💛 𝙲𝙷𝙰𝙿. 𝟺 : Do You Miss Me So Much?

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« Est-ce que ça va, Hitoshi? »

« Hein? »

« Je n'aime pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais... Tu sembles ailleurs. »

« Tout va bien, Izu. J'me concentre juste. »

« Tu sais que tu peux m'en parler, si tu en ressens le besoin! Je suis certes ton client, mais aussi ton ami. »

Izuku Midoriya, professeur au lycée du coin, était l'un de ses adeptes. Accro insoupçonné au body art, il avait eu un coup de foudre pour les œuvres du mauve postées sur Instagram. Depuis, quasi un an plus tard, il passait régulièrement au Eraser Head pour discuter de ses projets et souffrir sous le dermographe.

« Ça va aller, je t'assure. » tenta-t-il vainement de l'apaiser.

« Menteur. » grogna Neito derrière sa table.

« N'importe quoi. »

« Tu tires une trogne de six pieds de long, tu te fous de ma gueule? »

Préférant rester silencieux, il reporta son attention sur le mélange de ses encres et s'appliqua à peaufiner les ombrages de sa dernière pièce : une grenade en pleine explosion, agrémentée d'une composition florale aux reflets émeraude.

« J'ai oublié de te demander : ça a une signification particulière? » interrogea-t-il Izuku, soulagé d'avoir trouvé un nouveau sujet.

« Bien sûr. » acquiesça le jeune homme, le visage légèrement froncé par la douleur. « C'est une référence à mon fiancé. »

« Oh, félicitations. Je le connais? »

« Je ne pense pas, son travail est carrément à l'opposé de ce que tu aimes! »

Son rire rasséréna un peu l'artiste. Son crâne était empli d'un tel bordel qu'il appréciait chaque minuscule occasion de l'enterrer.

« Ah ouais? Il bosse dans quel domaine? » s'intéressa-t-il davantage en essuyant doucement la zone sensible.

« Il a créé sa propre entreprise il y a quelques mois. C'est une boîte de nuit, tu en as sûrement entendu parler : le King Bomberkill. »

Son cœur s'emballa brusquement.

« Je suis très fier de lui. » poursuivit Izuku.

« Je savais pas que vous étiez en couple! » intervint Kyoka en s'approchant pour admirer le résultat sur son avant-bras.

« Moi non plus, et pourtant je le croise souvent, ton mec! » enchérit Eijiro, installé à l'autre bout de l'arrière-boutique avec son registre des stocks.

« On préfère rester discrets. » répliqua gentiment le concerné. « On n'a pas envie d'étaler les détails de notre quotidien, ils nous appartiennent. »

« C'est une jolie façon de voir les choses. » approuva la brune.

Hitoshi ne les écoutait que d'une oreille, appliquant machinalement la vaseline et le cellophane signalant que la séance était close. Son client ayant déjà validé les traits finaux, il ne souhaitait pas s'éterniser plus que nécessaire.

« Merci beaucoup, c'est super! »

« Content que ça te plaise. T'as géré, toujours aussi résistant. »

Il osa enfin croiser son regard, empli d'une inquiétude qu'il peinait visiblement à refouler. Doté d'un visage rond harmonieux, Izuku était la définition même du mot "adorable" : taches de rousseur joliment éparpillées sur sa peau pâle, grands yeux innocents aux multiples paillettes de jade, lèvres charnues s'étirant sans arrêt sous les rires... Bref, la totale.

Le mauve s'appliqua à réunir son matériel, plaçant dans le contenant spécifique les éléments ayant été en contact avec les muqueuses et le sang. Il désinfecta chaque centimètre carré de son espace, classa soigneusement les flacons choisis au début de la session. Son côté maniaque lui permettait au moins de ne plus trop penser à une certaine personne qui hantait ses nuits depuis bientôt une quinzaine...

« Bon, j'te passe les consignes pour la cicatrisation, je suppose? » s'assura-t-il auprès du vert.

« Oui, je te promets de faire comme d'habitude. » s'engagea celui-ci.

« Et maintenant que vous avez terminé, tu peux enfin nous dire ce que t'as? C'était quoi cette réaction quand t'as entendu le nom du Bomber? »

Aussitôt, le tatoueur se crispa. Évidemment que Neito n'allait pas lui foutre la paix. Déjà qu'il était casse-couilles en temps normal, mais alors s'il s'inquiétait...

