Chapitre VI
Suite à une reprise trèèèès tardive de ce roman (et je m'en excuse), le point de vue de Martijn ne sera plus au passé mais au présent. Je n'ai plus l'habitude d'écrire au passé et je suis navrée de ce changement car au début je le voulais au passé pour plus de cohérence avec l'époque (1888)... Veuillez m'excuser ! Bonne lecture à vous cependant !
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Précedemment dans You Are My POISON :
Martijn, jeune médecin diplômé, continue sa journée de visite auprès de son équipe. Après avoir visité les locaux, assisté à une séance collective avec ses futurs patients, mangé, lu le règlement intérieur plus que sordide ; sa dernière mission de la journée est de s'entretenir individuellement avec ses quelques patients. Julian s'est mis à nu et à dévoiler le fond de sa pensée, maintenant c'est au tour de Garance, la fille unique de la richissime famille Rockefeller. Rappelons que toute relation entre patient et soignant est strictement interdit au sein du Trans-Allegheny Lunatic Asylum...
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Mademoiselle Rockefeller ? Je m'apprête à lui rendre visite ? Mais, je ne suis pas totalement prêt...
- Martijn ? Tu rêvasses ?
- Excuse-moi Watse.
Le médecin me sourit, me tape l'épaule et me guide dans l'aile des femmes et jusqu'à la cellule de ma patiente. Arrivé, je toque pour manifester ma présence et ne pas l'effrayer. Elle lève la tête et me regarde de ses beaux yeux gris. Deuxième contact oculaire de la journée, plus rien ne va, je perds les pédales.
- Rebonjour docteur.
Sa voix douce interrompt mes pensées, elle me sourit et me désigne la chaise. Je la remercie et ferme la porte. J'ai l'impression de fonctionner au ralenti, de ne plus avoir la capacité de réfléchir, d'être perdu dans ce quatre mètres carrés. Mais que se passe-t-il chez moi ?! Au lieu de faire mon travail comme je dois le faire, je l'observe.
Garance est petite avec quelques rondeurs. Son visage ressemble à celui d'une poupée fragile que l'on pourrait briser à chaque instant. Ses longs cheveux lisses ressemblent à de la soie blonde qu'on ne pourrait se lasser de toucher. Ses yeux bleu-gris nous charment et nous ensorcèlent. Ses petites joues rebondies roses lui apportent une douceur et une grâce sans pareil. Cette femme est une beauté de la nature, une femme qui, malgré son apparence, semble mûre pour son âge. En la regardant on dirait un ange, un ange aux ailes brisées, un ange tombé du Paradis, perdu sur Terre.
- Vous allez bien ?
Elle me sort de ma transe. Je lui souris simplement et m'assois, mettant de côté frissons et spasmes. Ma plaque posée sur les genoux, mon stylo plume dans une main, je lui demande si elle a bien mangé. Surprise par cette question, elle me répond que oui après une petite hésitation.
- Bien. Je suis venu afin de m'entretenir avec vous. Ma méthode sera sûrement complètement différente de celle que vous avez pu rencontrer auparavant. Nous allons nous apprendre à nous connaître, tisser une relation basée sur la confiance et ainsi, je pourrai vous aider. Tout se passera par le biais de la parole, les lobotomies et toutes autres méthodes seront prohibées. Mon objectif est simple : vous soigner par la parole. Je testerai l'hypnose si jamais nos discutions ne mènent à rien mais ne vous inquiétez pas, ce n'est pas d'actualité. Souvenez-vous que jamais je ne vous ferai de mal, ce n'est mon but. D'accord ?
Elle hoche la tête. Ses doigts sont entrelacés entre eux, ses mains sont entre ses cuisses et sa tête est baissée: elle a peur, elle n'est pas rassurée.
- Détendez-vous Garance, je ne vais rien vous faire.
Je lui lance un sourire compatissant et la regarde tendrement. Elle lève la tête doucement et loge ses prunelles dans les miennes puis déglutit et baisse le regard. Que s'est-il passé pour qu'elle soit dans cet état-là... ?
