Chapitre 5 : la Terre, Elle se nomme Grita 2/5


Mac

La traversée de la forêt ne semblait pas affecter l'androïde, elle avançait sans fatigue et sans cesse avec le même rythme. Elle savait exactement où passer.

Au contraire, Mac souffrait de la chaleur et ses habits n'avaient toujours pas séché. Des perles de sueurs migraient de son front jusque dans son cou et laissaient une sensation désagréable de picotements. Il ne savait plus si c'était la transpiration ou les moustiques qui piquaient sa peau moite.

Il jalousait la brune qui sans difficulté se mouvait dans l'enchevêtrement de lianes et de troncs couchés. Alors qu'il esquivait une branche souple que Grita venait de relâcher, il la vit se figer au milieu de la trace et pointer une arme vers la végétation devant eux. Elle était très concentrée. L'androïde se déplaça d'un pas discret sur sa droite et tira. Elle se redressa satisfaite et déclara sur un ton suffisant :

Je déteste les animaux...

Mac releva un sourcil d'incompréhension avant d'entendre un bruit de feuilles chiffonnées et de branchages cassés. Un léger boum sourd s'écrasa devant Grita. Elle reprit la route laissant à son otage le loisir d'observer ce qu'elle venait d'enjamber. Un oiseau grand comme un homme, au bec osseux et coloré, même dans la nuit. Son plumage noir scintillait.

Tu dégommes tout ce que tu détestes ? hurla-t-il.

Cette femme robot ne possédait aucune morale, aucun état d'âme, elle le révulsait. Elle le saisit par le col et le plaqua contre un tronc, elle colla ses lèvres contre ses oreilles :

Non, puisque tu parles encore... Suis-moi, ne t'éloigne pas et surtout tais-toi ! Cette bête nous aurait attaqués de toute façon. Les griffes de ces oiseaux font des dégâts mortels, même pour une machine comme moi.

— Ilaurait pu s'envoler, qu'est-ce que t'en sais ?— Cetanimal ne vole pas. C'est un casoar. Il court, plus vite que toi, avec tesguiboles de pantin.

*

Mac subissait l'air lourd comme un long supplice duquel il pensait ne jamais s'en échapper. Il haletait à chaque pas et rêvait de tremper ses lèvres dans un verre d'eau fraîche. Chose saugrenue, lui qui aimait crier sur les toits que : « Boire un truc qui rouille ? Faut être fou ! Moi, je ne bois que ce qui conserve. »

Il mastiqua plusieurs fois sa joue déshydratée avant de se lancer.

— Il reste de l'eau ? J'en peux plus.

— Plus beaucoup, dit-elle en secouant la gourde.

— Donne-m'en s'il te plaît. Je suis à bout.

La voix de Mac grinçait comme une grosse pierre que l'on traîne.

Grita était fraîche comme en plein hiver, juste quelques feuilles coincées dans ses cheveux témoignaient de l'effort qu'ils fournissaient.

— Non. Nous sommes bientôt arrivés, claqua-t-elle.

— Qu'est-ce que tu t'en fous ? Tu es une putain d'androïde, tu n'en as pas besoin, répliqua Mac, énervé.

— Tu crois que c'est comme ça que je vais t'en donner ? Tu es mon captif, vieux croûton.

Elle se posta devant lui et retourna la gourde, le précieux liquide s'échappa par terre.

Mac la lui arracha. Il colla le goulot à ses lèvres blanchies pour essayer d'en extraire une quelconque dernière goutte.

— Tu n'es qu'une connasse ! Tu le sais ?

— Tu es si généreux en compliment que je vais prendre la grosse tête. Calme-toi un peu où je vais penser que tu me fais des avances. — Elle lui attrapa les mains toujours agrippées à la bouteille, et fixa les menottes dans un geste souple. — Allez, bouge-toi, ordonna-t-elle en tendant le bras pour lui montrer quelle direction il devait suivre.

Mac regarda ses poignets liés par le champ de force bleuté et souffla, las, il venait encore de se faire avoir. Grognon, il avança dans la direction que lui avait indiquée Grita. Le bruit de pales au-dessus de leur tête annonçait qu'ils étaient enfin arrivés. Grita donna un petit coup dans le dos de son otage, le propulsant en dehors de la forêt. Les pieds de Mac percutèrent lourdement l'asphalte.

