💜 𝙲𝙷𝙰𝙿. 𝟻 : I Can See Your Halo Fall
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La neige s'était mise à tomber pendant la nuit, couvrant peu à peu le macadam. En sortant de son immeuble, Hitoshi frissonna et remonta son écharpe de laine jusqu'au menton. Cette météo était-elle un mauvais présage? Une catastrophe était-elle à prévoir? Il secoua la tête, désespéré par cette foutue anxiété qui ne pouvait s'empêcher d'envahir son esprit déjà bien assez perturbé. Il devait croire en lui, en Denki. Croire en eux et en leurs sentiments.
Il n'y avait pas grand monde dans les rues : les flocons, l'heure matinale et le dimanche favorable à la procrastination poussaient les habitants à se terrer. Normalement, le mauve aurait suivi.
Mais ce dimanche était trop important pour qu'il le laisse passer en silence.
Le parc du centre s'immisça dans son champ de vision, provoquant un soulagement immédiat. Il n'était qu'à une vingtaine de pas du moment que son inconscient avait réclamé chaque seconde de ces dernières semaines. Il traversa le lieu en ignorant ostensiblement les branches qui ployaient au fur et à mesure sous la poudreuse, omit de s'imprégner de l'ambiance si particulière qui l'inspirait tant chaque hiver.
Ses réflexes de dessinateur avaient été relégués au second plan, sans aucun scrupule. Aujourd'hui, il allait réaliser l'œuvre la plus importante de sa vie, dans un style qu'il n'avait jamais osé s'approprier.
Ses pas crissèrent encore quelques mètres avant qu'il ne s'arrête, proche d'un banc précis. Au-dessus de lui s'étendait un saule pleureur gigantesque, point central du jardin. Le cœur battant à vive allure, il s'autorisa à le contempler brièvement, détaillant ses bras nus prêts à accueillir leur robe blanche de saison. Son besoin de le crayonner se manifesta, mais il tâcha de le refouler.
« Hey. »
Le tatoueur sursauta, frappé par cette voix au timbre légèrement cassé.
« Hey. » répondit-il. « T'es tombé malade? »
« Je supporte juste mal le froid. Rien de grave. » le rassura Denki.
Comme lui, il était vêtu d'un manteau épais et d'un long foulard qu'il s'efforçait de garder haut afin de protéger sa gorge du climat glacial. Ses cheveux dorés étaient quant à eux coiffés d'un bonnet noir, accentuant sa mèche en forme d'éclair.
« On aurait pu trouver mieux, comme endroit. » plaisanta-t-il, visiblement frigorifié.
« Le Chargebolt est fermé. » lui rappela Hitoshi. « Tu veux qu'on aille chez moi? »
« Non, j'rigolais. Ici c'est bien. Un cadre parfait pour apprendre le romantisme. »
« C-comment ça? »
« J'ai froid, Toshi. Tu pourrais me réchauffer? »
Il percuta et rejoignit prestement le blond, qui lui souriait avec une tendresse non dissimulée. Il le fixa un bref instant, réfléchissant à vive allure, puis se décida à l'entourer de ses bras.
« Ç-ça va mieux? »
« Hmm... Je crains que non. On va devoir rester comme ça un moment. »
« D'accord. »
Remerciant intérieurement le vent frisquet de camoufler les rougeurs timides de ses joues, il posa délicatement son menton sur le sommet de la tête du plus petit. Était-il sur la bonne voie?
« C'est nickel. Un bon point pour toi. »
Denki lui rendit son étreinte, ajoutant sa chaleur à la sienne. Était-il empourpré, lui aussi?
« Qu'est-ce qu'on fait, maintenant? » souffla-t-il, incertain.
« On peut discuter. Ou s'embrasser. Ou les deux. »
« Q-qu'est-ce qui est le plus, euh... romantique? »
« Deuxième option. »
La respiration de chacun s'accéléra subitement, en attente d'une rencontre. Les topazes plongèrent dans les améthystes, et l'hiver fut oublié.
« J-je peux? »
« Fonce, champion. »
L'union initiée par l'artiste fut plus confuse que leur première – plus jolie, aussi. La musique assourdissante était ici remplacée par le calme de la bise, les lumières aveuglantes par le faible rayonnement du soleil qui peinait à se démarquer derrière les nuages. C'était un peu une représentation de son propre univers, finalement.