- Bon très bien. Quand avez-vous été internée ici ?
- Depuis le 2 septembre 1886, j'avais 18 ans docteur.
- Appelez-moi Martijn, ça fera l'affaire.
Elle opine rapidement de la tête plusieurs fois et regarde toujours le sol.
- Avant votre internement qu'avez-vous l'habitude de faire ? je lui demande gentiment.
- Du cheval ! dit-elle en me fixant.
Ses yeux s'illuminent et reflètent une lueur nouvelle, pleine de vie et d'espoir.
- Et vous en faisiez depuis combien de temps ?
- Depuis ma plus tendre enfance. Tous les jours, j'enfourchais mon cheval et galopais avec lui pendant des heures. Généralement mes parents n'étaient pas très contents que je rate le souper...
- Et ce cheval, votre compagnon, avait-il un nom ? j'interroge intrigué.
- Grace, elle s'appelait Grace, répond-elle nostalgique. (Elle baisse la tête, essuie quelques larmes rebelles et reprend en me fixant :) Vous savez, je pense tout le temps à elle... Elle permet de m'évader quelques instants, de quitter cet endroit horrible et immoral.
- Oui je le comprends. Les patients essayent de se raccrocher à de bons souvenirs pour ne pas sombrer dans la folie, pour s'évader et essayer de frôler le bonheur ne serait-ce quelques secondes. Vous savez, je suis sûr que je peux remédier à cette situation.
Intriguée, elle penche sa tête et me demande comment par un simple regard.
- Je pourrai ajouter l'équitation aux activités de l'après-midi.
- Vous feriez ça ?
- Si je le peux, je le ferai oui. Mon père est le directeur de cet établissement, si je lui expose un bon argument je suis certain qu'il ne verra aucun inconvénient, dis-je sincèrement.
- Merci, merci beaucoup...
- Je suis là pour vous aider, pas vous enfoncer Garance.
Elle me remercie d'un sourire doux puis me détaille du regard. Légèrement gêné, je pose mon regard sur ma feuille manifestement blanche et pince mes lèvres. Pourquoi n'ai-je rien écrit ? Je suis idiot ma parole !
- Pourquoi êtes-vous si gentil ? finit-elle par dire après un long silence.
- Parce que si je suis abject comment voulez-vous que nos séances se passent bien ? Comment voulez-vous guérir si vous détestez votre médecin ? C'est scientifiquement prouvé.
- C'est étrange, vous le faites même pas exprès... Je n'ai pas l'impression de déceler une once de méchanceté en vous.
- Nous partons sur de bonnes bases alors.
De gros bruits sourds viennent interrompre notre conversation. Je me retourne et aperçois Watse qui frappe à la porte à coups de poing. Notre entretien est déjà terminé ?
- Il est temps pour moi de vous laisser, d'autres rendez-vous m'attendent, je l'informe en me dirigeant vers la porte en fer.
- Non, attendez !
Une petite pression douce me retient le poignet sans me faire mal, de nombreux frissons parcourent ma peau caucasienne. Je me retourne et la vois, ses grands yeux singuliers me détaillant.
- Oui ?
- Revenez-vous demain ?
Sa main lâche mon poignet alors que son regard déborde d'espoir.
- Bien évidemment, vous êtes ma patiente. Je serai là chaque jour, sauf les dimanches.
- Merci.
- Mais de quoi ? je lui demande intrigué.
- D'avoir pu me considérer malgré ma condition. De vouloir introduire un cheval ici, même si je pense que ce sera impossible.
- Impossible n'est pas dans mon vocabulaire mademoiselle Rockefeller.
Puis je m'en vais et la laisse dans sa cellule un sourire rayonnant sur le visage. Je ferme la porte, pose mon front sur les barreaux et la salue d'un geste de la main. Elle me sourit et lève sa petite main avec doute. Cette fois-ci je pars, la quitte et la retrouve demain.