« Y'a rien. » persista-t-il en l'évitant.

« On sait tous que tu nous baratines, Toshi. »

Il finit par se tourner vers lui. Il discernait dans son dos les œillades nerveuses de leurs amis, qui flairaient une tempête prête à dévaster le shop.

« Pourquoi tu m'emmerdes, Nei? J'ai pas envie d'en parler. » claqua-t-il, agacé.

« Tu me sers cette excuse depuis que t'as arrêté de voir l'autre illuminé. » le confronta le blond. « J'suis pas con, je sais que c'est lui le problème. »

Hitoshi se força à se contrôler. Il refusait de perdre son sang-froid.

« J'ai. Pas. Envie. D'en. Parler. » articula-t-il, les dents serrées.

« Toshi... » s'immisça Kyoka, prête à placer une main réconfortante sur son épaule.

« Me touche pas! »

Son éclat fit reculer la tatouée, qui ne s'en offusqua pas pour autant. Elle connaissait son camarade sur le bout des doigts. Cependant, là... Sa réaction était différente.

« Excuse-moi, j'aurais pas dû. » reconnut-elle. « Mais je m'inquiète pour toi. T'es comme d'habitude, mais... »

« C'est plus violent. » l'appuya Eiji en les rejoignant. « On s'en fiche, ça change rien pour nous... C'est pas le fait que ton comportement évolue qui nous préoccupe, c'est ce que tu t'empêches de ressentir. »

Le plus grand paniqua, rongé par leurs paroles. Les larmes montèrent sans qu'il puisse les stopper...

Puis débordèrent, portées par de lourds sanglots.

« Toshi! » s'alarma Neito.

« T-tu... veux un câlin? » proposa Izuku, affolé.

Pour la première fois, Hitoshi hocha la tête.

« Raconte-nous. »

Rassemblée autour d'une des plus larges tables du Chargebolt, la fine équipe lui avait laissé le temps nécessaire pour préparer sa confession – ce dont il était sincèrement reconnaissant.

« Il s'appelle Denki. » commença-t-il.

Seul Izuku eut une réaction marquée : son conjoint étant le gérant du Bomber, il devait déjà avoir entendu ce prénom.

« C'est lui qui m'a proposé de créer son premier tattoo de A à Z. »

Les mots suivants se déversèrent en un flot continu et libérateur, prenant littéralement le contrôle de sa langue.

« Il m'a fait un truc que j'comprends toujours pas. » déclara-t-il, la voix tremblante. « Quand on s'est rencontrés, il m'a... scotché. J'pouvais plus bouger. On a commencé à se voir régulièrement, officiellement pour que j'apprenne à le connaître, pour dessiner sa future pièce. Il devait rien y avoir de plus... Puis il a réussi à me traîner dans cette foutue boîte. Le Bomber. »

Ses compagnons retinrent leurs souffles. Ils y étaient, c'était maintenant.

« Il m'a fait danser. Il m'a... embrassé. Et bordel. J'ai adoré. »

Incompréhension générale.

« Euh, c'est... plutôt cool, non? » tenta la seule femme présente.

« Nan. Parce que j'avais jamais embrassé quelqu'un avant. »

Cette révélation leur fracassa les neurones...

Épargnant Neito, étrangement calme. Il savait.

« J'suis asexuel. » dévoila finalement Hitoshi, au paroxysme de la gêne. « J'ai disjoncté quand j'ai ressenti... ça. Donc j'me suis barré. Et j'ai coupé les ponts. »

Leurs silences, la musique en total décalage du contexte, ponctuèrent cet aveu arraché à cette part jalouse de lui-même qui souhaitait tout cacher. C'était dur et, même s'il connaissait ses potes, il appréhendait leurs réactions.

« Toshi... » souffla Eiji, ému.

« Merci de t'être confié à nous. » le soutint Kyo d'un sourire, à l'instar d'Izu.

« T'as eu peur, c'est justifiable. » s'en mêla Nei. « Mais tu peux te rattraper, si t'en as vraiment envie. »

Le mauve musela l'angoisse qui lui ruinait la poitrine et baissa brièvement les paupières, régulant autant que possible sa respiration. Il s'était mis à nu devant eux, et rien de fâcheux n'était survenu. Il n'allait pas reculer maintenant.