Leur baiser n'aurait pas décroché une place dans l'une de ces comédies romantiques qui pullulaient dans les salles obscures. Il était trop doux, trop pur, trop eux. Leurs peaux fraîches se rejoignaient parfois à mesure que leurs langues apprenaient à se connaître, dans une volonté innocente de les rapprocher au maximum. Il n'était pas question de sensualité : leur relation toute neuve ne se baserait pas là-dessus. Leur souhait était juste de ne plus se laisser partir. Jamais.
La création de leur couple. C'était ça, la vraie signification de cet acte, d'un romantisme aussi insupportable que beau.
Pantelants, ils s'éloignèrent de quelques centimètres, leurs doigts fermement arrimés à la veste de l'autre. Leurs iris semblaient inséparables, leurs couleurs mêlées dans une palette à laquelle même Hitoshi aurait été incapable de rendre hommage.
Et peut-être que c'était mieux comme ça.
« Je t'aime, Denki. » glissa-t-il au creux de son oreille.
« Je t'aime, Toshi. » répliqua le doré.
Leurs sourires comblés illuminèrent le parc – la ville entière, sans doute.
« Et je te donne la note maximale pour ce premier exercice pratique. »
♡
« Salut. »
La voix de Neito résonna dans l'Eraser Head, suintante de fatigue. Il était près de deux heures du matin.
« Merci d'être venu, Nei. Et désolé de t'avoir réveillé. »
Hitoshi quitta sa table de travail, tablette en main, prêt à dévoiler son idée à son meilleur pote. Il avait trop veillé ces derniers temps, jonglant entre son activité professionnelle et ses rendez-vous... privés. Constamment en manque de son amoureux, il passait ses journées à imaginer leurs prochaines discussions – leurs prochains baisers, surtout.
« J'ai cru saisir que ça urgeait. » évoqua le blond en s'installant sur un fauteuil à proximité.
« Ouais. Je sais enfin ce que je vais lui faire. »
« Épargne-moi les détails, j't'en prie. »
Désemparé, le mauve balbutia des propos incompréhensibles qui amusèrent beaucoup son camarade.
« J'plaisante. Montre-moi ça. »
Il attrapa l'appareil présenté, et le déverrouilla d'un geste machinal. L'application qu'ils manipulaient tous pour leurs dessins s'afficha, dévoilant le fameux.
Il écarquilla les yeux.
« Ah ouais. » dit-il simplement.
« Me fais pas languir. » gémit l'artiste.
« Tu m'expliques d'abord? Ce que ça symbolise. »
« Bah... Là, c'est moi. »
« Jolie teinte. T'as utilisé la pipette sur tes cheveux? »
« Arrête tes conneries. »
« Laisse-moi deviner : le jaune, c'est ton mec? »
Il hocha la tête, gêné à en crever.
« Qu'est-ce que t'en penses? » marmonna-t-il impatiemment.
« C'est putain de magnifique. » déclara Neito.
« Pas trop basique? »
« Nan. C'est nickel. »
Hitoshi soupira, apaisé. Il pouvait recommencer à respirer.
« Au moins, s'il veut plus de moi un jour, il aura pas à le cacher. Il pourra changer son sens. »
Son ami le contempla, bouche bée. L'appréhension évidente qu'il entendait lui donnait envie de tout retourner.
« T'es sérieux? »
Il ne lui laissa aucune chance et s'emballa :
« T'es con ou tu le fais exprès? Tu penses vraiment que ce type va se lasser de toi? »
Il posa brusquement la tablette à côté de lui et se leva pour s'emparer des épaules de celui qu'il considérait en cet instant comme un abruti fini.
« Il t'aime tellement qu'il me flingue la rétine, cet enfoiré! Il t'attend toujours avec ce sourire de connard heureux, c'est dégueulasse. Tu sais quoi? Il te suivrait en enfer si tu lui demandais! Vous êtes des âmes sœurs, donc cassez pas les couilles et mariez-vous. »
Il le relâcha, épuisé par sa diatribe. Son regard d'acier se voila de regrets, qu'il ne parvenait plus à cacher au vu de sa faiblesse actuelle.
« Fais pas la même connerie que moi avec Itsuka. Aime-le comme il faut. »
♡
« J'suis sûr que tu prends du plaisir, là. »
« Arrête de bouger. »
« Pour que tu m'enfonces tes aiguilles dans le cubitus? Non merci. »
« Tu sais que j'pourrais te rater? Tu resterais avec un tattoo pourri jusqu'à la mort. »
« J'vais porter plainte, Toshi. »
« Tu supporterais pas que j'finisse en prison. »
« Ce serait que justice! »
Allongé sur la table matelassée, Denki semblait souffrir le martyre. Il râlait, gigotait, chouinait – bref, le cauchemar de n'importe quel tatoueur un minimum impliqué. Pourtant, le mauve ne pouvait s'empêcher de sourire comme un idiot : après tout, il était en train d'encrer sa création sur la peau de son chéri.
