15. Je suis votre voisin! Ouais, et alors?

Lust for Life (feat. The Weeknd) - Lana del Rey

💫

Jungkook poussa la porte de son appartement. Il n'y avait pas un bruit ici en dehors des roulettes de sa grosse valise sur le sol. Ni même à l'étage, lorsqu'il se trouva sur le palier après avoir fait deux pas en dehors de la cage de métal qui l'avait transportée au quatrième étage qu'il habitait.

Même son chien ne lui sauta pas dessus de joie à son arrivée. Plus de quatre semaines qu'il était parti, et Bam, qu'il avait déposé chez ses parents à Busan avant de prendre l'avion, commençait à réellement lui manquer.

En cette fin d'après-midi, l'appartement se retrouvait dans une semi-obscurité. Le ménage avait été fait pendant son absence et les draps changés. Il s'avança dans son vaste salon puis la cuisine ouverte. Il ne restait que des bouteilles d'eau et quelques bières dans son frigo, rien dans les placards en dehors d'un paquet d'algues séchées, et il lui faudrait faire le plein de courses. Il ne pourrait difficilement pas attendre dimanche soir pour aller au convenience store, comme il en avait souvent l'habitude avant, afin d'y croiser "par hasard" et chaque dimanche, un certain oméga perdu dans les rayons de plats préparés.

Jungkook souffla d'aise en décapsulant sa bière et la porta ensuite à ses lèvres. Il se questionna pour savoir ce que Jimin pouvait faire à cette heure-ci, il n'avait pas senti son odeur dans l'immeuble, mais après tout, Jungkook n'avait pas à s'en soucier davantage, il faisait bien ce qu'il voulait. Chacun sa vie.

Jungkook était enfin rentré de voyage. Il allait pouvoir se poser un peu, avant de reprendre ses habitudes, celles d'avant. Sa petite vie tranquille à se lever plus tard que les autres - Jungkook n'était toujours pas du matin - sa visite journalière à sa galerie d'art, tenue par son ami et artiste Mingyu avec lequel il irait certainement boire un verre ce soir, à cuisiner, à analyser et traiter les dernières photos qu'il avait faites, les faire imprimer et encadrer si nécessaire, à sortir, à s'éclater et baiser aussi.

Jungkook n'avait pas à se soucier davantage du reste.

À moins que.

Son téléphone sonna dans sa poche. Il venait juste d'arriver et quelqu'un cherchait déjà à le joindre.

🐰 Oh Yoongi hyung, comment vas-tu?

Jungkook s'était avancé vers le canapé pour s'affaler dessus, poser ses pieds sur la table basse et siroter sa bière.

🐱 Et toi? Tu devais rentrer n'est-ce pas?

🐰 Je viens d'arriver! Et tu vois je viens enfin de me poser. Putain, j'espère ne pas trop avoir le jetlag, j'ai des trucs à gérer pour la galerie et il faut que j'aille récupérer Bam chez mes parents à un moment où l'autre. Et j'aimerais bien passer vous voir aussi, Haneul m'a manqué.

🐱 Elle devient une vraie chipie, tu verras! Au fait je peux te parler d'un truc qui me travaille un peu?

🐰 Oui, bien sûr...

🐱 Tu sais que je bosse en cardio, mais j'avais un peu de temps hier et je suis passé voir mon ami Seo-Joon dans son service. Il m'a fait visiter son unité de soins palliatifs. Il y a actuellement 4 omegas dont le pronostic vital est engagé, et il y en a un qui s'appelle Park Jimin. Ça m'a alerté, tu comprends?

Jungkook se redressa un peu dans le canapé à l'entente du nom, mais il n'y avait rien qui puisse l'affecter d'autre. Jungkook avait compris les termes qu'avait utilisés Yoongi, mais il s'en détachait volontairement.

🐰 Yoongi, tu sais combien il existe de Park Jimin en Corée? Arrête un peu. Tu as vu qui était cette personne?

🐱 Non je ne suis pas rentré dans les chambres et ton voisin, à part l'avoir croisé quelquefois dans l'entrebâillement de ta porte et en visio quand tu étais à Toronto, tu sais très bien que je ne suis pas physionomiste.

🐰 Ouais c'est clair, t'es archi nul à ça. Tu reconnais déjà Hoseok ton mari dans une foule et c'est déjà pas mal!

Il entendit Yoongi grogner "t'es con" après lui de mécontentement. Ce n'était pourtant que la vérité.

🐰 Et....il fait quoi dans la vie ce Park Jimin?

Jungkook ne s'inquiétait pas. Non. Juste de la curiosité. Juste ça.

🐱 Je n'en sais pas plus, juste qu'il n'a pas de famille en Corée c'est bizarre d'ailleurs, sauf ses collègues qui passent le voir tous les jours. Ils bossent dans la mode à ce que j'ai compris, je les ai croisés, ce n'est pas une légende quand on dit que ceux qui sont dans ce milieu sont un peu perchés....

Jungkook retint son souffle et une douleur intense irradia dans sa poitrine. Il posa sa main sur son cœur et son palpitant qui battait bien trop vite. Il ne suffoquait pas, il lui en fallait bien plus, mais son alpha était aux aguets, prêt à bondir.

Une vision du bureau dans lequel travaillait Jimin arriva à son esprit. Plus d'une fois, il avait fait l'effort de lui amener des cartons que le livreur se faisait un malin plaisir de lui laisser, quand Jimin était absent chez lui. Jungkook travaillait une bonne partie de la journée à domicile alors il était si facile qu'on sonne chez lui. Et plus d'une fois il faisait le trajet à pieds, quelques minutes dans Gangnam, pour déposer en main propre le colis à Jimin à son travail, dans son bureau et devant ses collègues, tous aussi farfelus les uns que les autres.

