PDV de Lance

Keith et moi rejoignions les autres dans le silence le plus total. Qu'est-ce qu'on avait à se dire, en même temps ? Notre moment avait été interrompu, et il était impossible de faire marche arrière.

Quand on arriva près de l'assemblée, je vis Pidge battre des mains d'un air surexcité, tandis que les autres affichaient un grand sourire.

La jeune fille s'approcha de nous.

« Les gars... devinez quoi ? »

Je haussais les épaules, clairement peu enthousiaste vis à vis de la chose qui nous avait dérangée.

« Comme Shiro va mieux, on peut prendre le chemin de la Terre dès demain ! »

Elle nous fixa, s'attendant sans doute à une explosion de joie de notre part.
Elle n'arriva pas.

J'échangeais un regard peu convaincu avec Keith, qui eut un petit sourire, comme pour me montrer la réaction que je devais avoir.
Je souris à mon tour.

« Ah... ben c'est cool ! »

Je ne devais pas être très convaincant.

Pidge haussa un sourcil, puis abandonna la partie pour rejoindre les autres, qui n'avaient pas fait attention à cet échange.

Je me tournais de nouveau vers Keith, qui avait maintenant une expression attristée sur le visage. Quand il vit que je le regardais, il se força à avoir l'air plus détendu.

« Je te laisse avec tout le monde. Je vais me reposer pour être en forme pour demain. À plus tard ! »

Sa voix manquait d'entrain, mais je lui fis un signe de tête.

Il s'éloigna lentement en marchant difficilement. Sa fatigue ne s'était pas évanouie comme par magie.

Avec un soupir de résignation, j'allais me rassoir à côté de Hunk, qui me serra dans ses bras (il faisait un câlin à tout le monde, un par un), et qui commença à me resservir à manger.

« Profite de cette nourriture saine avant que nous puissions de nouveau manger des burgers !

- Ben tiens. »

Son enthousiasme me fit sourire, même si quelque chose me pesait encore sur le cœur, m'empêchant de me réjouir complètement.

Au fur et à mesure de la soirée, les membres de l'expédition allèrent se coucher un par un. D'abord Shiro, puis Krolia, Allura, et Coran.
Romelle reprit sa marche mélancolique le long de la falaise à quelques dizaines de mètres de nous, et l'envie de la pousser dans le vide me reprit.
Elle pouvait faire un effort, et au moins avoir l'air d'être un minimum enthousiaste, non ? C'était bien ce que je faisais, et je n'étais pas le meilleur acteur. Loin de là.

Je restais donc assis en compagnie de Pidge et de Hunk à côté du feu de camp, qu'ils avaient allumé pour réchauffer l'atmosphère qui s'était rafraîchie durant la soirée.

Au début, personne ne dit un mot. Mais je n'avais pas envie d'aller me coucher, et ça n'avait pas l'air d'être leur cas également.
Je ne pus m'empêcher de regretter le temps où nous étions proches et que nous parlions et faisions des blagues en permanence. J'avais l'impression que ces derniers temps, un vide s'était creusé entre nous.
Non, plus précisément, entre moi et le reste du monde.

Mais là, il n'y avait que le silence pour briser la tension, et il n'en brisait pas des masses.

Je constatais que Pidge m'observait par dessus ses lunettes d'un air conspirateur, ce qui aurait pu avoir un côté comique si elle n'avait pas l'air aussi sérieux.
Elle finit par prendre la parole, brisant le silence et réveillant Hunk par la même occasion.

« Bon, Lance, tu comptes nous parler de ce qui ne vas pas à un moment ? »

Je me redressais, surpris.

« Quoi ? De... quoi ? »

Elle leva les yeux au ciel.

« Ne fais pas genre. On en parlait justement, plus tôt dans la journée, avec Hunk, pendant l'entraînement. Tu as l'air différent, comme si t'étais malheureux. Vu qu'on est tes amis, tu peux nous parler, tu sais ? »

Ah, Pidge et son honnêteté naturelle... ça m'avait manqué (c'était vrai).
Mais non. Je ne me confierai pas comme ça.

« Je ne vois pas du tout de quoi tu parles. »

Hunk laissa échapper un grognement d'ours (dont, en passant, il avait en quelque sorte la carrure), et le regarda en fronçant les sourcils.

« On s'inquiète pour toi, Lance... tu fais plus de blagues, plus d'ironie... qu'est-ce qui t'arrives ?

- Je fais plein de blagues. C'est un talent naturel.

- Ben ton talent naturel ne s'exprime pas beaucoup, ces derniers temps

- Vous êtes juste trop bêtes pour comprendre mon humour si évolué.

- Ça doit être ça. »

Je baissais la tête en souriant. J'aurais vraiment voulu pouvoir leur parler, mais je n'étais pas sûr d'en avoir la capacité. Non pas que je ne leur faisait pas confiance, là n'était pas la question. Mais c'était dur. Et j'ai tendance à fuir les choses dures.