« Comment? » murmura-t-il.

« J'imagine que tu dois d'abord être en accord avec toi-même. » intervint doucement celui aux taches de rousseur. « Tu as le droit de tomber amoureux, de désirer quelqu'un. Ton asexualité n'est pas une prison : le spectre est suffisamment large pour que tu t'y retrouves. »

« T-tu penses que je le suis? Amoureux? »

« Comment tu te sens? Là, maintenant? »

« Mal. J'crois qu'il... me manque. Genre beaucoup. »

« T'as envie de l'épouser, c'est ça? » l'asticota son insupportable alter ego.

« J'ai envie qu'il soit ici. J'ai envie qu'il... m'embrasse encore? Je crois. »

« Contacte-le, Toshi. Le laisse pas partir. »

Le reste de la soirée se passa normalement, dans une ambiance plus détendue : ils commandèrent des cocktails, se régalèrent de divers snacks, se racontèrent des anecdotes ridicules... Neito participa même à un karaoké improvisé peu avant la fermeture, anéantissant les tympans des autres consommateurs.

Ils évitèrent scrupuleusement le sujet "Denki". Tout avait déjà été dit.

Lorsqu'ils quittèrent le café, le blond aux iris d'acier surprit Hitoshi avec une brève étreinte. Il lui rappela que, malgré son caractère moisi et son talent moyen, il le considérait comme son frère. Aussi, il lui assura qu'il était prêt à l'épouser si l'autre tanche ne voulait pas de lui.

Que ferait-il sans ce crétin? Sans eux? Ils lui apprenaient chaque jour la diversité des facettes de l'amour, et l'acceptaient quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse. Il se donnerait corps et âme pour eux, sans hésiter une seconde.

Il les remercia à sa façon, expression fermée et franchise tranquille. Leurs chemins se séparèrent, le laissant seul avec ses réflexions embrouillées. Il allait vraiment passer à l'acte, alors? Les ruelles éclairées menant à son studio défilèrent tandis qu'il pianotait sur son portable, switchant entre la fiche contact de Denki et la page de leurs SMS. Devait-il lui écrire? L'appeler? Lui envoyer un message vocal?

Finalement, il choisit la dernière option.

Il s'apprêtait à parler, vacillant, l'appareil proche des lèvres, lorsqu'un cri l'interpella. Il l'aurait reconnu n'importe où.

Shota.

« Qu'est-ce que tu fais dehors à cette heure? » lui demanda le brun avant de souffler la fumée de sa cigarette.

Il avait complètement zappé que son boss vivait au-dessus du shop, qu'il venait de dépasser sans s'en apercevoir.

« On était au Chargebolt. » expliqua-t-il.

« Et ça va mieux, du coup? »

« C-comment ça? »

« Me raconte pas de salades. T'es mon apprenti, je sais quand tu vas mal. »

Le brun le déconcertait. Il ne s'attendait clairement pas à ce qu'il soit si attentif à son bien-être!

« Ouais. Ouais, ça va mieux. »

Et c'était vrai.

« Tant mieux. J'suis soulagé. » confessa Shota. « Au fait, tu sais que ton pote est passé plusieurs fois dernièrement? »

« Mon pote? Lequel? »

« Le blondinet. Avec la mèche noire. »

« D-Denki? »

« Ouais, lui. Il te cherchait, mais t'étais jamais en service. »

Hitoshi s'affola : devait-il être heureux ou terrifié? Denki pensait-il que ses collègues l'aidaient à l'éviter?

« Il t'a dit quelque chose? » s'enquit-il, nerveux.

« Non. Il avait juste l'air triste... Comme toi. »

Son aîné lui jeta un regard entendu. Il n'était pas né de la dernière pluie et comprenait ce qui se jouait entre les deux énergumènes.

« Allez, file. Il va pas t'attendre éternellement, si? »

Sans hésiter davantage, le mauve fonça vers son petit appartement à quelques centaines de mètres, grimpa les escaliers de la résidence quatre à quatre, puis ouvrit la porte dans un élan brutal. Sans même se débarrasser de ses affaires, il s'installa à son bureau, haletant. Il allait envoyer cette putain de déclaration. Il allait la mémoriser d'un seul coup et ne rien effacer.

