𝐕𝐈𝐈𝐈. PROMISE

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La chambre était blanche.
Toute blanche.
Si blanche...

Une couleur immaculée, soignée, à la pureté nauséabonde.

Une prison de verre.



Le temps semblait s'y écouler au ralenti.

Peut-être parce que je n'avais pas bougé de cet endroit blanc ?

Ici, à son chevet.

Agenouillé au sol, sa main froide entre les miennes.

Il était glacé.
Sa main l'était.



Son corps entier avait presque perdu toute chaleur.

Je ne voulais pas le lâcher, par peur que sa présence disparaisse pour de bon.


C'était lui, le prisonnier de cette geôle blanche.


Le visage recouvert par une multitude de bandages fraîchement remplacés, et déjà devenus si rouges.
La respiration faible ; si faible qu'on ne pouvait la distinguer qu'à la fine buée apparaissant sur la paroi du respirateur, à un rythme régulier.

L'électrocardiogramme.
Ce même son strident accompagnant chacun de ses battements de cœur.


Sa cadence, la lenteur des minutes, celle des secondes devenaient insoutenables.

Je n'avais aucune envie de dormir.
L'angoisse m'en empêchait.



Quand j'étais arrivé sur les lieux, au restaurant, ils avaient déjà évacué son corps inanimé.

Des traces de sang...
Il y en avait beaucoup.
En grande quantité. Partout.


C'était le sien.

Cette simple idée me terrifiait.

Je n'entendais plus les lamentations de Mike.
Ou les excuses désespérées de Jeremy.

Leurs paroles m'importaient peu.
Je ne leur ai pas adressé un seul mot.



Ce n'est qu'une fois arrivé à l'hôpital que mon esprit a repris contact avec la réalité.

...L'électrocardiogramme. Encore.

Son pouls semblaient s'accélérer, avant de reprendre sa cadence.



Chaque seconde.

Elles filaient. Encore et toujours.

Sans jamais laisser apparaître un quelconque changement. Un signe. Un réveil.

Ma main tenant la sienne trembla.



Un médecin, en arrivant, avait tenu à me parler. Seul à seul.

Il m'adressa des paroles étrangement acerbes pour un professionnel censé se montrer rassurant.

Cet homme m'avait guidé jusqu'à la chambre, en prenant soin de nous écarter de ses collègues.

« Le temps guérira Logan ?... C'est ce qu'ils vous ont dit ? »



Je le revois en train de se masser les tempes, l'air éreinté.

« - Parce que "le temps" peut guérir des lésions au lobe frontal et toutes ces hémorragies ?

Le temps lui manque et lui manquera toujours, Monsieur Afton.
Nous ne faisons que rallonger ce dernier, à votre demande. Vous comprenez ?

Jetez donc un coup d'œil dans l'étagère de sa chambre.
Si vous voulez mon avis, ce qui s'y trouve vous épargnera bien des regrets...

Et évitera à ce jeune homme bien des souffrances. »



Je ne comprenais pas un mot de ce qu'il m'avait dit.

Ses paroles n'éveillèrent en moi qu'un très mauvais pressentiment.

Mes doutes se confirmèrent en ouvrant l'un des tiroirs de la fameuse étagère, en face du lit, dès mon arrivée.



Plusieurs produits y étaient entreposés.

Dont une boîte remplie de seringues, que je sortis pour en examiner le contenu.

De la morphine.

Pourquoi en laisser une aussi grande quantité à la portée de n'importe qui ?

Une surdose pourrait se révéler fatale sur un patient fragile.


Ce sale type venait-il juste de m'inciter à... ?

...



Non.
Impossible.

C'est une plaisanterie ?



Quel genre de médecin conseillerait une chose pareille ?!

Hors de question de le faire.
Je ne dois pas le faire...
Je ne peux pas le faire.
Je...

Je ne pourrais jamais.
Jamais...


*bip*




Le bruit strident de l'électrocardiogramme me sortit aussitôt de mes pensées.

Dans un réflexe, je levais vivement la tête dans sa direction : j'aperçus alors cette fine goutte translucide.



Ce liquide perler sur la joue droite de Logan ; profitant d'un mince espace entre deux bandages resserré sur son crâne pour rouler, lentement, jusqu'à sa mâchoire.

Une unique larme.

Un soupçon de vie et de souffrance dans ce corps inanimé.

Le cœur serré, je vins l'essuyer du bout du doigt, sans éveiller en lui la moindre réaction.




« - ...
Je suis désolé... »


Ce murmure m'avait échappé.

Je ne pouvais plus lutter, me contenter d'un silence.

Pas davantage.


« - Je sais... Je sais que tu as mal... Ces soins, ces opérations...

