- Chapitre 8 -


-  I L   Y   A   T R O I S   M O I S   - 

Cela fait quatre mois, quatre longs mois qu'il n'est plus là.

Je n'ai pas touché à l'appartement depuis son départ, tous les recoins où il laissait traîner ses affaires me semblent maintenant horriblement vides. Je déteste ça.

Je m'arrête devant mes cactus entreposés près de ma fenêtre en buvant mon café avant de partir travailler et je ne peux pas m'empêcher de penser à tous les noms que M leur a donné un soir où il était légèrement éméché. Tandis que j'embrassais la peau brûlante de son cou, il s'est amusé à les nommer comme ses héros de mangas favoris en rigolant comme un enfant car il trouvait que leur noms scientifiques étaient impossibles à mémoriser.

C'est comme ça que ma petite Echinopsis obrepanda qui venait de fleurir s'est faite appeler Uchiwa. D'abord car comme presque tous les soirs, nous avions mis l'émission de radio de uchiwa qu'il adorait et ensuite car Sasuke uchiwa était l'un de ses personnages préférés et qu'il ne comprenait pas pourquoi il était tant stigmatisé. Ses petits délires du style me manquent tellement, il me manque.


Comme toujours en allant bosser, je passe devant Cafka en espérant l'apercevoir. Chaque jour, on s'y arrêtait pour qu'il aille se chercher un latte avant d'aller en cours.

Il n'est pas là, comme tous les autres jours. C'est comme s'il avait déserté tous les lieux qu'on fréquentait et ça me tue. Je ne le supporte pas.

Parfois je me dis que si je reviens toujours à tous ces endroits qui signifiaient tant pour nous, je serai forcé de le revoir.

Alors chaque jour, je passe devant Cafka, devant le magasin d'art dans lequel il pouvait passer des heures, la petite épicerie de la vieille dame avec qui il aimait discuter de l'actualité en m'attendant après les cours et le magasin d'un artiste allemand installé à Séoul depuis quelques années dans lequel il achetait toutes sortes de petites pièces délicatement forgées dans du bronze qu'il entreposait sur une étagère que j'avais montée dans le salon pour l'occasion.

Tous les jours, je tourne en rond, j'observe, j'inspecte chaque visage en espérant reconnaître le sien. Mais il n'est jamais là.

Tout comme sa présence, j'ai l'impression que tous nos bons souvenirs commencent doucement à s'effacer et ça m'horrifie. Je ne veux pas l'oublier, je ne le supporte pas. Je veux qu'il reste avec moi, je veux le retrouver, le serrer dans mes bras et tout recommencer encore une fois.

Assis dans ma vieille Cadillac, en face de Cafka, me vient une idée.

J'attrape une feuille volante qui s'est glissée entre mon siège et le frein à main et un bic qui traîne dans ma boite à gant et je commence à y inscrire les paroles qui me viennent en tête en pensant à lui. Après son départ, j'ai eu énormément de mal à écrire et à composer. Je me suis contenté de faire les arrangements. C'était comme s'il avait emporté avec lui toute l'inspiration qui me venait si facilement auparavant.

Et là, pour la première fois, elle est à nouveau là.

Je griffonne les paroles en un rien de temps puis je les observe les yeux brillants.

En arrivant au studio, je trouve tout de suite WooJin pour lui fourrer ma vieille feuille de papier sous le nez.

Mon frère est bien sur au courant de ma rupture avec l'un de ses meilleurs amis mais il fait en sorte de ne pas l'aborder, si bien que je me demande souvent si M n'a pas coupé les ponts avec lui en même temps que moi.

Il lit attentivement les paroles en se penchant en arrière sur son siège et en hochant la tête. Quand il finit par relever le regard, je me sens à la fois étrangement serein et légèrement nerveux car s'il accepte, M l'écoutera, j'en suis certain.

- C'est beau mais tu es sûr de vouloir partager ça ?

- Certain.


-  I L   Y   A   D E U X   M O I S  - 

La chanson est enfin terminée, nous avons fini les derniers ajustements aujourd'hui et je quitte le studio avec un léger sourire aux lèvres. Je ne sais pas ce que les fans de mon frère en penseront, si ce registre légèrement plus calme qu'à son habitude leur plaira mais en tout cas, ça m'a fait du bien de partager un peu de moi, de laisser couler, s'échapper un peu de ce qui n'allait pas.

Comme d'habitude, je m'arrête chez Cafka et commande un café.

Là-bas, j'observe une famille assise à une table dans le coin. Les parents discutent avec l'aîné de leurs enfants tandis que le plus jeune dessine sur une serviette avec un vieux bic que son père a sorti de la poche de sa veste. La mère caresse affectueusement et presque inconsciemment les cheveux de son plus jeune tout en souriant et en rigolant avec le reste de sa famille.

Ça me donne un frisson, c'est le genre de moment magique qui pourrait être anodin à première vue mais qui renferme une infinie tendresse. J'envie cette douceur, la douceur que l'on ressent quand on est avec les personnes que l'on aime.


Après avoir fini mon café et fait le tour du café du regard pour vérifier que M ne s'est pas installé avec une farde et un café pour bosser, je sors.

J'ai à peine fait quelques mètres dans la rue que je tombe sur la pire vision possible.

Sans réfléchir, je m'écarte pour me cacher légèrement derrière un motard qui vient de se garer et j'observe la scène qui se déroule devant moi, complètement impuissant et horrifié.

- Allez Nancy, arrête ton cirque, j'ai envie de prendre un café .

La blonde soupire et agite son bras ce qui me fait remarquer leurs mains jointes et leurs doigts entrelacés.

- Pourquoi on ne pouvait pas passer au Starbucks près de chez moi comme d'habitude. Je dois donner un cours de français dans une heure et j'avais envie qu'on passe un peu de temps ensemble avant, marmonne-t-elle exaspérée.

M pince les lèvres et lève les yeux au ciel en secouant la tête, je fais encore un pas en arrière pour être sûr qu'il ne me voit pas. Il finit par se tourner vers elle et glisse doucement le dos de sa main contre la joue bronzée de la française.

- On se dépêche d'accord ? Je prends un café rapidement puis on rentre et je serai tout à toi.

Elle fait la moue puis il dépose un léger baiser sur ses lèvres et elle finit par sourire. Elle glisse un bras autour de la nuque de mon M et l'oblige à se pencher pour coller à nouveau ses lèvres contre les siennes. Tandis que je les observe s'embrasser pendant quelques secondes, mon cœur se serre et les larmes inondent mes yeux. Une nausée me prend et je pose une main devant mes lèvres pour retenir mes hauts le cœur. Ils finissent par se décoller l'un de l'autre et se diriger vers le café en souriant sans me voir.

Je reste encore un moment sans bouger, mes jambes ne me répondent plus et j'ai l'impression que je vais m'effondrer si j'esquisse le moindre pas.

Pourquoi a-t-il fait ça ?

Pourquoi a-t-il fallut que je vois ça ?

L'univers en a-t-il contre moi ?

Après quelques minutes, je serre les poings et m'en vais sans me retourner.

Si je n'étais pas si choqué, cela en serait presque risible.

Après quelques mois, il a donc fini dans ses bras.

Je déteste ça.

Je ne comprends pas.

Pendant nos deux années ensemble, qui étais-je pour lui ?

Je ne lui manque pas ?

Pourquoi ai-je écrit une chanson pour lui ?

Ce n'est pas juste. 

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