Pidge se leva pour s'assoir à côté de moi, en me regardant dans les yeux.

« Allez, crache le morceau. »

Je me tus pendant quelques secondes avant de pousser un long soupir.

« Ok. C'est à propos de Keith. »

Pidge plissa le nez.

« Quoi ? Il t'a fait mal pendant l'entraînement ? Il a lancé son chien sur toi ? Il t'a insulté ?

- Mais... non !

- Ah. Ben quoi alors ? »

Je la regardais avec de grands yeux.

« Pourquoi tu considères que la seule relation que je puisse avoir avec Keith est une relation de haine et de rivalité ?

- Heu, laisse-moi réfléchir... parce qu'il y a trois jours, tu nous as dit "la seule relation que je puisse avoir avec Keith est une relation de haine et de rivalité".

- Ah. C'est un argument valable. »

Hunk me posa une main sur l'épaule.

« Je ne pense pas que ça ait un rapport avec la rivalité. »

Pidge enchaîna.

« Mais plutôt...

- Avec...

- L'amour ? »

Je sentis le rouge me monter aux joues.

« Vous êtes insupportables. »

Pidge se leva d'un bond pour se planter devant moi.

« Mais je croyais que tu étais amoureux d'Allura ! Tu t'es enfin rendu compte que tu n'avais aucune chance ?

- Merci de me le rappeler. »

Hunk se leva à son tour.

« En tout cas, bravo, Lance. Ton faible pour lui ne se voit pas du tout. »

Il simula un air pensif.

« Ou peut-être que si, totalement, en fait.

- Quoi ?

- Désolé de te le dire, mais si tu veux cacher tes sentiments pour quelqu'un, évite de le fixer à longueur de journée avec des yeux en cœur. »

Je secoue la tête.

« Je ne le regarde pas. Et sûrement pas avec des yeux en cœur.

- Alors tu regardes quoi, exactement ? Le petit buisson derrière lui ? Tu es amoureux des plantes, maintenant ?

- Hunk ! »

Il balaye mon interjection d'un geste de la main.

« Si ça peut te rassurer, il te fixe aussi en permanence.

- Il... il ne me regarde pas. Arrêtez. »

Pidge renifla bruyamment.

« Crois-moi, on est aussi étonnés que toi. Il faut vraiment être désespéré pour avoir des sentiments pour Lance McClain. »

Mon visage était en feu. Je ne savais pas quoi leur dire. Je savais que je n'aurais rien dû leur avouer. Ça ne m'attirerait que des problèmes.

Mais, comme s'ils lisaient dans mes pensées, ils se radoucirent et arrêtèrent de rire.
Pidge me fit un petit sourire encourageant.

« Mais pourquoi tu ne lui dis pas ? Tu manques peut-être une belle occasion...

- Je n'oserai jamais.

- Allez, tu n'as rien à perdre. Tu mérites d'être heureux, après toutes tes histoires d'amour foireuses.

- Je te remercie. Tu sais vraiment remonter le moral des gens.

- Je suis une génie de l'informatique, pas une psy.

- Je sais. Merci quand même. »

Elle eut l'air d'hésiter quelques instants, puis elle passa ses bras autour de ma taille.

« Tu nous as manqué. Vraiment beaucoup. »

Hunk poussa une petite exclamation.

« Un câlin ? J'adore les câlins ! »

Il se joignit à l'étreinte collective, si bien que je me retrouvais coincé entre mes deux amis.
Mais à ce moment là, malgré cette position inconfortable, je ressentis une vague de bonheur parcourir mon corps. Les larmes me vinrent aux yeux et commencèrent à couler le long de mes joues.

Pidge enfouit sa tête dans mon bras (elle ne pouvait pas aller plus haut).

« Promets-nous que tu ne seras plus malheureux tout seul. Que tu nous en parleras. On est là pour toi. »

Je hochais la tête, bien qu'ils ne puissent pas me voir à cause de l'obscurité.

« Promis. »

On resta dans cette position quelques instants, puis je pris la parole d'une petite voix.

« C'est pas que je vous aime pas, mais je commence à étouffer. »

Il s'écartèrent de moi en riant.
Hunk bailla bruyamment.

« Bon, c'est pas tout, mais je vais me coucher. On se lève tôt, demain. »

Pidge acquiesça, me fit un clin d'œil, et se releva.

« Moi aussi ! Lance, tu sais ce qui te reste à faire.

- Mmh mmh. »

Ils s'éloignèrent en riant silencieusement.
Je les regardais partir en souriant, avant de me lever à mon tour du rocher où j'étais assis.

Je réfléchis quelques instants, pesant le pour et le contre de ce que je m'apprêtais à faire.

Pidge avait raison. Qu'est-ce que j'avais à perdre, de toute façon ?

Je pris une grande inspiration.
Tu peux le faire.

Et je me dirigeai d'un pas décidé vers le Lion Noir.

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