Face à lui, tout un pan de la forêt avait été anéanti. À perte de vue, une étendue de goudron, de hangars et de parkings accueillait le plus grand arsenal militaire qu'il lui avait été donné de voir. Chars, bus, engins aéronautiques, canons, drones, missiles et soldats se comptaient par centaines, le tout remuait comme dans une fourmilière en activité.

Le bruit des pales au-dessus de leur tête le força à se baisser. Le vent souleva des volutes de terre rouge qui lui irritèrent les yeux. Il plaça sa main en visière, se retourna sur l'androïde pour la questionner. Cependant, tout ceci était trop, trop fou, trop affolant, qu'il ne put lui demander que signifiait tout ceci. Grita sourit lorsqu'elle perçut l'incompréhension totale défiler dans les yeux de son otage. Pour Mac, même elle trouvait ce déploiement impressionnant.

Elle interpella d'un geste de la main une équipe en Jeep qui passait devant eux, les forçant à s'arrêter. Les soldats la saluèrent.

— Commandant Grita. Bon retour à la maison. Que pouvons-nous faire pour vous ? demanda le militaire le plus chargé en barrettes.

— Commandant,rien que ça ? Moi qui pensais avoir à faire avec une mercenaire, grinça Mac— Jele suis toujours. Avance.

Grita ouvrit la portière arrière.

— Faites-moi de la place. Je suis pressée. Toi, pousse-toi, aboya-t-elle sur un jeune troufion assis à l'arrière.

Il décampa aussitôt, ses entrailles prêtes à lui sortir par la bouche. Mac sourit en se disant que cette Grita savait se faire apprécier de tous. Elle empoigna le roux et le hissa à la place faite vide. Puis elle grimpa au côté du sergent en lui ordonnant :

— Au QG ! Maintenant !

— À vos ordres ! C'est un plaisir de vous revoir, commandant.

— Pas la peine de me lécher les bottes, trou du cul, explosa Grita dans un rire gras et mauvais.

Le quartier général se situait sur les bords du même fleuve qu'ils avaient croisé. De grands arbres centenaires se dressaient au milieu des marécages qui lorgnaient les rives. Ces arbres noueux prenaient des formes que Mac n'avait jamais vues. Certains portaient des gravures tribales et formaient même de véritables temples. Sous les racines du plus immense et du plus fabuleux, on avait monté un camp militaire élaboré et hautement sécurisé.

Ils passèrent trois check-points avant de descendre du véhicule et de pénétrer au travers des racines et des branches. Sous l'arbre se cachait une grotte monstrueuse dont le fond, comme une bouche géante, semblait sans fin. La Jeep les déposa à l'entrée d'une guérite gardée par une dizaine de soldats. Grita appela deux d'entre eux, qui revenaient de leur pause.

— Hey vous deux ! Les puddings sur pattes. Venez.

— Commandant Grita ! dirent de concert les militaires qui se mirent au garde à vous.

Leurs regards fuyants prouvaient qu'il ne supportait pas la femme robot, mais qu'étant leur supérieure ils lui devaient le respect et l'obligeance.

— Emmenez ce prisonnier aux cellules de hautes sécurités, ordonna-t-elle en envoyant Mac dans leur bras.

— Non ! Non ! Grita ! Où m'amènent-ils ? Je reste avec toi !

Il en avait assez d'être trimballé comme un moins que rien, de se retrouver encore une fois les mains liées, et coincé derrière des barreaux. La compagnie de l'androïde lui parut plus plaisante que l'enfermement.

— Eh beh !, mon p'tit rouquin... je ne savais pas que je te faisais cet effet. Mais je t'assure là où tu vas, c'est bien plus agréable pour toi qu'auprès de moi ! Et j'ai besoin de vacances ! Franchement, la sueur, les phéromones, les pleurs, les sécrétions, très peu pour moi.

— Commandant, devons-nous lui apporter des vivres une fois en cellules ?

— Oui, apportez-lui de l'eau. Mais, personne n'est autorisé à le visiter exceptés Monsieur White et moi.

White. Dans l'hélicoplanneur, il avait entendu Archi... Pouvait-il s'agir de... ? Qu'est-ce que l'homme d'affaire, multimilliardaire, actionnaire de l'alliance pacifique venait foutre là ?

— Grita !C'est Archibald White ton patron ? hurla-t-il.— Enpersonne, et il a hâte de te revoir.

Les soldats trainèrent Mac dans la pénombre de la grotte et dans une nuée de protestations.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top