Ici régnait un arc-en-ciel de couleurs,de diverses amitiés certainement sincères, de rires, de dessins et croquis sur tous les murs et les bureaux aménagés, de mannequins à moitié nus attendant d'être recouverts d'un tissu cousu, de gestes précis ou survoltés, de paroles échangées dans un méandre de conversations chaotiques. Un "bonnnnnjour" savoureux d'un collègue maquillé et habillé en robe extravagante, ou un "ohh Jimin, ton beau voisin est de retourrrr!" de sa collègue au sourire mutin, celle qui faisait 1m50 et portait toujours des lunettes colorées.

Et puis. Et puis les yeux énigmatiques de Park Jimin posés sur lui, toujours habillé impeccablement et sobrement, peut-être celui qui détonait le moins dans ce fourmillement, et qui lançait à chaque fois un "Merci vous pouvez le poser là" en montrant de son petit doigt et son poignet plein d'aiguilles à couture, un endroit aléatoire. Quelquefois il y était seul, dans un silence un peu plus reposant, écoutant de la musique classique en dessinant d'un coup de crayon assuré.

🐰 Et ces omegas.... sont dans quel état?

Jungkook déglutit à nouveau sans oser encore imaginer ce que Yoongi pourrait lui décrire. L'alpha de Jungkook ne respirait plus, il hurlait de l'intérieur. Était-ce lui? Cela ne pouvait pas être possible. Jungkook revenait de voyage, forcément qu'il n'avait rien senti. Et puis Jimin faisait sa vie de son côté, tout était revenu à la normale comme avant, c'est ce que Jungkook s'était convaincu, et espérait.

Mais certainement, en vain.

🐱 Leur loup intérieur se laisse mourir, et donc leur humain aussi. Cela arrive après une dépression, le rejet, l'abandon ou le décès de leur alpha. Il y a tout un protocole avec des alphas bénévoles et habilités pour les stimuler et les choyer, mais il n'y aucune amélioration dans son cas. Il ne lui reste pas beaucoup de temps. Il est dans un état critique depuis une semaine. Il ne supporte plus aucun traitement, rien n'y fait. Il est juste alimenté, mais c'est bientôt la fin....

L'alpha de Jungkook gronda. Si fort que Yoongi dut l'entendre. Mais Jungkook n'y prêta pas attention. Son loup prenait le dessus, lui dictait quoi dire quoi faire dans des gestes ordonnés, et s'il avait pu et n'était pas aussi fort en contrôle, il aurait déjà pris sa forme de loup pour se faufiler le plus rapidement possible auprès de l'omega.

🐰 Ok, j'arrive. J'arrive tout de suite!

💫

Les draps étaient fraîchement changés et glissaient sur sa peau. Ce n'était pas qu'ils sentaient bons - il aurait préféré une autre odeur pour l'accompagner, mais il ne l'aurait plus jamais auprès de lui de toute façon - il s'était habitué à cette odeur d'hôpital depuis plusieurs semaines maintenant. Les hôpitaux avaient très souvent ces odeurs caractéristiques liées aux patients, aux soins mais aussi à l'aseptisation. Il y avait également le passage d'alphas et de leurs odeurs agréables et rassurantes, mais Jimin n'y réagissait jamais et pas une seule fois.

C'était peut-être la fin de journée, une heure pas vraiment précise et pleine de tiédeur. Entre l'heure du goûter et celle du souper. Avec peut-être un soleil décroissant sur l'horizon, mais Jimin ne pouvait pas le savoir, il n'ouvrait pas les yeux. Il sentait toutefois la lumière à travers ses fines paupières qui tressautaient de temps en temps.

La fatigue l'empêchait de les garder ouverts. Et puis il entendait les bruits, pas vraiment forts mais bien présents. Dans le couloir, dans cette pièce impersonnelle qu'il ne considérait pas comme sa chambre, parmi les bruits incessants des machines.

Au début il y en avait eu plus. Quand il était arrivé en soins intensifs en urgence dans cet autre service, quelques jours après Toronto, et qu'on avait dû régenter pour lui les modifications involontaires de son corps. Jimin ne gérait pas ses besoins inassouvis et la douleur, l'échelle sur dix était dépassée depuis bien longtemps et il avait fallu s'occuper de son oxygène et de ce corps mis volontairement au repos artificiel. Et puis la phase de ses chaleurs était passée et avec cela la prise de conscience intérieure. Bien trop forte et implacable.

Personne n'était venu réclamer l'omega, personne ne voulait de lui et le loup de Jimin n'était pas prêt à rentrer chez lui, seul et abandonné. Il n'avait plus goût à la vie. Alors les machines pour le maintenir en vie avaient laissé place à plusieurs sondes, pour le nourrir, pour ses besoins, et même, selon les jours, le chuintement de l'oxygène qui lui emplissait le corps quand cela était nécessaire pour le faire respirer plus facilement.

Son ouïe s'était habituée à tous ces bruits.

Il s'habituait à ce corps qui ne voulait plus lutter contre lui-même. Il en souriait quelquefois. Son visage n'était pas fermé mais dans une certaine béatitude. Il était même beau ainsi, tel un ange gardé intact dans l'empyrée.

Jimin se prélassait dans cet état de latence. Il n'était pas en bout de course, il ne sentait plus la douleur, il n'y en avait plus. Il se laissait aller, tout doucement. Il n'avait pas envie de lutter. Bien sûr au départ, il y avait eu des larmes qu'il n'avait pas retenues. Beaucoup au début, et qui avaient même sûrement un peu asséché son cœur.