Il posa son téléphone face à lui, l'observa d'un œil craintif. Et s'il se montrait maladroit? S'il se foirait, incapable d'exprimer ses émotions?

« Il va pas t'attendre éternellement, si? »

Il appuya sur la touche d'enregistrement, verrouilla son doigt dessus.

C'est parti.

« Salut. C'est, euh... Hitoshi. Toshi. »

Mais j'suis con ou quoi?

« Ça fait un moment, pas vrai? »

La faute à qui, hein?

« Écoute, je... J'suis pas doué pour ça, mais j'vais faire de mon mieux, OK? »

Il peut pas te répondre, bordel.

« Je suis désolé, Denki. J'ai merdé. »

Il inspira intensément, puis se jeta à l'eau :

« J'me suis pas enfui parce que j'ai pas aimé ce qu'on a... fait. Au contraire, j'veux que tu saches que j'ai a-... adoré. Et que... C'était mon premier baiser. Je t'en ai jamais parlé, c'est vrai. Mais, c'est normal, enfin, venant de moi. Denki, je... Je suis asexuel, voilà. C'est pas que j'veux pas de contact physique, un peu quand même, mais... Merde, j'dis n'importe quoi. »

Il envoya ce premier fichier, le seuil d'une minute imposé par l'application presque atteint. Il maudit les développeurs sur trente-six générations, ayant perdu le fil à cause de cette connerie.

« Hm. C'est encore moi, du coup. J'te disais que... J'suis ace. Voilà, c'est ça. Pour moi, c'est limite inscrit dans mon patrimoine génétique, tellement c'est une évidence. Puis, quand je t'ai rencontré... Bah, je. Je crois que... J'suis tombé amoureux de toi. Denki. Je t'aime, et je sais pas quoi faire. »

Nouvel envoi.

« Je suis pas attiré par le... sexe. Hm, ouais. Je l'ai dit. C'est pas que ça me dégoûte... Bon, un petit peu. Peut-être. J'en ressens pas le besoin, tu comprends? C'est plus ça. J'aime pas qu'on me touche, mais ça, ça n'a rien à voir. C'est moi. Sauf quand... quand c'est toi. J'ai aimé ce qu'on a vécu au Bomber. C'était... chouette. »

Donc j'ai 55 ans. Super.

« Je sais pas si j'serais prêt à avoir des... tu vois, des... des rapports? J'en sais rien. Ça fait partie de ce que je suis. Je veux bien t'embrasser, carrément. Mais je sais pas si je pourrai aller plus loin un jour. Je veux pas que tu te fasses avoir si... si tu m'apprécies aussi. Si t'as des attentes particulières, sexuellement parlant, bah j'suis pas sûr de pouvoir les satisfaire. »

Dernier message.

« Bref. Je t'aime, Denki. Je m'en fous, du tatouage. Je me fous des leçons. J'veux te connaître au-delà de ça. J'veux apprendre l'amour avec toi. S'il y a bien un cours que je veux que tu me donnes, c'est celui-là. Voilà. Euh... Bon. Bonne nuit. À la prochaine? »

C'était nul. Je suis un immense naze.

Il posa sa tête entre ses bras croisés sur le bureau, désespéré de sa piètre performance. S'il lui répondait après ça, ce serait par pure charité...

Le ding caractéristique retentit.

Il se redressa précipitamment, les joues en feu et le palpitant en vrac.

« Hey. Salut. Bon, j'vais pas tourner autour du pot... Je t'aime. Je t'aime à m'en fendre le cœur. Et... Ça m'est égal que t'aies ou non envie de sexe. Ça a aucune importance pour moi. C'est toi que j'aime, pas ce que t'as dans le froc. Je m'en fiche, de ça. »

Il n'allait quand même pas claquer sur cette chaise, si?

« Dis, Toshi... Est-ce que je te manque beaucoup? Parce que moi, j'ai l'impression de suffoquer depuis qu'on se parle plus. On pourrait se voir demain, peut-être? Ce serait top. Promis, on n'ira pas trop vite. Si j'fais un truc qui te gêne, t'as qu'à agir comme d'habitude : tu me le dis, ou tu peux même carrément me flanquer une tarte. OK? Bonne nuit, Toshi. Je t'aime. »

Quand s'était-il mis à chialer? Il allait se dessécher, à ce train-là...


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