CHAPITRE 2 : Yggdrasil, le murmure du passé 7/7
Tim
Tim se redressa sur ses talons, prêt à détaler. Devant lui un homme au teint hâlé et aux oreilles pointues le dévisageait, avec un certain écœurement. Ses sourcils épais se fronçaient et obscurcissaient davantage les iris noirs qui le scrutaient.
— Bon, il est vivant. On fait quoi maintenant ? fit une petite voix sur sa droite.
Tim se retourna vivement vers la voix féminine. Sa bouche s'ouvrit, sa mâchoire inférieure se décrocha. Il déverrouillait clairement. Ses yeux le trompaient, Tim en était convaincu. La voix venait d'un tout petit bout de femme. Plus foncée que l'homme à ses côtés, elle faisait la taille d'une pomme à tout casser. La petite créature se déhancha tout en croisant ses bras.
— Tu lui as fait peur, Fabiola, pesta l'homme aux longues oreilles.
— Ah, maintenant c'est Fabiola ! railla la minuscule femme.
Tim se carapata à plat ventre et s'élança loin des individus. Une force le souleva de terre, et l'immobilisa à quelques centimètres du sol. Il n'arrivait à bouger aucun membre. La force inconnue le ramène vers l'homme et la minuscule femme.
— Non ! Maintenant, c'est toi qui lui fais peur. Comment gagner sa confiance, si on le traite ainsi ?
— Et que proposes-tu ? Il tentait de s'échapper ! Tu imagines si on le voit déambuler dans les campagnes.
— Enfin, ça, c'est s'il survit à la faune du coin.
— Tu ne m'aides pas.
— Libé..rez... moi.
— Oh ! il parle.
— J'entends, kréture.
Je vais essayer de la faire parler encore.
Tim entendit un « crac », et son cerveau vrilla tellement qu'il crut saigner du nez.
La femme faisait désormais la taille d'une adolescente et montrait les crocs. Il prit le temps de l'examiner malgré la stupeur. Elle avait un visage félin, de grands yeux sombres ; où brillaient une multitude de paillettes or et ocre. Ils étaient en amandes, mais son rictus animal les rendait presque bridés. Elle avait de longues oreilles délicates et une chevelure rougeoyante.
Il ne savait pas où il avait atterri. Était-ce un mauvais songe ou avait-il pris un sérieux coup sur la tête ?
— Moi, Fabiola. Nous, gentils, articula-t-elle en désignant Toth et elle.
— Li ...bé..rez, bafouilla-t-il.
— Tu l'effraies, pesta l'individu masculin.
Ce dernier agita ses mains et Tim retrouva sa liberté. Il laissa la petite femme l'approcher.
— C'est plutôt toi qu'il lui fait un drôle d'effet. Tu crois qu'il est cassé ? demanda-t-elle, sérieuse, avant de lui abattre un bout de bois sur le crâne.
Tim saisit le bâton, l'arracha des mains de son agresseuse et le pointa vers les inconnus.
— Calme. Baisse ton arme, l'étranger.
— Qui me dit vous n'allez pas me faire du mal ? Cette chose m'a déjà frappé une fois.
— À cause de toi, il est apeuré, Kréture.
— C'est surtout ta face qui le secoue ! Moi, si c'est la première chose que je vois en arrivant, je repars direct, pouffa la fille.
Tim le sentait, ces deux-là ne s'aimaient pas beaucoup. L'homme aux appendices otiques lui tendit une main pour l'aider à se redresser. Tim la prit, hésitant, au contact de la peau, tout lui sembla plus vrai. Il ne sut comment, mais il avait voyagé jusque-là.
— Je t'assure, nous ne te voulons aucun mal. Du moins, tant que tu te montres coopératif. Je suis Toth, fils de Thuin, mage de la cour du Roi et de la Reine, si célestes Alfes ! Protecteurs du peuple.
— Pfff, comme s'il connaissait tout ça ! Il vient de Milfheim, il n'entend rien à nos histoires de titre. Elle se présenta alors. Moi c'est juste Fabiola, je ne suis pas pompeuse et lourde comme l'autre démon.
Tim vacillait entre toute une palette d'émotions ; peur, surprise, angoisse, curiosité, incompréhension. Il rêvait, inconscient ou plongée dans un coma artificiel en attende de jugement ou de son exécution. Son esprit lui jouait un tour cruel et farfelu. Puis, il pensa à Mac, la milice l'avait arrêté. Tristesse. Lui, avait eu la chance de leur échapper, et une petite voix lui intima, que ce n'était pas ici, qu'elle le chercherait. « Mac, mon ami. On se retrouvera. »
— Je n'ai aucune garantie de votre bonne foi. Qu'est-ce que je fous ici ? Et c'est où cet ici ? — Nous en savons autant que toi. La seule chose certaine à ce moment, c'est que tu as traversé l'Arche jusqu'ici, Yggdrasil, notre monde, expliqua Toth.