Alors son humain n'avait plus pleuré, mais son loup continuait, sans bruit. Tellement, qu'il lui avait demandé d'arrêter de se plaindre, il avait essayé de le faire taire lorsqu'il lui avait demandé de contacter l'alpha ou de le chercher. Mais Jimin avait réussi à le dominer. Mais depuis ces chaleurs, son loup avait repris le dessus, comment Jimin pouvait lutter? Là aussi, les larmes ne vinrent plus au bout d'un moment, trop inutiles d'avoir coulées même pendant son sommeil. Pourquoi lutter, pourquoi ressentir quand on pouvait partir en paix? Pourquoi lutter plusieurs fois dans l'année dans cet état de douleurs insoutenables, si ce n'était pas pour être soulagé et rempli par l'être aimé? Le loup de Jimin n'avait plus de raison de rester en vie.

Peut-être que son loup n'était pas fait pour vivre. Il n'avait jamais eu sa place de toute façon dans ce monde, ni dans sa famille, ni ailleurs. À part peut-être dans sa profession. Jimin n'était pas angoissé par cette fin, par le néant ou le trou noir. Il s'était toujours d'ailleurs demandé où le tunnel pouvait mener. Depuis sa naissance, il n'avait pas sa place dans cet univers qu'il ne comprenait pas, dans lequel il se sentait incomplet. Et éteint. Il n'était pas lui-même, il n'avait jamais pu s'exprimer librement et totalement, alors à quoi bon? Quand personne ni même une moitié ne pouvait combler ce vide et le magnifier?

Même en étant faible, Jimin avait déjà arraché un ou deux tuyaux, qu'on lui avait replacés ensuite. Il fallait bien qu'il soit alimenté. Mais à quoi bon un maintien chimique et médicamenteux?

Peut-être que son loup n'était pas fait pour les émotions. Pourtant il en avait eu beaucoup, et trop. Il y avait eu l'anxiété d'être ici au début. Et puis la peur de l'inconnu, le rejet, l'assurance d'un sommeil provoqué et ensuite le vide et l'abandon. Et maintenant un certain ravissement d'une âme prête à partir.

Pourquoi son corps n'avait pas encore lâché? Pourquoi le maintenir encore en vie?

L'équipe médicale ne voulait pas le laisser tranquille, pourtant son loup essayait de leur faire comprendre. Des alphas étaient passés, son omega les avait flairés sans s'y intéresser. Ils avaient testé ses sensations, laissé leurs effluves doux ou épicés dans l'air, lui avaient parlé, tenté de le rassurer par leurs phéromones. Jimin avait bien entendu le médecin qui s'occupait de son cas, lui expliquer les démarches, le protocole de ces alphas masculin et féminin qui venaient lui rendre visite pour aider son omega à aller mieux. C'était une bonne idée, cela partait d'un bon sentiment, quelle gentillesse. Peut-être que cela marchait sur d'autres, mais pas sur lui. Il aurait préféré en vomir si même pour cela il avait eu de la force. Mais la force l'avait quitté depuis bien longtemps. Ces alphas n'étaient pas lui, n'avaient pas son odeur, ni même son aura et encore moins leur lien. Alors à quoi bon lutter?

Il aimait rester dans le noir qui n'était pas si noir. Il y avait de temps à autre des souvenirs qui lui revenaient en mémoire et le faisaient scintiller d'une façon bien particulière. Etait-ce pour cela que même dans son sommeil, il souriait? Surtout lorsqu'il sentait une odeur dans l'air. Ce n'était pas lui, il le savait, parce qu'un omega savait reconnaître parmi des milliers d'odeurs celle de son propre alpha - c'était ce qu'il se disait sans savoir qu'il s'agissait davantage de leur imprégnation, dont il n'avait pas conscience, et qui dictait son odorat. Un omega dans l'une des chambres de son unité devait sûrement manger, parce qu'il avait senti, même faiblement, un plateau de nourriture passer dans le couloir et ce qui devait être une mousse au chocolat. Jimin avait perdu l'appétit, il ne mangeait plus du tout, et les fragrances qu'il sentit ne lui firent aucun effet. À part, cette douce odeur de dessert qui flottait dans l'air.

Il se souvint alors de cette première fois. Il y a trois ans.

💫

La première fois que Jimin l'avait sentit, il était devenu instantanément un peu étourdi, ses narines s'étaient dilatées alors qu'il prenait une énorme bouffée d'air.

Il était dans l'ascenseur, appuyant à la hâte le numéro 4 pour s'éloigner de la chaleur caniculaire de l'été et qui s'était même engouffrée dans le hall de l'immeuble, lorsque le parfum le plus chaud et le plus merveilleux inonda ses sens.

Chocolat. Du chocolat onctueux, douillet, enveloppant.

De ces odeurs addictives dont Jimin raffolait et qui lui rappelait des moments agréables avec une tasse fumante au coin de la cheminée de ses parents, le salon de thé qu'il affectionnait tant avec son équipe de travail, une simple tablette de cacao 70% et qui trainait dans ses placards, pas vraiment longtemps, car Jimin en mangeait un morceau tous les jours.

Mais bizarrement, cela sentait l'alpha.

Comme un alpha masculin, fort et puissant.

Jamais il n'avait senti d'alpha avec cette odeur particulière, plus encline à ressembler à celle d'un doux omega. Ce n'était certainement pas un type de parfum que Jimin avait l'habitude de sentir autour de son immeuble. Ses voisins étaient soit des personnes âgées qui avaient déjà des parfums en baisse et de nature assez douce, soit des personnes d'un certain rang social et affairées, aux parfums musqués et précieux. Il avait donc été complètement abasourdi lorsqu'il avait perçu cet incroyable arôme dans cet espace minuscule et confiné.

Il ne disparut pas lorsqu'il arriva au quatrième étage et pénétra dans le couloir jusqu'à sa propre porte d'entrée. Jimin renifla l'air frénétiquement, suivant la piste olfactive jusqu'à la porte à côté de la sienne, et il se tint là comme un idiot. Pourquoi cela sentait l'alpha ici?

