Chapitre 10 : Mon Prince

Année 1735

Un jeune garçon de treize ans admirait l'immense château gothique à travers les barreaux du portail noir. Il se tenait immobile, le regard perdu dans le vide. L'épée qu'il tenait était tout ce qui lui restait de son père dont il n'avait jamais vu le visage.

Un garde s'approcha du portail, ordonnant au jeune garçon de partir.

- Tu n'as rien à faire ici, petit. Le roi n'attend pas de visites.

- J'ai une question à lui poser. Puis-je laisser une lettre ? Rétorqua le jeune.

- Déclines ton nom. Qui sont tes parents ?

-... Je ne sais pas.

- Dans ce cas, tu peux oublier. Va t'en.

Le garde remarqua l'épée que tenait le garçon. Il fronça les sourcils, perplexe.

- J'ai déjà vu cette épée quelque part. Tu l'as volée ?

- Qui ? A qui est-elle ? Questionna la garçon.

- Cette épée doit probablement appartenir à une famille noble si j'en regarde les détails de la manche. Je ne te saurai pas dire laquelle. Il y en a tellement.

-... Merci.

- Hey ! Si tu l'as volée, je te conseille de la rendre avant que tu n'aies des ennuis ! Cria le garde alors que le garçon s'en allait en silence.

Celui-ci contournait le château sans but précis, les yeux rivés sur les remparts. C'était la première fois qu'il voyait le château royal.

Le jeune garçon tenta de se faufiler dans un petit trou qu'il remarqua au pied d'un mur de pierre. Il se mit à plat ventre et retint sa respiration pour s'y glisser. Il parvint à rentrer dans l'enceinte du château puis se cacha derrière des murs pour échapper aux gardes en haut des tours. Un jardin fleuri attira son attention, il s'y dirigea. Mais il se cacha derrière un buisson aussitôt qu'il entendit des bruits de pleurs. À travers le feuillage, il aperçut un garçon du même âge que lui. Il avait les cheveux blonds et une petite couronne sur la tête. Le jeune garçon devina sans difficulté l'identité de ce blondinet.

À sa grande surprise, celui-ci enleva la couronne de sa tête dans un excès de rage et la lança aussi loin qu'il put. Le jeune garçon toujours caché, ressentit de la peine en voyant les larmes de ce dernier. Ils étaient pareils. Ils souffraient horriblement. Alors qu'il avait l'esprit ailleurs quelques instants, le Prince qu'il observait avait disparu. Il le chercha du regard, inquiet.

- Qui es-tu ? Questionna une voix près de son oreille.

- Ouah !!

L'intrus cria sous la panique. Il ne l'avait pas entendu venir. Le blondinet dont les joues étaient humides, était accroupi comme lui.

- Comment es-tu rentré ? Parles.

Il pointa son épée sur le jeune garçon terrorisé.

- Je ne tolère pas qu'on me voie pleurer. Encore moins un humain. Les battements de ton cœur t'ont trahi.

- Hum... Je suis passé par un trou alors...

- Si on te voit ici, tu mourras. Tu le sais, ça ? Ou bien je peux te tuer. Que choisis-tu ?

Le garçon se releva doucement puis brandit à son tour son épée, la gorge nouée.

- Alors je mourrai en homme.

- Oh, tu veux me défier ? Questionna le blondinet.

Le garçon aux cheveux bruns hocha de la tête.

- Je te préviens. Tu n'as aucune chance contre un vampire.

Ils entamèrent leur duel dans le jardin. Le blond fut rapidement pris de cours par le talent de cet intrus. Il peinait à croire que ce garçon pouvait être un humain mais son cœur battait bien. Le combat dura presque toute l'après-midi. Il était intense, aucun des deux ne voulait flancher. Le brun se prit cependant une légère entaille sur la cuisse, faisant couler du sang.

L'odeur enivrante de celui-ci parvint rapidement aux narines du blond, qui se figea quelques secondes. Le sang humain ne l'avait jamais attiré et pourtant, il ressentait une soif intense. Le brun en profita pour le désarmer et le mit à terre, la pointe de l'épée en direction de sa tête.

- J'ai gagné. Fit il fièrement. Je t'ai vaincu.

- Tu ne peux pas être humain. Rétorqua le Prince allongé au sol.

- C'est mon sang qui t'a pris de court, n'est-ce pas ? Cela prouve que tu es bien un monstre.

