de monstre, de fille sans cœur, d'insensible. Ces mots me faisaient mal. Mais Seo n'était pas elle même.

De jour en jour, j'avais l'impression qu'elle se perdait.

Et elle criait des choses incompréhensibles. Je ne saisissais absolument rien de ce qu'elle disait. Comme si elle parlait une autre langue.

Alors, triste, découragée, j'avais dit au médecin de la lâcher. Il avait refusé au premier abord, me disant qu'il pouvait la maîtriser. Mais les larmes m'étaient montées aux yeux. La personne devant moi, n'était pas Seo. Cette personne, désespérée, me faisait pitié. 

Alors j'avais répété au médecin de la lâcher. Il avait hésité, mais avait fini par céder, en continuant de me dire que c'était insensé.

C'était insensé, mais je savais qu'il fallait le faire.

C'était le moins que je puisse faire...

***

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