— Très bien, je n'ai pas le choix, je dois vous croire sur parole, apparemment. Je vous préviens, à la moindre entourloupe je vous saigne.
— Tu ne nous sembles pas bien dangereux, humain. Même Fabiola pourrait t'immobiliser. Alors un mage comme moi... donc, quel est ton nom ?
— Tim, Heltsen.
Les deux ennemis tendirent le cou pour attendre plus d'explications. Tim ne savait pas quoi raconter, les derniers événements étaient bien trop mystérieux, il devait d'abord faire le point. Imagination ou réalité ?
— Bon, Tim, l'humain. Pour démêler ce mystère, nous devons t'emmener au Palais Lumière. Je préférais faire cela sans utiliser la force ou la magie, tu as compris ?
— Je crains que oui.
Une seule explication lui paraissait possible, il délirait, allongé dans un caisson de stase, au sein d'une quelconque prison du Grand Atlantique, même s'il doutait qu'une telle technologie existait sur Terre. Son cerveau devait souffrir, se lyser et le déversement de toxines ou de drogues inconnues lui permettait de concevoir une réalité parallèle. Pour preuve, les étrangers parlaient sa langue.
— Avant de prendre la route, j'ai besoin de savoir : comment parlez-vous ma langue ? se lança-t-il.
Toth et Fabiola échangèrent un regard surpris.
— Non. C'est toi qui uses la nôtre. C'est à nous de te demander où l'as-tu apprise, répliqua le mage.
Tim reconnut que la matière grise était un organe bien fait, son subconscient palliait à cette incohérence et lui apportait une réponse satisfaisante lui permettant de s'évader plus profondément dans le fantasme.
— Je n'ai rien appris. Dans ma tête, c'est bien ma langue maternelle qui résonne. Je vous comprends parfaitement et je vous réponds naturellement, se vit dire le jeune homme, sans réellement vouloir le formuler ainsi.
Il se persuadait que tout était vrai, il souhaitait échapper à son avenir. Il s'en voulut d'être aussi faible et de continuer dans la folie.
— En voilà une chose particulière. N'est-ce pas, mage ? fit Fabiola.
— Tu as raison. Je n'ai pourtant pas d'explication. Peut-être nous mentirait-il ? Je ne pense pas que ce soit le cas. Regarde-le, il ne fait pas peur pour un sou, renchérit Toth.
— Je suis juste en face de vous, si vous n'avez pas remarqué.
— Je suis d'accord avec le mage. Tu ne possèdes ni cornes ni armure effrayante. Tes yeux sont dépourvus de malice et tes mains ne se terminent pas par des griffes... Et ta voix me semble trop douce pour que tu sois l'engeance des démons. Nous n'avons pas de réponse sur ta capacité à nous comprendre et à t'exprimer correctement dans notre langue, mais ce n'est pas le seul mystère qui t'entoure. Si nous voulons des réponses, commençons par les chercher auprès de nos souverains, déclara la rousse.
— Merci de ton soutien, Krétur, la félicita Toth.
— Si je comprends, je n'ai pas bien le choix, se résilia Tim.
— Très bien, dans ce cas ne perdons pas de temps. Nous allons marcher, ainsi, tu pourras te ménager, n'oublions qu'il y a quelques instants tu étais inconscient et j'ai du chasser l'eau de tes poumons, conclut le mage en lui désignant la mare au pied d'une Arche.
L'Arche. La même que dans le glaçon. Un doute le traversa, peut-être qu'il ne rêvait pas, qu'il avait bien atterri autre part, loin de la Terre, ailleurs. Encore indécis sur ce qu'il lui était arrivé, Tim adressa au dénommé Toth un regard plein de gratitude et acquiesça. Il ne se sentait pas au meilleur de sa forme, sans l'intervention du mage il serait sûrement mort noyé, et même si c'était dans un construct de son esprit, il ne parierait pas sur sa propre mort. Il se demanda comment s'y était pris Toth, mais, ce qui l'intriguait le plus à cet instant, outre le fait de ne pouvoir distinguer la réalité du songe, c'était la nuance qu'il perçut dans les paroles de son interlocuteur. Il insinuait un autre sens : marcher, au lieu de courir ? Non, c'était autre chose.
— Marcher ?! s'exclama Fabiola. Argh ! On va mettre presque une demi-journée pour y arriver. Tu ne sais pas voler, humain ?
— Voler ? s'étonna Tim.
Tout était possible. Même d'avoir été projeté dans un monde inconnu, de rencontrer deux personnes physiquement hors de commun, de voir une minuscule femme grandir en un claquement de doigts ; alors, pourquoi ne voleraient-ils pas ?
Toth roula des yeux, il n'eut pas la force de reprendre une énième fois la Kréture. Lui, courait vite, mais ne volait pas, alors un humain... Il dévisagea ses compagnons, cette histoire était loin d'être résolue. L'Alfdarh ouvrit la marche d'un pas sûr et décidé. À ce rythme, ils arriveraient à Alfbreid à la tombée de la nuit.
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