Le brun rangea son épée et se retourna pour partir. Mais il fut interrompu.

- J'exige un autre duel.

Le jeune blond insista, son épée toujours pointé sur l'autre garçon. Le brun ne bougea pas.

- Non. Mais on se reverra bientôt.

- Qui sont tes parents ?

- Je...

- Votre Majesté ! Que faites-vous à une heure pareille dehors ?

Une servante accourait. Le brun pensait être fini pour de bon mais le Prince vint à sa rencontre avant que celle-ci ne s'approche.

- Dites à Mère que j'arrive. Ordonna le blond.

- Qui est ce garçon ? Seigneur ! Que fait un humain ici ? Il n'a pas le droit d'être ici ! Dit elle en jetant un regard méfiant au brun.

- C'est mon ami. Nous ne faisons que nous entraîner.

- Votre ami ? Hoqueta-t'elle surprise.

Le blond prit les deux mains de la servante.

- Ne le dites pas à Mère, s'il vous plaît. Jamais. Supplia-t'il.

- Mais...

La servante observa le brun qui bougeait nerveusement. Elle redirigea son attention sur le Prince.

- Je ne vous ai jamais vu comme ça mon Prince. C'est d'accord.

- Merci Diane. Je t'en suis très reconnaissant.

La servante le salua puis partit rentrer dans le château. Le soleil était en train de se coucher, créant un magnifique ciel rose-orange.

- Je dois reconnaître que tu es fort pour prétendre affronter un sang royal. Alors, quel est ton nom ? Demanda le Prince.

-... Je dois rentrer chez moi. Répondit le brun.

- Tu reviendras, n'est-ce pas ?

Le jeune garçon se retourna pour faire face au blond, intrigué par sa requête.

- Je...

Le jeune blond prit le bras du brun.

- Je ne te laisse pas partir tant que tu ne m'auras pas fait cette promesse.

- ... Oui, je t'ai dit qu'on se reverrait bientôt...

- Prouve le.

Le jeune brun détacha son collier dont le pendentif était un rubis pur légué par sa mère.

- C'est mon bien le plus précieux. J'y tiens plus que ma vie.

Il le lui tendit dans la paume de sa main. Pour la première fois depuis longtemps, un sourire se dessina sur les lèvres du Prince.

Plusieurs semaines défilèrent sans nouvelles. Le blond s'impatientait et finit par interroger les gardes du portail.

- Non, Votre Majesté ... Nous n'avons pas vu de jeune garçon...

- Attendez... Moi si ! Dit l'un d'eux.

Il s'avança vers le Prince.

- Il y avait un garçon près du portail, avec une épée rouge. Ce petit l'avait sûrement volée.

- Oui ! C'est lui ! C'était un humain. C'était un présent qu'on m'avait offert. Je dois le retrouver.

- Mais... Avec tout le respect que je vous dois votre Majesté, de quel humain parlez vous ? Interrogea le garde confus.

- Mais c'est impossible... J'entendais son cœur battre !

- Ah, je me serais trompé ? Comment ai-je pu être aussi négligent ? Dit le garde. Pourtant il me semblait...

- Peu importe, merci.

Le Prince retourna dans ses quartiers, frustré.

.

- Mon Prince ? C'est l'heure. Nous vous attendons avec impatience.

Diane entrouvait la porte de la chambre et remarqua le Prince accoudé au balcon. Ce balcon donnait une vue direct sur le jardin de fleurs.

- Mon Prince, je sais que cela vous tracasse mais ce n'était qu'un humain. Vous êtes un vampire. Cela va faire bientôt cinq ans que vous l'attendez... Ouvrez les yeux, il ne reviendra pas !

Le blond se retourna alors, le visage inexpressif.

- Diane... Pourquoi tout le monde m'abandonne ? Qu'ai-je fait pour mériter ça ?

La servante s'approcha de lui.

- Vous n'êtes pas seul, Votre Majesté. Je suis là. Vous allez faire un bon roi, j'en suis certaine.

La cérémonie rassemblait les familles aristocrates de la société vampire.

Le jeune et estimé Prince des Sang-purs fit son apparition sur le balcon de la salle des fêtes aux côtés de ses majestueux parents. Il fêtait sa majorité tandis que son esprit était tourmenté de pensées sombres. Il avait beau avoir toutes les bénédictions d'un vampire de sang royal, de sa puissance implacable, de son intelligence, de sa perspicacité jusqu'à sa beauté divine; sa condition vitale s'amenuisait à cause d'une maladie sanguine. D'ordinaire les vampires ne tombaient pas malades, mais son sang manquait du mana nécessaire à l'immortalité depuis sa naissance. Ce genre de cas était très rare.