Il pencha curieusement la tête, fixant la porte en bois sombre et parfaitement lustrée devant lui.

Cet appartement était vide depuis plus d'un an, depuis que Madame Han était revenue vivre à Jeju pour se rapprocher de sa famille. Cette vieille dame, toujours drôle et sarcastique qui lui rappelait un peu Madame Bang dans le quartier de ses parents, lui manquait toujours un peu. Elle n'oubliait jamais de le saluer et lui apportait quand elle en faisait, son fameux gogi guksu, préparé avec des nouilles et du porc en souvenir de son île, et Jimin qui n'en avait jamais goûté d'aussi bon de sa vie, s'était promis d'aller un jour directement en manger à Jeju en bord de mer.

Il espérait qu'elle allait bien, il n'avait pas pris de nouvelles d'elle depuis un moment. Mais il entendit un bruit qui le fit sursauter presque hors de lui-même quand le bruit fort d'une perceuse perça le silence. Il y avait donc quelqu'un dans cet appartement. Probablement l'alpha qui possédait ce parfum exquis et enivrant. Le parfum du chocolat qui faisait battre son cœur de seconde en seconde et provoquait une étrange chaleur dans son ventre. Jimin sentait son propre parfum de guimauve crémeux devenir plus fort et-

Et Jimin atteignit presque la sonnette. Presque. Il se gifla mentalement quand son doigt fut à un millimètre d'appuyer, parce que, merde, que dirait-t-il une fois que la porte s'ouvrirait?

"Hey, je voulais juste mettre un visage sur ce parfum, parce que cela m'excite comme un fou!"? Ce serait dingue et complètement inapproprié. Cette odeur appartenait peut-être même à un ouvrier du bâtiment qui venait rénover l'appartement. C'était sûrement la raison à ces effluves de mâle en plein effort. Il pouvait même étonnement sentir la respiration hachée de l'homme dans ses gestes. Jamais Jimin n'avait eu ce ressenti, mais peut-être était-ce tout simplement son imagination qui travaillait toute seule.

Le styliste s'éloigna à contrecœur, jouant avec la anse de son sac à main Chanel pour entrer dans son appartement et le cacao alléchant se dissipa enfin. Il put penser un peu plus clairement, même avec les bruits de forage suivis d'un marteau frappant de l'autre côté du mur.

Ce parfum n'était que temporaire. Et Jimin n'avait définitivement pas encore de nouveaux voisins. Parce que ce serait sûrement affolant de vivre à côté d'un alpha qui sentait ainsi, non?

Et pourtant.

Jimin pourrait devenir un peu fou.

Parce qu'il ne s'estompait pas. Ce maudit parfum. La forte odeur alpha persistait toujours dans le hall de l'immeuble, l'ascenseur et le couloir de l'appartement de Jimin. Il avait donc hérité de cet alpha à côté de chez lui. Quelquefois l'odeur était un peu aigre, brute ou même bien trop amère et Jimin se demandait ce qui pouvait mettre l'alpha dans cet état. Jimin ne l'avait pas encore croisé, et c'était peut-être mieux ainsi. Il avait bien entendu, une ou deux fois un soir après qu'il soit rentré du travail, le bruit du code d'entrée et le bip d'ouverture de la porte. Il avait aussi peut-être guetté des mouvements ou du bruit, venant du lieu adjacent au sien. Essayer d'écouter des conversations lorsque son voisin avait reçu du monde. Il avait même entendu pleurer un ou deux soirs, mais ce ne pouvait pas être lui, n'est-ce pas, car l'odeur ambiante avait davantage des effluves de fèves de tonka mêlées au cacao.

Jimin ne s'était jamais senti affecté par un parfum, et surtout pas par un alpha. Jimin pour ses propres raisons, les détestait. Il travaillait bien avec deux d'entre eux mais il s'était assuré à l'entretien d'embauche de leur validité et qu'ils ne feraient aucun mal physique ou moral à son équipe. Wu-Min se comportait plus comme un beta, quant à Ji-Eun elle s'affichait elle-même en omega mignonne, cherchant à cacher son parfum par des parfums de synthèse omega.

Jimin n'aimait pas les alphas avec lesquels ils n'entretenaient aucune relation, mais il ne s'était jamais senti aussi affecté par un parfum alpha dans sa vie. Jamais de cette façon. Juste une bouffée de celui de son voisin faisait chauffer le sang de Jimin et ses joues devenir roses. C'était pourquoi il avait peur de sa propre réaction s'il rencontrait enfin son voisin, dont il avait cherché le nom sur sa boîte aux lettres "Jeon Jungkook". Et si l'odeur de Jimin le trahissait? Et si elle montait en flèche dans une explosion et que l'alpha remarquait le changement et penserait que Jimin était une sorte de pervers? Jimin ne voulait pas perdre sa dignité, hors de question!

Jimin n'aimait pas les imprévus, il ne les avait d'ailleurs jamais aimés. Il réglait sa vie comme tu papier à musique, entre croches et blanches sur des lignes noires. Lui il n'écrivait pas de notes de musique, mais dessinait à la va-vite sur des bouts de serviette de table en papier ou un même un ticket de caisse. Il dessinait des croquis dès qu'il lui venait en tête, mais notait aussi ce qu'il ne devait pas oublier. Parce que se laisser être surpris ou surprendre ne faisait pas partie de son quotidien sauf dans son métier. Dans lequel il aimait surprendre et surtout se montrer le meilleur.

