#101 Endurer
L'équipe de tournage avait rejoint la maison au petit matin, après avoir passé une nuit dans un des nombreux hôtels de l'île. La veille, ils avaient laissé leurs matériels dans une pièce de la maison, par manque de place dans les chambres d'hôtel. Et le lendemain, ils s'étaient donnés rendez-vous sur la terrasse; certains d'entres eux avaient amené le petit-déjeuner, au grand bonheur des garçons.
Aux alentours de dix heures, alors que le soleil s'imposait déjà et que le ciel accordait ses plus belles teintes, les équipes avaient commencé à échanger, débutant des discussions sérieuses, différentes des rires des heures précédentes.
Namjoon et Yoongi n'avaient pas attendu avant de présenter leurs compositions aux réalisateurs afin de leur dévoiler les premières couleurs de leurs futurs sons. Le directeur s'en était naturellement mêlé, curieux de découvrir le fruit de ces vacances qui avaient été accordées aux sept chanteurs.
- C'est quoi dans tes mains?
Et Soo Min avait demandé, les lèvres poussées en avant et les yeux pétillants de cette malice innocente. De son regard enfantin, elle avait questionné cet homme aux mains occupées par une manette qu'elle découvrait sûrement pour la première fois. Il avait souri cet homme, attendri par ce bout de chou qu'il n'avait pas eu l'occasion d'apprendre à connaître lorsqu'il était encore à Séoul.
Ainsi, il s'était accroupi, les yeux rivés sur l'appareil bourdonnant dans les airs et c'est à ce moment-là que Soo Min l'avait remarqué, cet engin étrange et volant.
- Ça? Il avait lancé, le sourire au bout des lèvres. C'est la télécommande qui dirige ce jouet, là-bas. En même temps, il avait pointé l'objet du doigt. Tu sais ce que c'est?
Et elle avait agité la tête, impatiente à l'idée d'en apprendre d'avantage.
- On appelle ça un drone.
Lui aussi s'appliquait à sa tâche, vérifiant le fonctionnement de ses nombreux drones qui, il le savait, seraient les principaux objets de leur réussite. Alors il avait expliqué à la petite, avec des mots qu'elle pouvait comprendre, qu'elle assimilerait rapidement et sans difficultés. En l'observant, le cadreur n'était pas parvenu à s'empêcher de sourire, parce qu'elle était belle, Soo Min. Et elle rayonnait.
Non loin de là, les deux scripts avaient survolé leurs notes, prenant connaissance des indications importantes du chef opérateur et si tout le monde semblait avoir trouvé sa tâche, Jimin lui, n'avait pas quitté le régisseur général des yeux, un sourire ornant son visage. Les bras posés l'un sur l'autre contre son ventre et les yeux plissés sous la puissance du soleil, il avait écouté d'une oreille attentive, les paroles de l'homme à ses côtés.
- On a pris un minimum connaissance du thème de vos futurs sons et on se met doucement d'accord avec le reste de l'équipe. Ça ne devrait pas prendre de temps mais ce qui m'inquiète un peu plus, c'est les autorisations de tournage qu'on attend toujours.
- Ça peut être long? Jimin s'était pincé les lèvres, une lueur inquiète au fond du regard.
- En fait, c'est difficile pour l'instant de se prononcer sur le temps que ça pourrait prendre, mais c'est surtout qu'on doit avant tout s'imprégner de vos paroles et mélodies pour définir les endroits de tournages. Si on ne sait pas où filmer, demander une autorisation ne servirait à rien. En nous demandant de venir ici, Na Seo nous a un peu pris au dépourvu. C'est une première pour la plupart.
- Yoongi Hyung et moi, on a eu l'occasion de visiter quelques lieux vraiment fous.
- Il faut qu'on fasse une liste des endroits qui ont retenu votre attention. De notre côté, on va se renseigner sur les disponibilités.
- Est-ce que, le chanteur avait humidifié ses lèvres, les bras toujours croisés. Est-ce qu'on a au moins l'autorisation de tourner sur la plage? En même temps, il avait donné un coup de menton vers le sable à quelques mètres. Avec les membres, on s'était dit qu'on aimerait en faire notre lieu de tournage principal.
- C'est tout à fait possible. Le président a demandé à réserver la plage pour les jours qui arrivent. Personne ne sera autorisé à la pénétrer dans un périmètre qu'on définira une fois tous les préparatifs au point.
En tournant la tête, Jimin avait souri en apercevant le réalisateur jeter un œil aux documents que Yoongi lui avait fourni. Encore maintenant et malgré les appareils électroniques à disposition, le rappeur voulait écrire sur papier. Alors ils avaient discuté, arrangé les défauts et les maladresses encore présents.