Un cœur d'un violet froid, similaire à sa crinière indomptable, transpercé d'un éclair d'un jaune doré aussi pétant que la chevelure soyeuse de l'illuminé. Ces deux éléments ne comportaient aucun détail superflu, juste leurs nuances respectives accompagnées de quelques ombrages. Il y plaçait une partie de son propre palpitant, sublimée par son style traditionnel aux traits épais et nets.
Sa plus belle pièce.
« Vous pouvez arrêter de me remémorer mon célibat, s'il vous plaît? » se plaignit Kyoka.
« Moi, j'apprécie. » l'asticota Eijiro. « Ça me rappelle presque Shoto. »
« À la différence près que vous n'êtes pas si nunuches! » releva sa collègue. « Leur amour salit littéralement le plancher, c'est un scandale. »
« Tu peux ranger ton seum, Kyo? » grogna Neito en lui assenant un petit coup derrière la tête. « T'empêches les gens sérieux de se concentrer. »
« Toi, sérieux? Tu sors une connerie par minute et t'oses dire ça? »
Pendant ce temps, Hitoshi et Denki ne leur prêtaient aucune attention. Ils évoluaient dans leur bulle de quiétude, se chamaillaient autant qu'ils se chérissaient. C'était un instant mémorable, signe d'un engagement qu'ils n'avaient pas vu venir. Ils étaient devenus si proches, quasi fusionnels, que c'était à leurs yeux une étape logique compte tenu de la passion dévorante du plus grand pour les modifications corporelles.
Évidemment, il s'était lui-même tatoué le précieux motif – le leur. Il l'avait ajouté sur sa cuisse déjà bien couverte, juste au-dessus du genou. Il aimait se dire qu'il représentait les leçons de l'ambré, celles qui lui avaient appris à marcher vers lui.
Il n'en revenait toujours pas qu'il l'ait accepté sans la moindre condition. Ayant suivi les péripéties passées de ses camarades, il savait que des individus méprisables existaient, et qu'ils n'hésitaient pas à forcer leurs conjoints. Or, cette relation était basée sur un respect mutuel fondamental, une bienveillance entière envers l'autre. Denki ne lui imposerait jamais rien, il en était persuadé. Son asexualité n'avait aucune importance : il l'avait dans la peau. Le reste, il s'en foutait.
« C'est bientôt fini, hein? » râla-t-il justement.
« T'es une vraie chochotte. » se moqua Hitoshi.
« Tu me découpes le bras! Excuse-moi de pas prendre mon pied. »
« Encore deux-trois touches de noir et j'te libère. »
« T'as mon sang sur les mains, monstre! »
Le bourreau tint parole : quelques envolées de dermographe, et il essuya délicatement l'épiderme à vif.
« Ça y est, tu peux arrêter ton cirque. »
Sa victime ne répondit pas, absorbée par le dessin sur sa peau dont perlaient des gouttes écarlates. Ses prunelles s'embuèrent soudainement et se levèrent vers son petit ami.
« C'est génial, Toshi. Il est incroyable. »
Les encres choisies, certes assombries par l'hémoglobine, ressortaient à merveille. Elles s'accordaient parfaitement à leur nouvel hôte, habillant son avant-bras de leurs contours opaques.
Elles symbolisaient tellement de choses.
« Je t'aime. » déclara naturellement Hitoshi.
« Je t'aime. »
Ils échangèrent un baiser discret, d'une authenticité qui fit frémir les personnes présentes dans l'arrière-boutique.
« Eh, qu'est-ce que je t'avais dit, déjà? » brailla alors Neito à l'encontre de son alter ego.
« Hein? Déso, j't'écoutais pas. » railla celui-ci, insolent.
« T'inquiète, j'te le rappelle avec plaisir : tu vas lui créer une œuvre tellement fabuleuse qu'il voudra t'épouser. »
Il se tint droit, fier de sa prestation :
« J'avais raison. Comme à mon habitude. »
Et, pour une fois, personne ne vint le contredire.
⚡️ 𝐅𝐈𝐍 ⚡️
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Et c'est la fin, déjà!
Je suis plutôt satisfaite de cette histoire, que j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire. C'est un peu une fierté personnelle, j'avoue!
J'espère en tout cas que tu as apprécié ta lecture et que tu seras là pour une éventuelle suite! Il est en effet fort probable que cet univers ait encore quelques petites choses à raconter... 👀
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