Nul ne savait quand il pouvait mourir. Ce pouvait être aussi bien dans quelques années que demain. Il ignorait si un futur quelconque existait pour lui.

Toute la société vampire était au courant de sa condition. Cette information attisait l'envie et la malveillance des aristocrates en quête de pouvoir, prêts à faire disparaître le Prince si la moindre occasion se présentait.

Sa chevelure blonde platine encadrait son noble visage tandis qu'il portait un verre de vin rouge à ses lèvres. Les femmes vampires ne manquaient pas de montrer leurs plus beaux atours pour espérer capter l'attention du jeune Sang-pur royal. Le roi prit la parole.

- Wangji... Nous sommes heureux de t'annoncer que pour l'anniversaire de tes 18 ans, nous t'avons préparé un présent d'une valeur inestimable. S'écriait le roi.

Le blond souriait aux mots de son père face à l'acclamation du public.

- Merci Père, Mère. Je suis honoré.

- Qu'on le fasse entrer ! S'exclama le roi.

Le Prince reprit une gorgée de son vin puis il vit quatre gardes entrer de la salle, encerclant un jeune homme du même âge que le Prince. Wangji fronça les sourcils et lança un regard confus au Roi, s'attendant à un objet plutôt qu'à un individu. Celui-ci lui répondit par un sourire avant d'annoncer à la salle la signification de ce présent.

- Mon fils, après des années de recherche et de dur labeur, nous avons enfin trouvé le remède à ta maladie. Ton destin t'appartient désormais, grâce au sang exceptionnel et unique de ce jeune humain qui se trouve ici présent.

Le jeune homme, paré d'habits nobles, s'avança de quelques pas et s'inclina pour saluer la famille royale.

Le Prince se sentit indigné. Réticent à cette idée, il s'offusqua auprès de ses parents, voulant rejeter ce présent.

- Je n'en ai pas besoin. Je ne suis pas désespéré au point de me repaître d'un vulgaire humain tel un animal !

- Wangji, cet humain contient un sang aux pouvoirs exceptionnels. Ce n'est pas un humain comme les autres. C'est un sang-mêlé.

- Vous voulez dire que...

- Oui. Il est né d'une mère humaine et d'un père vampire. Cependant c'est le gène humain qui a pris le dessus. Son sang a pris le meilleur de ses deux parents. Une chose pareille n'est jamais arrivée depuis la naissance de notre espèce.

La Reine prit la main de son fils avec douceur.

- Ne le repousse pas. Il est l'unique clé pour rétablir ta santé et ta vie. Tu as le potentiel d'être le digne successeur de ce royaume. Ils ont besoin de toi.

Le Prince blond soupira face à la persuasion de sa mère, résigné à accepter leur requête. Il se força à observer son présent à quelques mètres sous ses pieds. Les regards des deux hommes se croisèrent en silence tandis que personne ne pouvait sonder leurs pensées.


Le jeune humain aux cheveux bruns le scrutait intensément. Son regard semblait partagé entre l'intimidation et l'admiration pour le Prince royal.

Wangji affrontait ses yeux perçants presque insolents de curiosité. Ce sang-mêlé commençait déjà à le taper sur les nerfs. Il se sentit troublé pour aucune raison et se contenta de prononcer qu'un mot avant de partir du balcon.

- Ennuyeux.

.

Le Prince prit un instant de repos dans sa chambre loin du bruit et de la foule. Il digérait à peine la situation que ses parents lui ont imposé.

- C'est inutile... Rien ne peut me guérir. Murmurait-il en se pinçant l'arrête du nez.

Au même moment, des coups de porte hésitants se firent entendre.

- Entrez.

Il sentit une odeur délicieuse emplir la pièce en l'espace d'une seconde. Son cadeau lui était parvenu immédiatement sans qu'il ne demande quoi que ce soit. Il soupira de nouveau, n'ayant pas la patience de parler avec un autre individu pour le moment. Mais ses bonnes manières l'incitèrent malgré tout à se présenter auprès de cet humain qui était soi-disant le remède à ses maux.

Il fit une révérence devant le brun, timide face à ce vampire.