Jusqu'ici il se débrouillait plutôt bien, il avait réussi ses études, avait pu, grâce à l'argent que ses parents avaient épargné sur son compte comme à chacun de ses frères, ouvrir sa micro-entreprise qui était devenue en quelque temps une société plutôt prospère. Son talent était indéniable et grâce à l'équipe formidable qu'il s'était crée, il pouvait être sûr que son entreprise allait encore prospérer. Pourtant dans ce monde de la mode, rien n'était indéniable et acquis, et Jimin, de surcroît omega célibataire, devait encore plus que les autres faire sa place et s'imposer. A chaque instant, à chaque nouvelle collection, à chaque collaboration qu'il faisait avec une célébrité. La vie de Jimin était certainement elle-même un défi.

Défi qu'il ne menait plus actuellement dans son lit d'hôpital.

Jimin aimait donc les défis et s'il ne voulait pas se laisser surprendre, il fallait qu'il agisse. Il avait donc décidé une journée de vendredi de provoquer le destin. Ce soir, il irait voir le fameux voisin alpha pour se présenter. Rien de plus simple. Il avait cogité tout l'après-midi et s'était arrêté dans son salon de thé favori et avait acheté quelques mignardises qu'il allait lui offrir en guise d'accueil. Jimin n'en menait pas large lorsqu'il arriva au quatrième étage et passa la porte de l'ascenseur. Le temps s'arrêta et tout se passa très, très lentement. Jimin fit un pas en avant, les yeux rivés sur sa propre porte d'entrée, puis sur celle, en face, de son voisin. Il osa encore avancer et frapper deux coups à la porte blindée.

Ses yeux s'écarquillèrent comme au ralenti quand il entendit des bruits de pas et soudain l'air fut saturé de ce parfum. Chocolat très amer, chaud et sexy imprégnant l'air d'un seul coup dans une vague de sensation olfactive béate qui paralysa instantanément Jimin.

Son voisin se tenait juste devant lui. Et il avait l'air... incroyablement sexy.

Il était plus grand que Jimin, clairement musclé et bien bâti, portant une tenue entièrement noire, dont un t-shirt Calvin Klein qui laissait apparaître ses bras. Jimin n'était pas "préparé" à la vue d'une manche pleine de tatouages ​​qui le frappa plus fort qu'un coup de poing au visage. L'homme avait en effet tout le bras droit recouvert d'encre noire et colorée, des motifs complexes se fondant les uns dans les autres, promettant de continuer peut-être sur son omoplate. Ses cheveux noirs étaient un peu longs, légèrement ondulés et relevés en demi-queue de cheval sur le haut de sa tête, quelques mèches éparses encadrant joliment son visage. Un visage sculpté par les dieux. Une mâchoire forte, des sourcils définis, un nez arrondi, un piercing à la lèvre sous lequel pointait un joli grain de beauté. Mais même ainsi, il avait les yeux de biche les plus mignons et les plus brillants que Jimin ait jamais vus dans sa vie. Et à l'instant, ces yeux ronds et expressifs semblaient ouverts aussi largement qu'ils pouvaient l'être.

Son voisin avait l'air....désagréablement surpris. Son nez se retroussait en petits mouvements, flairait certainement les gâteaux que Jimin portait dans sa main, cachés dans la boîte en carton. Ce ne pouvait pas être son odeur, Jimin avait bien veillé à prendre ses bloqueurs, on était jamais trop prudent.

Pendant ce temps, l'expression de son voisin passait de la surprise au mécontentement, son odeur s'aigrissant considérablement. Jimin haletait, ressentant le besoin d'apaiser le garçon visiblement agacé qu'on vienne le déranger, mais il fut incapable de prononcer un mot, rendu inutile par sa beauté à couper le souffle et par la profonde gêne causée par son inaction et son silence des plus déplorables. Il fallait qu'il parle, qu'il dise quelque chose. Quel putain d'idiot il était.

- Je.....je suis votre voisin, là... il se retourne brusquement pour montrer du doigt sa propre porte et ainsi éviter le regard lourd sur lui.

- Ouais, et alors? Le joli garçon cligna des yeux plusieurs fois avant de répondre, l'air assez exaspéré.

- Euh- je suis... Oui, je suis Park Jimin, votre voisin. Et pour vous souhaiter la bienvenue, j'ai pensé à vous offrir des mignardises de mon salon de thé préféré. Vous devriez y aller, il est vraiment sympa!

Il baragouinait n'importe quoi, et sa voix partait dans les aigües. Il avait pourtant répété en boucle son discours sur le trajet qu'il faisait à pied tous les soirs, mais non, il lui avait été impossible d'aligner trois mots correctement. Sur le fait, il ouvrit rapidement la boîte cartonnée pour montrer fièrement à son voisin interloqué, le choix de gâteaux qu'il avait fait. Ce qu'il n'aurait peut-être pas dû faire. Le voisin jeta un rapide coup d'œil avant de le regarder sauvagement.

- Vous vous foutez de ma gueule, c'est ça? Vous m'achetez des merdes au chocolat pour vous foutre de mon odeur? Ouais, un alpha qui sent le chocolat, ça vous en bouche tous un coin, hein? Et bien il va falloir vous y faire mec! Putain j'y crois pas! Comme si je n'avais que ça à faire de gérer le voisinage! foutez-moi la paix ok? Allez, sayonara!

Le voisin sexy en colère claqua brusquement la porte, devant les yeux de Jimin. L'omega resta interdit, ne comprenant pas ce qu'il s'était passé. Tout avait été trop vite, bien trop vite. Il baissa les yeux sur les pâtisseries, les yeux humides d'humiliation, pour se rendre à l'évidence : il avait choisi quatre gâteaux, tous au chocolat. Il n'en avait absolument pas pris conscience dans le magasin.

Jimin souffla une dernière fois puis se décida à rentrer chez lui. Si Jeon Jungkook, qui ne s'était même pas présenté, n'en voulait pas, Jimin n'allait pas se gêner pour les manger. Il se goinfra ce soir-là dans son canapé, en mangeant la totalité, et les larmes n'arrêtèrent pas de couler. C'était la faute de son film préféré The Notebook, pas la faute d'autre chose ou de quelqu'un.