Puis là-bas, installées sur une des chaises hautes de la cuisine, Jimin avait aperçu Na Seo et Ji Eun, le visage tiré par la concentration et un sérieux qui ne lui était pas inconnu. Sans doute la situation l'exigeait-elle puisque devant elles, deux personnes que le noiraud n'avait encore jamais vu, semblaient leur parler avec soin; leurs mains bougeaient parfois dans des gestes significatifs, illustrant les propos que Jimin n'était pas capable d'entendre de là où il était.
- Le président a envoyé deux autres stylistes pour ce tournage. Ils sont des professionnels et Ji Eun a l'air ravi de pouvoir en apprendre d'avantage.
À côté de lui, le réalisateur avait soufflé lorsqu'il avait suivi son regard. Une main sur l'épaule de Jimin, il lui avait souri avant de lui annoncer devoir s'en aller; gérer une équipe surtout dans ces conditions lui demandait une attention et une prudence particulière. Jimin avait hoché la tête en comprenant qu'il devait lui aussi se mettre au travail. Les garçons attendaient déjà sur le toit de la maison, accompagnés de leur chorégraphe que Jimin s'était fait une joie d'enlacer la veille, heureux de se savoir en sécurité et surtout, guidé.
C'est comme ça qu'à leur tour et après avoir fait part de leurs idées, ils s'y étaient mis, pour inventer leurs pas, des mouvements qu'ils voulaient nouveaux, époustouflants. Et aucun d'eux ne l'avouerait, en tout cas pas de si tôt, mais travailler avec leur chorégraphe avait semblé les libérer de ce quelque chose qu'ils n'avaient pas su définir. Une angoisse ou une peur d'échouer sans doute. Et là, derrière leur guide, ils avaient souri, soulagés.
Leur corps bougeait de cette aisance qu'eux seuls possédaient. La légèreté de leurs pas, des enchaînements qu'ils avaient apprivoisé le temps d'une journée, avait été à l'image de la lumière dans leur cœur allégé. Et sous les rayons d'un soleil généreux, ils avaient répété, sué puis poursuivi sans lâcher.
Le chorégraphe avait défini le style de danse, écouté l'instrumental que les garçons avaient proposé d'une main presque fébrile comme s'ils revenaient à ces époques où la peur de l'échec enfermait leur cœur. En suivant le rythme, il avait joué de ses doigts sur les temps, les notes, pour prendre ses repères sous l'œil admiratif des membres silencieux.
- Vous auriez donc une partie de quatre fois huit temps?
- On imaginait quelque chose de posé, pas forcément imposant mais assez pour marquer.
- Le tempo reste relativement calme et vos paroles s'y accordent. Il avait lancé, installé au sol et adossé à la murette du toit. Je partirai donc sur un mélange de genres. Jazz et danse contemporaine par duo pour la fin de la musique. Lui aussi, adoptait cet air sérieux, les sourcils froncés et les yeux rivés sur les mots qu'il avait griffonné sur un brouillon. Puis il avait levé le regard vers les garçons. Mots-clefs?
Et Yoongi n'avait pas hésité une seconde.
- Légèreté, sourire, soleil, histoire.
- Raconter une histoire à travers vos pas?
- Raconter «notre» histoire.
Et ils y avaient passé des heures, et les jours qui avaient suivi, le corps parfois tremblant ou reposé, les yeux scintillants ou fermés. Dans sa chambre, chaque soir, installé sur sa chaise de bureau, Yoongi écoutait ce que les garçons avaient à dire, les idées et propositions qu'ils notaient du bout de son crayon. Et après quatre jours d'acharnement, de travail et de stress. Après trois jours d'ardeur, d'efforts et d'énergie, elles avaient vu le jour, ces chansons tant convoitées.
***
Lorsque j'avais ouvert les yeux ce matin-là, mon corps m'avait paru tout à fait normal, prêt à affronter une nouvelle journée sous la chaleur. La place à côté de moi n'était plus occupée et j'avais soupiré en me rappelant les quelques murmures de Jimin à mon oreille lorsqu'il avait quitté le lit, deux heures plus tôt. La veille, il m'avait assuré que les chansons étaient en partie terminées, que Yoongi et Hoseok ne cessaient pas de les modifier alors que Namjoon poursuivait son travail, enfermé dans la chambre avec Jungkook.
En écoutant le silence de la maison, j'avais compris qu'elle était vide de présence, que j'avais dormi bien plus qu'eux et que depuis le matin, tout le monde devait déjà s'être mis au travail. Alors j'avais enfilé mes pantoufles dans l'intention de me laver. Les murs étaient étrangement calmes, et dans les couloirs, je pouvais presque entendre le bruit du vent s'y engouffrant. J'aimais ce silence, cette solitude que j'avais oublié de savourer ces derniers mois.