- Quel est ton nom ? Demande le Prince.

- Mon nom est Wei Wuxian, Votre Majesté. Fit-il en évitant le regard du Prince.

- Dis-moi Wuxian, t'a-t'on enlevé et torturé pour me servir ou t'es-tu livré de ton plein gré ?

- Je me suis livré de mon plein gré, votre Majesté.

Le Prince s'approcha du sang-mêlé. Cette odeur lui était familière.

Le souvenir de celle-ci lui revint alors en mémoire. Elle provenait de ce jeune humain qui s'était introduit il y a cinq ans dans son château et qui n'était jamais revenu. Il réalisa alors l'identité de l'homme qui se tenait devant lui.

- Toi ! C'est toi ! Dit il d'une voix tremblante de colère et de tristesse.

Il se mit à étranger le sang-mêlé avec sa télékinésie. Celui-ci fut soulevé du sol et se tint le cou, suffoquant.

- Pourquoi es-tu revenu ? Où étais-tu pendant ces cinq ans ? Tu m'avais fait une promesse mais tu as osé trahir ta parole face au Prince. Tu mérites la mort.

- Je voudrais me faire pardonner. J'ignorais l'état de Sa Majesté et je souhaite sauver sa vie. Déclara l'homme haletant et toujours en lévitation.

- Es-tu conscient de ce que cela implique ? Répliqua le Prince froidement. Il finit par libérer son emprise et le sang mêlé s'écrasa sur le sol.

Il mit un genou à terre, le regard porté sur les chaussures du jeune vampire royal.

- Oui. Je n'ai aucune raison de vivre.

Wuxian se remit debout et fixe intensément le blond. Le délicat parfum qui émanait de son corps proche de lui suffisait à réveiller les instincts vampiriques de Wangji, dont les yeux prirent une lueur rouge étincelante. Wuxian frissonna face aux pupilles écarlates et les canines pointues qui commençaient à naître entre ses lèvres entrouvertes.

Wangji tendit son bras vers le jeune brun, le faisant flotter au-dessus du sol grâce à ses pouvoirs. Il le fit asseoir sur son lit puis le rejoignit à côté, prenant de la main gauche ses cheveux pour exposer son cou à la peau immaculée. Le Prince inhala un instant cette odeur alléchante comme une douce drogue. Il reconnaissait que jamais il n'avait connu pareille odeur.

- Sois honoré d'être mordu par un un sang royal.

Sur ces mots, il planta sans ménagement ses canines dans le cou délicat du jeune humain. Celui-ci sursauta et laissa échapper un petit gémissement de douleur.

Wangji se délectait de cette saveur. Son sang de velours caressait sa langue et une fontaine de jouvence se déversait en son intérieur. Une chaleur revigorante emplit l'entièreté de son corps. Il sentait ses forces se décupler à chaque gorgée.

Il était tellement affamé qu'il en prit un peu trop, faisant évanouir le frêle humain. Il retira ses lèvres de sa peau, là où il avait marqué deux profondes entailles.

- Il ne vaut mieux pas le gâcher en une nuit.

Le Prince comprit enfin la puissance de ce sang tant convoité. Il allongea le jeune brun sur le lit, pensif. Cela faisait longtemps qu'il attendait son retour dans l'espoir d'une nouvelle confrontation à l'épée. Il lui avait manqué.

Ce sang-mêlé possédait une allure qui ne lui était pas indifférente. Il avait bien changé depuis. Sa peau était blanche comme le porcelaine. Son corps était élancé et noblement proportionné. Son visage endormi semblait paisible, ses cils longs ornaient ses paupières dessinées et un grand de beauté décorait le dessous de sa lèvre inférieure. Il n'y avait aucun doute. Un sang de vampire coulait bien dans ses veines, même s'il était quasi imperceptible. Cet humain possédait les atouts physiques d'un buveur de sang nécessaires à l'envoûtement de ses proies.

.

Deux années passèrent. Wangji guérissait à une vitesse fulgurante. Sa force et sa puissance surpassaient presque le Roi lui-même. Il s'était également embelli, faisant craquer toutes les vampiresses du royaume du haut de ses vingt ans.

Il s'entraîna dans la cour du château au tir-à-l'arc en compagnie de quelques autres fils de familles nobles et bourgeois. Il faisait nuit et chaud, la lune était complète et éclairait la cour du château.