Jimin s'était toujours préservé. Jamais il n'avait fait une faveur à un alpha, n'avait plus jamais couché avec l'un d'entre eux, sauf une fois pendant ses études à la fac à une soirée à laquelle il était tellement alcoolisé et il s'était laissé aller. Il n'avait pas franchement regretté, mais ce n'était pas pour autant qu'il avait eu envie de recommencer, il avait été de très loin l'un des plus mauvais coup de sa vie. Dans la plupart des cas, Jimin faisait attention et ne fréquentait que des bétas ou omegas, même pour se satisfaire sexuellement. Il n'avait donc jamais acheté quoi que ce soit ou fait un cadeau à un alpha, comme il venait de le faire amicalement. Ce qu'il venait de se passer le confortait dans ce qu'il pensait déjà : les alphas étaient tous des connards. Et jamais plus, il ne tenterait une approche, surtout amicale. S'il avait su.

Jimin ne chercha pas les raisons du pourquoi du comment son voisin s'était comporté ainsi. Et Jungkook ne cherchera jamais à s'expliquer par la suite. Parce qu'il y avait bien une raison, qui n'était absolument pas lié à l'omega ni à sa propre odeur dont l'alpha était fier, ni à ces putains de gâteaux que le voisin avait voulu lui offrir.

Jungkook avait ses propres souffrances qu'il essayait de cicatriser et ce n'était pas en copinant avec le petit voisin omega sentant le sucre et le miel à plein nez, qu'il se sentirait mieux. Il ne s'étalerait jamais sur cette période de sa vie dont il aimerait fermer le chapitre. S'il était ici, c'était pour oublier et penser un peu à lui, d'une manière différente de celle dont il vivait habituellement. Il avait besoin d'une trêve, même s'il ne savait pas combien de temps elle allait durer.
Il avait ses propres amis, son travail qu'il gérait maintenant à Seoul, les habitudes et les rencontres qu'il allait se créer, mais il ne chercherait pas davantage autre chose.

Pourtant, éviter son voisin n'avait pas été chose facile. Il était toujours plus ou moins là dans les parages, son odeur entêtante et étourdissante et qui distrayait bien trop son loup alpha, et Jungkook, au bout de quelques mois, s'était résolu au fait que l'omega lui mènerait la vie dure. Après leur "vive" altercation, Jimin ne s'adressait plus à lui lorsqu'ils se croisaient, fuyait son regard et se montrait tout autant antipathique.

Jungkook l'avait certainement mérité, lui-même le savait, il avait agi comme un con ce soir-là. Mais au fur et à mesure des mois, un jeu plus ou moins intentionnel s'installa entre eux. Jungkook aimait recevoir, faire la fête, cuisiner et boire, faire du bruit, chanter à 4h du matin après avoir insonorisé les murs, et bien sûr recevoir ses conquêtes, alphas et betas bien en manque et qu'il satisfaisait comme il se devait en les faisant crier.

Evidemment cela énerva Jimin. Au plus haut point. Et Jungkook aimait de plus en plus cela. Le faire enrager et le voir dans le judas de sa porte, en train de fulminer sur son palier toutes les semaines. Il ouvrait en général la porte, torse nu, il avait toujours chaud vous vous en souvenez, avec un grand sourire graveleux ou libidineux en disant "Oui Jimin, un problème?" et celui-ci répondait souvent "OUI! Il y a un problème Jeon Jungkook! Vous avez vu mes cernes sous les yeux à cause de votre musique assourdissante? Je ne dors plus!" Jungkook prenait toujours quelques secondes pour observer le visage parfait devant lui, se penchant même vers lui, peut-être pour s'enivrer un peu de ses phéromones que lui seul avait l'air de s'approprier dans l'air, sans se l'avouer. "Ah oui....en effet c'est pas bien beau tout ça! Dommage, mais j'ai des potes là, donc à moins que vous vous joignez à nous, on va continuer notre soirée!" Puis il claquait la porte avec un sourire vainqueur.

💫

Jimin souriait dans les draps à tous ces souvenirs. Jungkook avait souvent été odieux avec lui, mais pourtant jamais méchant et même la plupart du temps serviable. Une réflexion de travers, et la fois d'après il se faisait pardonner en lui offrant du kimchi de sa mère. Un bébé alpha qui profitait de la vie, qui osait et n'avait sûrement peur de rien. Ni des insultes, ni du regard de l'autre, ni de ce qu'on pourrait lui faire dans un moment de faiblesse, ni des remontrances. Peut-être avait-il seulement peur des cadeaux en chocolat.

Et puis il y avait eu ces fois où Jungkook l'avait attendrit. Alors qu'il rentrait tremper d'une averse violente qui l'avait rendu aussi ruisselant que s'il avait plongé habillé dans une piscine. Jimin s'était fichu de lui dans l'ascenseur alors que lui s'était rendu simplement au sous-sol pour les poubelles, un jour de congé : "Ah aujourd'hui, c'est le chien mouillé que vous sentez". Jungkook avait ri lui aussi et avait murmuré tout bas, un sourire gêné aux lèvres "Pardon pour notre première rencontre, on a pas commencé sur de bonnes bases. On reprend : Jeon Jungkook, votre nouveau voisin!" Il avait tendu la main à Jimin d'un air un peu plus assuré et Jimin pris au dépourvu l'avait serrée.

- Ça n'empêche, que je continuerai à venir me plaindre si vous faites trop de bazar! finit-il par dire.

- Ok, on fait comme ça!

Il y avait donc eu toutes ces fois où Jimin était venu se plaindre. Toutes ces fois où son loup omega avait sauté de joie rien qu'en le voyant ou le sentant.

