Prologue
Il paraît qu'au cours de sa vie l'homme subit trois crises existentielles.
Pour ma part, avant que toute cette aventure ne débute, je n'en étais qu'à ma première.
Beaucoup affirment que l'adolescence est la période de tous les doutes, mais c'est faux. Le début des problèmes pointe le bout de son nez lorsque toutes les questions finissant par plus tard se métamorphosent en maintenant.
Contrairement à d'autres, je suis chanceuse d'avoir des parents avenants et compréhensifs. Ils comprennent parfaitement que me mettre la pression est inutile, je le fais suffisamment seule.
Pourtant, il y a trois mois de cela, ils ont pris une décision radicale, brève, incisive.
Je me sentais vide. Dépourvue de tout rêve ou ambition, larguée entre mon échec et l'angoisse de tenter ma chance dans un autre domaine. Comme la plupart des matins depuis une ribambelle de semaines, je m'étais simplement redressée sans quitter ma couette. Dos contre le mur, j'étais assise sur mon lit, contemplant le plafond sans penser aux heures de cours que je manquais. C'est alors que ma mère a fait son apparition. Je me souviens que son entrée était assez fracassante pour que la musique qui torturait mes tympans ne puisse la dissimuler. Une valise à chaque main, elle s'est approchée de moi le visage sévère.
C'est comme cela que tout a commencé.
Leur nom, leur âge et leur tempérament étaient les seules connaissances dont je m'étais munie en intégrant la colocation de mon frère. Mes parents s'étaient concertés, ils savaient que Cédric avait toujours été doué pour me remonter le moral et il était hors de question de passer une journée de plus à me voir ruminer. J'avais raté ma première année d'études supérieures, c'est un fait. J'avais cessé de me battre certes, néanmoins je n'allais pas cesser de vivre pour autant.
Enfant, Cédric était un véritable petit tyran. Séparés par trois ans d'écart, il m'a infantilisé toute mon adolescence.
Je l'observais jouer de ses meilleures cartes dans le monde des grands, toujours avec une facilité exaspérante. Je le jalousais autant que je l'admirais. Puis, j'ai grandi à mon tour et j'ai réalisé. La facilité n'était qu'une façade, je préférais m'arrêter sur ses victoires plutôt que sur ses efforts. Mon frère connaissait tout, comprenait tout, je ne pouvais pas admettre qu'il était aussi humain que je ne le suis.
J'ai eu du mal à lui dire au revoir. Mes parents perdaient le petit prodige de la famille, il ne restait plus que moi et la chambre vide au bout du couloir. Plus de rires jusqu'aux aurores, plus de bagarres pour récupérer la télécommande. Simplement des messages bateaux accompagnés de post sur les réseaux sociaux qu'il se sent obligé de me partager afin de garder le contact.
Je n'ai pas osé dire qu'il m'avait manqué alors, lorsqu'il m'a trouvé sur son pallier, je me suis contentée de sourire. Mon frère a été plus courageux que moi, il m'a prise dans ses bras. J'aurai sûrement dû être mal à l'aise, toutefois, l'espace d'une seconde, je me suis sentie à la maison en croisant ses yeux noisette.
Quelques instants plus tard, je rencontrais tout le beau monde peuplant les chambres de l'appartement et ma confiance s'évaporait. La sensation était similaire à se retrouver dans une soirée peuplée d'inconnus avec un accompagnateur disparu.
Laissez-moi vous présenter ceux contre qui je dois lutter pour monopoliser la salle de bains.
Tout d'abord, comme vous vous en doutez, Cédric. Il a aujourd'hui vingt-deux ans et toujours pas de poils au menton, bien qu'avec les parents ont fait mine que c'est le cas. Il vient d'achever sa licence de... en fait je ne sais pas trop de quoi. J'ai beau lui avoir demandé plusieurs fois, sa formation est compliquée à comprendre, depuis le temps, je crains de le vexer en posant à nouveau la question.
Tout ça pour dire qu'il s'en sort plutôt bien. Étonnamment, pour des frères et sœurs, nous ne nous ressemblons pas. Un grand blond à la peau presque mate et une brunette d'un mètre soixante, pâlotte.