Comment je vais faire pour attendre tout ce temps ? J'ai envie que cet entretien dure toujours, j'ai envie de parler avec cette sublime personne pendant des heures, j'ai envie de découvrir son passé, ses histoires, sa vision des choses. J'ai tout simplement envie de la connaître plus.
- Alors ? Cet entretien ?! s'excite Louis.
- Il était très instructif, vraiment agréable.
Je lui confie ces mots pendant qu'il soulève ses sourcils et fait un clin d'œil. Pourquoi est-il tout content ? Je fronce les sourcils.
- Elle avait le sourire. C'est rare, extrêmement rare même. Et puis, vous êtes beaucoup trop mignons !
- Il ne se passera strictement rien. C'est interdit.
- Et Cupidon peut toucher n'importe qui avec sa flèche, chantonne-t-il en s'en allant.
Je souffle d'exaspération et me tourne vers le reste de la troupe. Il en manque quelques-uns... Où sont passés Michael, Aubrey, Damian et José ?
- Le devoir les a appelé, répond mon maître de stage. Ils sont partis travailler juste après que tu sois entré voir Garance.
Je hoche la tête et me dirige vers un autre patient le sourire aux lèvres. Même si je suis nouveau et inexpérimenté je parviens quand même à gérer des patients seuls, c'est un bon début.
Alors que Louis, Watse et moi nous dirigeons vers le prochain patient, un certain George, je repense à l'entretien que j'ai eu avec ma patiente. Cette femme a perdu la joie de vivre et est très intimidée, elle a dû avoir un passé compliqué... Ces révélations viendront avec le temps, je n'ai pas à m'en faire.
Des rires d'enfants me sortent de mes pensées, je sursaute puis me rends compte que ce ne sont pas des rires mais des cris effrayés. Que se passe-t-il ?
Je cours vers les bruits malgré les protestations de mon supérieur et arrive dans une pièce en panique ; ce que je vois me sidère, me brise le cœur.
- Mais lâchez-les ! Qu'est-ce qu'il vous prend ?!
Je jette mes fiches à terre et me rue sur le surveillant de ce matin qui empoigne une fillette par les cheveux et la traîne sous ses cris. Elle essaye de se débattre mais rien y fait, il est bien trop lourd et fort pour la petite.
- Tais-toi ! Arrête de hurler !
Il la gifle. Et c'est à ce moment que j'interviens en appelant la sécurité et en essayant de la libérer. Une seconde fillette est dans un coin recroquevillée et pleure toutes les larmes de son petit corps, je m'en occuperai plus tard. Le surveillant me prend par le col et m'envoie rejoindre le sol. Je heurte plusieurs chaises et finis ma course la tête contre le carrelage. Au loin, j'entends des bruits de lutte et des grognements et je reconnais la voix tranchante de mon père.
- Monsieur Collins ! Dans mon bureau, immédiatement !
Je tousse et passe une main sur ma tête qui me lance. Je sens un liquide, inquiet je porte la main à mes yeux et constate que je saigne, abondamment.
- Oh mon fils ! Je ne t'avais pas vu !
Des pas se rapprochent de moi en courant tandis que j'essaye de me relever. Je ne veux attiser aucune compassion. Mon père m'aide avec Louis, il prend mon visage entre ses mains et pousse un cri d'horreur.
- Emmenez-le vite à l'infirmerie Louis.
- Et les fillettes ? Elles vont bien ?! dis-je tourmenté.
- Ce n'est pas le sujet actuel, votre état est plus important que ces trisomiques.
- Non.
Je passe une manche sur le haut de ma tête afin de m'essuyer grossièrement le sang et exige à ce qu'on me lâche.
- J'irai à l'infirmerie quand je l'aurais décidé, pas avant, je déclare en m'éloignant de mon père et de Louis.