Ces fois où Jungkook avait couru jusqu'à son travail pour lui amener ses colis et lui donnait personnellement, en main propre. Jimin ne lui avait jamais dit qu'il n'était pas nécessaire qu'il lui apporte, qu'il lui suffisait qu'il change l'adresse et y inscrive celle professionnelle. Mais il ne l'avait jamais fait, préférant de façon jouissive voir l'alpha se déplacer pour lui au plus vite, même sous un soleil ardent ou sous la neige.

Ces fois où Jungkook venait avec un sourire enfantin de ses dents de lapin, des yeux mièvres et un seul short de sport, bas sur ses hanches laissant entrevoir sa ceinture d'Apollon, pour lui demander un dimanche matin à 10h, du lait de banane parce qu'il n'en avait plus. Prétextant "la flemme de m'habiller pour descendre au mag". Alors Jimin avait commencé à faire le plein de lait à la banane dans son frigo, sans vraiment s'en rendre compte.

Il y eut cette fois cette année, alors qu'il n'y avait pas vraiment de bruit, sauf les jappements du chien et des rires, où Jungkook avait ouvert la porte à Jimin avec un bébé dans les bras, de la compote de pommes partout dans les cils et les cheveux, autant que sur le bavoir de la petite fille, sur lequel le prénom "Haneul" était brodé.
Jimin ne savait même plus pourquoi il était venu sonner une énième fois, en journée, alors qu'il était en congé. L'aboiement du chien, les rires intempestifs entre le bébé et l'adulte qui charmaient et attiraient son omega ou les effluves du chocolat moelleux se répandant jusqu'à chez lui? Il avait juste tendu un lait de banane avec l'excuse "Pour éviter que vous veniez me casser les pieds la prochaine fois!" et il avait rapidement fait demi-tour, sentant ses joues rosir plus que de raison.

Ces fois le soir dans le parc de la Résidence, où Jungkook n'attachait pas Bam, son grand chien doberman, et qu'il savait, selon les horaires du soir, qu'il allait irrémédiablement croiser Jimin rentrant de son travail. Il avait deviné dans les yeux et l'odeur de son voisin la peur qu'il avait de l'animal, mais le photographe riait à chaque occasion de voir Bam lui tourner autour, la queue frétillante et la langue râpeuse cherchant à lui lécher les mains.

Tous ces dimanches soir, où ils se croisaient par hasard au convenience store de leur quartier, Jimin refusait même inconsciemment les invitations de ses collègues et amis pour ne pas "rater" ce moment. Ils se retrouvaient souvent dans les mêmes rayons et quelquefois même Jimin cherchait un article un peu trop en hauteur, et Jungkook n'avait qu'à tendre le bras derrière lui pour lui donner, son corps bien trop proche du sien. "C'est ça quand on est trop petit!", "Toujours pas grandi?" ou "Les cris que vous a fait pousser votre conquête d'hier soir, ça ne vous a aidé à grandir à ce que je vois!" Jimin rageait à chaque fois en partant vers la caisse sans se retourner, jurant même contre lui, lui disant qu'il était parfait comme il était, mais rougissant aussi de ses allusions et du fait qu'il l'avait entendu jouir. Il entendait toujours Jungkook rire si joyeusement dans le magasin, que la queue de son omega frétillait d'allégresse. Nous avons réussi à faire rire alpha. Et jamais à ce moment-là, Jimin ne s'était rendu compte de l'impact du bonheur qu'il insufflait à son voisin, sur sa noirceur intérieure qui commençait doucement à guérir. Et comme chaque interaction n'était jamais suffisante, Jimin redevenait "petit" tous les dimanches soir.

Et puis cette fois où Jimin avait été poussé un soir à venir sonner, pas très longtemps avant leur week-end à Toronto. Jungkook avait ouvert sa porte, nu trempé de fluides dont Jimin ne voulait rien savoir, cachant sa grosse érection avec son t-shirt qu'il avait ramassé au passage. Il le regardait de travers et un peu surpris.

- Pourquoi tu ouvres doudou, on était en pleine action! intervint une voix masculine provenant sûrement du salon.

Oui pourquoi Jeon Jungkook, l'alpha à qui on ne dictait pas la conduite, avait ouvert, poussé irrémédiablement vers cette odeur sucrée et excitée mais pourtant apeurée, qu'il avait sentie à travers le mur du voisin?

- Oui pourquoi vous avez ouvert, tenta Jimin confus qui ne savait même pas ce qu'il faisait ici, devant sa porte. Comme si l'alpha l'avait appelé et imploré de venir le voir.

Jungkook ne répondit ni à l'un ni à l'autre. Il regardait l'omega dubitativement, sans rien comprendre à ce qu'il se passait à l'intérieur de lui et de son corps. Son alpha l'avait supplié d'aller ouvrir et Jungkook n'avait même pas combattu. Lorsqu'il baisait habituellement, il ne laissait rien ni personne l'arrêter. Mais il en était tout autre dès que l'omega était à ses côtés.

Jimin avait sonné à la porte de Jungkook, en pyjama de soie, les yeux brumeux d'angoisse et d'humidité, avant de pouvoir s'en dissuader. Cela n'avait aucun sens, même si ainsi, il s'était évité une attaque de panique - il présentait sa nouvelle collection Hiver le lendemain et il n'était pas sûr d'y survivre si jamais, tout n'était pas parfait.

Il remarqua la façon dont les muscles du photographe accrochaient la sueur dégoulinante sur la peau de ses abdominaux, la façon dont ses cheveux humides se collaient à son front en bouclant, comment son torse se soulevait à chaque inspiration qu'il devinait de plus en plus calquée sur la sienne, comment son parfum enveloppait pleinement le sien dans l'air, riche, si rassurant et maintenant calme.