En seconde position, l'ambassadeur de cette colocation sans qui rien ne ce serait fait, Damien. C'est le meilleur ami de mon frère depuis le lycée. Je le connaissais vaguement avant mon arrivée ici. À notre rencontre, son homosexualité a suivi l'appellation de son prénom comme si cela allait de soi. Ce n'est pas par jugement, mais par surprise que je suis restée bouche-bée quelques instants. J'ai ensuite balbutié "Enchantée Alana, je suis principalement attirée par Dylan O'brien, si toi aussi nous nous entendrons bien". Il m'a souri puis nous sommes passés à autre chose.
Plus tard, j'ai questionné mon frère sur cette entrée en matière originale. Cédric m'a répondu que le garçon préférait être déçu en l'annonçant dès le départ plutôt que d'appréhender qu'on le repousse pour cela par la suite.
Pour conclure le quatuor dans lequel je me suis immiscée, il nous reste Daphnée et Olivia.
Bien qu'elle ne le sache pas, Cédric est dans un état second au moindre contact avec Daphnée depuis le collège. Quand nous étions petits, il aimait se faire passer pour un superhéros en ma présence. Rien ne semblait lui résister jusqu'au jour où nous l'avons croisé au supermarché. Ils avaient douze ans et moi huit, pour la première fois mon frère avait perdu sa langue. On ne discernait que les syllabes de ses phrases, un camion de pompiers n'aurait été d'aucune utilité face au feu qui lui montait aux joues.
J'ai su ce jour-là que cette fille était spéciale à ses yeux et qu'elle le resterait bien longtemps. Dix ans plus tard, ses phrases sont à présent compréhensibles, néanmoins on ne peut toujours rien faire pour ses joues.
Daphnée est une artiste. C'est vague j'en ai conscience, toutefois elle dessine, peint et chante à la perfection. Je ne pourrais la cataloguer dans un seul domaine. Elle a perpétuellement le visage recouvert de peinture et d'aquarelle. Le tablier offert par sa mère, à son entrée à la fac, est tacheté de toute part, pourtant elle s'entête à le garder. C'est un peu devenu sa marque de fabrique.
J'aime les moments passés en sa compagnie, bien qu'ils soient rares. La majorité de son temps est dédiée à sa chambre inondée de musique dans laquelle elle s'enferme à double tour. Après chaque nouveau chef œuvre, elle nous réunit tous au salon pour une exposition rocambolesque que nous notons tel un jury.
Cependant, quand elle n'est pas en création, elle supporte les équipes de rugby de mon frère à la télévision avec lui et nous encourage dans nos projets. Cette fille est une bouffée d'air frais.
Mais ce petit vent de printemps est loin d'être ce qui définit le mieux Olivia. Je ne la déteste pas, bien au contraire, je peine simplement à la cerner par moment. Avant mon arrivée, c'était elle la petite nouvelle. Elle a deux ans de plus qu'eux et un master de marketing en poche. Olivia a la grande classe, je dois le reconnaître. Elle est toujours perchée sur des talons hauts. Un costume parfaitement taillé magnifie sa silhouette tandis que ses cheveux sont tirés par un chignon sophistiqué. Elle est de ces filles grandes, élancées, à la taille de guêpe aussi sublimes que jalousées.
Je ne sais pas grand-chose à son sujet, à part simplement qu'il y a un an, Cédric avait quelques soucis financiers et l'idée d'accueillir un nouveau colocataire s'est imposée à eux. Olivia s'est révélée être un salaire en plus qu'ils ne pouvaient refuser. C'est d'ailleurs Damien qu'il l'a débusqué car, si je ne vous l'avais pas dit, nous avons un petit génie de l'informatique parmi nous. Son rêve d'enfant était de créer ses propres jeux vidéos. Il y a un an la boite de marketing dans laquelle Olivia était stagiaire la contacter, lui a fait une offre. C'est ainsi qu'ils se sont rencontrés.
Maintenant les présentations faites, et si je vous contais l'histoire de notre mort ?
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