D'un pas déterminé, je vais voir les deux filles qui se sont rejointes. Les petites, une rousse albinos et l'autre brune à la peau mate, tremblent de peur ; je m'approche alors doucement et demande comment elles vont. Elles lèvent leur petite tête et me dévisagent, un fin sourire s'étire sur mes lèvres.
- Et vous ?
- Tout va bien, je n'ai rien. Je m'inquiète plus pour votre état à vrai dire...
Elles se regardent, communiquent sûrement par la pensée et se jettent dans mes bras. Accroupi, je me retrouve dès à présent sur les fesses. Je m'esclaffe, elles aussi et me remercient.
- Ils voulaient nous enfermer dans la cage humaine parce qu'on était dans cette salle en train de jouer...
- Il m'a tapé ici, j'ai mal, annonce la brune en me montrant sa joue.
- Vous savez quoi ? Je vais vous emmener à l'infirmerie.
- Et après tu t'en vas ? balbutie la brune.
- Après je vais devoir retourner travailler mais avant il faut qu'on me soigne aussi.
- Mais Leezie, nous on va à l'infirmerie des enfants, lui dans celle des médecins.
- Ah oui c'est vrai Margaret...
La petite fille baisse la tête et me demande ensuite comment je m'appelle, je lui dis et, accompagné de Louis et de Watse, je les emmène se faire soigner. Je quitte leur infirmerie après qu'une infirmière les ai prises en charge et vais dans notre salle de repos me soigner.
Le grand blond s'occupe de moi pendant que le chauve aux yeux bleus me blâme.
- Pourquoi tu y es allé ? Ce qu'il se passe avec les enfants ne nous regarde pas... Malheureusement tu aurais dû le laisser faire Martijn.
Pardon ?!
- On parle d'enfants, de petits êtres humains. Non-assistance à personne en danger est durement sanctionné auprès de la justice. Je devais faire quelque chose !
- La justice n'a cure de nos différends ici. Elle ne s'occupe pas de nous, jamais. Ce qu'il se passe ici reste ici, ce qu'il se passe ici est géré par le directeur. Il est à la fois le dirigeant, le décideur, le juge et l'autorité, tu devrais le savoir. Travailler dans un hôpital psychiatrique est comme travailler dans un monde à part, un monde qu'on oublie.
- Tu veux dire que si l'on tue des êtres humains la justice ne va pas intervenir car ce n'est pas de son ressort ? je demande en grimaçant de douleur à cause d'un coton imbibé d'alcool.
- Ne prend pas de cas extrême non plus. L'Etat n'interviendra que si des crimes contre l'humanité et autres barbaries sont commis. Les pratiques et méthodes employées ici sont amplement tolérées et ne seront en aucun cas remise en cause par l'Etat.
- C'est vraiment... répugnant, immoral, inadmissible ! je peste.
- On ne pourra rien y faire, tout ce que tu peux espérer c'est attendre que ton père meurt pour pouvoir être directeur et diriger comme tu l'entends.
Je serre les dents dès que Louis donne un dernier coup de coton sur ma plaie. Chaque minute de plus passé dans cet endroit me conforte dans cette idée d'injustice qui règne dans ce morbide lieu. Au moins on ne parlera plus de ce surveillant, c'est déjà ça...
Puis quand le blond me fait le pansement, je me mets à penser à Garance, à cette jolie femme qui semblait mal pour moi quand elle m'a vu en sang passé devant sa cellule.
Je jure, je fais le serment de protéger et d'aider du mieux que je peux tous ces patients. Oh oui je le jure devant Dieu.
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Eh bien ! Ça fait longtemps !
Malheureusement, les chapitres arriveront quand ils arriveront, en attendant j'espère que vous avez apprécié ce sixième chapitre !
Dites-moi ce que vous en pensez en commentaire ! 💬
Un grand merci à vous, bonne continuation et à la prochaine !
Chloé ❤️
P.S. J'ai changé Zara Larsson par Chloë Grace-Moretz pour incarner Garance ! J'espère que cela vous plaira 😊🤭
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