Chapitre 4

Une civilisation se dévoile enfin à nos yeux. C'est une ville fortifiée à l'allure singulière. Elle mélange moderne et ancien. Des buildings astronomiques encerclés de bâtisses moyenâgeuses.

L'entrée se divise en deux monumentales portes en bois. Wilfried nous clame la bienvenue chez eux.

-Voici Zéphyr mes amis, le centre de tous les royaumes ! Certains se plaisent à la nommer  capitale, toutefois ce n'est qu'un titre honorifique. C'est le seul endroit où vous pourrez trouver autant d'espèces rassemblées, les autres royaumes sont bien plus individualistes.

-Surtout veillez à ne pas vous faire remarquer, marmonne Ivaldie.

Des marchés ambulants nous accueillent au seuil du royaume. Le petit peuple s'agglutine devant les stands, négociant les prix. Certains échanges se transforment rapidement en échauffourées.

Dans cette immense allée poussiéreuse, je rencontre nombre de créatures étranges, pour la plupart hybrides. Ce tableau abracadabrantesque serait digne des images d'un livre pour enfant. Il est riche de couleurs, de magies et d'étrangetés. 

Mon souffle se coupe lorsqu'une femme à demi serpent me vante les sculptures faîtes mains de son inventaire. Aucun refus ni remerciement ne s'échappe de mes lèvres, je suis tétanisée. Ivaldie me défend de m'affoler, je dois garder le contrôle sur mes émotions. Obstinée par la promotion de son article, la vendeuse n'a aucune conscience de la panique qu'elle m'inspire. La naine la répudie courtoisement puis m'entraine en avant d'une main sur le hanche.

Daphnée en profite pour poursuivre le petit jeu qu'elle semble avoir instauré avec Wilfried.

-C'est une lamia n'est-ce pas ? Celle-ci provient tout droit de la mythologie grecque !

Le lycanthrope adresse un pouce en l'air à la blonde en signe de bonne réponse. Munie d'un soupir courroucé, Olivia croise les bras,

-C'est bon Daphépédia, tu ne vas pas, non plus, élucider les noms de tous les monstres ici présents ! À croire que cette situation t'amuses, ça me rend folle !

La naine ordonne à l'aînée du groupe de baisser le ton. Je saisis l'occasion pour offrir une messe basse à Olivia.

-C'est moi ou tout le monde nous dévisage ?

Cette impression me pèse depuis notre arrivée. Les passants semblent intrigués par notre petit groupe, néanmoins la curiosité reste éphémère. Ils flânent entre les étalages d'épices et de légumes sans s'exprimer. L'administratrice toise Damien,

-Bien sûr qu'il nous regarde, je ferais pareil à leur place !

Le malheureux change une fois de plus. Je m'agenouille pour porter le chat noir qu'il est devenu. Cédric resté silencieux, nous prend sous son aile. Son visage ne s'est pas déridé d'un trait, sa méfiance est intacte. Il me rappelle de me tenir près de lui. Daphnée, qu'on croirait de mèche, déglutie,

-Ne croisez le regard de personne, d'accord ? On ne sait à qui on se confronte. J'ai beau faire la maligne, je suis la mieux placée pour savoir à quel point la majorité de ces individus peuvent nous être mortels.

-Une moriturus?

La voix du boulanger retentit tel un écho dans l'esprit des citoyens. Nous maintenons la cadence.

-Qu'est-ce qu'une moriturus? j'interroge.

La foule se déploie en masse sur notre petit groupe. La naine ignore à la question. Elle s'évertue à nous ordonner d'avancer.

Cédric intensifie son emprise sur mon épaule. Damien, lui, harponne ses pattes de chat à ma chemise afin de ne pas tomber. C'est un véritable ras de marré humain ou l'équivalent, qui s'abat sur nous. Nous sommes comprimés puis cernés par des entités aussi improbables qu'horrifiantes.

-Regardez son poignet !

-C'est un miracle! 

Je comprends enfin que je suis à l'origine de l'émeute lorsque mes amis sont peu à peu écartés de la scène. Des bras viennent m'arracher à mon frère auquel je m'agrippe farouchement. Cédric se débat, il frappe, il hurle, sans succès. Ses cris se fondent parmi les exclamations de la foule jusqu'à devenir lointains. Impossible de situer la provenance de ses appels, je suis seule à présent.

On saisit ma main. L'immensité de l'homme déconcerte, je me contorsionne presque pour hisser ma vue jusqu'à son faciès. Le boulanger est reconnaissable à sa moustache guidon brune et ses broussailleux favoris roux, mais, plus encore, à son œil unique. Le cyclope expose mon bouclier à la foule,

-Les rois nous ont entendus chers amis ! Elle possède la marque ! Alana Pardrics a tenu sa promesse, la faiseuse de miracles est ici !

C'est l'affirmation de trop. Toute forme de civilité est soudain prohibé. On se bat pour m'atteindre. Je croule sous les louanges pourtant aucun d'eux n'est disposé à m'écouter. Les voix s'entrechoquent, ce n'est rapidement plus qu'un flot de syllabes et consonnes indiscernable. Je m'évertue à hurler le nom de mon frère en vain. La poitrine battant à tout rompre, je perds mes moyens.

-Oh par tous les sorciers ! Vous êtes Alana Pardrics? Je suis Archibald Woods, votre plus grand fan !

J'abaisse lentement mon regard sur la partie inférieure de mon interlocuteur. Le rouquin qui me serre si vigoureusement la main est également cheval. Il pâlit en me voyant tourner de l'œil. Des griffes s'enfoncent dans ma peau. La charge sur mon épaule a diminuée. Damien se manifeste en corbeau et croie contre les assaillants.

-Alana Pardrics?

Un garçon encapuchonné s'est frayé un chemin jusqu'à moi. Sa cape noire le dissimule intégralement, à l'exception des yeux. Deux billes ébène qui se plantent dans mes pupilles.

-Je n'ai pas tout mon temps, je m'adresse bien à Alana Pardrics?

Je hoche la tête. Son irritation n'en est que plus accrue.

-J'aurai dû me douter qu'il me réserverait une fois de plus une partenaire incompétente...

L'étranger saisit du bout des doigts le cou de mon ami devenu rat et le pose au sol.

-Les changeurs de peau ne sont pas les bienvenus dans mes expéditions, ton compagnon prendra donc congé.

-Expédition ? Quelle expédit...

Sans la moindre approbation, il entrelace nos doigts. Je sens mon corps décoller du sol, c'est comme une grande bouffée d'air, un courant brutale. L'avant-goût est indescriptible, il ne dure qu'un battement de cil. Je n'ai pas le temps de céder à la crainte, la sensation de mes membres s'évapore jusqu'à la paralysie totale.

-Pitié ne t'évanouis pas durant la téléportation, j'ai déjà assez d'ennuis comme cela...

Nous nous volatilisons.

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