- Vous vous surpassez jour après jour, votre Majesté.

- Mmh.

Wangji décocha plusieurs flèches au centre, faisant carrément tomber l'une d'entres elles. Tous ses sens s'étaient nettement aiguisés depuis l'arrivée de Wuxian.

Au même moment, une douce mélodie de flûte perça la récréation des jeunes vampires. Ils aperçurent le jeune homme au fond du jardin de fleurs, plongé dans sa musique les yeux fermés.

- Est-ce le fameux présent ? Demanda l'un d'eux.

- Il semble aussi délicieux que les rumeurs racontent. J'aimerais tellement pouvoir le déguster une fois.

Le Prince tressaillit à l'entente de ces phrases. Il leur lança un regard sombre et dangereux, les avertissant de son autorité.

- Il est à moi. Seulement à moi.

Le groupe se racla la gorge et se courba en signe d'excuses. Wangji les ordonna de se retirer avant de s'en aller rejoindre le jeune brun dans le jardin de fleurs.

Wuxian stoppa sa musique à l'approche des pas du Prince. Il se leva du banc blanc pour le saluer amplement.

- Que fais-tu dehors à cette heure ? Tu sais très bien que c'est dangereux pour toi. Dit le Prince blond d'une voix préoccupée mais calme.

- J'avais envie de prendre l'air et de jouer un peu de musique. Je voulais apporter de l'ambiance à votre jeu.

- Maintenant qu'ils sont partis, tu peux continuer à jouer.

Wangji s'assit sur le banc avec lui. Le sang-mêlé reprit sa flute en-dessous de ses lèvres et continua son morceau à la fois mélancolique et joyeuse. Le regard du vampire resta fixé sur le jeune homme tout le long du morceau, détaillant tous les traits de son visage.

- C'est magnifique. Conclut-il, faisant sourire le brun.

- Merci, votre Majesté.

Leurs regards se croisèrent tandis que la lumière lunaire illuminait délicatement leurs visages. Une légère brise balaya leurs cheveux tandis que leurs bouches se rapprochaient dangereusement. Au fur et à mesure que les années passèrent, leur relation prédateur/proie s'était transformé en amitié. Les deux hommes s'étaient confiés l'un à l'autre, sur leurs histoires différentes, leurs envies, leurs craintes. Wangji avait trouvé le confident qui lui manquait. Etant un Prince, il ne faisait confiance à personne hormis ce mi-humain-mi-vampire devant lui.

Celui-ci le soignait, le rendait plus fort et de ce fait, devenait une partie de lui.

Il commençait à beaucoup tenir à lui et cela lui faisait peur. Il n'avait pas envie de le perdre. Bien que ce fut un sang mêlé, Wangji refusait pour rien au monde de se séparer de lui.

Alors que leurs lèvres s'effleurèrent presque, Wuxian rompit l'échange soudainement en se levant, la flûte bien agrippée entre ces mains.

- Nous devrions rentrer, votre Majesté.

Le Prince retroussa ses lèvres, frustré. Il venait de se faire rejeter. Cependant il compensa cette frustration par une requête habituelle.

- J'ai soif.

Wuxian acquiesça timidement et se rassit en tirant sur sa chemise blanche pour exposer son cou. Il se mit dos face au Prince. Le blond mordit à l'emplacement de ses entailles habituelles. C'était le seul moment de plaisir auquel Wangji pouvait se permettre avec Wuxian. Pouvoir sentir, lécher, croquer dans cette peau douce et accéder à cet élixir rien que pour lui l'emplissait de joie.

Trois ans passèrent. Les deux hommes avaient largement dépassé le stade d'une simple amitié. À l'abri des regards, au milieu de la nuit, ils s'embrassaient dans le lit sans lendemain. Leurs mains étaient fermement verrouillées sur le matelas tandis que Wangji menait la danse.

Wuxian se cambrait sous ses coups de rein. Il lâcha de longs soupirs, entrecoupés de gémissements étouffés. Ses yeux fixèrent le plafond, embués d'extase.

- Ce que nous faisons...Nous ne devrions pas faire ça... Vous allez bientôt choisir une épouse et vous marier. Haleta-t'il.

- Je ne me marierai pas. Répondit le Prince en mordillant légèrement les parties de son corps.

- C'est votre devoir pourtant. Que comptez vous faire ?

- Nous pourrions nous enfuir.

Le Prince blond pausa dans ses mouvements et fixa le brun sérieusement.