C'est comme ça que j'avais quitté la salle de bains, les traits du visage détendus par la fraîcheur de l'eau mais le corps lourd. Et sous les efforts que je fournissais depuis quelques temps, j'avais versé des céréales dans un bol que j'avais enfoncé dans le micro-ondes. J'avais mangé, les yeux rivés sur les aiguilles de la montre géante accrochée sur le mur en face de moi. J'avais mangé et pendant que je tentais de lire les lignes pourtant simples d'un magasine traînant sur la table, j'avais compris que quelque chose n'allait pas.
Que je ne saisissais pas un mot de ce que j'essayais de déchiffrer depuis un moment. Et seulement là, le côté gauche de ma tête m'avait violemment lancé, comme pour m'avertir que je reniais la douleur depuis mon réveil et que ce n'était pas la chose à faire. Dans une grimace, j'avais plaqué ma main sur mon front au moment même où une veine avait semblé en sortir.
Alors je m'étais levée, doucement, marchant jusqu'à la chambre que j'avais occupé la nuit dernière. Et malgré tout, la douleur persistait. Mes migraines ne cessaient plus, et mon ventre me faisait comprendre que je n'aurais jamais dû prendre de petit déjeuner. Je transpirais et je ne l'avais remarqué qu'à cet instant. Puis dans l'espoir de me sentir plus légère, j'avais retiré mes vêtements dans la salle de bains avant d'enclencher l'eau du jet.
Sous la douche, nue et tremblante, je suffoquais, incapable de comprendre ce que j'avais bien pu faire de travers ces derniers jours. Je suffoquais et sans doute sous la peur ou l'angoisse de ne pas savoir, j'avais pleuré, bruyamment — personne ne m'entendait — une main dans mes cheveux et l'autre sur mon cœur pour m'assurer que j'étais bien encore en vie. Mais j'étais lourde, je le sentais. Je ne contrôlais plus mes larmes, les sentais s'arrêter pour reprendre la minute d'après.
Et j'avais peur.
Incroyablement peur.
- Seo?
J'aurais voulu répondre et j'avais essayé. Mes lèvres avaient bougé mais ma voix avait refusé de sortir. J'avais murmuré, espérant qu'il m'entende, priant pour que Jimin ne comprenne.
- Seo, j'peux entrer?
Je n'avais pas de souvenirs concrets de ce moment, mais j'avais cru mourir sous mon manque de souffle. Le temps d'une seconde, je n'avais plus été capable de reprendre ma respiration, d'inspirer et dans un dernier élan d'accablement, j'avais gémi dans l'espoir d'alerter Jimin qui continuait de m'appeler.
- Seo, j'ouvre!
Le jet d'eau m'empêchait d'y voir clair mais j'avais entendu la porte s'ouvrir précipitamment. J'étais nue mais il n'avait pas hésité à m'entourer de ses bras, à m'envelopper d'une serviette.
- Qu'est-ce qui se passe, hm?
Il n'était pas paniqué, mais j'avais entendu l'inquiétude dans sa voix. Et en s'apercevant que je n'étais pas capable d'aligner un mot, il avait embrassé mes lèvres tout en exerçant quelques pressions sur mon corps qu'il séchait doucement.
- C'est pas grave, hm? T'as dû manger quelque chose que t'as pas supporté.
J'étais frigorifiée, recroquevillée contre lui en quête de chaleur. Alors il m'avait porté dans la chambre pour m'y enfiler ses vêtements. Ma tête me lançait horriblement et au fond de moi, j'énumérais déjà ce que j'avais bien pu manger la veille pour me retrouver dans cet état.
- T-Tu peux me ramener un récipient?
Je le sentais, ça arrivait. Ça arrivait rapidement. Et Jimin avait filé dans la cuisine aussi vite qu'il avait pu. Il l'avait déposé à côté de ma tête alors que j'étais allongée et dans soupir, j'avais essayé de le remercier. Je sentais ses doigts entre les miens et son autre main effleurer mon visage, doucement. Il caressait mes traits, ramenait régulièrement mes cheveux en arrière et embrassait mes joues lorsque je grimaçais sous la douleur.
- Moi qui voulais me promener avec toi aujourd'hui.
Il avait murmuré, les yeux dans les miens larmoyants. Il y avait tellement de choses que j'avais voulu faire avec lui aujourd'hui. Des choses que j'avais été censée lui faire découvrir sur le chemin de l'inconnu. Mais ma migraine continuait de me déchirer la tête et dans un gémissement désespéré, j'avais porté une main à mon front. Cette matinée, j'avais cru sentir la veine d'une de mes tempes prête à sortir, parce qu'elle me lançait si fort, que j'avais dû appuyer de la même manière pour, rien qu'un instant, oublier la douleur.