Jimin ne se lassait jamais de la façon dont l'aura de Jungkook, en dehors du fait bien sûr qu'il avait un corps aussi parfait que le sien, arrivait à le calmer.

- Jimin-si?

Son oméga remua la queue avec enthousiasme aux mots de l'alpha, appréciant la façon attentionnée dont sa voix murmurait leur prénom, tandis que Jimin avait honte de le regarder depuis trop longtemps et plus que nécessaire, sans avoir dit un seul mot. Il s'éclaircit la gorge, cherchant à dire quelque chose, mais quoi? Se résigner à admettre qu'il était juste venu pour éviter une crise d'angoisse, n'était pas des plus valorisant.

- Et... Jimin, vous êtes sûr que ça va? insista Jungkook maintenant soucieux.

- Maintenant oui, chuchota Jimin. Il n'avait pas réalisé qu'il aurait pu se sentir bien plus nerveux devant un Jungkook qu'il avait dérangé en pleine action charnelle, avec la bite à l'air, mais qui s'était arrêté pour lui. Et ne l'avait absolument pas disputé.

- Ok...euh si jamais il y a un autre souci, vous m'appelez?

- Hmmm....bien sûr doudou! Jimin avait souri en partant vers sa porte, réconforté et bien plus confiant pour s'endormir. Il avait retrouvé son calme et se sentait apaisé. Il avait même cru percevoir le léger rire du plus jeune à l'entente de la gentille moquerie du doudou.

Jimin ne savait pas à l'heure actuelle s'il donnerait tout pour réentendre ce rire ou ce "doudou" ou même ce "chaton" dont le photographe l'avait affublé pendant tout leur week-end de couple. Il y avait maintenant la lumière noire autour de lui. Elle était devenue ces derniers jours presque aussi rassurante que l'aura de l'alpha. Alors son loup ne s'inquiétait plus, il décidait de lâcher prise à son tour. C'était seul qu'il abandonnait. Abandonnait ce corps qui n'était plus qu'une enveloppe charnelle et que Jimin ne couvrirait plus de ses créations. Pour la toute première fois, Jimin acceptait de se laisser aller, de ne plus avoir le contrôle total, de laisser aller son loup à ce qu'il souhaitait, s'endormir pour toujours, dans le silence, dans la douceur du moment, dans une noirceur légèrement lumineuse. L'omega n'avait plus peur, il était prêt à ce que les battements de son cœur s'amoindrissent enfin et s'éteignent. Maintenant.

Jusqu'à ce qu'une odeur emplisse soudainement alors ses narines et ses poumons, et que son torse se soulève violemment de cette intrusion.

Il était là.

💫

Ce ne fut que quinze minutes après son appel que Jungkook arriva à l'hôpital, en pantalon de cuir noir et t-shirt blanc moulant Margiela. Angoissé et sur les nerfs.

Il n'avait pas eu le temps de prévenir Changbin et avait conduit lui-même la Mercedes, en évitant les feux rouges et en ne se souvenant même plus s'il avait respecté les limitations.

Légèrement en transe lorsqu'il demanda à l'accueil où se trouvait "l'unité des omegas en train de mourir", Jungkook ne faisait aucun effort de vocabulaire, il retrouva Yoongi qui l'attendait à la sortie de l'ascenseur au deuxième étage. Son ami avait réussi à s'octroyer un peu de temps entre deux opérations pour l'attendre, avant de repartir dans une dizaine de minutes.

Jungkook l'avait suivi dans le couloir de la désolation. Jungkook sentait toutes ces odeurs de gens malades depuis son arrivée, mais ici c'était d'un autre niveau. Yoongi lui avait d'abord demandé de contrôler sa forte aura d'alpha et son parfum, Jungkook sentait l'angoisse à plein nez, et il l'avait fait déambuler dans une première unité rempli d'omegas en convalescence. Jungkook n'avait aucun mal avec cela, un seul être lui importait. Yoongi jetait un œil de temps sur lui pour observer ses réactions, mais rien. Il n'y avait que Jungkook pour ne pas réaliser que son imprégnation était une évidence bien trop prévisible.

Ils arrivèrent enfin aux soins palliatifs.

Mais Jungkook ne put faire aucun pas de plus pour rentrer, alors que Yoongi, dans sa blouse blanche, avait poussé les portes battantes.

Un son meurtri sortit de sa bouche, ses yeux s'embuèrent et sa respiration se bloqua. Son loup hurla à l'intérieur de lui de douleur immense. Il le sentait, même imperceptiblement, il le sentait. Jimin. Som omega. Là dans ces lieux, en train de mourir et de partir.

Jungkook regarda dans un supplice son ami, bloqué par son corps qui ne lui obéissait plus. Une larme se fraya un chemin au coin de ses cils. Il fronça les sourcils. Jungkook était un alpha, fort, dominant, le plus grand de sa lignée après son grand-père et son père. Mais jamais, jamais de sa vie, même il y a trois ans après la perte de son frère aîné tant aimé, il n'avait ressenti une douleur aussi violente et inconnue.

- Hyung, s'il meurt, je crois que je meurs aussi, réussit-il à prononcer si douloureusement.

Jungkook n'avait pas réalisé ses paroles ni leur impact pour sa vie future. Et la leur.

- Vous êtes imprégnés tous les deux Jungkook, sauve-le.

💫💫

J'avais tellement hâte de vous poster ce premier chapitre de la Partie 2. J'espère sincèrement qu'il vous a plu.

Et vivement le chapitre suivant, j'essaie de vous le poster en fin de semaine!

Cette deuxième partie, vous verrez et je l'espère, promet de riches moments. Et l'humour reviendra, ne vous inquiétez pas. Bonne soirée à vous ❤️

Bon je ne sais pas si on en parle des photos de Jk aujourd'hui, mais il sait y faire avec nous....

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