- Nous enfuir ? Répéta le sang mêlé.

- Wuxian, je-

.

- Monsieur Xiao Zhan... Pouvez-vous nous expliquer la raison de ce changement soudain ?

- Eh bien... Je souhaite vivre sans aucun regret alors... Ça a toujours été mon rêve de devenir idol et de galvaniser la foule.

- Quels sont vos points forts ? Chant, danse, musique ?...

Zhan hésita devant le visage terne des professeurs. Même s'il était déterminé à intégrer la classe de Yibo, il n'avait aucune expérience en chant ni danse. Il se souvenait juste qu'il avait pris des cours de flûte traversière lorsqu'il était plus jeune. Les regards sur lui, il se racla la gorge en priant que sa réponse soit la meilleure.

- Chant... Finit par répondre Zhan, une goutte de sueur dévalant sa tempe.

- Une démonstration ? Demanda une professeure.

Zhan fit un sourire forcé. Il fallait s'y attendre. Son coeur commençait à battre furieusement tandis qu'il rassembla toute sa concentration.

Il prit une grande inspiration. Les premiers sons s'echappèrent de ses lèvres. Au début faibles et timides, ils s'affinèrent tandis qu'il gagnait en assurance. Il ne pensa qu'à interpréter la chanson que sa mère lui chantais jadis. Une larme s'échappa de son œil sans qu'il ne s'en rende compte.

- Merci Monsieur Xiao. Interrompa un jury.

Zhan commençait à pressentir un avis négatif sur sa prestation. Il était submergé par les émotions et sa voix avait craqué par moment. Il se sentait pitoyable.

Les professeurs se concertèrent et prirent la parole après quelques minutes de murmures.

- Monsieur Xiao, vous avez encore du chemin pour perfectionner votre voix mais vous avez du potentiel. Nous avons été touchés par vos émotions à travers votre interprétation. C'est pourquoi nous sommes favorables à votre inscription à la section Arts du divertissement.

- Vraiment ? Je vous remercie ! Souffla le brun.

- Attention cependant, il ne suffit pas d'avoir un beau visage pour réussir dans ce milieu. Vous devrez vous surpasser chaque jour pour espérer vous faire une place. En êtes-vous capable ?

- Oui. Acquiesça Zhan. Je ferai de mon mieux.

.

- Je tiens à faire mes remerciements tout particuliers à Wang Yibo, qui m'a beaucoup encouragé à me dépasser et suivre mes rêves.

Zhan applaudit, toujours souriant, très vite suivi par le professeur et la classe. Les yeux étaient rivés sur le châtain qui peinait à croire ce qu'il se passait.

Celui-ci lâcha un soupir d'exaspération et finit par ricaner doucement, les yeux rivés sur le brun.

- Xiao Zhan, tu peux t'asseoir à côté de Yu Bin.

- Merci.

Le brun s'exécuta et prit place à côté de son nouveau camarade. Celui-ci dégageait une aura plutôt rassurante, voire innocente à sa grande surprise. Il contrastait énormément avec la plupart de la classe, qui paraissait plus distant et inaccessible au vu de leur statut. Zhan se sentit en confiance très vite et le salua.

- Enchanté de te rencontrer, Xiao Zhan. Je suis Yu Bin. Dit le jeune homme avec un sourire candide.

- C'est un plaisir. Répondit Zhan par le même enthousiasme.

Ils se serrèrent la main de façon très fraternelle, amorçant le début d'une bonne complicité. Cette poignée ne passa pas inaperçue sous le regard d'un certain châtain, dont les lèvres se retroussèrent sous l'énervement. Une légère veine pouvait se dessiner sur une de ses tempes alors qu'ils observait d'un mauvais oeil les deux jeunes hommes en plein fou rire. Il affina intentionnellement son ouïe pour écouter leur conversation.

- Alors c'est Wang Yibo qui t'a inspiré à venir ici ?

- Oui. Je suis un de ses premiers admirateurs ! Dit Zhan.

- Attention, en séances de pratique, il est sévère et exigeant. On le surnomme le Prince de glace. Ce n'est pas le Président de la section pour rien après tout. Chuchota Bin la main à côté de la bouche.

- Quoi, lui le Président ? S'esclaffa Zhan en jetant un oeil à Yibo.