- J'appelle ton médecin.
- Jimin, j'avais murmuré, les yeux à demi-clos. Ça va passer.
Mais il n'avait pas l'air convaincu, ni l'air de me croire. Son corps près du mien et le regard préoccupé par mon état, il avait été sur le point d'articuler quelques mots. Je l'avais deviné, parce qu'il avait entrouvert les lèvres et pris une courte inspiration. Il n'en avait pas eu le temps toutefois. J'avais rendu les restes du repas que j'avais avalé la veille dans le bol qu'il m'avait amené. Penchée au-dessus du récipient et le ventre tordu sous les remontées, je l'avais senti se redresser précipitamment, les sourcils froncés.
Je détestais vomir. Et j'aurais pu tout endurer, même ça, si ça n'avait pas duré toute la journée. J'avais rejeté le peu de chose que j'avais pu manger la nuit dernière, à des intervalles séparés par des instants de sommeil désagréables. Parfois, je m'endormais pour des minutes tandis que d'autres me laissaient quelques deux trois heures de répit.
À la fin de la journée, au couché du soleil, alors que Jimin était revenu de sa séance d'entrainement, j'avais une dernière fois évacué dans les toilettes longeant le couloir, les doigts serrés autour de la lunette et le teint plus pâle que ce matin. Jimin m'avait retrouvé comme ça, adossée à la baignoire, les yeux vides et le corps faible. J'avais cru apercevoir les dégâts qu'avaient subi mes cheveux mais je n'avais pas eu la force de m'en préoccuper.
Jimin m'avait soulevé après avoir essuyé le coin de mes lèvres; il ne s'était pas soucié une seconde de l'odeur ou de la vue. J'avais voulu m'excuser, lui demander de s'en aller parce qu'il en avait déjà fait beaucoup. Mais il avait refusé.
Je détestais vomir. Et j'aurais pu tout endurer.
Même ça.
Mais je m'étais mise à pleurer, victime de cette journée qui ne se terminait plus. Jimin m'avait enveloppé de ses bras, d'une chaleur qu'il me savait nécessaire. Il était si doux, si calme, que mes larmes n'avaient fait que redoubler à la pensée que j'avais pu lui crier dessus, quelques heures plus tôt. Sous la douleur et les vomissements à répétition, je n'avais rien contrôlé, pas même mes réponses désagréables que je lui avais donné lorsqu'il m'avait parlé.
- Je suis désolée pour—
- C'est oublié.
Il m'avait répété que j'étais malade et qu'il comprenait que j'avais pu répondre de cette façon. Que sous la douleur, parler devenait une épreuve et qu'il n'y avait pas pensé. Puis, il s'était excusé à son tour en embrassant le haut de ma tête, plusieurs fois. Ses doigts effleuraient la peau de mes bras, passaient sous mon haut par moment et j'aimais ça. J'aimais ses caresses et la patience dont il faisait preuve.
J'avais fini par m'endormir à nouveau, la joue posée sur son épaule et une main dans la sienne.
Et le lendemain, en ouvrant les yeux, j'avais soupiré de soulagement parce que mon corps n'était plus encombré de courbatures. Ma tête n'était plus submergée par ses maux et je n'avais plus de perte d'équilibre. Alors je n'avais pas réfléchi. Les pieds nus au sol, j'avais laissé tomber mes vêtements dans la salle de bains avant de sauter dans la douche.
Jimin n'avait pas été là lorsque je m'étais réveillée mais en appréciant l'eau du pommeau, le souvenir d'avoir vu Ji Eun ces dernières heures m'était revenu. Puis le baiser qu'elle avait déposé sur mon front aussi, et les mots de Jimin puis les habits qu'il m'avait enfilé. J'avais souri, heureuse d'aller mieux.
J'avais appelé le médecin après ça. Après avoir changé les draps, aéré la chambre et nettoyé le sol. Et en quelques mots, il m'avait assuré que mon corps s'était simplement défendu. Qu'à cette période de l'année, beaucoup se retrouvait dans cet état. Malade et faible.
Et surtout, je m'étais renseignée sur la condition de ma mère.
Et mon cœur avait raté un battement parce que les nouvelles, malgré les points positifs, n'avaient rien eu de rassurants.
***
je reviens avec le chapitre 101 de yna en espérant qu'il vous ait plu!
une petite publication pour vous donner de la force avant ce début de semaine.
la fiction touche presque à sa fin je vous le rappelle. plus qu'une douzaine de chapitres et on fera nos aurevoirs à nos chers personnages!
portez-vous bien et à bientôt!
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