Ni ces gars en blouse blanche, ni moi ne pouvons imaginer la souffrance que tu endures...
Logan... »



Je me sentais lâche.

Impuissant, face à la souffrance qu'il devait endurer.

Là. Seul dans cette salle blanche.


Est-ce que...

Est-ce que tout ça n'aboutira vraiment à rien... ?



« - ...Je ne peux pas... »

Il ne s'agissait plus seulement de ma main.
Mon corps entier tremblait.

« - S'il te plaît...

Logan, tant de gens t'attendent... Tant de gens attendent ton retour... »



Les souvenirs fusaient dans mon esprit, à toute vitesse.

Trop vite pour parvenir à me faire taire.

J'eus comme un mirage ; l'illusion de l'entendre parler. Comme avant.



J'écoutais à nouveau le son de sa voix.

Sa voix... Sa si belle voix...

Son rire qui valait tout l'or du monde...

Quand pourrais-je les entendre à nouveau ?


Donne-moi une réponse... N'importe laquelle...

Le plus bref marmonnement me suffit...

Je ne te demande que ça...

N'importe quoi... pourvu que ta voix résonne...

N'importe quoi...

N'importe quoi... !



« - Les enfants... Ils n'ont cessé d'espérer ton retour... »


Ma mâchoire se crispa.

« - Michael, Elizabeth, Evan s'inquiètent pour toi... Tu...

Tu es aussi leur père, après tout ! Tu as tant fait pour eux, avec un tel dévouement...

Tu as tant fait pour nous...

Tu ne peux pas finir comme ça !... »


Je fis une pause à cette dernière phrase.

Tel un déclic. D'une violence inouïe.

J'ai alors, presque inconsciemment, répété mes mots.


« - Tu ne peux pas finir comme ça... »

Mes yeux se figèrent sur cette main glacée serrée dans la mienne.

« - ...Tu dois sortir d'ici... »




Mes frissons s'estompèrent.

D'un geste lent, je lâchai délicatement sa main. Avec autant de précaution que l'on manipulerait une poupée de porcelaine.

Mon regard s'égara sur le tiroir entrouvert de l'étagère près de lui.



La porte de la chambre était fermée. Aucune infirmière n'était censée y pénétrer avant la fin de la visite.

Je sortis une seringue de la boîte ; la remplit de morphine, en éprouvant, sans raison, le besoin de lui parler une nouvelle fois.


« - Tu vas enfin pouvoir partir d'ici... Loin de ce foutu hôpital, tu te rends compte ? »


Un rire m'échappa, malgré ma voix brisée par les larmes.

« - Tu vas pouvoir enfin...

...être heureux... et libre...! »

Je terminais de remplir le flacon gradué de l'instrument, pour me tourner vers lui.

« - Ce ne sera ni long, ni douloureux... Rien de tout ça... »



J'approchais, le cœur lourd, en faisant un effort monstrueux pour ne pas avoir le geste tremblotant.

Je débranchais avec précaution le câble reliant Logan à l'une des perfusions.



« - Tu te souviens de notre dernière rencontre, au parc ? »

J'esquissais un sourire, songeur.

« - Tu tremblais de froid... Quand on s'est croisés, tu n'as pas tardé à t'endormir quand je t'ai serré dans mes bras... Tu te rappelles ?... »



J'introduisais l'aiguille de la seringue à l'intérieur du câble, en faisant en sorte de ne pas l'endommager.

Le bruit régulier de l'électrocardiogramme s'accéléra, l'espace de quelques secondes, avant de retrouver une cadence plus modérée.



« - C'est exactement ce qui va se passer...

Il est temps de dormir, Logan... »


La morphine s'écoulait de plus en plus, à l'intérieur du câble, pour infiltrer son corps.

Ce dernier, autrefois si raide, sembla se détendre sous l'effet du produit.

L'électrocardiogramme affichait un rythme de plus en plus lent.




« - Demain est un autre jour... » murmurais-je, en retirant la seringue, pour remettre la perfusion en place. « Nous nous reverrons, loin de cet enfer... Je te le promets... »

J'embrassais sa joue, tendrement.

Dans l'espoir de graver cet ultime instant à ses côtés dans ma mémoire...

Avant de le quitter, le cœur et l'esprit vide.



En laissant le temps faire son travail.







• 🎵 •


Un arrêt cardiaque.

C'est ce qu'ils m'annoncèrent le lendemain, parmi leurs mille excuses.

En prenant soin de me donner une estimation des frais d'hôpitaux.



Je ne leur ai pas vraiment adressé de réponse.

Je n'avais plus rien en tête.

Hormis cette promesse dérisoire.


Et cette douleur qui occupera mon cœur jusqu'à son dernier battement.

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