Le brun cessa de rire immédiatement lorsqu'il rencontra les yeux noirs du cadet. Celui-ci le fixait méticuleusement depuis le début et il finit par lui décocher un sourire en coin, faisant comprendre à Zhan qu'il était en territoire inconnu. Les deux garçons se raclèrent la gorge et se retournèrent, voulant éviter d'énerver le lion aux cheveux châtains.

Zhan sentit son téléphone vibrer. Il checka la notification et le nom de Yibo apparut dans ses messages.

"Dans une heure, sur le toit."

Zhan savait qu'il allait passer un sale quart d'heure. Le châtain lui avait bien interdit de ne pas côtoyer de près les gens de sa classe, pour leur bien à eux deux.

.

- Comment tu as fait ? Demanda Yibo.

- Mmh ? Répondit Zhan assis sur le banc, le regard fixé sur ses chaussures.

- Changer de classe et postuler à la mienne, dont le taux de réussite est de 1%? Tu sais chanter, danser ?

- J'ai chanté... Et c'est passé...

Yibo se retourna face au brun. L'aîné leva la tête, croisant son regard en silence. Il s'approcha de lui et leva son menton de sa main droite. Il gloussa, l'air railleur.

- Menteur, tu les as charmés avec tes yeux. Avoue.

Zhan refusa de rentrer dans son jeu cette fois. Il lui répondit son sourire narquois.

- Je suis plus coriace que tu ne le crois.

Il balaya sa main d'un revers et se dirigea vers les escaliers.

Au même moment, il manqua de tomber alors que des visions du passé surgissaient violemment dans son esprit.

- Je ne les ai pas tués, tu dois me croire !

- Pourquoi devrais-je croire un chasseur manipulateur ? Tu m'as menti durant dix ans !

- Zhan !! S'écria Yibo en voyant le brun assis dans les escaliers, la tête entre ses mains.

Zhan gémissait de douleur. Ces souvenirs faisaient remonter en lui une tristesse infinie et une envie de mourir. Il pouvait ressentir les sensations sur sa peau. Le châtain se mit à côté de lui et le tint, l'empêchant de s'évanouir.

- Je... Ne les ai pas... Tués... Murmura-t'il.

Yibo tressaillit et comprit que les souvenirs de Wei Wuxian commençaient à s'intensifier. Ce moment, il s'en souvenait clairement. C'était un jour d'hiver. Une bataille sanglante avait éclaté. Le Prince, empli d'une haine aveugle, réclamait la tête de Wei Wuxian.

Les vampires se jetèrent sur le dénommé mais aucun ne parvint à le blesser. Depuis le début, le monde avait été dupé sur sa véritable force. Le frêle humain innocent et timide n'était qu'une façade pour masquer son véritable plan.

- Wei Wuxian ! Rugit Wangji.

Une fois les autres à terre, il ne restait que le Prince. Celui-ci avait coupé ses cheveux blonds mi-longs, autrefois symbole de sa beauté. Des larmes noires se dessinaient sur son visage crispé de vengeance.

Wei Wuxian se retourna au son de sa voix, la flûte enchanteresse dans ses mains. Le regard méprisant, il dévoilait là son véritable visage.

- Votre Majesté... Dit il moqueur. Un sourire narquois s'ensuivit tandis que son œil rouge s'embrasa.


Yibo sentit ses mains se raidir sous la colère. Il en voulait toujours à Wei Wuxian pour avoir détruit sa vie.

- ZhanGe. Réveille toi.

Le brun commençait à transpirer. Le châtain le secoua, espérant que le pire n'arrive. Zhan réouvrit les yeux et prit une grande inspiration.

- De quoi te souviens-tu ? Demanda le plus jeune.

- Je ne sais pas... Déclara Zhan encore sous le choc.

- Eh ! Le cours va commencer ! Venez vite. S'écria une voix plus bas.

C'était Yu Bin, le voisin de Zhan.

Les deux garçons sur les escaliers se regardèrent un moment puis descendirent silencieusement.

- Zhan, ça va ? Demandait Yu Bin en remarquant le visage pâle et transpirant du brun.

- Oui oui.

Yibo partit froidement sans mot, laissant les deux dans le couloir. Yu Bin était intrigué.

- Il est arrivé quelque chose avec Lao Wang ? Il t'a dit des choses ?

- Ça va aller. Mentit Zhan.

Leur amitié ne tenait plus qu'à un fil. Le brun était encore loin de se douter des secrets que sa véritable identité renfermait.

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